Naviguer dans les chapitres de ce livre

LIVRE III L’UNION REALISEE ET SES RESULTATS - Partie 2

Dans la forme caractéristique (en prenant en considération le point particulier atteint par son développement ou son manque de développement) le sujet connaissant voit se révéler :

a. La somme totale de ce qui est acquis. Ce qui constitue le don du passé.

C'est, jusqu'à présent, l'accord le plus complet que puisse faire résonner l'âme de cet objet.

b. La gamme spéciale des qualités – résultant de la totalité de cet acquis – que la vie exprime à travers quelque forme particulière. Ceci représente la note du présent dans l'accord obtenu et que l'âme de l'objet a décidé de faire résonner.

c. Ce qui est latent et possible. Cette connaissance sera double, révélant premièrement les possibilités latentes qui doivent être développées par l'intermédiaire de la forme contemplée et, deuxièmement, les possibilités latentes susceptibles de s'épanouir à travers des formes diverses, au cours du présent cycle mondial. Ceci se rapporte aux développements futurs et donnera au yogi l'accord intégral, lorsque le grand cycle évolutif aura terminé sa carrière. [269]

15. Le stade de développement conditionne les diverses modifications de la nature psychique versatile et du principe pensant.

Ceci constitue une paraphrase, d'ordre très général, de l'idée impliquée, et offre le caractère d'un résumé des idées plus ou moins obscures que contient le texte. Les sutras qui font suite à celui-ci traitent (pour le restant du Livre III) des résultats de la méditation. Les sutras précédents considéraient les obstacles et les difficultés qui doivent être vaincus avant que la véritable méditation devienne possible. La clé de cette victoire, et la différence existant entre les aspirants au sentier, apparaissent dans ce sutra. La constatation de la place approximative que chacun de nous occupe sur l'échelle de l'évolution et la totalisation de son actif et de son passif, sont parmi les activités les plus utiles que puisse entreprendre celui qui prétend au titre d'aspirant. La compréhension du degré atteint et du pas suivant à faire est essentielle à tout progrès véritable.

Johnston traduit ce sutra en ces termes : "La différence de stade est la cause de la différence de développement", et poursuit en disant : "Le premier stade est l'arbrisseau, la chenille, l'animal. Le second stade est l'arbre en période de croissance, la chrysalide, l'homme. Le troisième est le pin splendide, le papillon, l'ange..."

16. La méditation concentrée sur la triple nature de chaque forme amène la révélation de ce qui a été et de ce qui sera.

Le sutra que nous considérons maintenant résume les [270] idées précédentes et il est intéressant de noter à quel point ce premier grand résultat de la méditation nous reporte directement aux faits exacts concernant la manifestation divine et met l'accent sur les trois aspects à travers lesquels s'exprime toute vie (depuis un atome de substance jusqu'à un Logos solaire). La grande loi de Cause à Effets, et le processus tout entier du développement évolutif sont reconnus, et ce qui est, est perçu en tant que résultat de ce qui fut. De même, ce qui adviendra plus tard est reconnu comme devant être le résultat de l'élaboration des causes mises en mouvement dans le présent ; on voit ainsi que le cycle de développement est un processus se déroulant en trois stades.

Ces trois stades correspondent, dans les trois mondes du développement humain, aux trois dimensions et il sera intéressant pour les étudiants de scruter les analogies entre les diverses triades en se souvenant que le troisième aspect (la substance intelligente), l'aspect du Saint-Esprit ou de Brahma, correspond au passé, (ce qui comporte une indication au sujet de la nature du mal). Le deuxième aspect (la conscience), ou l'aspect du Christ ou Vishnou, a trait au présent ; tandis que seul le futur révélera la nature de l'esprit, l'aspect le plus haut, ou aspect du Père. Grâce à une méditation concentrée, cette ligne de pensée deviendra claire et il se développera un sens de la proportion et un sens des valeurs convenant exactement au point présent du temps. Une récognition des rapports reliant toutes les vies les unes aux autres sera également développée, et la vie de l'aspirant se stabilisera et s'ajustera, de telle sorte que le karma passé sera liquidé et le karma possible de l'avenir annulé, tandis que le processus de libération se poursuivra rapidement. [271]

17. Le son (ou mot), ce qu'il désigne (l'objet) et l'essence spirituelle (ou idée) qui y est incorporée, sont généralement confondus dans le mental de celui-qui-perçoit. Par la méditation concentrée sur ces trois aspects survient la compréhension (intuitive) du son émis par toutes les formes de vie.

Ce sutra est l'un des plus importants du livre ; il contient la clé de ce qui est l'objectif du processus méditatif tout entier. Celui-ci consiste à révéler, ou dévoiler, à celui-qui-perçoit, ou homme spirituel, la véritable nature du soi – le second aspect – et sa correspondance avec le second aspect dans toutes les formes de la vie subhumaine, comme aussi à le mettre en rapport avec le second aspect, dans toutes les formes supra-humaines. Il concerne donc le côté subjectif de toute manifestation et traite des forces qui, en toute forme, constituent l'aspect conscience, se rapportent au Christ ou principe bouddhique et sont la cause directe de la manifestation objective, ainsi que la révélation de l'esprit par le truchement de la forme.

C'est le AUM. Le souffle d'abord, puis le mot, enfin tout ce qui est, est apparu.

Aussi longtemps que la grande Existence, qui est la somme de toutes les formes et de tous les états de conscience, continuera à faire résonner le AUM cosmique, aussi longtemps persistera le système solaire objectif et tangible.

Les synonymes suivants, se rapportant à ce sutra, doivent être gardés à l'esprit, si l'on veut clarifier la pensée : [272]

I. L'Essence Spirituelle

II. Le Son ou Mot.

III. L'Objet

1. L'Esprit.

1. L'Âme

1. Le Corps

2. Pneuma

2. La Psyché.

2. La Forme.

3. Le Père. Shiva

3. Le Fils. Vishnou

3. Le Saint-Esprit. Brahma.

4. La Monade. Le Un

4. Le Christ cosmique.

4. Le Véhicule de la vie et de l'incarnation.

5. La volonté ou Dessein éternel.

5. L'Amour-Sagesse éternel.

5. L'activité et l'intelligence éternelles.

6. Un grand Souffle unique.

6. Le AUM.

6. Les Mondes.

7. La Vie.

7. L'Aspect

Conscience.

7. L'Aspect activité.

 

8. L'Énergie synthétisante.

8. La Force attractive.

8. La Matière.

9. Le premier Aspect.

9. Le second Aspect.

9. Le troisième Aspect.

Dans le mental de l'homme ces trois aspects sont confondus : ce qui est extérieur et objectif est généralement reconnu comme étant la réalité. C'est là la grande maya, ou illusion, qui ne peut être dissipée que lorsque celui-qui-perçoit peut discerner les trois grands aspects en chaque forme, y compris la sienne. Quand le second aspect, l'âme, le principe médian ou médiateur est connu, la nature de la forme est également connue et on peut en déduire la nature essentielle de l'esprit. Cependant, le champ de connaissance dont le Yogi doit, dans l'immédiat, se montrer maître, est celui du second aspect. Il doit arriver au Son, au Mot, qui fit entrer toute forme en manifestation et qui résulte du souffle, ou essence de l'esprit.

"Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec [273] Dieu et le Verbe était Dieu. Toutes choses furent faites par Lui..." (Jean I. 1-2)

Là, dans la Bible chrétienne, se trouve la substance de tout l'enseignement et c'est dans la signification des trois lettres du Mot sacré AUM qu'est la clé du processus cosmique tout entier. Le processus de la méditation, s'il est dûment et correctement suivi, révèle donc le second aspect, ou aspect de l'âme, et le Son, ou Mot, (la Voix du Silence) peut alors être entendu.

Lorsqu'il a été entendu et que le travail a régulièrement progressé, le domaine de la conscience se révèle et le Yogi est en rapport avec le second aspect de sa propre nature et avec le second aspect dans chaque forme. C'est là, la base de toute la science de l'âme, et c'est ce qui amène l'homme à reconnaître sa propre âme, ou psyché, en chaque forme de la vie divine. C'est le fondement de toute la science du psychisme dans ses deux aspects, inférieur et supérieur.

Quand l'homme est un sujet psychique inférieur, il perçoit l'aspect âme des formes matérielles et il y réagit ; le troisième aspect, ou aspect de Brahma (le corps) domine alors, car chaque atome de matière a une âme. Ceci concerne tout ce qui est subhumain.

Quand il réagit à la correspondance supérieure de ce qui précède, dont ce qui est inférieur n'est que l'ombre, il entre en contact avec la conscience christique, c'est-à-dire avec l'âme de son être, qui est une avec l'âme de tous les règnes supra-humains.

À ce propos il faut se rappeler deux choses. Si l'homme est inférieurement psychique, il est en contact avec le second aspect de l'homme inférieur, le corps astral, principe médian [274] de l'homme inférieur, et qui relie le corps mental au corps éthérique. Il est, en conséquence, en rapport avec tout ce qui peut faire l'objet d'un contact sur ce plan.

Toutefois, s'il est un sujet psychique supérieur, il entre en rapport avec le second aspect de la manifestation divine, l'égo ou âme sur son propre plan, qui est le médiateur et le lien entre la monade et la personnalité, entre l'esprit et le corps.

Il est intéressant de noter ici qu'on peut trouver un indice de l'authenticité de ce qui précède dans les manifestations du psychisme inférieur telles qu'elles se présentent au cours d'une séance médiumnique de moyenne catégorie et dans le spiritisme de type courant. Le contact avec le plan astral est établi au moyen du grand centre qu'est le plexus solaire, lequel relie les trois centres supérieurs aux centres inférieurs. De là vient aussi le fait que les fleurs jouent un rôle si important dans les matérialisations ayant lieu au cours de ces séances, car le règne végétal est le règne intermédiaire des trois règnes infra- humains : minéral, végétal, animal. L'explication de la prédominance des guides hindous se trouve également ici, car ils sont en fait ces coquilles et puissantes formes-pensées laissées par la seconde des trois races strictement humaines : lémurienne, atlantéenne et aryenne. Il ne subsiste pas actuellement de formes-pensées lémuriennes, mais on peut encore trouver de nombreuses coquilles atlantéennes, conservées au moyen de certaines formes de magie atlantéenne.

Il s'ensuivra finalement, d'une méditation concentrée sur la différence entre ces aspects, l'audition de la Voix du Silence et un contact avec le second aspect de l'homme lui-même. Il se connaîtra en tant que "Verbe fait chair" et reconnaîtra qu'il est lui-même le AUM. [275]

Lorsque cela aura lieu, il entendra alors le Mot en d'autres unités de la famille humaine et s'éveillera à la récognition du son, tel qu'il est émis par toutes les formes, dans tous les règnes de la nature. Le domaine de l'âme s'ouvrira devant lui et ce fait, lorsqu'il s'étendra à la récognition du son dans l'ensemble des quatre règnes, amènera l'homme à se connaître en tant que Maître. La connaissance de l'âme et le pouvoir de travailler avec l'âme de toute chose dans les trois mondes, constitue la marque distinctive de l'Adepte.

18. La connaissance des incarnations précédentes devient accessible quand le pouvoir de voir des images-pensées est acquis.

La portée de ce sutra est considérable, car il donne la base permettant de retrouver la connaissance des expériences passées. Cette base est strictement mentale, et seuls ceux qui sont axés sur le mental – celui-ci étant maîtrisé – peuvent retrouver cette connaissance, si c'est là leur désir. Le pouvoir de voir des images-pensées ne vient que par la maîtrise du mental, et le mental ne peut être maîtrisé que par l'homme réel ou spirituel. En conséquence, seuls les gens centrés sur l'égo peuvent réellement acquérir cette connaissance. On pourrait demander ici : que voient donc ces gens qui, étant émotifs et non mentaux, prétendent savoir qui ils sont et pouvoir décrire les vies passées de leurs amis ? Ils lisent dans les chroniques akashiques et, comme leur maîtrise mentale et leur équipement ne sont pas adéquats, ils ne peuvent ni débrouiller ni vérifier avec précision ce qu'ils ont vu.

Les chroniques akashiques sont semblables à une immense [276] pellicule photographique enregistrant tous les désirs et expériences terrestres de notre planète. Ceux qui les aperçoivent y verront représentés :

1. Les expériences de la vie de chaque être humain depuis le début du temps.

2. Les réactions du règne animal tout entier aux expériences faites.

3. L'agrégat des formes-pensées de nature kamique (basée sur le désir) de chaque unité humaine au long du temps. Là réside la grande duperie de ces enregistrements. Seul un occultiste éprouvé peut établir une distinction entre une expérience réelle et les images astrales créées par l'imagination jointe à un vif désir.

4. Le "Gardien du Seuil" planétaire, avec tout ce que ce terme comporte et tous les agrégats de formes qui se trouvent dans son entourage.

Le voyant exercé a appris à dissocier ce qui appartient à sa propre aura de ce qui appartient à l'aura de la planète (celle-ci constituant réellement les chroniques akashiques). Il peut établir une distinction entre ces enregistrements qui sont :

a. Planétaires,

b. Hiérarchiques ou se rapportant au travail des douze Hiérarchies créatrices, en voie de concrétiser le plan du Logos,

c. Des formes imaginaires, résultant de l'activité des pensées-désirs de myriades d'humains qu'anime le désir d'une forme quelconque d'expérience,

d. La chronique historique se rapportant aux races, nations, groupes et familles dans leurs deux grandes divisions sur le plan physique et sur le plan astral. Il faut garder à [277] l'esprit le fait que tout être humain appartient à une famille physique qui constitue son lien avec le règne animal, et qu'il appartient également à une famille astrale. En raison de cette appartenance, il est relié, sur l'arc ascendant, à son groupe égoïque, et sur l'arc descendant au règne végétal.

e. La chronique astrologique, ou les formes assumées sur le plan astral sous l'influence des forces planétaires. Ces formes se répartissent en deux grands groupes :

1. Les formes ou images produites dans l'akasha par l'influx de la force solaire, par la voie des planètes.

2. Les formes ou images produites par l'influx de forces cosmiques de l'un ou l'autre des signes du zodiaque. c'est-à-dire des constellations qui leur correspondent.

Cette énumération a pour but de démontrer à quel point il est impossible que la majorité des prétentions se rapportant à des incarnations passées puissent avoir un caractère d'authenticité. Elles sont les résultats d'une vive imagination et d'un postulat prétendant que les éclairs de vision astrale qui révèlent des fragments de la pellicule akashique, présentent à celui qui les voit quelque chose le concernant. Ce n'est pas plus le cas que si, dans une grande ville, les gens et les activités contemplés d'une fenêtre étaient censés offrir à la vue du spectateur ses propres parents, amis ou entreprises.

La connaissance dont il est question dans le sutra s'obtient de trois façons :

1. Par une aptitude immédiate à voir les enregistrements, si on le désire.

Cette forme d'acquisition de la connaissance est rarement employée, sauf par les initiés et adeptes et en corrélation avec leurs disciples engagés. [278]

2. Par la connaissance directe des activités et relations de groupe du propre égo d'un homme. Ceci, cependant, ne s'applique qu'au cycle de temps qui débuta lorsque l'homme fit ses premiers pas sur le sentier de probation. L'importance des expériences antérieures à ces premiers pas, n'est relativement pas plus vitale qu'une seconde de la vie d'un homme âgé lorsqu'il se livre à un examen rétrospectif de sa longue vie. Tout ce qui importe est constitué par des circonstances ou des événements, et non par des heures ou des secondes particulières.

3. Par la vie de l'instinct. Ceci se base sur la mémoire, sur les facultés et les capacités acquises et sur la possession des qualités inhérentes à l'équipement de l'égo. L'égo sait que le pouvoir qu'il possède de faire ceci ou cela dans les trois mondes, est le résultat direct de l'expérience passée ; il sait aussi que certains effets ne peuvent être réalisés qu'en fonction de certaines causes, auxquelles il peut remonter grâce à une méditation concentrée.

Les images-pensées dont il prend conscience sont :

1. Celles qui se trouvent dans son aura au moment de sa méditation.

2. Celles qui se trouvent dans son entourage immédiat.

3. Celles de sa famille, de son groupe et de sa race actuels.

4. Celles de son cycle de vie actuel.

5. Celles de son groupe égoïque.

Ainsi, par un processus d'élimination, il se fraie graduellement son chemin en passant par des degrés successifs d'images-pensées ; jusqu'à ce qu'il arrive à la couche distincte de pensées impressionnées, où il est question du cycle auquel il est lui-même intéressé. Ce n'est donc pas simplement une perception de certains aspects des enregistrements, mais un [279] processus nettement scientifique, que seul connaît l'occultiste éprouvé.

19. Grâce à la méditation concentrée, les images-pensées dans le mental d'autrui deviennent apparentes.

Il faut se rappeler que le résultat des huit moyens de yoga est la formation d'un yogi ou d'un connaisseur bien entraîné. C'est en conséquence un homme qui s'attache aux causes et non aux effets. Il perçoit ce qui provoque l'apparition de ce qui est tangible, c'est-à-dire les pensées qui mettent en mouvement les forces de la substance et produisent finalement la concrétisation de cette substance.

L'emploi de ce pouvoir consistant à lire dans le mental d'autrui, n'est permis au yogi que dans les cas où c'est pour lui une nécessité de comprendre les causes sous-jacentes à certains événements, et cela uniquement dans l'intention de mettre intelligemment en œuvre les plans de la Hiérarchie et de l'évolution. Ici, ce pouvoir est analogue à celui de la télépathie, mais il ne lui est pas identique. La télépathie comporte la synchronisation d'un mental avec un autre mental et exige qu'ils aient établi des rapports entre eux. La faculté du voyant entraîné a plutôt le caractère d'un acte de la volonté et d'une manipulation de certaines forces lui permettant de voir instantanément ce qu'il désire, dans n'importe quelle aura et à n'importe quel moment.

L'objet de son investigation peut – ou non – être à l'unisson avec lui ; par une intense méditation et la mise en œuvre de sa faculté de vouloir, des images-pensées se révèlent. L'emploi de ce pouvoir est dangereux et n'est permis qu'aux disciples éprouvés. [280]

20. Quoi qu'il en soit, comme l'objet de ces pensées n'est pas apparent pour celui-qui-perçoit, il ne voit que la pensée et non l'objet. Sa méditation exclut ce qui est tangible.

Dans sa méditation, il n'est "éveillé" qu'à la substance de la pensée : sa propre chitta (ou substance mentale) et celle d'autrui.

C'est l'activité inhérente à cette chitta qui est la cause de l'apparition finale, sur le plan physique, des formes tangibles et objectives.

Tout ce qui apparaît est le résultat d'un événement subjectif. Tout ce qui est, existe dans le mental du penseur ; non dans le sens dans lequel on l'entend habituellement, mais dans le sens indiquant que la pensée met en mouvement certains courants de force. Ces courants de force passent graduellement à l'état de formes façonnées correspondant à l'idée du penseur, et ces formes persistent aussi longtemps que le mental du penseur s'y attache ; puis elles disparaissent quand il en "détache son mental".

C'est la nature de la force, ou courant de la pensée, qui est perçue dans la méditation concentrée. La forme qui sera finalement produite n'intéresse pas le voyant. Il sait, d'après la cause, ce que sera l'inévitable effet.

21. Par la méditation concentrée sur la différence entre la forme et le corps, les propriétés du corps qui le rendent visible à l'œil humain sont abolies (ou retirées) et le yogi peut se rendre invisible.

Pour le penseur occidental ce sutra est l'un des plus difficiles, [281] car il implique certaines récognitions étrangères à l'Occident. Il comporte premièrement la récognition du corps éthérique ou vital et son fonctionnement en tant que force d'attraction, maintenant en sa forme le véhicule physique dense. Grâce à ce substratum éthérique, le corps physique est reconnu comme étant un tout cohérent, pouvant être observé en tant qu'objet. Du point de vue de l'occultiste, c'est ce corps vital qui est la forme véritable, et non l'enveloppe tangible dense.

Grâce à la concentration et à la méditation, le yogi a acquis le pouvoir d'ancrer sa conscience dans l'homme véritable, ou spirituel, et de maîtriser le principe pensant. "Comme un homme pense, ainsi est-il" est une loi occulte, et il est aussi occultement vrai que "là où un homme pense, c'est là qu'il est". Un voyant entraîné peut retirer sa conscience hors du plan physique et l'axer sur le mental. Il peut à volonté "éteindre la lumière" et, quand c'est le cas, la visibilité est abolie et, (du point de vue de l'œil humain), cet homme disparaît. Il devient également intangible par rapport au toucher et inaudible par rapport à l'ouïe. Ce fait démontre la réalité de l'hypothèse selon laquelle rien n'existe que l'énergie, sous une forme ou sous une autre, et que l'énergie est triple ; en Orient, la nature de l'énergie est qualifiée de sattvique, rajasique ou tamasique. Ce qui se traduit par les termes :

Sattva

Rythme

Esprit

Vie

Rajas

Mobilité

Âme

Lumière

Tamas

Inertie

Corps

Substance

qui sont des différenciations, dans le temps et l'espace, de [282] l'essence- esprit unique, éternelle et primordiale. On peut suggérer que les correspondances occidentales modernes se retrouvent dans les termes :

Énergie

Esprit

Vie

Force

Âme

Lumière

Matière

Forme

Substance

La caractéristique dominante de l'esprit (ou énergie) est le principe vital, ce mystérieux quelque chose, qui est la cause de l'existence de toutes choses et de la persistance de cette existence. La caractéristique dominante de l'âme (ou de la force) est la lumière. Elle met tout ce qui existe en état de visibilité.

La caractéristique dominante de la matière vivante consiste dans le fait qu'elle se trouve sous-jacente au corps objectif et pourvoit à sa véritable forme. Il faut se rappeler ici que la base de tout enseignement occulte, et de tous les phénomènes, se trouve dans le texte suivant :

"La matière est le véhicule destiné à la manifestation de l'âme sur ce plan d'existence ; et l'âme est, sur une spire plus élevée de la spirale, le véhicule destiné à la manifestation de

 l'esprit." (La Doctrine Secrète, I. 80)

Quand l'âme (ou force) se retire hors de l'aspect matière (la forme objective tangible), cette forme n'est plus visible. Elle se dissipe temporairement et disparaît. Actuellement, ceci peut être accompli de façon satisfaisante par le voyant qui s'applique à concentrer sa conscience dans l'égo, l'homme spirituel ou âme et, par l'emploi du principe pensant et un acte de la volonté, à retirer le corps éthérique du corps physique dense. Ceci s'exprime par le mot "transfert" et implique : [283]

1. Un rassemblement de la vie, ou des forces vitales du corps, dans les centres nerveux du plan physique qui se trouvent sur le haut de l'épine dorsale.

2. Leur acheminement, depuis le haut de l'épine dorsale, jusqu'à la tête.

3. Leur concentration sur ce point et leur transfert subséquent le long du fil ou sutratma, par la voie de la glande pinéale et du brahmarandra.

4. Le voyant se trouve alors en sa forme véritable, le corps éthérique, lequel est invisible à l'œil humain. Lorsque la vision éthérique se développera au sein de la race, un transfert plus avancé deviendra nécessaire ; le voyant procédera alors, de la même façon, au retrait des principes vital et lumineux (les qualités de sattva et de rajas) hors du corps éthérique, et se trouvera être dans son corps kamique ou astral ; il sera donc, éthériquement aussi, invisible. Quoi qu'il en soit, ce temps est encore lointain.

W.Q. Judge, dans son commentaire, fait certaines remarques intéressantes en ces termes :

"Une autre grande différence entre cette philosophie et la science moderne, est indiquée ici. Les écoles d'aujourd'hui posent en règle que, si un œil sain est sur la trajectoire des rayons lumineux que réfléchit un objet – tel qu'un corps humain – ce dernier sera vu, et que nul acte mental de la part de la personne regardée ne pourra paralyser les fonctions des nerfs optiques et de la rétine de celui qui regarde. Mais les anciens hindous estimaient que toutes choses sont vues en raison de la caractéristique de Sattva – l'une des grandes qualités entrant dans la composition de toutes choses – qui se manifeste en tant que luminosité opérant conjointement avec l'œil, lequel est aussi une manifestation de Sattva sous un autre aspect. Les deux doivent aller de pair ; l'absence de [284] luminosité, ou sa disjonction d'avec l'œil du

 voyant, provoquera une disparition. Lorsque la qualité de luminosité est entièrement sous le contrôle de l'ascète, celui- ci peut, par le processus indiqué, le contrôler et, en conséquence, retrancher de l'œil de l'autre personne un élément essentiel à la vision de n'importe quel objet."

Ce processus en son entier n'est possible que s'il est le résultat d'une méditation concentrée et fixée sur un seul point ; elle est donc impossible à l'homme qui n'a pas passé par la discipline et l'entraînement prolongés que comporte le travail ayant pour objet la maîtrise du principe pensant et la mise en œuvre de cet alignement et fonctionnement immédiats, qui sont réalisables lorsque le penseur sur son propre plan, le mental et le cerveau, sont tous trois alignés et coordonnés par la voie du sutratma, le fil ou corde d'argent magnétique.

22. Le karma (ou effets) est de deux sortes : le karma immédiat, ou le karma futur. Grâce à la méditation parfaitement concentrée sur l'un et l'autre, le yogi connaît la teneur de son expérience dans les trois mondes. Cette connaissance provient aussi de signes.

Ce sutra peut être quelque peu éclairci s'il est lu en corrélation avec le Sutra 18 du livre III. Le karma dont il est question ici se rapporte principalement à la vie présente de l'aspirant ou voyant. Celui-ci sait que chaque événement de cette vie est l'effet d'une cause antérieure, engendrée par lui-même en une précédente incarnation. Il sait aussi que chaque [285] acte de la vie actuelle doit produire un effet (qui s'élaborera en une autre vie), à moins que cet acte ne soit accompli de telle sorte que :

1. L'effet soit immédiat et atteigne sa plus grande acuité au cours du laps de temps constitué par la vie présente.

2. L'effet ne comporte pas de karma, l'acte ayant été accompli en vertu d'un motif désintéressé, et mené à bien dans un complet détachement. L'effet désiré est alors produit conformément à la loi, mais n'entraîne pas de conséquences pour le soi personnel.

Quand le voyant entre en incarnation dans une vie où seuls quelques effets restent encore à neutraliser, et quand tout ce qu'il a déclenché est affranchi des liens du karma, il peut fixer un terme à l'expérience de sa vie et il sait que le jour de sa libération est proche. Par la méditation et l'aptitude à fonctionner en tant qu'égo, il peut atteindre le monde des causes et sait en conséquence quels actes il doit accomplir pour se libérer des quelques effets restants. Par la stricte attention qu'il accorde au motif sous-jacent à chaque acte de sa vie présente, il se prémunit contre des effets qui, d'une façon ou d'une autre, l'attacheraient nécessairement à la roue de la renaissance. Il se rapproche ainsi de son but, consciemment et intelligemment. Une connaissance directe inspire chacune de ses réalisations, de ses actions, de ses pensées, et aucune d'elles ne l'enchaîne.

Les signes, ou indices, dont il est question se rapportent principalement au monde mental, habitat de l'homme réel. Par la compréhension de trois choses :

a. Les nombres.

b. Les couleurs.

c. Les vibrations.

Le voyant prend conscience du fait que son aura s'est libérée [286] des "effets producteurs de mort". Il sait que, symboliquement parlant, rien, sur l'enregistrement des annales, n'est plus inscrit qui puisse le renvoyer dans les trois mondes ; il voit donc, "par des signes" que son sentier est déblayé.

Ceci a été exprimé pour nous comme suit, dans les anciens écrits trouvés dans les archives des Maîtres :

"Quand l'étoile à cinq pointes brille avec clarté et que nulles formes ne se voient au-dedans des pointes, la voie est libre.

Quand, dans le triangle, rien n'est enclos que la lumière, le sentier s'offre libre au passage du pèlerin.

Quand, dans l'aura du pèlerin, les formes nombreuses s'effacent et que sont vues les trois couleurs, le chemin est alors déblayé de ce qui pouvait obstruer.

Quand les pensées n'évoquent pas de formes et quand nulles ombres ne se reflètent, le fil offre une voie directe allant du cercle au centre."

De ce point de repos, nul retour n'est possible. Le temps de l'expérience nécessaire dans les trois mondes est révolu. Aucun karma ne peut donc plus provoquer le retour à la terre de l'esprit libéré, en vue de leçons ultérieures ou de neutralisation de causes antérieures. Il peut cependant suivre ou reprendre son œuvre de service dans les trois mondes, sans jamais quitter réellement sa véritable demeure dans les domaines plus subtils et les sphères supérieures de la conscience.

23. L'union avec autrui doit être réalisée par une méditation concentrée sur les trois états du sentiment : la compassion, la tendresse et l'impassibilité.

Une certaine compréhension de ceci viendra à l'étudiant, s'il compare ce sutra avec l'un de ceux du premier Livre (Sutra 33). [287] L'union dont il est question ici marque un pas de plus que la précédente réalisation. Celle-ci entraîne la nature de l'aspirant en vue d'une association pacifique avec tout son entourage ; celle-là lui apprend à s'identifier avec tous les autres "soi", au moyen de la concentration sur ce qui est parfois nommé les "trois états de sentiment", et qui sont :

a. La compassion, antithèse de la passion qui est égoïste et avide.

b. La tendresse, antithèse de l'égocentrisme qui est toujours dur et absorbé en soi.

c. L'impassibilité, antithèse de la convoitise ou du désir.

Ces trois états de sentiment, quand ils sont compris et pénétrés, mettent un homme en rapport avec l'âme de tous les hommes.

Par la compassion, il n'est plus occupé de ses propres intérêts égoïstes, mais pénètre dans l'être de son frère et souffre avec lui ; il peut modifier sa vibration afin de la rendre apte à répondre aux besoins de son frère ; il est mis à même de participer à tout ce qui se passe dans le cœur de son frère. Il fait cela en accordant sa propre vibration, afin qu'elle résonne à l'unisson de la nature d'amour de son propre égo ; ainsi, grâce à ce principe d'unification, tous les cœurs en tous lieux s'ouvrent à lui.

Par la tendresse, cette compréhension compatissante devient manifestation pratique. Ses activités ne sont plus ni dirigées vers l'intérieur, ni égocentriques, mais s'orientent vers l'extérieur et s'inspirent d'un désir de servir et d'aider, chaleureux et désintéressé. Cet état de sentiment est parfois nommé miséricorde et il caractérise tous les serviteurs de la race. [288] Il s'accompagne de secours actif, d'intentions désintéressées, de sage jugement et d'une activité aimante. Il est exempt de tout désir de récompense ou de reconnaissance. H.P. Blavatsky a magnifiquement résumé cela dans la Voix du Silence, en ces termes :

"Que ton âme prête l'oreille à tout cri de douleur, comme le lotus met son cœur à nu pour boire le soleil matinal.

Ne permets pas à l'ardent soleil de sécher une seule larme de souffrance, avant que tu n'aies toi-même essuyé les yeux affligés.

Mais que toute larme humaine tombe brûlante sur ton cœur et y reste ; et ne l'en efface jamais avant que soit disparue la douleur qui l'a causée.

Homme au cœur plein de compassion, ces larmes sont les ruisseaux qui arrosent les champs de l'immortelle charité." [1]

Par l'impassibilité, l'aspirant-serviteur se libère des résultats karmiques de ses activités concernant autrui. Nous savons que c'est notre propre désir qui nous lie aux trois mondes et aux autres êtres. La nature de "lié à" diffère entièrement de celle de "union avec". L'une implique la plénitude du désir et engendre des obligations et des effets ; l'autre est exempte de désir ; elle produit l' "identification avec" et n'a pas d'effets constituant des liens dans les trois mondes. L'impassibilité se rapproche davantage d'une qualité mentale que les deux autres états. On pourrait noter que l'impassibilité met en jeu une qualité du mental inférieur ; que la tendresse est le résultat émotif de la compassion impassible et englobe le principe karmique ou astral ; tandis que la compassion impassible concerne également le plan physique, car elle est la mise en manifestation des deux autres états. Elle constitue l'aptitude à s'identifier pratiquement avec autrui en toutes les conditions que présentent les trois mondes.

Cette union est le résultat de l'unification égoïque qui, en [289] descendant dans les trois mondes, est portée à son plus haut point d'activité, grâce à la méditation.

24. La méditation exclusivement centrée sur la vigueur de l'éléphant éveillera cette force, ou lumière.

Ce sutra a soulevé de nombreuses discussions et son interprétation courante a répandu l'idée que la méditation sur l'éléphant procurerait la force de l'éléphant. Maints commentateurs déduisent de ce texte que la méditation sur d'autres animaux fera obtenir les caractéristiques de ces animaux.

Il ne faut pas oublier que ce livre est un manuel scientifique, dont les objectifs sont les suivants :

1. Donner à l'aspirant un entraînement grâce auquel il pourra pénétrer dans des domaines plus subtils.

2. Lui faire obtenir le pouvoir sur le mental, afin que celui-ci soit un instrument dont il usera à son gré en tant qu'organe de vision dans les mondes supérieurs, et comme transmetteur, ou intermédiaire, entre l'âme et le cerveau.

3. Éveiller la lumière dans la tête afin que l'aspirant puisse devenir un centre irradiant la lumière, illuminant ainsi tous les problèmes, et qu'il puisse, à travers sa lumière, voir partout la lumière.

4. Éveiller les feux du corps afin que les centres deviennent actifs, lumineux, conjoints et coordonnés.

5. Établir une coordination entre :

a. L'égo ou âme sur son propre plan. b. Le cerveau, par la voie du mental.

c. Les centres. Par un acte de la volonté, ils peuvent alors, dans leur ensemble, être mis en état d'activité uniforme.

6. Ceci étant réalisé, le feu jusqu'alors assoupi qui se [290] trouve à la base de l'épine dorsale, s'éveillera et pourra poursuivre son trajet vers le haut en toute sécurité, pour finalement fusionner avec le feu ou lumière dans la tête et, de ce fait, passer outre, ayant "brûlé toutes les impuretés et laissé nets les canaux" en vue de leur utilisation par l'égo.

7. Développer ainsi les pouvoirs de l'âme, les siddhis supérieurs et inférieurs, afin de procurer à la race un serviteur compétent.

Ces sept points étant assimilés par le mental, il est intéressant de noter que le symbole du centre se trouvant à la base de l'épine dorsale – le centre muladhara – est l'éléphant. C'est le symbole de la vigueur, de la puissance concentrée, de la grande force de propulsion qui, une fois éveillée, emporte tout ce qui se trouve devant elle. C'est, pour notre cinquième sous-race, le symbole de ce qu'il y a de plus puissant et fort dans le règne animal. C'est une image de la transmutation ou sublimation de la nature animale ; car, à la base de l'épine dorsale, se trouve l'éléphant et, dans la tête, le lotus aux mille pétales dissimulant Vishnou, qui siège en son centre. Ainsi, la nature animale est portée vers le haut et jusque dans les cieux.

Par la méditation sur cette "force de l'éléphant", le pouvoir du troisième aspect, l'énergie de la matière elle-même et, en conséquence, de Dieu le Saint- Esprit ou de Brahma, est éveillée et réunie à celle du second aspect, ou aspect de la conscience, l'énergie de l'âme, celle de Vishnou, le second aspect, la force christique. Il en résulte une unification parfaite, ou union entre l'âme et le corps, but véritable du Raja Yoga.

Que les étudiants en cette science veuillent bien, cependant, [291] se souvenir ici que ces formes de méditation fixées sur un seul point ne sont autorisées que lorsque les huit moyens de yoga (traités dans le livre II) ont été pratiqués.

25. De la méditation parfaitement concentrée sur la lumière éveillée résultera la conscience de ce qui est subtil, caché ou distant.

On trouve à travers tous les enseignements de nature occulte ou mystique, de fréquentes allusions à ce qu'on appelle "la lumière". Plusieurs passages de la Bible s'y réfèrent, comme le firent toutes les Écritures du monde. De nombreux termes s'y appliquent, mais l'espace dont nous disposons ne nous permet de citer que ceux qu'on trouve dans les diverses traductions des Yoga Sutras de Patanjali. Ils peuvent être énumérés comme suit :

a. La Lumière intérieure éveillée. (Johnston)

b. La Lumière dans la tête. (Johnston)

c. La Lumière de la cognition immédiate (connaissance intuitive). (Tatya)

d. Cette Lumière resplendissante. (Vivekananda)

e. La Lumière émanant du sommet de la tête. (Vivekananda)

f. La Lumière coronale. (Ganganatha Jha)

g. La Lumière de la constitution lumineuse. (Ganganatha Jha)

h. La Lumière intérieure. (Dvidedi)

i. Le mental, plein de Lumière. (Dvidedi)

j. Le rayonnement dans la tête. (Woods)

k. La Lumière de l'organe central. (Rama Prasad)

l. La Lumière de l'activité sensorielle supérieure. (Rama Prasad)

De l'étude de ces termes, il devient apparent qu'à l'intérieur [292] du véhicule physique se trouve un point de luminosité qui (quand on prend contact avec lui) déversera la lumière de l'esprit sur le sentier du disciple, illuminant ainsi sa voie, révélant la solution de tous ses problèmes et le mettant à même d'être à l'égard d'autrui un porteur de lumière.

Cette lumière a la nature d'un rayonnement interne ; elle se situe dans la tête, non loin de la glande pinéale, et elle est produite par l'activité de l'âme.

Bien des discussions ont été soulevées autour du terme "organe central" associé à la lumière. Quelques commentateurs l'appliquent au cœur, d'autres à la tête. Du point de vue technique, ni les uns ni les autres n'ont tout à fait raison car, pour l'adepte entraîné, l' "organe central" est le véhicule causal, le karana sarira, le corps de l'égo, l'enveloppe de l'âme. Il tient le milieu dans l'ensemble des "trois véhicules périodiques" que le divin Fils de Dieu découvre et utilise au cours de son long pèlerinage, et dont on trouve l'analogie dans les trois temples de la Bible chrétienne :

1. Le tabernacle dans le désert, éphémère et transitoire, qui caractérise l'âme en incarnation physique et ne dure qu'une vie.

2. Le magnifique temple de Salomon, plus permanent, caractérisant le corps de l'âme ou véhicule causal. Sa durée se prolonge pendant de nombreux æons et se révèle de plus en plus dans toute sa beauté, sur le Sentier, jusqu'à la troisième initiation.

3. Le temple, jusqu'ici non révélé, d'Ezéchiel, dont la beauté est inconcevable et qui est le symbole de l'enveloppe de l'esprit ; la maison du Père ; l'une des "nombreuses maisons, l'œuf [293] aurique" de l'occultiste.

Dans la science du yoga, qui doit être menée à bien et appliquée avec maîtrise dans le corps physique, le terme "organe central" s'applique à la tête ou au cœur, et cette distinction ressortit principalement au temps. Le cœur est l'organe central aux premiers stades de développement sur le Sentier ; plus tard, c'est au sein de l'organe situé dans la tête que la véritable lumière a sa demeure.

Dans le processus d'épanouissement, le développement du cœur précède celui de la tête. La nature émotive et les sens se développent avant le mental, comme on peut le constater en étudiant l'humanité dans son ensemble. Le centre du cœur s'ouvre avant le centre de la tête. L'amour doit toujours être développé avant que le pouvoir puisse être employé sans risques. C'est pourquoi la lumière de l'amour doit être mise en œuvre avant que la lumière de la vie puisse être consciemment employée.

Tandis que s'ouvre dans le cœur le centre du lotus et qu'il révèle l'amour de Dieu, un développement synchrone a lieu dans la tête, où le lotus à douze pétales s'éveille. (Ce lotus est la correspondance supérieure du centre du cœur et l'intermédiaire entre le lotus égoïque à douze pétales sur son propre plan, et le centre de la tête). La glande pinéale est graduellement amenée d'un état d'atrophie à une activité en plein fonctionnement, le centre de la conscience étant alors transféré de la nature émotive dans la conscience mentale illuminée. Ceci marque la transition que doit faire le mystique pour passer sur le sentier de l'occultiste ; tout en gardant, comme c'est toujours le cas, sa [294] connaissance et sa conscience mystiques, il y ajoute néanmoins la connaissance intellectuelle et le pouvoir conscient de l'occultiste entraîné et du yogi.

À partir du point de puissance situé dans la tête, le yogi dirige toutes ses affaires et entreprises et il projette sur tous les événements, circonstances et problèmes, la "lumière intérieure éveillée". Il est en cela guidé par l'amour, la pénétration et la sagesse qu'il possède, grâce à la transmutation de sa nature d'amour, à l'éveil du centre situé dans son cœur, et au transfert dans le cœur des feux du plexus solaire.

On pourrait demander ici, à juste titre, comment peut s'obtenir cette jonction entre la tête et le cœur, produisant la luminosité de l'organe central et l'émission du rayonnement intérieur. En bref, il se produit comme suit :

1. Par la sujétion de la nature inférieure, qui transfère l'activité de toute la vie se trouvant au-dessous du plexus solaire – y compris le plexus solaire lui-même – dans les trois centres situés au-dessus du diaphragme : la tête, le cœur et la gorge. Cela s'accomplit par la vie, l'amour et le service ; non par les exercices respiratoires ou les pauses consacrées au développement.

 

[1] La traduction de cette citation est tirée de l'édition française de La Voix du Silence. (N.d.l.t.)