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CHAPITRE VI L’ART DE L’ELIMINATION

CHAPITRE VI

L'ART DE L'ELIMINATION

Reprenant le fil de notre enseignement, nous étudierons les activités de l'homme spirituel intérieur après sa séparation d'avec son corps physique et son corps éthérique. Il habite alors la coquille de son corps subtil, corps composé de substance astrale ou sensitive et de substance mentale. La moyenne des hommes étant fortement polarisée sur les plans émotionnel et sensitif, ils se sont figurés qu'après la mort l'homme se retire d'abord dans son corps astral, puis dans son véhicule mental. Mais cette idée est erronée parce qu'elle est basée sur la croyance à un corps édifié principalement en matière astrale.

Peu d'hommes sont actuellement assez développés pour que le véhicule dans lequel ils se trouvent après la mort soit en grande partie composé de substance mentale. Seuls se retrouvent sur le plan mental immédiatement après la mort les disciples et initiés qui vivaient déjà principalement dans leur corps mental. La plupart des humains découvrent qu'ils se trouvent sur le plan astral, revêtus d'une coquille de matière astrale, et assujettis à une période d'élimination dans la région illusoire du plan astral.

Selon nos précédentes indications, le plan astral n'a pas d'existence réelle, il n'est qu'une création illusoire de la famille humaine. Toutefois, et par suite de la défaite des forces du mal et du désastre subi par la Loge Noire, le plan astral est désormais une création destinée à mourir dans la période finale de l'histoire humaine, lors de la septième [487] race-mère, il cessera d'exister.

En attendant, la substance sensitive qui constitue le plan astral continue d'être rassemblée en formes illusoires et dresse encore un obstacle sur le sentier de l'âme qui cherche la libération. Elle continue de "tenir en prison" les nombreuses personnes dont la réaction majeure en face de la vie reste jusqu'à leur mort celle du désir, de la pensée velléitaire, et de la sensibilité émotionnelle. Elles forment une imposante majorité. C'est à l'époque Atlante que le plan astral vint à l'existence. L'état de conscience mental était alors pratiquement inconnu, bien que les "fils de la pensée" eussent leur place sur les niveaux supérieurs actuels du plan mental[1]. L'atome permanent mental était pratiquement en léthargie dans chaque forme humaine, de sorte que le plan mental n'exerçait pas la "sollicitation" attirante connue de nos jours.

Nombreux sont les humains encore Atlantes dans leur conscience. Lorsqu'ils sortent de l'état de conscience physique et se dépouillent de leur double corps physique-éthérique, le problème se pose pour eux d'éliminer leur corps astral, mais ils n'ont guère à s'occuper de s'évader d'une prison mentale pour l'âme. Il s'agit de personnes peu évoluées et moyennes qui n'ont plus de tâche importante après l'élimination de leur corps de Kama ou de désirs. Elles n'ont pas de véhicule mental pour les attirer dans une intégration mentale, parce qu'elles n'ont aucune puissance de focalisation mentale. Leur âme sur les niveaux mentaux supérieurs est encore "en méditation profonde" et ne s'intéresse aucunement à son ombre dans les trois mondes.

L'art de l'élimination se divise donc en trois catégories :

1. Tel qu'il est pratiqué par les personnes dont la qualité et la constitution sont purement astrales. On les appelle sujets "kamiques".

2. Tel qu'il est pratiqué par des gens équilibrés, dont la personnalité est intégrée, et que l'on appelle individus "kama-manasiques"[2]. [488]

3. Tel qu'il est pratiqué par les gens évolués et les disciples de tout grade dont le "foyer vivant" est principalement mental. On les appelle sujets "manasiques".

Les mêmes règles fondamentales les contrôlent tous, mais l'accent diffère selon les cas. N'oublions pas qu'en l'absence de cerveau physique et lorsque la pensée est peu développée, l'homme intérieur se trouve pratiquement suffoqué dans une enveloppe de matière astrale et immergé pour longtemps dans ce que nous appelons le plan astral.

La personne kama-manasique dispose de ce qu'on appelle "la liberté de la double vie". Elle se trouve en possession d'une double forme qui lui permet à volonté le contact avec les niveaux supérieurs du plan astral et avec les niveaux inférieurs du plan mental. Or, nul cerveau n'est présent pour enregistrer ces contacts. La conscience du contact dépend de l'activité innée de l'homme intérieur et de son aptitude particulière à appréhender et à apprécier.

La personne manasique possède un véhicule mental translucide d'une densité de lumière proportionnelle à sa libération des désirs et des émotions.

Les personnes de ces trois types utilisent toutes des processus d'élimination de nature similaire, mais emploient ces processus avec des techniques différentes. Pour plus de clarté, on peut les exposer sous le jour suivant :

1. La personne kamique élimine son corps astral par voie d'usure et l'évacue par le centre astral homologue du centre solaire. L'attrition ou usure vient de ce qu'à ce stade tous les désirs innés et les émotions inhérentes sont reliés à la nature animale et au corps physique, qui ont tous deux cessé d'exister.

2. L'individu kama-manasique met naturellement en jeu deux techniques, parce qu'il élimine d'abord son corps astral et ensuite son véhicule mental.

a. Il élimine son corps astral au moyen de son désir [489] croissant pour la vie mentale. Il effectue un retrait graduel et constant dans son corps mental, tandis qu'ésotériquement le corps astral s'effiloche et finit par disparaître. En général cela s'effectue inconsciemment et peut demander assez longtemps. Toutefois, si le sujet dépasse la moyenne et s'il est sur le point de devenir manasique, la disparition du corps astral sera provoquée soudainement et dynamiquement. Elle s'effectuera consciemment et rapidement, et l'homme se trouvera libre dans son corps mental.

b. Quant au corps mental, il le brise par un acte de volonté humaine, mais aussi du fait que l'âme subit lentement la révélation de son ombre. L'homme intérieur est donc attiré vers l'âme, bien qu'encore d'une manière assez faible. Ce processus est plus ou moins rapide selon le degré d'influence manasique.

3. L'homme manasique, désormais focalisé dans son mental, doit également accomplir deux tâches :

a. Dissoudre tout sédiment astral susceptible de louer son corps mental translucide. Le soi-disant corps astral ayant désormais cessé pratiquement d'exister en tant que facteur d'expression, l'homme fait appel à une lumière accrue provenant de l'âme. À ce stade, c'est la lumière de l'âme qui dissout la substance astrale, de même que le plan astral tout entier sera finalement dissous par la lumière amalgamée de l'âme de l'humanité prise en bloc.

b. Détruire le corps mental par l'emploi de certaines Paroles de Pouvoir. Ces Paroles sont communiquées au disciple par l'Ashram de son Maître. Elles font intervenir la puissance de l'âme sur une bien plus vaste échelle, et produisent en conséquence dans le corps mental une telle expansion de conscience qu'il [490] se brise et cesse de faire obstacle à l'homme intérieur. Ce dernier peut alors se tenir comme un libre fils de la pensée dans l'Ashram de son Maître, et "il n'en sortira plus jamais".

A. Activités immédiatement après la mort

Immédiatement après la mort, et surtout si la crémation a eu lieu, l'homme dans son corps kama-manasique est aussi alerte et conscient de son entourage qu'au moment où il vivait sur le plan physique. Cette tournure de phrase laisse toute latitude pour apprécier l'étendue de la conscience et des observations, car une latitude similaire doit être consentie aux résidents de plan physique. Les gens ne sont ni également éveillés ni également conscients des circonstances ou de l'expérience immédiate.

Quoi qu'il en soit, puisque les hommes sont en majorité plus conscients émotionnellement que physiquement et vivent intensément focalisés dans leurs véhicules astraux, le trépassé est tout à fait habitué à l'état de conscience où il se trouve. N'oublions pas qu'un plan est essentiellement un état de conscience et non une localité, comme semblent le croire tant d'ésotéristes. Il se reconnaît à la réaction focalisée de la personne consciente de soi, qui, tout en continuant à se rendre distinctement compte d'elle-même, est sensible aux thèmes de son entourage en même temps qu'aux désirs qu'elle éprouve personnellement. S'il s'agit de gens plus évolués, fonctionnant sur les niveaux supérieurs du plan astral, ils sont sensibles à l'amour et à l'aspiration qui s'expriment. L'homme continue d'être absorbé par ce qui retenait son attention et impliquait le principe émotionnel durant son expérience en incarnation.

Après la mort, il n'y a plus de cerveau physique pour répondre aux impacts engendrés par l'homme intérieur. Quant au sexe tel qu'on le comprend physiquement, il est inexistant. Les spiritualistes feraient bien de ne pas l'oublier et de mesurer la folie aussi bien que le caractère chimérique de ces mariages spirituels enseignés et pratiqués dans certaines [491] écoles de pensées dites modernes. L'homme dans son corps astral est désormais libéré des impulsions strictement animales, qui sont normales et bonnes sur le plan physique, mais perdent toute signification pour lui dans son corps kamique.

Quelles sont donc les premières réactions et activités d'un homme moyen après la restitution du corps physique au réservoir universel de la substance ? Énumérons quelques-unes de ces réactions.

1. Il se rend compte consciemment de lui-même. Cela implique une clarté de perception inconnue à la moyenne des hommes en incarnation physique.

2. Le temps n'existe plus au sens habituel du mot, car il est la succession des événements tels que le cerveau physique les enregistre. L'homme porte son attention vers son moi émotionnel, qui se dessine plus nettement. Il s'ensuit invariablement un instant de contact direct avec l'âme parce que, même chez les hommes les plus ignorants et les moins développés, le moment de la restitution complète ne passe pas sans que l'âme s'en rende compte. Il cause un effet d'âme très net, similaire, si l'on ose une telle comparaison, à une longue et forte traction sur la corde d'une cloche. Pendant une brève seconde, l'âme répond à l'homme qui se tient dans son corps astral, ou plutôt dans son véhicule kama-manasique, et la réponse est de telle nature que l'homme aperçoit les expériences de son incarnation passée étendues devant lui comme sur un plan. Il éprouve un sentiment d'absence de temps.

3. Ayant reconnu ces expériences, l'homme isole les trois d'entre elles qui furent les trois facteurs conditionnants majeurs dans la vie qui vient de s'écouler, et qui détiennent les clefs de sa prochaine incarnation. Tout le reste est oublié, et toutes les expériences mineures s'effacent de sa mémoire, ne laissant dans sa conscience [492] que ce qu'on appelle ésotériquement "les trois graines ou germes du futur". Ces trois germes sont reliés d'une manière spéciale aux atomes permanents physique et astral, et produisent ainsi la quintuple force créatrice des formes qui apparaîtront dans l'avenir. On pourrait dire que :

a. Le germe n°1 détermine la nature ultérieure de l'entourage physique dans lequel l'homme trouvera sa place à son retour. Il est en rapport avec la qualité de cet entourage futur et conditionne ainsi le champ de contact nécessaire.

b. Le germe n°2 détermine la qualité du corps éthérique en tant que véhicule par lequel les forces des rayons pourront prendre contact avec le corps physique dense. Il délimite la structure éthérique ou réseau vital le long duquel circuleront les apports d'énergies. Il est plus particulièrement relié à celui des sept centres majeurs qui sera le plus actif et le plus vivant dans l'incarnation à venir.

c. Le germe n°3 donne la clé du véhicule astral dans lequel l'homme sera polarisé lors de sa prochaine incarnation. N'oublions pas qu'il est question ici de l'homme moyen et non de l'être humain évolué, du disciple, ou de l'initié. Par son magnétisme, c'est ce troisième germe qui mettra de nouveau l'homme en relation avec ceux qu'il a aimés précédemment ou avec qui il a eu des contacts étroits. On peut admettre comme un fait que l'idée de groupe régit subjectivement toutes les incarnations, et que l'homme se réincarne non seulement par suite de son propre désir d'expérience sur le plan physique, mais aussi suivant une impulsion de groupe et selon le karma de son groupe aussi bien que selon le sien propre. C'est un point sur lequel il faudrait insister davantage. S'il était vraiment saisi et bien compris, une [493] grande partie de la peur engendrée par la pensée de la mort disparaîtrait. Les familiers et les bien-aimés resteront encore les familiers et les bien-aimés, parce que les relations avec eux ont été établies au cours de nombreuses incarnations. Voici comment L'Ancien Commentaire s'exprime à ce sujet :

"Ces germes déterminant la reconnaissance ne sont pas spéciaux seulement pour vous et moi, mais il en existe aussi pour le groupe. À l'intérieur du groupe, ils relient les personnes les unes aux autres. C'est seulement dans les trois mondes inférieurs que les germes ainsi liés trouvent leur véritable existence. Dans la sphère de rencontre où l'on entend l'appel du Maître, et lorsque l'âme connaît l'âme, ces germes disparaissent."

Il en ressort qu'il serait nécessaire d'entraîner les enfants à reconnaître l'expérience et à en bénéficier, car cette leçon une fois apprise leur rendra cette troisième activité sur le plan astral infiniment plus aisée après la mort.

4. Ayant achevé cet "isolement de l'expérience", l'homme recherchera les personnes que l'influence du troisième germe appelle à jouer un rôle constamment influent dans le groupe dont lui-même est un élément, conscient ou inconscient. Il les découvrira automatiquement, et rétablira ses relations avec elles si elles n'ont pas encore éliminé leur corps physique. Après quoi l'homme agira comme il aurait agi sur terre en compagnie de ses intimes, selon son tempérament et son degré d'évolution.

Si ceux qui sont les plus proches de lui, ceux qu'il aime ou hait profondément sont encore en incarnation physique, il les recherchera également. Agissant à nouveau comme sur terre, il restera dans leur voisinage et se rendra compte de leurs activités, mais eux ne seront pas conscients des siennes, à moins qu'ils ne soient hautement évolués.

Je ne puis donner aucun détail sur la façon réciproque de donner et de recevoir dans ces conditions, ni sur les modes et méthodes de contact. Chaque personne diffère des autres, chaque tempérament est unique dans son genre. Je ne cherche qu'à clarifier certaines lignes de conduite fondamentales suivies par l'homme avant [494] l'acte ou les actes d'élimination.

Les quatre activités qui viennent d'être décrites couvrent des périodes de longueur variable, lorsque le temps est compté sous l'angle de "ceux qui vivent en bas", mais l'homme sur le plan astral ne reconnaît aucun temps. L'attirance et l'illusion s'effritent progressivement, qu'elles soient d'ordre élevé ou d'ordre inférieur. La pensée est devenue plus incisive et impérative. L'homme entre dans le stade où il sait qu'il est maintenant prêt pour la seconde mort et pour l'élimination totale de son corps astral ou de son véhicule kama-manasique.

Il a été indiqué précédemment qu'après la restitution du corps physique sous ses deux aspects[3], l'homme intérieur est pleinement conscient. Le cerveau physique a cessé d'être présent, ainsi que le tourbillon des forces éthériques qui chez la majorité des hommes présentent presque toujours des symptômes de désordre. Ces deux facteurs ont conduit les chercheurs à croire que les expériences de l'homme sur les plans intérieurs présentent le caractère d'une vague dérive, d'une demi-conscience, ou d'une vie de répétition, sauf dans le cas des personnes très évoluées, des disciples, ou des inities. Mais tel n'est pas le cas.

Un homme sur les plans intérieurs a non seulement la même conscience de lui-même qu'il avait sur le plan physique en tant qu'individu s'occupant de ses propres projets, de sa vie, et de ses affaires, mais il est devenu tout aussi conscient des états de conscience qui l'environnent. Il peut subir le mirage de l'existence astrale ou l'impression télépathique des divers courants de pensée émanant du plan mental, mais il est également conscient de lui-même, de sa pensée, et de l'état de développement de sa vie manasique. Il en est même bien plus puissamment conscient que lorsqu'il lui fallait faire appel à l'intermédiaire de son cerveau physique, au moment où sa conscience était celle d'un aspirant, ancrée dans le cerveau. Il passe par des expériences bien [495] plus riches et plus pleines qu'il n'en a jamais connu pendant sa dernière incarnation. En y réfléchissant un peu, on se rend compte qu'il ne saurait en être autrement.

On peut en conclure que l'Art de l'Élimination se pratique bien plus nettement et plus efficacement que la restitution du véhicule physique. Il faut également considérer un autre point. Sur les plans intérieurs, les hommes savent que la Loi de Renaissance régit le processus-expérience de la vie sur le plan physique. Ils comprennent qu'avant l'élimination du corps kamique, kama- manasique, ou manasique, ils ne font que subir un intérim entre deux incarnations et qu'il leur reste à affronter deux grandes expériences :

1. Un moment, long ou court selon le degré d'évolution, au cours duquel un contact sera pris avec l'âme ou avec l'ange solaire.

2. Après ce contact, il se produit une réorientation relativement violente vers la vie terrestre, amenant ce qu'on appelle "le processus de descente et d'appel" au cours duquel l'homme :

a. Se prépare à une nouvelle incarnation physique.

b. Fait retentir sa propre résonance dans la substance des trois mondes.

c. Revitalise les atomes permanents, qui forment un triangle de force dans le corps causal.

d. Rassemble la substance nécessaire pour former ses prochains corps de manifestation.

e. Les colore avec les qualités et caractéristiques déjà acquises par l'expérience de la vie.

f. Dispose sur le plan éthérique la substance de son corps vital, de manière à ce que les sept centres majeurs prennent forme et puissent devenir les réceptacles des forces intérieures.

g. Choisit délibérément ceux qui lui fourniront le revêtement physique dense dont il aura besoin, puis attend le moment de s'incarner. Les étudiants de l'ésotérisme feraient bien de se rappeler que les parents se bornent [496] à donner le corps physique dense. Leur contribution se limite à un corps d'une qualité et d'une nature particulière qui fournira le véhicule de contact avec l'entourage exigé par l'âme qui s'incarne. Lorsque l'âme a une longue expérience et qu'une véritable relation de groupe a été instaurée, les parents peuvent également établir des relations de groupe.

L'homme désincarné fait consciemment face à ces deux passages critiques et sait ce qu'il fait dans les limites fixées par son degré d'évolution.

B. L'expérience du dévachan

Lorsque l'homme intérieur entreprend consciemment l'art de l'élimination, et qu'il se rend compte de ses processus et de ses buts, il se trouve dans l'état de conscience appelé dévachan par les théosophes orthodoxes. De nombreux malentendus se sont produits au sujet de cette expérience. Le public croit en général qu'après s'être débarrassé des corps astral et mental l'homme entre dans un état de rêve où il ré expérimente et reconsidère les événements du passé à la lumière de l'avenir et subit une sorte de période de repos semblable à un processus digestif, préparatoire à l'entreprise d'une nouvelle naissance.

Cette idée quelque peu erronée résulte de ce que le concept du temps continue de régir les présentations théosophiques de la vérité. Toutefois, si l'on conçoit que le temps est inconnu hors de l'expérience du plan physique, le concept entier du dévachan se clarifie.

À partir du moment où l'homme s'est complètement séparé de ses corps physique et éthérique et s'est voué au processus d'élimination, il a conscience du passé et du présent. Lorsque l'élimination est achevée, que l'heure du contact [497] d'âme a sonné, et que le véhicule manasique (mental) est en cours de destruction, l'homme devient immédiatement conscient de l'avenir, car la prédiction est une prérogative de la conscience d'âme dont l'homme jouit ici temporairement. Le passé, le présent, et l'avenir sont alors considérés comme un tout. La reconnaissance de l'Éternel maintenant se développe progressivement d'incarnation en incarnation et pendant le processus continu de la renaissance. Cela constitue un état de conscience que l'on peut appeler dévachanique et qui est caractéristique de l'état normal de l'homme évolué.

Je n'ai pas l'intention d'élaborer la technique du processus éliminatoire. Il serait impossible d'être net et concis parce que l'humanité se situe à de trop nombreux échelons intermédiaires entre les trois précédemment décrits. L'attrition [4] est relativement facile à comprendre. Le corps astral meurt faute de nourriture, parce qu'il n'y a plus d'appel émanant de la substance physique pour évoquer le désir.

Le corps astral vient à la vie par la réaction réciproque entre le plan physique (qui n'est pas un principe) et le principe du désir. Dans le processus de la réincarnation, l'âme emploie ce principe dans le véhicule mental avec une intention dynamique en vue d'inverser l'appel. La matière répond alors à l'appel de l'homme qui se réincarne.

Quant à l'homme kamique, après un long processus d'attrition, il se tient libre avec un véhicule mental embryonnaire. Cette période de vie semi-mentale est extrêmement brève, et l'âme y met soudainement fin en "dirigeant son regard vers celui qui attend". Le pouvoir de cette puissance dirigée réoriente instantanément l'individu kamique vers le sentier descendant de la réincarnation.

L'homme kama-manasique pratique un processus de retrait et répond à la "sollicitation" d'un corps mental en voie de développement rapide. Ce retrait s'accélère et devient de plus en plus dynamique jusqu'à ce qu'il atteigne l'état où le disciple mis à l'épreuve et subissant un contact d'âme constamment intensifié, brise le corps kama-manasique en tant qu'unité par un acte de volonté mentale mis en œuvre [498] par l'âme.

On remarquera que l'expérience "dévachanique" doit nécessairement être plus brève pour la majorité kama-manasique que pour la minorité kamique, à cause de la technique dévachanique pour passer en revue et reconnaître ce que l'expérience implique. Or, cette technique contrôle peu à peu l'homme sur le plan physique, si bien qu'en s'incarnant, il apporte la connaissance de ce que signifient les causes et s'instruit constamment par expérience. Selon cette évolution l'on constate également que la continuité de conscience se développe lentement. Les états de conscience de l'homme intérieur commencent à se traduire sur le plan physique d'abord par l'intermédiaire du cerveau physique, puis indépendamment de cette structure matérielle. J'apporte ici une Suggestion définie sur un sujet qui attirera largement l'attention au cours des deux cents prochaines années.

L'individu manasique, la personnalité intégrée, opère comme indiqué précédemment de deux manières dépendant nécessairement de l'achèvement de l'intégration. Celle-ci sera de deux natures.

1. Celle de la personnalité intégrée, focalisée dans la pensée, et réussissant à établir avec l'âme des rapports de plus en plus étendus.

2. Celle du disciple, dont la personnalité intégrée est à son tour en voie de s'intégrer rapidement dans l'âme et d'être absorbée par elle.

À ce stade de développement de la pensée, il existe un contrôle mental constant dû au fait que la conscience de l'homme est désormais nettement focalisée dans le véhicule mental et s'y trouve centrée en permanence. Alors les processus antérieurs de destruction du corps astral par attrition et par "négation dynamique" prennent place pendant l'incarnation physique. L'homme incarné refuse d'être régi par le désir, et le résidu de son corps astral illusoire est désormais dominé par la pensée. Les impulsions tendant à satisfaire les désirs sont refusées de propos pleinement et consciemment délibéré, soit à cause des ambitions égoïstes et des intentions mentales de la personnalité intégrée, soit [499] sous l'impulsion des intentions de l'âme, qui subordonne la pensée à ses desseins.

Lorsque ce degré d'évolution est atteint, l'homme peut dissoudre par illumination les derniers vestiges qui subsistent de tous ses désirs. Aux stades initiaux de la vie purement manasique ou mentale, c'est l'illumination apportée par la connaissance qui opère en utilisant principalement la lumière innée propre à la substance mentale.

Ultérieurement, lorsque des rapports étroits s'établissent entre l'âme et la pensée, la lumière de l'âme accélère le processus et s'y associe. Le disciple en appellera désormais à des méthodes plus occultes sur lesquelles je ne suis pas autorisé à donner de détails. La destruction du corps mental n'est plus provoquée par le pouvoir destructeur de la lumière elle-même, mais elle est accélérée par certains sons émanant du plan de la volonté spirituelle. Le disciple les reconnaît et peut les utiliser sous leur forme verbale correcte. L'autorisation lui en est donnée par un initié plus ancien dans l'Ashram ou par le Maître lui-même, à l'approche de la clôture du cycle des incarnations.

C. La dixième loi de guérison

Le moment est venu de formuler certains postulats dont il sera nécessaire de tenir compte dans la Troisième Partie de ce livre, lorsque nous approfondirons les Lois Fondamentales de la Guérison. Ces Lois et Règles ont déjà été indiquées, mais je me propose maintenant de les analyser en détail.

Nous avons étudié assez longuement les processus immédiats qui prennent place lorsque le principe de vie quitte le corps ou en est retiré. Ces deux processus comportent une distinction basée sur le développement de l'évolution. Nous avons décrit le retrait du principe de vie et celui de la conscience hors des corps subtils des trois mondes, et nous arrivons au point où nous cessons de nous occuper des [500] hommes moyens ou non évolués pour étudier l'activité consciente de l'âme par rapport à son aspect forme.

Chez l'homme non évolué ou moyen, l'âme n'intervient que très faiblement dans le processus de la mort. Elle y contribue simplement par sa détermination de mettre fin au cycle d'une vie incarnée en attendant son retour sur le plan physique. Les "germes de la mort" sont inhérents à la nature des formes et se manifestent par les maladies ou la sénescence, ce dernier mot étant pris dans son sens technique et non dans son sens coutumier. Quant à l'âme, elle se consacre à ce qui l'intéresse sur son propre plan, jusqu'au moment où le processus de l'évolution produit une intégration ou des relations si étroites et d'une nature si réelle entre elle et la forme que l'âme s'identifie profondément avec son expression manifestée. Lorsque ce stade est atteint, on peut même dire que c'est la première fois que l'âme est véritablement incarnée. Vraiment, elle "descend en manifestation" et sa nature entière s'en trouve mise en jeu. C'est un point rarement compris ou mis en lumière.

Au cours de ses vies antérieures et de la majorité de ses cycles d'expérience physique, l'âme s'intéresse fort peu au plan matériel. La rédemption de la substance dont toutes les formes sont bâties se poursuit selon le processus naturel dont le "karma de la matière" est la force dirigeante initiale. Le karma engendré par la fusion de l'âme et de la forme suit en son temps, bien qu'aux stades initiaux l'âme prenne très peu de responsabilités. Ce qui advient à l'intérieur de la triple gaine de l'âme résulte nécessairement des tendances innées de la substance même.

Toutefois, à mesure que le temps passe et que les incarnations succèdent aux incarnations, la qualité de l'âme occupante a pour effet de susciter progressivement l'éveil de la conscience sous forme d'un sens de discrimination qui s'affirme et se développe à mesure que la pensée le soumet à un contrôle de plus en plus sévère. Cela évoque une conscience [501] qui s'éveille, puis une conscience éveillée dont la première manifestation est le sens de la responsabilité. Celui-ci établit une identification croissante entre l'âme et son véhicule, l'homme triple inférieur. Les corps de cet homme s'affinent constamment. Les germes de maladie et de mort perdent une partie de leur virulence. La sensibilité à la compréhension intérieure de l'âme va croissant, et l'initié disciple atteint l'époque où il meurt par un acte de sa volonté spirituelle, ou en réponse a un karma collectif, national, ou planétaire.

La maladie et la mort sont essentiellement des conditions inhérentes à la substance. Tant que l'homme s'identifiera avec l'aspect forme, il sera conditionné par la Loi de Dissolution qui est une loi fondamentale et naturelle régissant la vie des formes dans tous les règnes de la nature.

Lorsque le disciple ou l'initié s'identifie avec l'âme, et qu'il a construit l'antahkarana à l'aide du principe de vie, il cesse d'être soumis à cette loi naturelle et universelle. Il utilise ou rejette son corps à volonté, selon les exigences de la volonté spirituelle, ou la reconnaissance des nécessités de la Hiérarchie, ou les desseins de Shamballa.

Voici donc l'énoncé d'une nouvelle loi qui se substitue à la Loi de la Mort et ne concerne que les disciples parvenus aux ultimes stades de leur Sentier ou aux stades du Sentier de l'Initiation.

LOI X

Prête l'oreille, ô Chéla, à l'appel adressé par le Fils à la Mère, puis obéis. La Parole est énoncée que la forme a servi son dessein. Le principe de la pensée [5] s'organise alors lui- même, puis répète la Parole. La forme expectante répond et s'égaille. L'âme se tient libre.

Réponds, ô Ascendant, à l'appel qui atteint la sphère des [502] obligations. Reconnais l'appel issu de l'Ashram ou de la Chambre du Conseil ou attend le Seigneur de la Vie Lui-même. Le son est émis. L'âme et la forme doivent renoncer ensemble au principe de vie pour permettre à la Monade de se tenir libre. L'âme répond, et la forme brise alors ses connexions. La vie est désormais libérée, pourvue de la qualité de connaissance consciente et du fruit de toute expérience. Tels sont les dons de l'âme et de la forme associées.

J'ai cherché à rendre claire la différence entre la maladie et la mort telles qu'elles sont subies par la moyenne des hommes, et certains processus homologues de dissolution consciente tels que les pratiquent les disciples évolués ou les initiés. Ces processus impliquent le lent développement d'une technique au début de laquelle le disciple reste encore en proie aux maladies qui produisent des tendances chez la forme humaine comme chez toutes les formes de la nature, tendances qui aboutissent à la mort.

Aux stades initiaux, le disciple conscient peut modifier le cours de la maladie, et il s'ensuit une mort paisible. Aux stades suivants, la mort résulte d'un acte de la volonté. L'heure et le mode du trépas y sont déterminés par l'âme puis consciemment imprimés sur la pensée et enregistrés par le cerveau. Les deux cas ne sont pas exempts de douleur, mais sur le Sentier de l'Initiation, la douleur est en grande partie déniée, non parce que l'initié cherche à l'éviter, mais du fait que la sensibilité de la forme aux contacts indésirables ayant disparu, la douleur disparaît en même temps.

La douleur est gardienne de la forme et protectrice de la substance ; elle prévient du danger ; elle dénote certains stades définis dans le processus d'évolution ; elle est reliée au principe selon lequel l'âme s'identifie à la substance. Lorsque cette identification cesse, la douleur et la maladie ainsi que la mort perdent leur emprise sur le disciple. L'âme est désormais soustraite à leurs exigences, et l'homme est libre, parce que maladie et mort sont des qualités inhérentes à la forme et sujettes à toutes les vicissitudes de la vie en forme.

Pour l'homme, la mort est exactement homologue de la [503] libération de l'atome ; la grande découverte scientifique de la libération de l'énergie atomique l'a démontré. Le noyau de l'atome est scindé en deux, cette expression étant d'ailleurs scientifiquement inexacte. Cet événement dans la vie expérimentale de l'atome libère une grande lumière et une grande puissance. Sur le plan astral, le phénomène de la mort produit un effet assez similaire à celui qui résulte du dégagement de l'énergie atomique, et suit une marche étroitement parallèle. Chaque mort dans chacun des règnes de la nature produit dans une certaine mesure le même effet : elle brise et détruit une forme substantielle et sert ainsi un dessein constructif. Ce résultat est en grande partie astral ou psychique et sert à dissiper une fraction de l'illusion ambiante.

Une destruction massive de formes a pris place durant les dernières années de la guerre mondiale. Elle a produit des changements phénoménaux dans le plan astral et l'écroulement d'une immense quantité d'illusions dans le monde, ce qui est vraiment excellent. Il devrait résulter de ces événements une moindre résistance à l'influx des nouveaux types d'énergie et plus d'aisance dans l'apparition des idées qui les incorporent. Les nouveaux concepts seront désormais perçus et reconnus. Leur émergence dans le royaume de la pensée humaine dépendra de la formulation des nouveaux "passages et canaux d'impression" permettant aux hommes de devenir sensibles aux plans hiérarchiques et aux desseins de Shamballa.

Toutefois, ceci sort du sujet, mais aura fait connaître quelques-unes des relations entre la mort et l'activité constructive ainsi que la vaste utilité de la mort en tant que processus de reconstruction et l'idée que cette grande Loi de la Mort qui gouverne la substance dans les trois mondes est un événement bienfaisant et rectificateur.

Rappelons sans nous étendre que cette Loi de la Mort qui s'exerce avec tant de puissance dans les trois mondes d'évolution humaine reflète un dessein cosmique qui régit [504] les plans cosmiques éthériques de notre système solaire, le plan cosmique astral, et le plan cosmique mental. L'énergie qui distribue la mort exprime le principe de vie de la plus grande VIE qui englobe les sept systèmes planétaires, lesquels expriment en Eux-mêmes la Vie de notre système solaire. Lorsque notre pensée et notre effort de compréhension nous font pénétrer ce royaume d'abstraction pure, il est temps de donner le signal d'arrêt et de retourner en pensée aux modes plus praticables de la vie terrestre et aux lois régissant le quatrième règne de la nature, le règne humain.

Après avoir ainsi tenté de raisonner de l'universel au particulier, ce qui est toujours la voie ésotérique, nous sommes en mesure d'aborder le dernier point traitant des Conditions Fondamentales de la Guérison, l'utilisation du principe de la mort par les disciples et les initiés. Je prie le lecteur de prendre note de la manière dont j'exprime ce concept, qui va être étudié sous le titre "Les Processus d'Intégration".

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[1] Ces trois sous-plans supérieurs forment le plan mental abstrait, par opposition aux quatre sous-plans inférieurs formant le plan mental concret.

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[2] On rappelle que kama désigne la substance émotionnelle et manas la substance mentale. Manas inférieur = mental concret, et manas supérieur = mental abstrait.

[3] Dense et éthérique.

[4] Destruction par usure.

[5] Le cinquième principe (A.A.B.).