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CHAPITRE VII LES PROCESSUS D’INTEGRATION

CHAPITRE VII

LES PROCESSUS D'INTEGRATION

En étudiant la manière intelligente dont l'âme fonctionnant consciemment dans les trois mondes utilise la mort, on est amené à diviser le sujet en deux rubriques principales.

- Premièrement. Les processus par lesquels il est mis fin au cycle d'incarnation grâce à l'intégration complète de l'âme et de la personnalité. Nous les aborderons sous trois points de vue :

1. Le sens de l'intégration.

2. L'état d'esprit de l'âme.

3. L'élimination de la forme-pensée de la personnalité.

- Deuxièmement. Les résultats qui en découlent :

1. Dans l'Ashram du Maître, en ce qui concerne le disciple.

2. Dans la méthode par laquelle le disciple libéré peut désormais créer un corps en vue de prendre contact avec le plan physique et de rendre service dans les trois mondes. Il n'opérera plus selon la Loi de la Nécessité, mais selon la Loi du Service telle que les initiés la comprennent.

Il devient clair pour le lecteur que nous avons ouvert [506] la discussion sur le fait de la mort tel qu'il affecte non seulement le corps physique (pour lequel il s'agit d'un événement coutumier), mais aussi les gaines astrale et mentale, ces agrégats d'énergie conditionnée. Ils ne nous sont pas aussi familiers objectivement, mais la psychologie elle-même admet qu'ils existent, et nous croyons qu'ils doivent se désintégrer et disparaître à la suite de la mort physique. Mais le lecteur s'est-il rendu compte que l'aspect majeur de la mort qui intéresse finalement un être humain est la mort de la personnalité ? Je ne m'exprime pas ici en termes abstraits comme tous les ésotéristes préoccupés de nier la ou les qualités qui caractérisent le moi personnel. Ils parlent de "tuer" telle ou telle qualité, de supprimer complètement le "moi inférieur", etc. Je parle littéralement de la destruction, de la dissolution, de la disparition ou du dispersement final de ce moi personnel tant aimé et si bien connu.

La vie de la personnalité passe par les stades suivants :

1. Elle se construit lentement et progressivement au cours d'une longue période de temps. Durant de nombreux cycles d'incarnation, l'homme n'est pas une personnalité. Il n'est qu'un fragment de la masse.

2. Au cours de ce stade l'âme ne s'identifie pratiquement pas avec la personnalité. Pendant une longue, une très longue période, l'aspect de l'âme enfouie dans les gaines est dominé par la vie propre de ces gaines. L'âme ne fait sentir sa présence que par la "voix de la conscience". Toutefois le temps s'écoule, et la vie active et intelligente de la personne est progressivement rehaussée et coordonnée par l'énergie issue des "pétales de la connaissance du lotus égoïque" ou de l'intelligente nature perceptive de l'âme sur son propre plan, pour aboutir finalement à l'intégration des trois gaines inférieures en un seul ensemble fonctionnel. L'homme est alors une personnalité.

3. La vie de personnalité de l'individu désormais coordonné [507] persiste pendant un grand nombre d'incarnations et se divise en trois phases :

a. La phase d'une vie personnelle agressivement dominante, essentiellement conditionnée par son type de rayon, égoïste de nature, et fort individualiste.

b. Une phase de transition où un conflit fait rage entre la personnalité et l'âme. L'âme cherche à se libérer de la vie en forme, et pourtant, en dernière analyse, la personnalité dépend du principe de vie conféré par l'âme. En d'autres termes, le conflit s'ouvre entre le rayon de l'âme et celui de la personnalité, et la guerre est déclarée entre ces deux aspects focalisés de l'énergie. Ce conflit prend fin lors de la troisième initiation.

c. La phase finale est le contrôle par l'âme, amenant la mort et la destruction de la personnalité. Cette mort commence lorsque la personnalité, le Gardien du Seuil, se tient devant l'Ange de la Présence. La lumière de l'Ange solaire éclipse alors la lumière de la matière.

Cette phase finale de "contrôle" est conditionnée par l'identification de la personnalité avec l'âme, inverse de l'identification précédente de l'âme avec la personnalité. C'est également le sens de l'expression "intégration des deux". Les deux ne font plus qu'un.

C'est à cette phase que Saint Paul se référait dans l'Épître aux Éphésiens, lorsqu'il parlait de Christ "créant les deux en lui-même pour en faire un seul homme nouveau"[1]. Elle comprend essentiellement les derniers stades du Sentier des Épreuves, ceux où le travail conscient commence, et leur parachèvement sur le Sentier des Disciples. C'est le stade du serviteur efficace et couronné de succès, le stade où la focalisation entière et tous les fruits de la vie de l'homme sont dédiés à l'accomplissement des intentions de la Hiérarchie. L'homme commence à opérer à partir de niveaux non inclus dans les trois mondes de l'évolution ordinaire, mais qui ont néanmoins leurs effets et leurs objectifs préparés dans ces trois mondes. [508]

A. Le sens de l'intégration

La plupart des éducateurs et aspirants mettent l'accent sur l'intégration de la personnalité et son orientation correcte vers le monde des valeurs spirituelles. Ils le font à juste titre, car il s'agit d'un stade initial nécessaire. L'intégration de la pensée, de la nature émotionnelle, et du cerveau est la caractéristique majeure de tous les êtres humains évolués – les mauvais, les très mauvais, les bons, et les très bons. Toutefois, ce n'est pas un signe de vie spirituelle, et c'est fréquemment tout le contraire. Un "Hitler" ou un ambitieux menant une vie dirigée par l'égoïsme ou la cruauté est une personnalité dont toute la puissance de pensée est dédiée à de mauvais desseins, dont la nature émotionnelle est constituée de telle sorte qu'elle n'offre pas d'obstacles à la mise en œuvre de ces intentions égoïstes, et dont le puissant cerveau réceptif aux plans et méthodes des deux véhicules exécute les ordres de la personnalité.

La majeure partie des humains ne sont pas des personnalités intégrées, quelque spécieusement qu'ils en parlent. Par exemple, l'objectif initial offert à la masse des aspirants et des étudiants consiste en premier lieu à intégrer l'homme triple inférieur, pour qu'ils puissent devenir des personnalités en fonctionnement avant de devenir des âmes en fonctionnement. Le but de leur travail est consacré à produire un foyer conscient de personnalité tout en évitant le cycle des incarnations où la personnalité est dédiée à des fins inférieures ou égoïstes. Les étudiants plus évolués s'appliquent à produire l'intégration encore plus élevée de l'âme et de la [509] personnalité. Celle- ci conduit à l'intégration finale qui fait entrer en jeu l'aspect supérieur entre tous, celui de la vie monadique.

Il existe actuellement dans le monde de nombreuses personnalités véritablement intégrées, et du fait que l'âme et la personnalité sont intégrées, elles peuvent fouler le Sentier des Disciples Acceptés. Il s'agit là d'un développement plein de promesses, pourvu que l'on comprenne ses implications et sa signification. La question qui se pose est de savoir comment les personnes qui n'en sont encore qu'au stade de la réorientation peuvent intégrer correctement leur personnalité. Elles n'y parviendront jamais si elles se surestiment ou se sous-estiment. Un bon nombre auraient tendance à se considérer comme des personnalités en raison de leur volonté personnelle ou de leurs études occultes. Elles oublient que tout étudiant de l'occultisme est à la recherche de ce qui est secret. Dans leur cas, il s'agit du fil intégrateur secret qui leur permettra de fusionner leurs trois corps et de mériter ainsi le qualificatif de personnalité.

Certains hommes ne peuvent pas devenir des personnalités au cours de leur présente incarnation, mais peuvent développer le concept mental de cette possibilité et de sa nature. Il leur faut se rappeler que "selon ce qu'un homme pense dans son cœur, tel il est". Cet effort n'est pas une perte de temps, mais un processus indispensable par lequel tout Membre de la Hiérarchie a passé.

Tous les aspirants devraient à la fois étudier et méditer pour parvenir à cette intégration nécessaire et à la vie de service qui en résulte. Elle leur permettra de vérifier à la fois leur degré d'intégration et la qualité des services produits par cette intégration. En étudiant avec soin leur vie sur le plan physique, ils découvriront soit qu'ils travaillent automatiquement en se conformant aux idées conventionnelles du plan physique sur la bonne volonté et la gentillesse, soit qu'ils travaillent émotionnellement parce qu'ils obéissent à divers mobiles. Ils aiment secourir, ils aiment à être aimés, ils aiment soulager les souffrances (parce qu'ils détestent l'inconfort que leur cause la souffrance), ils croient qu'il faut suivre les pas du Christ qui se déplaçait en faisant [510] du bien, et ils ont profondément enraciné une tendance naturelle à la bienveillance. Ce développement est prometteur de succès.

Lorsque les phases physique et émotionnelle de l'intégration sont franchies, les aspirants découvrent la phase de service intelligent qui leur fait suite, et qui est motivée successivement :

a. d'abord par la miséricorde,

b. puis par la conviction qu'elle est essentielle,

c. puis par un stade défini d'ambition spirituelle,

d. puis par l'imitation soumise de l'exemple de la Hiérarchie.

e. et finalement par l'exercice de la qualité d'amour pur. Cet amour pur s'exprime de plus en plus parfaitement à mesure que s'effectue l'intégration supérieure de l'âme et de la personnalité.

Toutes ces phases de technique et d'intention marquent les étapes d'un enseignement progressif qui laisse entrevoir des phases ultérieures encore vagues et nébuleuses. Elles sont bonnes en leur temps, mais deviennent mauvaises lorsqu'on aperçoit clairement la phase suivante tout en refusant d'obéir à son appel. Il faut donc méditer et comprendre le vrai sens de ces diverses phases d'intégration telles qu'elles se poursuivent sous l'empire de la loi d'évolution.

Tous ces pas sur le chemin de l'intégration conduisent au stade culminant où la personnalité – riche d'expérience puissante dans son expression, réorientée et dédiée – devient simplement le médiateur de la vie de l'âme entre la Hiérarchie et l'Humanité. À nouveau, ce point mérite réflexion.

B. L'état d'esprit de l'âme

Pendant que toutes ces phases, ces stades, et ces réalisations se succèdent dans la vie de la personnalité, comment se comporte l'âme sur son propre plan ? Pour étudier cette question, il faut tout d'abord reconnaître les trois aspects de la pensée qui se trouvent sur ce qu'on appelle le plan mental : la pensée inférieure concrète, le Fils de la Pensée, et la pensée supérieure abstraite.

1. Pensée inférieure concrète. C'est le comportement de [511] pensée suivi par le minuscule atome d'âme qui fut initialement "implanté" en manifestation à l'époque où l'homme s'est individualisé. Au cours de son long cycle d'incarnation, cet aspect est devenu de plus en plus sensible au Moi supérieur qui le dominait. Ce Moi dit à son aspect incarné : "Ayant imprégné la totalité de cet univers avec une fraction de moi-même, Je subsiste." [2]C'est l'attirance de ce "Moi qui subsiste" et domine qui ramène le petit fragment à sa source originelle.

2. Le Fils de la Pensée, l'âme, le produit de la méditation de la Pensée Universelle, l'Entité spirituelle ou Identité qui pense, perçoit, discrimine, et analyse. Cet aspect de la Vie Unique a pour caractéristiques la pensée pure, la raison pure, l'amour pur, et la volonté pure. Il est un "Seigneur du Sacrifice" qui, par l'expérience de ses incarnations, son intégration, et son expression, a entrepris la rédemption de la matière et l'élévation de la substance jusqu'aux Cieux. Ces vérités coutumières, ces notions connues de toute antiquité ne sont encore pour le lecteur que de banales théories, mais il lui est loisible de les mettre à l'épreuve en se demandant : Que fais-je en tant qu'âme (si tant est que je travaille comme une âme) pour hausser mes gaines matérielles, mes trois véhicules et la substance dont ils sont formés, sur des plans d'expression plus élevés ?

3. La pensée supérieure abstraite, qui joue par rapport à l'âme le même rôle que l'aspect inférieur de l'âme incorporé dans les pétales de la connaissance [3] par rapport à la pensée concrète. Cette pensée abstraite est l'aspect inférieur de la Triade Spirituelle.

Lorsque l'intégration de l'âme et de la personnalité a eu lieu, l'âme – dans son propre corps, dans sa nature, et sur son propre plan – peut envisager une intégration supérieure, consistant à se lier finalement elle-même à la Triade Spirituelle. L'accomplissement sur un niveau inférieur rend toujours [512] possible l'accomplissement sur un niveau supérieur. Nul accomplissement vraiment supérieur n'intervient avant que, pas à pas, l'aspect inférieur réfléchi n'ait été dominé, utilisé, et reconnu comme un échelon menant à des activités encore supérieures.

On peut résumer brièvement comme suit l'état d'esprit de l'âme durant les processus de l'intégration inférieure.

1. Une complète indifférence pendant les stades initiaux du cycle des incarnations. "L'aspect enfoui" de l'âme convient parfaitement à la tâche lente et fastidieuse de faire évoluer les corps, de développer leurs caractéristiques, et d'acquérir l'amère expérience due à l'aveuglement et à l'ignorance. Cette période est de beaucoup la plus longue, et tandis qu'elle s'écoule, l'âme progresse selon les sujets d'intérêt de sa vie propre, à son propre niveau d'expérience, sur son propre rayon, et sous l'influence du Maître qui guidera finalement, par des impressions joyeusement acceptées, la pensée de la personnalité en voie de développement. N'oublions pas que ce royaume ou agrégat d'âmes est celui que les Chrétiens appellent le Royaume de Dieu, et les ésotéristes, la Hiérarchie spirituelle de notre planète. Rappelons également que sa vie collective a pour dessein d'induire dans la conscience des notions sur la polarisation spirituelle de la VIE planétaire.

2. Au fur et à mesure de l'évolution, les trois véhicules, désormais créés, développés et puissants, émettent des vibrations assez intenses pour attirer quelque peu l'attention de l'âme préoccupée. Sa première réaction est une irritation. L'irritation ésotérique n'est pas la mauvaise humeur exprimée par les êtres humains, mais une réaction à un contact – une réaction de déplaisir, ou en d'autres termes une friction.

Cela permet de mieux comprendre l'affirmation selon laquelle la dernière entrave dont un Maître se débarrasse est l'irritation. Sa personnalité cesse d'attirer [513] son attention. La friction prend donc fin, et il ne reste plus qu'un pur canal par lequel l'énergie spirituelle peut se déverser. L'irritation telle qu'on la comprend en général se produit lorsqu'un tiers empiète sur notre volonté personnelle, notre estime de nous-mêmes, nos idées, et nos plans. Ce n'est pas cette forme d'irritation que les Maîtres rejettent.

La seconde réaction est celle d'un processus de méditation engendrant une puissance qui sera employée dans les trois mondes pour accroître l'énergie animique dans la forme et pour créer un champ de connaissance peuplé des formes-pensées parmi lesquelles la personnalité s'aventurera ultérieurement. L'âme se prépare donc à se réorienter elle-même par rapport à la Vie, à s'exprimer dans les trois mondes, et non à acquérir l'expérience de la vie physique.

3. Lorsque la personnalité devient dominante, l'âme introduit un nouveau facteur dans la vie de son image réfléchie, l'âme incarnée. Elle mobilise et focalise l'énergie du rayon de l'âme et l'amène, par un acte de volonté, en contact direct avec le rayon de la personnalité. Cela produit une action réflexe sur les rayons de l'homme inférieur triple. Cela les stimule, les éveille, et conditionne le corps éthérique, si bien que les centres par lesquels affluent les rayons de la personnalité, et le centre coronal qui réagit au rayon de l'âme peuvent devenir plus actifs. Le centre frontal, par lequel opère la personnalité, intensifie son action, et deux événements surviennent :

a. La vie de la personnalité devient de plus en plus puissante et l'homme accroît intensément son individualité.

b. Le centre coronal commence à faire sentir son influence sur le centre frontal, et une influence lente et progressive sur le centre coccygien. Toutes les qualités s'affirment, y compris la volonté personnelle.

4. Voici l'âme engagée dans ce que les ésotéristes appellent [514] "un processus d'inversion" qui suscite un grand intérêt chez son reflet dans les trois mondes. Trois événements se produisent :

a. La pensée inférieure concrète devient susceptible d'être illuminée par l'âme.

b. L'énergie du rayon de l'âme afflue de plus en plus intensément dans la personnalité, ce qui aggrave le conflit.

c. L'homme parcourait le zodiaque en allant du Bélier au Taureau par les Poissons. Il fait volte-face et circule alors en sens inverse des aiguilles d'une montre.

Tous ces facteurs produisent dans le Sentier des Épreuves un violent conflit qui s'aggrave au moment où l'homme s'engage dans le Sentier des Disciples. C'est la puissance de la personnalité, dominatrice et dominée, qui provoque une activité karmique intense. Les événements et les circonstances s'accumulent rapidement et font rage au cours de l'expérience du disciple. La qualité de son entourage est la meilleure qui soit disponible dans les trois mondes. Son activité oscille entre les extrêmes. Il se débarrasse de ses obligations karmiques et paye très rapidement la pénalité des fautes passées.

Cependant les incarnations succèdent aux incarnations, et le processus de la mort se répète entre les cycles d'expérience physique. Toutefois les trois morts – physique, astrale, et mentale – s'accompagnent d'un état de conscience de plus en plus éveillé à mesure que la pensée concrète se développe. L'homme cesse de dériver – endormi et sans connaissance – hors des véhicules éthérique, astral, et mental, et l'abandon de chacun d'eux devient un événement aussi marquant que la mort physique.

Finalement arrive l'époque où le disciple sait mourir délibérément, en toute conscience, et abandonne ses divers véhicules en pleine connaissance de cause. L'âme prend fermement le contrôle. Le disciple provoque sa propre mort par un acte de la volonté de l'âme et sait exactement ce qu'il fait. [515]

C. L'élimination de la forme-pensée de la personnalité

Au cours de l'étude de ce sujet, qui sera nécessairement très brève, il faut garder deux facteurs présents à l'esprit :

1. Nous considérons uniquement une idée dans la pensée de l'âme, et nous nous occupons du fait fondamental de l'illusion qui a contrôlé le cycle entier de l'incarnation et maintenu ainsi l'âme prisonnière de la forme. La personnalité a deux significations pour l'âme :

a. La capacité pour l'âme de s'identifier à la forme. L'âme la comprend pour la première fois lorsque la personnalité commence à réagir quelque peu à une véritable intégration.

b. Une occasion de prendre des initiations.

2. L'élimination de la forme-pensée de la personnalité s'accomplit à la troisième initiation [4] qui est importante pour l'âme sur son propre plan. C'est pourquoi on la considère comme la première initiation majeure, car les deux précédentes ont très peu d'effet sur l'âme et n'affectent que l'âme incarnée, le "fragment" de l'âme totale.

Tous ces faits sont peu compris, et on les a rarement mis en valeur dans la littérature publiée jusqu'à présent. On a mis l'accent sur les initiations dans la mesure où elles affectent les disciples dans les trois mondes. Mais je traite spécifiquement le cas des initiations qui affectent ou n'affectent pas l'âme, laquelle domine son reflet dans les trois mondes, la personnalité. Mes considérations n'auront donc guère de sens pour le lecteur moyen.

Quant au moi personnel qui se considère comme le gardien du Seuil, on a improprement décrit son comportement comme un effacement complet dans la lumière de l'âme. On a dit que la gloire de la Présence, transmuée par l'Ange, [516] suffisait à faire complètement disparaître la personnalité avec ses exigences et ses aspirations. Il ne subsisterait rien sinon la coquille, la gaine, l'instrument par lequel la lumière solaire peut affluer pour soulager l'humanité. Ceci est vrai jusqu'à un certain degré, mais en dernière analyse ce n'est qu'une tentative de l'homme pour exprimer par des paroles l'effet transmuant et transfigurant de la troisième initiation, ce qui est impossible.

Plus malaisée encore est ma présente tentative de décrire le comportement et les réactions de l'âme, le Moi unique, le Maître dans le cœur, lorsqu'elle reconnaît le fait stupéfiant de sa propre libération essentielle. Elle constate qu'elle est désormais et une fois pour toutes incapable de réagir de quelque façon que ce soit aux vibrations inférieures des trois mondes telles qu'elles lui sont transmises par son instrument de contact, la forme de la personnalité. Cette forme est désormais inapte à une telle transmission.

Après avoir focalisé et admis cette compréhension, l'âme éprouve une deuxième réaction. Ayant accompli sa libération, elle constate que la liberté formule maintenant ses propres exigences :

1. Une vie de service dans les trois mondes, si familiers mais désormais si complètement transcendés.

2. Un sens dominant d'amour expansif vers ceux qui sont encore à la recherche de la libération.

3. Une reconnaissance du triangle essentiel qui est devenu le centre de la vie conceptuelle de l'âme.

L'âme vibre maintenant entre les deux points ou paires [517] d'opposés. Elle agit comme un centre invocateur et évocateur.

Ni la conscience cervicale ni la pensée de la personnalité illuminée ne peuvent enregistrer ce genre de compréhension. Théoriquement, l'homme peut percevoir une faible image des possibilités inhérentes, mais sa conscience n'est plus celle du disciple serviteur dans les trois mondes, utilisant la pensée, les émotions, et le corps physique pour donner suite autant que possible aux ordres et aux intentions hiérarchiques. Cette conscience a disparu en même temps que mourait la conscience de la personnalité.

La conscience est maintenant celle de l'âme elle-même, ne ressentant aucune séparation, instinctivement active, spirituellement obsédée par les plans du Royaume de Dieu, et complètement libérée du mirage de la forme matérielle et de son contrôle. Toutefois, l'âme reste immergée dans l'énergie de la substance [5] et continue d'y répondre. Son homologie ou correspondance supérieure fonctionne encore sur les niveaux du plan physique cosmique – les plans bouddhique, atmique, monadique, et logoïque ou divin.

Que doit-il se passer pour que la vie de l'âme soit pleine, complète, et si parfaitement inclusive que les trois mondes fassent partie de son domaine de conscience et de son champ de service ? La meilleure manière de connaître clairement les obligations de l'âme après la troisième initiation consiste à les résumer de deux manières :

- Premièrement : L'âme est désormais un créateur conscient parce que son troisième aspect – développé et maîtrisé par expérience dans les trois mondes au cours du long cycle des incarnations – a atteint un point où son activité est parfaite. En termes techniques, nous dirions symboliquement que, dans le lotus égoïque, l'énergie des pétales de la connaissance et celle des pétales d'amour sont si activement amalgamées et fondues que deux des pétales intérieurs entourant le joyau central n'ont plus pour effet de la voiler. En raison de ce fait la mort ou [518] l'élimination de la personnalité est la première scène du drame de la création consciente. Ensuite la première forme créée par l'âme sert à remplacer la personnalité. Un instrument pour le service dans les trois mondes se trouve ainsi créé, mais il s'agit désormais d'un instrument dépourvu de vie, de désir, d'ambition, et du pouvoir propre de penser. Ce n'est qu'une gaine de substance animée par la vie de l'âme, mais en même temps réactive et adaptée à l'époque, la race, et l'ambiance où l'âme créatrice a choisi de s'activer. Le lecteur est prié de méditer cette phrase en mettant l'accent sur les mots "adaptée à".

- Deuxièmement : L'âme se prépare ensuite en vue de la quatrième initiation [6] qui approche et qui constitue essentiellement une expérience monadique. On sait qu'elle se traduit par la disparition ou la destruction du corps de l'âme, ou corps causal, et en conséquence par l'établissement d'une relation directe par l'antahkarana entre la monade sur son propre plan et la personnalité nouvellement créée.

C'est la première fois au cours de l'exposé ordonné de l'enseignement occulte que des éclaircissements sont donnés sur ces deux points. Toutefois, des allusions avaient préparé la voie. Quelques renseignements avaient également été donnés sur la mayavirupa par laquelle un Maître agit et prend contact avec les trois mondes, et qu'Il crée délibérément pour servir Ses desseins et Ses plans. C'est nettement un substitut de la personnalité, et l'on ne peut le créer que si l'ancienne personnalité édifiée et développée au long du cycle des incarnations, a été éliminée au préalable. Je préfère le mot "éliminée" au mot "détruite", car à l'époque de l'élimination l'ancienne structure persiste, mais sa vie séparative l'a quittée. [519]

En réfléchissant à cet énoncé, on constate qu'une intégration fort complète est désormais possible. La vie de la personnalité a été absorbée. La forme de la personnalité subsiste encore, mais persiste sans vie propre. Cela signifie qu'elle peut maintenant recevoir les énergies et les forces dont le Maître ou l'initié ont besoin pour poursuivre l'œuvre du salut de l'humanité. Il vaut la peine de commenter ici les trois "apparitions du Christ" relatées dans les Évangiles.

1. Son apparition transfigurée sur la Montagne de la Transfiguration. Cet épisode décrit symboliquement l'âme rayonnante ainsi que les trois corps évacués de la personnalité. Il fait également allusion à l'édification future d'un véhicule de manifestation. Saint Pierre dit : "Seigneur, construisons ici trois tentes" ou tabernacles.

2. Son apparition semblable à la vérité elle-même silencieuse mais présente – devant le tribunal ou siège de jugement de Pilate – répudiée par le monde des hommes mais reconnue par la Hiérarchie.

3. Son apparition radieuse après l'initiation de la résurrection :

a. À la femme auprès du sépulcre – symbolisant Son contact avec l'Humanité.

b. Aux deux disciples sur la route d'Emmaüs – symbolisant Son contact avec la Hiérarchie.

c. Aux douze disciples dans la chambre haute – symbolisant Son contact avec la Chambre du Conseil du Seigneur du Monde à Shamballa.

Ainsi apparaît la nature factuelle des résultats mentionnés précédemment. Le disciple qui, tant au sens technique qu'au sens mystique, a éliminé l'emprise de la personnalité sur lui dispose maintenant de ce qu'on appelle "la franchise de l'Ashram". Il peut se déplacer à son gré parmi ses co-disciples et les initiés de son groupe. Rien dans sa vie de vibration ni dans sa qualité ne sera susceptible de troubler [520] le rythme de l'Ashram. Rien n'appellera "l'intervention calmante" du Maître, si fréquemment nécessaire parmi les disciples débutants. Rien ne saurait désormais interférer dans les contacts supérieurs et les sphères d'influence qui avaient été jusqu'ici fermées au disciple en raison de l'intrusion de sa propre personnalité.[521]

 

[1] Éphésiens 11-15.

[2] Paroles de Krishna à Arjuna dans la Bhagavad Gîta.

[3] La couronne extérieure de pétales du lotus égoïque.

[4] Celle de la Transfiguration.

[5] La différence de sens entre matière et substance a été exposée précédemment, la première étant dense, et les secondes subtiles.

[6] La Crucifixion.