Naviguer dans les chapitres de ce livre

CHAPITRE II LA PREMIERE INITIATION LA NAISSANCE A BETHLEEM - Partie 1

CHAPITRE II

LA PREMIERE INITIATION LA NAISSANCE A BETHLEEM

PENSEE CLE :

"Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu."

Saint Jean, III, 3.

PREMIERE PARTIE

Au cours de notre étude des cinq initiations majeures, nous tenterons de faire trois choses. D'abord, nous nous efforcerons de faire comprendre que le christianisme est la fleur et le fruit de toutes les religions du passé, étant la plus récente qui ait paru sur terre, à l'exception du mahométisme. Nous avons vu que la religion chrétienne a souligné l'unité de la grande famille humaine, et aussi la mission unique du Christ.

Le Christ est venu pour nous enseigner la valeur suprême de l'individu, comme je l'ai indiqué dans le chapitre précédent[1].

Les disciples de Mahomet ont exalté surtout l'existence de Dieu, en tant qu'Être suprême, Seul et Unique. On dirait que cette affirmation, qui se répandit au XVème siècle, vint dans le dessein de rétablir un équilibre rompu, afin de préserver l'homme contre l'oubli de Dieu, au moment où il s'approchait de sa propre divinité latente et essentielle en tant que fils du Père L'étude des relations qui existent entre les différentes croyances, et la façon dont elles se préparent et se complètent mutuellement, est du plus grand intérêt. Nos théologiens occidentaux l'ont souvent oublié. Le christianisme a beau garder secret l'enseignement sacré qu'il contient, cet enseignement n'en est pas moins hérité du passé. Il a pu se personnifier dans le plus grand des Messagers divins, le chemin de ce Messager n'en a pas moins été préparé [34] auparavant, et Il avait été Lui-même précédé par d'autres grands fils de Dieu. Sa parole est sans doute la Parole qui vivifie notre civilisation occidentale, en elle peut s'incarner le salut qui nous avait été promis ; L'Orient n'en a pas moins eu ses propres Maîtres, et chacune des civilisations qui ont fleuri sur notre planète a eu son représentant divin. Lorsque nous considérons le message du christianisme, et son apport unique, n'oublions pas pour cela le passé, sans quoi notre propre foi nous restera incompréhensible.

Deuxièmement, il faut toujours nous efforcer de penser en fonction du tout et de comprendre que les grandes expansions de la conscience auxquelles nous aurons constamment à nous référer ont leurs parallèles universels. Quelques- uns des déploiements qui se sont effectués au sein de la race humaine, se rattachent à l'histoire du passé. D'autres, à l'avenir. L'un d'entre eux peut se réaliser immédiatement. Au fur et à mesure que l'équipement physique et mécanique de l'homme se développe, pour s'adapter aux expansions de sa conscience, il parvient graduellement à une expérience de plus en plus grande de l'Immanence divine, à une perception de plus en plus déliée de la Transcendance divine, et il prend conscience avec une clarté grandissante de la révélation qui lui est présentée par étapes successives, en vue de son éducation et de son progrès culturel.

Aujourd'hui, nous sommes à la veille de l'heure natale du Christ racial, et le Christ enfant va surgir des ténèbres de la matrice matérielle, pour entrer dans la lumière du royaume de Dieu. Une nouvelle crise se prépare. C'est elle qui nous travaille, et le Christ nous y a préparés, car, lorsqu'il naquit à Bethléem, sa naissance ne marqua pas seulement l'apparition d'un nouveau Maître et Messager divin, mais celle d'un individu qui ne résuma pas seulement en Lui- même tout ce que la race avait accompli dans le passé, mais qui fut aussi le précurseur de l'avenir, car Il incarna en Lui-même tout ce que pouvait accomplir l'humanité. L'apparition du Christ dans la grotte de Bethléem inaugura un nouveau cycle de déploiement spirituel, à la fois pour la race et pour l'individu.

Enfin, nous considèrerons ces déploiements sous l'angle de l'individu et nous étudierons, dans l'Évangile, les épisodes doués d'une importance vitale pour l'être humain qui, approchant du terme de la [35] longue et fatigante route de l'évolution, est prêt à rejouer le même drame au sein de sa propre expérience. L'homme peut aujourd'hui passer du stade de la nouvelle naissance à celui de la résurrection finale, en suivant le sentier abrupt du Golgotha. Mais, pour cela, il doit apprendre à comprendre, dans sa nature la plus intime, ces mots du Christ : "Vous devez naître une seconde fois"[2], et à exprimer cette "mort à la vie" qui est le message essentiel de saint Paul[3].

Chacun de nous doit éprouver ces vérités tôt ou tard, car "l'expérience religieuse vivante est la seule voie légitime qui mène à la compréhension des dogmes" [4]. C'est seulement en suivant l'exemple de ceux qui ont accompli ces choses, que nous pouvons apprendre nous-mêmes le sens de cet accomplissement. C'est seulement en vivant divinement, que notre divinité cachée peut trouver son expression véritable. Ceci suppose que nous appliquions ces principes à nous-mêmes. Ceux-ci apporteront avec eux leur récompense, mais il faut commencer par nous y soumettre aveuglément.

L'histoire de l'humanité, donc, est l'histoire de cette quête individuelle de l'expression divine et de la lumière, ainsi que l'accomplissement ultime de cette naissance nouvelle qui fait entrer l'homme dans le service du royaume de Dieu.

À travers les siècles et dans le monde entier, des individus ont traversé ces cinq expansions de la conscience et sont entrés dans une vie consacrée à un service plus plein et plus riche. Pas à pas, leur sens de la divinité a grandi, et leur perception, toujours plus nette de la vie divine, immanente à la nature, les a amenés à reconnaître la vérité parallèle d'un Dieu transcendant. Dieu dans l'individu et Dieu dans le Christ. Dieu dans toutes les formes, en même temps que Vie informante du Cosmos ; mais aussi Dieu informant consciemment un univers, un homme ou l'atome le plus infime de la substance.

Les progrès de cette reconnaissance de la divinité dans l'homme ont été lents et graduels, mais, à certains moments dans l'histoire de la race (comme dans celle de l'individu), des moments critiques ont été [36] atteints et dépassés, des crises se sont dessinées et ont été surmontées, chaque initiation précise apportant une compréhension plus large à l'humanité. Aujourd'hui, l'humanité est en train d'être préparée pour l'une de ces transitions, et pour l'adaptation de la conscience humaine à une dimension plus haute et à un champ d'expérience plus riche. L'humanité s'apprête à gravir un échelon de plus dans l'échelle évolutionnaire. Nous nous trouvons en présence d'une situation étrange et d'une expérience sans précédent, de sorte qu'il ne faut pas être surpris de voir le chaos actuel. Nous tremblons devant l'avenir, mais nous sommes sur le point d'accomplir un nouveau pas en avant ; nous sommes à la veille de traverser une initiation nouvelle, d'élargir notre horizon et de franchir une porte ouverte pour entrer dans une chambre plus grande. Tout ce que nous voyons autour de nous n'est nullement l'indice d'une faillite, d'une confusion insensée et d'une révolte aveugle. C'est plutôt un processus de destruction temporaire qui rendra possible la reconstruction future, et qui correspond, sur le plan de la vie raciale, à ces grandes épreuves et à ces tribulations qui sont toujours le lot du disciple qui se prépare à l'initiation. C'est pour ceci que le christianisme a préparé un grand nombre de membres de notre race. La nouvelle interprétation et la prochaine révélation sont imminentes.

La revitalisation imminente de la nature essentielle et intérieure de l'homme, dont découlera une réorganisation des affaires mondiales et de la vie humaine, est déjà perçue et attendue par les penseurs de la race, et ceux-ci ne cessent de souligner la grandeur de la possibilité actuelle. L'attente, au sein de la race, est en train de prendre des proportions vitales.

D'après un ancien aphorisme mexicain, "Toujours du Centre naîtra un nouveau monde". Chaque forme a son centre positif de vie. Chaque organisme est construit autour d'un noyau central de force. Il y a un centre dans notre univers, d'où émana le Verbe, engendrant à son tour notre système solaire, tel qu'il existe aujourd'hui, ainsi que la planète sur laquelle nous vivons, avec ses myriades de formes de vie.

"– Au commencement était le Verbe, le Verbe était avec Dieu et ce Verbe était Dieu.

– Il était au commencement avec Dieu.

– Toutes choses ont été créées par Lui, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans Lui.

– En Lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes.

– Il [37] était dans le monde et le monde a été fait par lui ; mais le monde ne L'a pas connu." [5]

Ce qui est vrai du Tout, l'est aussi de la partie. Chaque civilisation, en tant qu'expression de la conscience humaine, a eu son Verbe. Il y a deux mille ans, un Verbe "s'est fait chair" pour nous, et, depuis lors, notre monde occidental gravite autour de ce centre dynamique de vie spirituelle. Que nous acceptions ou non ce fait, peu importe quant à ses résultats, car, comme nous le dit le Dr Schweitzer :

"Les fondations historiques du Christianisme, telles que les définissent le rationalisme, le libéralisme et la théologie moderne, n'existent plus – ce qui ne veut nullement dire que le Christianisme ait effectivement perdu ses fondations historiques. L'œuvre que la théologie historique a cru devoir poursuivre et qu'elle a vu tomber en pièces, au moment précis où elle allait atteindre son but, n'est que l'enduit de terre cuite plaqué sur la fondation historique, authentique et indestructible, qui est indépendante de toute connaissance historique et de toute preuve – simplement parce qu'elle est là, qu'elle existe."

"Jésus représente quelque chose pour notre monde parce qu'un puissant courant d'énergie spirituelle est issu de lui et a pénétré notre âge, lui aussi. Ce fait ne peut être, ni confirmé ni démenti, par la connaissance historique." [6]

La Parole a toujours retenti, et c'est ce qui a permis à la race de voir et de reconnaître le pas suivant qu'elle avait à accomplir. Le Christ a permis aux hommes de l'entendre dans le passé ; Il permettra à l'homme d'en faire autant aujourd'hui. Un jour, comme le savent tous les Francs-maçons, ces paroles, prononcées périodiquement, seront remplacées par une Parole unique, qu'ils appellent "la Parole perdue". Quand cette Parole sera enfin prononcée, l'humanité sera capable d'escalader la cime finale de la perfection humaine. La divinité cachée resplendira alors dans toute sa gloire, par l'entremise de la race. La cime de la perfection matérielle est peut-être déjà atteinte. Maintenant vient la possibilité, pour le subtil Soi divin, de se manifester au moyen [38] de cette expérience que nous appelons "la nouvelle naissance", et que le christianisme a toujours enseigné. Tout ce qui arrive sur terre actuellement a pour objet de faire monter à la surface ce qui est caché au fond du cœur humain et de dévoiler à nos yeux la vision nouvelle. Le jour où ce travail sera accompli, nous pourrons franchir la porte de l'âge nouveau, pour entrer dans un monde caractérisé par une nouvelle perception, une compréhension des réalités vitales et une échelle de valeurs plus vraie et plus haute. La Parole doit de nouveau être proférée du Centre – le centre des cieux, et le centre de tous les cœurs humains. Chaque âme individuelle doit l'entendre. Chacun de nous doit subir cette expérience. Par elle, nous saurons que nous sommes un "Verbe fait chair". Tant qu'elle ne sera pas une partie intégrante de notre conscience individuelle, l'expérience de Bethléem ne sera qu'un mythe. Or, elle peut devenir un fait – le fait primordial dans l'expérience de l'âme

Je ne puis entrer ici dans une définition détaillée du mot "âme". Un passage d'un livre du Dr Bosanquet exprime cette idée en des termes qui la rattachent à l'expérience individuelle, tout en préservant sa signification cosmique, dans toute sa beauté. Une âme isolée est une impossibilité. Le Dr Bosanquet dit :

"L'âme – je me sers de ce terme dans son acception la plus vaste pour dire le centre d'une expérience qui en tant que microcosme, a acquis ou est en train d'acquérir un caractère qui lui est propre et une persistance relative – l'âme ne doit être opposée, comme un agent isolé ni avec son externalité constitutive, d'une part, ni avec la vie de l'absolu de l'autre. D'un bout à l'autre de ce livre, ( ) nous avons soutenu la thèse ( ) que l'âme est une portion de l'externalité, devenue vivante en s'organisant autour d'un foyer spirituel. Et quand nous parlons de l'âme comme d'une volonté modelant tous les évènements d'une façon créatrice, ce n'est qu'une autre image pour définir le microcosme, en y incluant le centre qu'entourent ces circonstances, et qui se remodèle et se reforme lui-même. L'âme est en même temps un fil ou une fibrille de la vie absolue. Un flux ou une marée au sein de cette vie, variant en largeur, en intensité et plus ou moins distincte du grand flux dans lequel elle se meut." [7](Les italiques sont de moi. A.A.B.)

Le Christ nous a permis de comprendre clairement ce qu'est l'âme lorsqu'elle est dévoilée et manifestée (malgré les limitations de la [39] chair). Ce qui est partiel chez nous, est complet chez Lui ; c'est un fait pleinement exprimé. Il nous a liés à Lui par le parachèvement de son humanité ; Il nous a liés à Dieu par l'expression de Sa divinité.

Si nous ne voulons pas être submergés par le chaos apparent du monde et perdre ainsi notre perspective, nous devons tous garder deux pensées présentes à notre esprit. D'abord que chaque époque apporte avec elle sa solution du problème. C'est ce que le Christ a voulu exprimer lorsqu'il a dit : "Je suis le chemin, la vérité et la vie." [8]Il savait qu'Il synthétisait en Lui-même l'esprit du passé et celui de l'avenir. Et ce qui est vrai de Lui est aussi vrai quand on étudie son enseignement.

Tout le passé est contenu dans le christianisme, et ses meilleurs éléments religieux y sont inclus.

L'âme de l'homme se tient devant les portes de la révélation et il doit apprendre que cette révélation lui viendra grâce à son propre perfectionnement. Browning a exprimé cette vérité dans ces vers célèbres :

Quand la race entière sera parfaite

Comme l'homme, qui est : tous tendant vers l'humanité

Et l'homme produit, tout aura sa fin

Mais dans l'homme accompli commence de nouveau Une tendance vers Dieu. Les présages ont annoncé L'approche de l'homme ; de même en l'homme surgissent

Deux anticipations augustes, des symboles, des types [40]

D'une splendeur voilée, jamais encore atteinte

Dans ce cycle éternel que poursuit la vie.

Car les hommes commencent à transgresser les bornes de leur nature,

Découvrant de nouveaux espoirs et des soucis qui supplantent vite

Leurs propres joies et leurs chagrins : ils deviennent trop grands

Pour les croyances étroites qui se flétrissent

Devant la soif incommensurable du bien : tandis que la paix

Sourd, toujours plus puissante au fond d'eux-mêmes. Dès à présent il existe de tels hommes sur terre,

Sereins, parmi les créatures à demi formées qui les entourent

Qui seront un jour sauvé par eux, et unies à eux[9].

L'homme, l'être humain, l'âme incarnée, est sur le point d'accomplir ce grand pas en avant qui provoquera le premier de ces grands déploiements que nous appelons "la nouvelle naissance". Une fois ceci accompli, la vie du Christ enfant grandira, et l'impulsion donnée le poussera en avant, le long de ce chemin qui mène d'une cime de la perfection à la cime suivante, jusqu'à ce que l'homme devienne lui-même un porte lumière illuminé, capable d'éclairer le chemin pour les autres. Les "illuminati" ont toujours guidé la race en avant ; les sages, les mystiques et les saints nous ont constamment révélé les hauteurs auxquelles nous pouvions atteindre, en tant qu'individus, comme en tant que race.

Le chemin qui mène de la naissance à Bethléem au mont du Crucifiement est difficile et ardu, mais il est foulé avec joie par le Christ ainsi que par tous ceux dont la conscience vibre à l'unisson de la Sienne. La joie de la vie physique est transmuée en joie de comprendre, et de nouvelles valeurs, de nouveaux désirs et un nouvel amour remplacent les anciens.

La naissance à Bethléem marqua le début de la longue route de la tragédie du Sauveur. Elle fit de Lui "un homme de douleurs et connaissant la souffrance." [10]Elle fut le commencement de la fin ; elle marqua Son initiation à des états plus élevés de la conscience. C'est ce qui ressort clairement du récit de l'Évangile.

[41]

DEUXIEME PARTIE

Avant de procéder à une étude approfondie de ces grandes initiations, il peut être utile d'examiner tout d'abord un ou deux points qui se rattachent à l'ensemble de notre sujet. On propage de nos jours tant d'enseignements étranges et fallacieux concernant cette question, et l'intérêt qu'elle suscite partout est si grand, qu'il faut lui appliquer un certain nombre de pensées claires et accorder plus d'attention à un certain nombre de facteurs, fréquemment négligés. Au point où nous en sommes, il serait légitime de demander : "Qui est l'initiateur ? Qui est digne de se tenir devant Lui pour recevoir l'initiation ?"

On ne peut assez souligner le fait que le premier initiateur de l'homme est toujours sa propre âme. Beaucoup d'écoles ésotériques et de Maîtres orientent leur enseignement et leurs aspirants vers quelque grand Maître qui est censé les préparer à accomplir le premier pas, et sans l'aide duquel tout progrès est impossible. Ils oublient qu'un tel Maître ne peut entrer en contact avec un homme aussi longtemps que ce dernier n'est pas lui-même entré en contact, d'une façon claire et précise, avec sa propre âme. C'est sur le plan de la conscience, qui est celui de l'âme, que peuvent se trouver ceux qui sont susceptibles de nous aider, et tant que nous n'avons pas atteint ce stade, en tant qu'individus, il nous est impossible d'entrer en contact avec ceux qui fonctionnent normalement sur ce plan. L'initiation est étroitement liée à la conscience et n'est que le mot dont nous nous servons pour désigner le passage de l'homme montant du quatrième règne, le règne humain au cinquième règne, le règne spirituel, qui est le royaume de Dieu. Le Christ est venu nous révéler le chemin de ce royaume.

Comme nous l'avons déjà vu, cette âme initiatrice porte beaucoup de noms différents dans le Nouveau Testament, et, dans les autres religions, on se sert, pour la désigner, d'une terminologie appropriée à l'époque et au tempérament de chaque aspirant. Là où le disciple chrétien parle "du Christ en nous, espérance de gloire"[11], le disciple oriental invoque le "Soi" ou l'Atman. Les écoles de pensée [42] modernes parlent de l'ego ou "moi supérieur", de l'homme réel ou de l'entité spirituelle, tandis que l'Ancien Testament évoque "l'Ange de la Présence". On pourrait dresser une longue liste de ces synonymes, mais en ce qui nous concerne, nous nous contenterons du mot "âme", à cause de son usage très répandu en Occident.

L'âme immortelle qui est en l'homme le prépare à la première initiation, car c'est cette âme qui se manifeste sur terre sous l'aspect du "Christ enfant", et qui apparaît dans l'homme. Ceci est la nouvelle naissance. Ce qui a subi une lente gestation dans l'homme naît enfin, et le Christ ou âme apparaît dans le monde. Le germe du Christ vivant a toujours été présent, quoique caché, en chaque être humain. Mais, avec le temps, l'âme-enfant fait son apparition et rend possible la première des cinq initiations. Le travail se poursuit ; la vie du Christ se développe et s'épanouit en l'homme, jusqu'au moment où ont lieu la seconde et la troisième initiations. A ce moment, beaucoup de gens pensent que nous sommes initiés par le Christ Lui-même. Grâce à sa conscience qui est en train de s'éveiller pleinement, l'initié se tient en Sa présence, et Le voit face à face. Browning a exprimé cette vérité dans son grand poème intitulé Saül :

O Saül, ce sera

Une face comme la mienne qui te recevra ; Ce sera un Homme semblable a moi

Que tu aimeras et Qui t'aimera pour toujours ; Une main semblable à cette main

T'ouvrira les portes de la vie nouvelle. Contemple le Christ debout.

Après la troisième initiation, la Transfiguration, quand la personnalité aura été subordonnée à l'âme ou Christ intérieur, et quand la gloire du Seigneur rayonnera à travers la chair, nous nous trouverons placés devant l'achèvement suprême du Crucifiement et de la Résurrection. Puis, nous dit-on, cet être mystérieux que l'Ancien Testament nomme Melchisédech et l'Ancien des Jours, entrera en action et nous initiera à des mystères plus élevés encore. On nous dit à son sujet : [43]

"C'est ce Melchisédech, roi de Salem et prêtre du Dieu souverain, qui était en premier lieu Roi de la Justice, comme son nom l'indique, et ensuite Roi de Salem (ce qui veut dire Roi de la Paix). Sans père, sans mère, immortel et incréé, n'ayant ni ancêtres, ni commencement ni fin. Il demeure prêtre à perpétuité" [12]

C'est lui qui accueille l'initié et surveille les plus hautes transitions de sa conscience, qui sont la récompense des épreuves qu'il a victorieusement surmontées. Il est Celui dont "l'étoile brille", quand l'initié entre dans la lumière.

Il y a donc trois initiateurs : d'abord l'âme de l'homme, puis le Christ de l'histoire, et enfin l'Ancien des Jours, celui en lequel "nous avons la vie, le mouvement, et l'être." [13]Ces idées sont intéressantes quand nous songeons que, parmi les cinq grandes initiations du Christ, il y en a également trois qui semblent douées d'une plus grande importance que les autres. Ces trois épisodes représentent des grandes cimes d'achèvement, des cycles culminants, et préparent l'initiation aux épisodes suivants. Ce sont : la première initiation ou la Naissance ; la troisième ou la Transfiguration ; et la cinquième ou la Résurrection. Il y a, dans la nature, une valeur mystérieuse qui s'attache plus particulièrement à la première, à la troisième et à la cinquième initiation – le commencement, le milieu et l'apothéose. Comme on l'a remarqué, "ce sont non seulement les intervalles qui séparent la tonique, la tierce et la quinte, qui nous permettent de construire une symphonie ou une chanson, mais aussi celles qui distinguent un ton d'un demi-ton, un soupir d'un demi-soupir". Entre ces points culminants, séparés par des intervalles dont la description nous est fournie par le récit de l'Évangile, se poursuit le travail qui rend possible les évènements ultérieurs. Nous étudierons principalement dans ce livre la technique de l'entrée dans le royaume de Dieu. Ce royaume existe, et le fait d'y naître est aussi inévitable pour l'homme que de naître au sein de la famille humaine. Ce processus consiste en une gestation continue, qui se poursuit jusqu'au moment où, dans "la plénitude du temps", l'enfant-Christ est né ; l'âme se manifeste alors sur terre, et la vie du disciple ou de l'initié commence. Le disciple passe alors de stade en [44] stade, jusqu'à ce qu'il se soit rendu maître de toutes les lois du règne spirituel. Par la naissance, le service et le sacrifice, l'initié devient citoyen de ce royaume, et ceci est un processus naturel, étroitement apparenté à sa vie intérieure, tout comme les processus physiques sont apparentés à sa vie extérieure. Les deux se poursuivent parallèlement, mais la réalité intérieure finit par se manifester par le sacrifice de l'humain au divin.

L'initié n'est pas seulement un homme bon. Le monde est plein d'hommes bons, et qui semblent cependant loin d'être des initiés. Mais l'initié n'est pas non plus un dévot bien-pensant. C'est un homme qui a ajouté une compréhension intellectuelle saine à ces deux qualifications fondamentales : un caractère moral sain et une dévotion sincère. L'initié a coordonné et discipliné sa nature inférieure, c'est-à-dire sa personnalité, de sorte qu'elle est devenue "un vaisseau adapté au service du Seigneur" [14] ; ce Seigneur est sa propre âme. Il sait qu'il marche dans un monde illusoire, mais, ce faisant, il s'entraîne à marcher dans la lumière de l'âme, comprenant qu'en se mettant au service de ses semblables et en s'oubliant lui-même il se prépare à se tenir devant les portes de l'initiation. Il rencontre sur son chemin ceux qui, comme lui, sont en train d'apprendre à devenir citoyens de ce royaume.

Tel a été le message de tous les vrais chrétiens à travers les siècles, et leur témoignage nous confirme, par sa concordance, la réalité du royaume ; il nous assure que ceux qui le cherchent peuvent réellement le trouver et que ceux qui s'enquièrent de son existence ne seront pas déçus. Le chemin qui mène au royaume se trouve, en posant des questions et en écoutant des réponses, en cherchant et en découvrant, mais aussi en obéissant à cette frêle voix intérieure, que l'on peut entendre quand toutes les autres voix se sont tues.

Lorsque nous entendons cette voix, nous prenons conscience des possibilités qui s'ouvrent à nous et nous faisons les premiers pas vers la première initiation qui mène à Bethléem, afin d'y rencontrer le Christ. Nous trouvons Dieu en nous-mêmes. Nous pouvons sentir la vie divine battre dans la grotte de nos cœurs. L'homme découvre [45] soudain qu'il fait partie d'une foule d'êtres humains qui ont déjà subi la même expérience, et il donne naissance au Christ, par le processus de l'initiation. La "vie-enfant" nouvellement née au royaume de Dieu commence sa lutte et son expérience qui la conduiront d'une initiation à l'autre, jusqu’à l'accomplissement final. Alors l'aspirant devient à son tour un Maître et une expression de la divinité. Il suit les traces du Sauveur en servant la race, en faisant retentir la note nécessaire et en aidant ses semblables à atteindre le même degré de conscience que lui. Le Sentier du service et de la coopération avec le divin devient le but de sa vie.

Tous les initiés ne peuvent pas arriver à la même altitude que le Christ. Sa mission était unique et cosmique. Mais les disciples du monde peuvent acquérir l'expérience incluse dans chaque stade de l'illumination, telle qu'elle est décrite dans l'Évangile. C'est pourquoi, lorsque nous récapitulerons les idées qui ont trait à la naissance nouvelle au royaume, qui est la tâche immédiate qui incombe à beaucoup d'entre nous, il faudra nous souvenir que :

"À la première initiation, le Christ naît dans le disciple. C'est alors que le disciple éprouve pour la première fois en lui- même l'effusion de l'amour divin et ressent un changement merveilleux qui lui donne le sentiment d'être un avec tout ce qui vit Ceci est la "seconde naissance" et, lors de cette naissance, les êtres célestes se réjouissent, car l'homme naît au royaume des cieux – semblable à un "nourrisson", à un "petit enfant", tels sont les noms que l'on donne toujours aux nouveaux initiés. C'est ainsi qu'il faut comprendre la parole de Jésus lorsqu'il dit que l'homme doit redevenir un petit enfant, pour pouvoir entrer dans le royaume de Dieu."[15]

Ce même auteur fait remarquer, dans un autre passage de son livre, que : "La seconde naissance est une autre expression pour désigner l'initiation ; même aujourd'hui les castes les plus élevées aux

Indes sont nommées "deux fois nées", et la cérémonie, en vertu de laquelle elles naissent une seconde fois est une cérémonie d'initiation ; sans doute celle-ci est-elle devenue, à notre époque, une simple formalité extérieure, mais on y décèle cependant "le dessin des choses qui sont aux cieux"[16]. Lorsque Jésus parle à Nicodème, il lui dit "qu'à moins de naître à nouveau, aucun homme ne peut voir le royaume de Dieu", et cette naissance est symbolisée par cette image : L'esprit et l'eau[17]. C'est la première initiation. Une initiation ultérieure s'appelle "le Saint-Esprit et [46] le feu" [18] ou baptême de l'initié parvenu à l'âge adulte, tandis que la première initiation est celle de la naissance, où le disciple est accueilli "comme un petit enfant entrant dans le royaume des cieux"[19].

La surprise témoignée par Jésus, lorsque Nicodème resta interdit devant Sa phraséologie mystique, et qu'il lui dit : "Tu es docteur en Israël et tu ne connais pas ces choses ?"[20], nous prouve combien tous ces symboles et ces images étaient répandus à cette époque parmi les mystiques juifs."

Les disciples du monde se tiennent, à cette heure, devant ces hauteurs qu'il s'agit pour eux de gravir à leur tour. Le disciple du monde, c'est-à-dire l'humanité considérée dans son ensemble, égarée et agitée, exténuée et abattue, et cependant consciente des potentialités divines et des grands rêves, des visions et des idéaux qui entretiennent son espoir, expriment son refus d'être vaincue, et sont la garantie de son succès final, se trouve, elle aussi, en présence de la même tâche. La voix de tous les Sauveurs du monde et l'exemple du Christ indiquent à l'humanité la voie qu'elle doit suivre. Cette voie nous éloigne de ce qui est superficiel et matériel ; elle nous conduit hors du monde de l'irréalité vers celui de la réalité.

"L'homme est excédé par une vie coupée de son centre religieux, et l'on voit s'ébaucher la quête d'un nouvel équilibre religieux et d'un nouvel approfondissement spirituel ; dans aucune branche de son activité, l'homme ne peut continuer à agir exclusivement à la surface des choses et à mener une existence purement extérieure." [21]La profondeur appelle la profondeur, et, à travers la douleur et la souffrance, le Christ-enfant émergea des ténèbres de ces abîmes. Alors l'humanité tout entière sera prête à accomplir ce grand passage vers le royaume de Dieu. Elle pourra entrer dans le royaume et commencer à écrire son histoire spirituelle. Jusqu'ici, l'histoire n'a été qu'une préparation. C'est seulement aujourd'hui que la race est prête, pour la première fois, à accomplir le grand pas en avant sur le chemin du disciple, qui précède le chemin de l'initiation. De tous temps, des individus sont sortis du rang et se sont haussés vers les cimes de l'accomplissement, escaladant ainsi la montagne de l'initiation. Mais ceci est aujourd'hui possible au grand nombre. La voix de ceux qui ont atteint le but, l'appel claironnant [47] de ceux qui sont initiés aux mystères du royaume de Dieu rendent ce nouveau pas possible. L'instant est unique et solennel. L'appel s'adresse à l'individu, mais, pour la première fois dans l'histoire, il retentit aussi aux oreilles de la foule parce que la foule est prête à y répondre.

Telle est la situation actuelle. Les voix de ces individus qui sont entrés résolument dans le royaume de Dieu s'adressent aujourd'hui à la multitude en des termes non équivoques, et l'issue est certaine, bien que l'initiation de l'humanité puisse nous sembler très lente. Les antiques vérités proclamées par les Maîtres et les Sauveurs du monde sont en train d'être réinterprétées en termes nouveaux, afin de satisfaire les besoins actuels d'une façon plus vitale. Les chefs qui façonnent l'esprit des hommes tiennent les portes grandes ouvertes, et l'humanité ne manquera pas de les franchir rapidement, si elle écoute leur message, mais, inévitablement, qu'elle les écoute ou non.

Notre thème apparaît donc graduellement à notre conscience. Nous voyons qu'il faut l'envisager sous deux angles principaux. Nous étudierons tout d'abord les cinq initiations de Jésus sous l'angle de l'aspirant individuel, en faisant apparaître clairement qu'en tant qu'enfants de Dieu nous pouvons tous participer à l'œuvre accomplie par le Christ. Une des choses intéressantes que nous verrons, lorsque nous étudierons la vie du Christ, et que nous noterons comment le Plan divin de sa vie fut progressivement enregistré par sa conscience, c'est qu'au commencement Il ne pressentit que confusément la tâche qui L'attendait. Il n'en eut une idée claire que lorsqu'Il devint plus âgé. Après la première initiation, la naissance à Bethléem, les mots qu'Il adressa à Sa mère furent les suivants : "Ne saviez-vous pas, qu'il me faut m'occuper des affaires de mon Père"[22]. Il savait que la tâche qui lui était assignée consistait à travailler et à servir, mais ce fut seulement plus tard que les caractères spécifiques de ce travail lui apparurent clairement. Il reconnut simplement un Plan, et Il s'y consacra. C'est également ce que doivent faire ceux qui suivent ses pas.

C'est alors qu'eut lieu la seconde initiation, celle du Baptême. Le Christ avait atteint l'âge d'homme, et cette seconde initiation fut immédiatement suivie par un rejet conscient et résolu du mal. La reconnaissance [48] de la tâche à accomplir doit toujours être suivie par la purification de celui qui est chargé de l'accomplir, et il doit donner une preuve tangible de sa purification et de sa libération du mal. Cette preuve fut donnée par le Christ lors de sa victoire sur les trois tentations. C'est seulement alors qu'Il commença à enseigner[23].

Après avoir reconnu ce Plan, et s'être préparé à y collaborer, Jésus se dédia à lui. Après la Transfiguration, Il acquit la compréhension totale de ce qui L'attendait, et Il décrivit clairement à Ses disciples la route qu'il devait suivre :

"Il faut que le Fils de l'homme souffre beaucoup, et qu'il soit rejeté par les Sénateurs, par les principaux prêtres et par les Scribes, et qu'il soit mis à mort, et qu'il ressuscite le troisième jour ( ) Si quelqu'un veut venir avec moi qu'il renonce à lui- même, et qu'il se charge chaque jour de sa croix et qu'il me suive." [24]

Un peu plus loin, dans le même chapitre, nous lisons "qu'il résolut de se mettre en chemin" vers le lieu de la souffrance et du sacrifice.

Parvenu au terme de sa route, Il sut enfin qu'il avait accompli la tâche qui lui avait été assignée. Il avait accompli le Plan ; les affaires du Père avaient été faites, et "bien des choses" subies. Nous lisons que, même sur la Croix, le Plan occupait encore son esprit, et c'est avec cette parole finale : "Tout est consommé" [25] qu'Il franchit les portes de la mort pour marcher au-devant d'une joyeuse résurrection.

Le processus de l'initiation est toujours accompagné par une révélation progressive du Plan et de son service ; l'individu apprend à subordonner sa vie à la Volonté du Père et à devenir – comme le Christ – le serviteur de cette Volonté. Le processus de l'initiation n'est lui-même qu'une partie du Plan assigné à la race, et les sentiers du disciple et de l'initiation ne sont que les étapes finales du sentier de l'évolution. Les premiers pas accomplis sur ce chemin sont liés à la vie humaine et à son expérimentation, mais les stades finaux, après la nouvelle naissance, sont liés au déploiement spirituel.

Ce qui est vrai du déploiement de l'individu, l'est aussi de celui [49] de la race ; et tous ces stades doivent s'effectuer également sur le plan de la vie raciale. Ceux qui ont la vision de ces choses décèlent l'existence de ce Plan dans la croissance continue de plusieurs idées qui gouvernent le monde actuel. Sans entrer dans les détails, on peut dire que la croissance du Plan et que la réponse de la race se manifestent clairement dans le développement progressif de l'idée que l'homme se fait de Dieu. Tout d'abord, Dieu fut une Déité lointaine, anthropomorphique, inconnue et non aimée, mais considérée avec crainte et respect, et adorée comme étant une divinité farouche s'exprimant à travers les forces de la nature. Avec le temps, ce Dieu lointain et inaccessible se rapprocha peu à peu de son peuple, revêtant un caractère plus humain jusqu'à ce que nous le trouvions, dans l'Écriture juive, très semblable à nous, bien qu'étant encore le Seigneur courroucé, auquel on obéit par crainte.

Dieu s'approcha encore de l'homme, avec le temps ; et bien avant l'avènement du christianisme, les hommes l'adoraient sous les traits du bien- aimé Krishna de la religion hindoue et du Bouddha. Alors le Christ parut à l'Occident. Dieu Lui-même s'incarna parmi les hommes. La Déité lointaine était devenue très proche, et Celui que l'on avait adoré jadis dans le respect et la crainte put désormais être aimé et connu. Aujourd'hui, Dieu se fait plus proche encore, et l'âge nouveau ne reconnaîtra pas seulement la vérité des révélations du passé ; il ne témoignera pas seulement de leur validité et de la révélation progressive de la divinité ; à tout cela viendra s'ajouter encore la révélation ultime de la présence de Dieu dans chaque cœur humain, du Christ né dans l'homme. Alors chaque être humain, prouvera, en vérité, qu'il est un fils de Dieu.

Le même Plan transparaît peu à peu dans le déploiement de la conscience. Dans son enfance, la race fut gouvernée par l'instinct.

Mais, avec le temps, L'intelligence commença à apparaître ; elle contrôlera de plus en plus le gouvernement, la pensée et les affaires humaines. Quelque chose de plus révélateur encore est en train de s'imposer à la pensée bien employée et bien comprise ; c'est l'intuition, et nous pouvons suivre la croissance de cette nouvelle force, chez l'homme moderne. [50] L'intuition, à son tour, engendre l'illumination. L'homme passe ainsi de gloire en gloire, et le jour viendra où l'on pourra voir le Fils de Dieu, omniscient et cosmique, Se manifestant à travers chaque fils de l'homme.

Au point de vue racial, ce même déploiement se retrouve, une fois de plus, dans le chemin parcouru par l'humanité depuis l'époque des tribus primitives. Nous avons d'abord affaire au sauvage isolé, puis à la famille, et ensuite à la tribu ; nous assistons ensuite à l'unification des tribus, qui constituent alors des nations soumises à un seul gouvernement central. De nos jours, enfin, nous vivons dans un monde qui commence à percevoir ce qui est plus grand que la nation – c'est-à-dire l'humanité tout entière – et à concevoir son expression, grâce au développement d'une conscience internationale. Quel que soit l'angle sous lequel nous envisagions la croissance du Plan, nous venons d'un passé lointain, sombre et ignorant, et nous nous trouvons dans un présent au sein duquel on voit émerger des valeurs plus vraies. Nous commençons à entrevoir ce qu'est le Plan, et où nous allons. Nous entrons lentement mais sûrement, dans le monde des réalités spirituelles, parce qu'il y a "un chemin qui mène de chaque groupe de faits naturels à chaque réalité spirituelle qui existe dans l'univers ; et que le propre des forces mentales, quel que soit leur degré, est toujours de traverser cette route " [26]

À ce "tournant des siècles", L'homme se tient au seuil des possibilités les plus vastes, et, du fait même qu'il est en train de découvrir sa propre divinité, il entrera dans le règne des valeurs authentiques et parviendra à une connaissance plus vraie de Dieu. L'expérience qu'il doit affronter aujourd'hui est le mystère de la nouvelle naissance.

Cette divinité inhérente à l'homme doit être amenée à naître, à la fois dans l'individu et dans la race. C'est ainsi que le royaume de Dieu pourra exister sur terre.

TROISIEME PARTIE

Les cinq initiations du Christ ont certains points communs, et ces ressemblances fondamentales ont, à leur tour, une signification profonde. Certains facteurs les apparentent les unes aux autres. La voie qui mène au royaume est universelle, et l'homme lui-même est le [51] symbole et la réalité. Il contemple tous les mythes et les symboles du monde ; il lit et connaît l'histoire des Sauveurs du monde ; en même temps, il doit jouer lui-même un rôle similaire, il doit transformer le mythe en un fait de son expérience personnelle ; il doit connaître le Christ. Il doit aussi Le suivre d'étape en étape, à travers les grandes expériences du processus de l'initiation.

Chaque initiation est précédée d'une pérégrination ; chaque étape et chaque évènement dramatique se situent au terme d'une période de voyage. Le symbole caché dans ces choses est visible. "La foulée du Sentier" est une locution familière pour exprimer la façon dont un être humain s'approche des mystères. Il est intéressant de noter que le monde entier est actuellement en mouvement. Tout le monde voyage – c'est un processus symbolique qui reflète un état intérieur de recherche et de mouvement, tendu vers un but pré-ordonné. Tout le monde voyage aujourd'hui soit par rail, soit par eau, soit par les airs. Dans beaucoup de pays, les êtres humains sont transférés d'un point à un autre par groupes entiers, suivant les nécessités économiques et les injonctions de la destinée. Nous sommes sans cesse en mouvement. Nous sommes "en route", occupés à élargir nos horizons. Nous sommes également en train de préparer des expansions de notre conscience qui nous permettront de vivre dans deux règnes à la fois, c'est-à-dire sur terre et dans le royaume de Dieu. L'humanité est en train d'accomplir la première étape de son voyage vers la Bethléem mystique où va naître le Christ-enfant, et beaucoup d'entre nous sont à la veille de subir la première initiation.

"Devant chaque homme s'ouvrent

Une voie, des voies et UNE VOIE.

L'âme haute choisit la route la plus haute

Et l'âme basse tâtonne sur la route basse ;

Et entre les deux, sur les plaines embrumées

Le reste erre, de ci, de là

Pourtant, devant chaque homme s'ouvrent

Une route haute et une route basse

Et chaque homme décide lui-même

La voie que son âme suivra." [27][52]

De plus, chaque initiation est marquée par une "Parole de Puissance", qui retentit à ce moment-là. L'initié l'entend, même si le reste du monde ne l'entend pas. Chaque fois que le Christ a traversé l'une de ces crises, une Voix a retenti, et le son qui en émana "ouvrit à nouveau les portes de la vie". Toutes les portes s'ouvrent, L'une après l'autre, à la demande de l'initié et à la réponse de l'Initiateur, qui se tient de l'autre côté du Portail Nous verrons le sens de chacune de ces Paroles. La Parole vient toujours du centre. On ne se lasse pas de nous dire, dans le Nouveau Testament : "Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende." [28]Et une étude des Paroles dites aux Sept Églises, dans l'Apocalypse, projetterait beaucoup de lumière sur le rôle mystique attribué à ces Paroles.

De grandes Paroles raciales ont été prononcées, et elles ont toujours provoqué les changements nécessaires. Elles représentent, pour les êtres sensibles, une puissance spirituelle douée d'une valeur inestimable.

Dans l'Asie ancienne, la "Parole" ou "Mot de Puissance" était TAO, ce qui signifie "la Voie". Il servait à désigner cette Voie ancienne que foulaient et enseignaient les initiés de l'Extrême-Orient. Pour notre race, le mot est "AUM" qui a dégénéré en AMEN dans notre liturgie occidentale. Les anciens écrits de l'Inde considéraient ce mot comme un symbole de la divinité, de l'esprit de vie, du souffle de Dieu. Quel sera le Mot nouveau qui "viendra du Centre" ? Nous ne le savons pas encore, et il ne retentira pas avant que la race ne soit prête à l'entendre. Tout ce que l'on peut affirmer, c'est qu'un mot de puissance commun sera remis en garde à notre race, si nous parvenons à nous hausser jusqu'au niveau de nos possibilités et si nous entrons résolument dans le royaume de Dieu, au moyen de la nouvelle naissance. C'est ce Mot qui fera surgir l'âme cachée de l'homme et le galvanisera pour qu'il puisse manifester une activité spirituelle renouvelée. Lorsque la race aura grandie en sensibilité et que les aspirants du monde appartenant aux multiples religions cultiveront (par la méditation) la faculté d'entendre la Voix qui surpasse toutes les autres voix, et apprendront à enregistrer le Son qui domine et éteint tous les autres sons, ils percevront, en tant que groupe, le Mot nouveau qui sera alors proféré.

Comme nous le verrons plus loin, un signe a été donné lors de [53] chaque initiation de Jésus ; ce signe se gravait dans la conscience des non- initiés. On a aperçu chaque fois un symbole ou une forme, qui était l'indice de la révélation. Le Christ Lui-même nous dit qu'à la consommation des siècles le signe du Fils de l'Homme sera visible dans les cieux[29]. De même qu'une étoile annonça la naissance à Bethléem, un signe céleste annoncera cette nouvelle naissance vers laquelle se dirige l'humanité. L'appel qui monte du cœur de tous les vrais aspirants à l'initiation est merveilleusement exprimé dans cette prière :

"Il y a une paix qui dépasse tout entendement, elle demeure dans le cœur de ceux qui vivent dans l'Eternel. Il y a un pouvoir qui rend toutes choses nouvelles. Il vit et opère en ceux qui savent que le Soi est UN. Puisse cette paix descendre en nous ; puisse ce pouvoir nous exhausser, jusqu'à ce que nous nous tenions à l'endroit où est invoqué l'Initiateur unique, jusqu'à ce que nous voyions briller son étoile."

Lorsque ce signe aura été vu, et le Mot entendu, le pas qu'il faudra ensuite accomplir sera la perception de la Vision. Le Plan et la part que doit y prendre l'initié lui seront alors révélés, et il saura ce qu'il doit faire. Cette vision est nommée la "Vision de Dieu", mais elle se manifestera à l'homme en fonction de la volonté de Dieu et lui dévoilera la plénitude des intentions divines. C'est notre vocation d'être initiés aux mystères de cette volonté. La vision de Dieu est la vision du Plan de Dieu. Nul n'a jamais vu Dieu, à aucun moment. Mais la révélation de Dieu nous est apportée à travers la révélation du Christ.

"Philippe Lui dit : Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit. Jésus lui répondit : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne m'as pas connu ? Philippe, celui qui m'a vu, a vu mon Père." [30]

Le Christ révéla en Lui-même la volonté de Dieu et donna à [54] l'humanité une vision du Plan de Dieu, ce Plan étant l'avènement du royaume. Le Christ était Dieu, et la parole de Dieu fut énoncée par Lui.

L'homme vit par l'incarnation de Dieu en lui-même. En franchissant la porte de la nouvelle naissance, il peut racheter la chair qui enchâsse cette divinité, et peut alors contribuer à la rédemption du monde. La crise, L'initiation et la vision existent également pour la race. "Là où il n'y a pas de vision, le peuple périt"[31]. Mais cette vision n'est jamais celle du Plan tout entier. Ce n'est ni celle de l'ultime expérience, ni celle de l'insondable consommation. Nous ne sommes pas encore prêts pour cela. Le Christ ne nous a pas divulgué la révélation finale. Il vit et indiqua à la race le pas suivant qu'elle devait accomplir. Les évènements dont la venue est imminente ne peuvent être que pressentis pour être considérés plus tard par l'intelligence ; il y a un instant de prévision, un présage de mouvement et d'activité, de difficulté et de service, et la révélation d'une nouvelle gloire.

Après la vision – qui succède à l'Initiation – s'ouvre un nouveau cycle de difficultés et d'épreuves. Les vérités découvertes et la révélation accordée doivent être perfectionnées par leur application à la vie quotidienne. Des moments d'assimilation et de réflexion doivent succéder aux périodes d'exaltation et de vision. Si l'on ne transforme pas les connaissances acquises en expérience pratique, celles-ci restent sur la cime de la révélation.

 

[1] Voir plus haut, p. 8.

[2] Saint Jean, III, 7.

[3] Cor. XV, 31.

[4] Pavel Florensky, cité par Hermann Keyserling dans "The recovery of Truth", p. 80.

[5] Saint Jean, I, 1, 2, 3, 4, 10.

[6] Le Mystère du Royaume de Dieu, par Albert Schweitzer, pp. 28, 29 (v.a.).

[7] The value and the Destiny of the Individual, par B. Bosanquet, p. 129.

[8] Saint Jean, XIV, 6.

[9] Paracelse, par Robert Browning.

[10] Isaïe, L III, 3.

[11] Col. I, 27.

[12] Hébreux, VII, 1-4, texte établi par Weymouth.

[13] Actes, XVII, 28.

[14] Timothée, II, 21.

[15] Esoteric Christianity, par Annie Besant, pp. 185, 186, 53-54.

[16] Hébreux, IX, 23.

[17] Saint Jean, III, 3-5.

[18] Saint Mathieu, III, II.

[19] Saint Mathieu, XVIII, 3.

[20] Saint Jean, III, 10

[21] The End of our Time, par Nicholas Berdyaev, p. 59.

[22] Saint Luc, II, 49.

[23] Saint Luc, IV, 14, 15.

[24] Saint Luc, IX, 22, 23.

[25] Saint Jean, XIX, 30.

[26] The value and the Destiny of the Individual, par B. Bosanquet, p. 111.

[27] John Oxenham.

[28].Saint Mathieu, XI, 15.

[29] Saint Mathieu, XXIV, 30.

[30] Saint Jean, XIV, 8, 9.

[31] Prov, XXIX, 18.