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CHAPITRE II LA PREMIERE INITIATION LA NAISSANCE A BETHLEEM - Partie 2

Pour finir, chaque initiation mène à un accroissement du service. Une vie spirituelle pratique doit suivre les moments vécus sur les sommets. Le Soi et son accomplissement doivent s'effacer devant le service des autres. Il n'y a aucun moyen d'éluder ce devoir. Chaque cime de l'accomplissement est suivie par un cycle d'épreuves. Chaque nouvelle révélation, saisie et assimilée, doit être adaptée aux besoins d'une vie consacrée au service de ses semblables d'une façon ardue et continue ; chaque initiation suscite toujours des épreuves renouvelées, en même temps qu'un pouvoir accru de servir.

QUATRIEME PARTIE

"Et cependant qu'ils étaient là, le temps auquel elle devait accoucher [55] arriva. Et elle mit au monde son fils premier-né, et elle l'emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux à l'auberge." [1]

C'est par ces simples mots que commence cette histoire capitale – une histoire dont les conséquences devaient être si considérables pour l'humanité que c'est seulement aujourd'hui que nous commençons à enregistrer ses résultats. C'est seulement aujourd'hui, c'est-à-dire deux mille ans après, que la leçon de la vie du Christ commence à prendre forme dans l'imagination des hommes ; c'est seulement aujourd'hui que l'enseignement unique que Jésus est venu prêcher commence à provoquer les changements nécessaires dans la compréhension humaine C'est seulement à présent que nous commençons à nous rendre compte que la preuve historique de Sa venue sur terre est l'histoire elle-même, et qu'il y a dans le monde deux grands courants d'énergie ou d'activité : le courant de la conscience commune et séparative de l'homme, en voie de déploiement, et le courant qui s'efforce d'appliquer continuellement le message du Christ aux affaires humaines, les modifiant, les transformant et déterminant – bien plus que nous ne pouvons l'imaginer – le chemin que nous devrions suivre. Le Christ vint dans la plénitude des temps, au moment où l'humanité approchait de la maturité ; il nous montra, en Lui-même et par Sa vie, ce qu'un homme était et pouvait être.

Le Fils de Dieu est aussi le Fils de l'homme. Ce fait a peut-être été oublié, par suite de l'importance primordiale que nous avons donnée à Sa divinité. Cette divinité existe, et rien ne peut l'obscurcir ; c'est un rayonnement splendide, une pure lumière blanche. Mais l'humanité existe aussi ; elle est pour nous la garantie de nos possibilités et de nos potentialités, une sanction de notre foi. Le pouvoir magnétique qui se dégage des mots de l'apôtre bien-aimé, lorsqu'il nous dépeint le Christ comme étant le Fils de Dieu parlant d'une façon divine, nous a fait tomber à genoux, pleins d'adoration et d'amour pour cette divinité. Mais saint Luc et saint Matthieu soulignent son humanité, tandis que saint Marc nous décrit Sa vie de Grand Serviteur. Nous nous sommes querellés au sujet de la divinité du Christ. S'il n'y [56] avait eu que le seul Évangile de saint Jean, nous n'aurions connu que sa divinité. Cet apôtre ne parle pas du Christ en tant qu'homme ; il ne nous dit pas ce qu'il fit en tant que tel.

Un auteur moderne qui écrirait la vie du Christ en omettant de parler de ces points importants serait sévèrement critiqué (tant par les théologiens que par les croyants orthodoxes). Mais il est évident que, dans l'esprit de l'apôtre, ces points n'avaient pas l'importance que nous leur attribuons. Ce qui lui paraissait vital et essentiel, c'était l'Esprit du Christ. Les trois autres apôtres nous ont fourni le décor et les détails de Sa vie, et ils se sont donnés manifestement beaucoup de peine pour rendre ces détails conformes aux enseignements du passé, c'est-à-dire aux vies des Maîtres et Sauveurs qui ont paru antérieurement à Jésus, car il y a entre leurs vies et l'Évangile une curieuse identité d'évènements.

L'apparence phénoménale du Christ a fait l'objet de discussions passionnées, mais nous avons négligé l'importance des paroles prononcées lors de trois de Ses initiations. Nous nous sommes basés sur les évènements physiques de sa vie et nous avons lutté pour prouver leur authenticité historique. Mais pendant tout ce temps, Dieu parle. "Écoutez-le".

Un autre point que l'on oublie fréquemment, c'est qu'en venant sur terre et en s'incarnant dans la forme humaine, Dieu nous apporta le témoignage de Sa foi en la divinité de l'homme. Dieu avait tellement confiance dans les hommes et dans leurs réactions aux conditions du monde, qu'Il donna Son Fils, pour qu'il démontre à l'homme ses possibilités et sauve le monde. Par ce fait, il donna une expression tangible à Sa confiance, et c'est cette confiance qui dicta Sa conduite. En toute révérence, je voudrais dire que la divinité de l'homme justifiait une expression de la divinité. C'est pourquoi Dieu agit comme il le fit. Le doyen Inge, commentant les œuvres de Plotin, dit d'une façon très juste "que la conduite de la vie repose sur un acte de foi qui commence par une expérience et se termine par l'expérience". Ces mots s'appliquent à Dieu autant qu'à l'homme.

Dieu a tant de foi dans la spiritualité innée de l'homme – et [57] qu'est-ce que la spiritualité, sinon l'expression de la divinité à travers une forme ? – qu'Il a tenté cette grande expérience qui a abouti au christianisme.

La foi dans le Christ. La foi dans l'humanité. La foi dans la faculté humaine de répondre à l'expérience. La foi que la vision accordée sera transmuée et amplifiée en expérience. Telle fut la foi de Dieu en l'humanité. La foi chrétienne, en dépit du dogme et de la doctrine, en dépit des déformations que lui ont fait subir certains théologiens académiques, et des impostures de quelques hommes d'Église inintelligents, a réalisé la fusion de Dieu et de l'homme dans le Christ et a présenté la vérité de telle sorte que chaque être humain puisse tenter à son tour cette épreuve et subir cette expérience. Lorsque cette vérité vitale, dramatique, dépeinte sous un angle mystique et cependant vivante, aura été saisie par l'esprit et comprise par le cœur, elle permettra à chaque aspirant aux mystères chrétiens de franchir les portes de la nouvelle naissance pour entrer dans la lumière et marcher vers une clarté toujours plus grande, car le "Sentier des justes est comme la lumière resplendissante dont l'éclat augmente jusqu'à ce que le jour soit dans sa perfection"[2]. Cette vérité est toujours vivante ; elle enrichit et colore toute notre foi.

Dans cette continuité (qui est la base de notre foi en l'amour de Dieu) beaucoup de Mots ont été émis du Centre, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Beaucoup de Fils de Dieu ont apporté à l'humanité, à travers les âges, une révélation progressive des "hauteurs de la possibilité", interprétant le Plan prescrit par Dieu à la race, en termes adaptés à chaque époque et à chaque tempérament. Les similitudes profondes qui se retrouvent dans leurs vies, L'apparition maintes fois réitérée de la Vierge mère (dont le nom est presque toujours une variante du nom de Marie), le parallélisme du récit de leur naissance, tout nous confirme le retour en actes de la même Vérité, dont la qualité dramatique et la répétition constante permettent à Dieu de graver dans le cœur des hommes certaines grandes vérités indispensables à leur salut.

Une de ces vérités est que l'amour de Dieu est éternel, et que son amour envers son peuple a été permanent et inaliénable. Chaque fois que les temps sont mûrs, et que le bien du peuple l'exige, Il vient pour [58] sauver l'âme des hommes. Krishna proclama cette vérité dans l'Inde ancienne, par ces paroles majestueuses :

"Chaque fois qu'il y a un flétrissement de la loi ( ) et une révolte de l'illégalité de tous côtés, alors Je Me manifeste.

Pour le salut des justes et la destruction de ceux qui font le mal ; pour l'établissement solide de la Loi, Je nais, d'âge en âge.

Celui qui perçoit Ma naissance et Mon œuvre comme divines, ce qu'elles sont en vérité ( ) il vient à Moi, Arjuna." [3]

Sans cesse et toujours, des Maîtres sont venus, ils ont manifesté une part de la nature divine, conforme à ce qu'exigeait le développement de la race ; ils ont prononcé les mots qui ont façonné la culture et la civilisation des peuples, et ont poursuivi leur route, laissant à la graine qu'ils avaient semé le soin de germer et de porter ses fruits Le Christ vint dans la plénitude des temps, et si l'évolution à un sens et si la race, prise dans sa totalité, a développé sa conscience, le message qu'Il apporta et la vie qu’Il vécut doivent nécessairement représenter la somme de tout ce qu'il y a eu de meilleur dans le passé, son complément et son accomplissement, indiquant la venue d'une culture spirituelle qui transcendera tout ce que le passé a pu produire de plus élevé. Il est curieux de constater que la plupart des Fils de Dieu naquirent dans une grotte et d'une mère vierge :

"En ce qui concerne le fait que Jésus naquit d'une Vierge, il est significatif de constater que nous n'y trouvons aucune allusion dans les Épîtres, qui constituent les premiers documents chrétiens. Saint Paul parle au contraire de Jésus comme étant issu "de la race de David selon la chair"[4], c'est- à-dire de la semence de Joseph, le descendant de David. Le plus ancien Évangile, celui de saint Marc, qui fut écrit entre70 et 100 après J.C, l'Évangile de saint Jean qui date au plutôt de l'an 100, et le livre de l'Apocalypse, écrit entre 69 et 93, passent également ce point sous silence. Si le fait que Jésus était né d'une vierge avait été dès cette époque un article de foi important, il aurait certainement figuré dans le symbolisme mystique de ces textes." [5][59]

Isis fut souvent représentée, debout sur un croissant de lune, la tête entourée de douze étoiles. Dans presque toutes les églises catholiques d'Europe, on peut voir des tableaux représentant la Vierge Marie, "Reine des Cieux", le pied posé sur un croissant de lune et la tête entourée de douze étoiles.

"Ce n'est pas un simple hasard si tant de vierges mères et de déesses de l'antiquité portent le même nom. La mère de Bacchus s'appelait Myrrha ; la mère de Mercure ou Hermès, fut Myrrha ou Maia ; la mère du Rédempteur siamois Sommona Cadom s'appelait Maya Maria, c'est-à-dire la "Grande Marie" ; la mère d'Adonis était Myrrha ; la mère de Bouddha était Maya. Et tous ces noms, que ce soit Myrrha, Maia ou Maria, sont les mêmes que Marie, le nom de la mère du Rédempteur chrétien. Le mois de mai était consacré à ces déesses, de même qu'il est consacré, de nos jours, à Marie. Elle était aussi appelée Myrrha et Maia, en même temps que Marie " [6]

Dans le langage symbolique de l'ésotérisme, une grotte est toujours considérée comme un lieu d'initiation. Il en a toujours été ainsi, et l'on pourrait se livrer à une étude fructueuse du processus initiatique et de la nouvelle naissance en rassemblant et en analysant les écrits relatant des faits qui ont eu lieu dans des grottes. L'étable où est né Jésus est en tous points comparable à une grotte, car beaucoup d'étables, à cette époque, étaient creusées à même le roc. Ce fait fut reconnu par l'Église primitive et l'on nous dit "qu'alors que les Évangiles déclarent que Jésus est né dans l'étable d'une auberge, les pères chrétiens primitifs, comme Justin Martyr et Origène, affirment d'une façon formelle qu'il est né dans une grotte." [7]

Quand nous étudions les cinq initiations du récit Évangélique, nous remarquons que deux d'entre elles eurent lieu dans des grottes, deux autres sur le sommet de montagnes, et une, à mi-chemin entre le sommet et la profondeur. La première et la dernière initiation (la naissance à la vie et la résurrection "à la vie plus abondante"[8]), [60] eurent lieu dans une grotte. La transfiguration et la crucifixion s'accomplirent sur le sommet d'une montagne ou d'une colline, tandis que la seconde initiation, à la suite de laquelle le Christ entreprit son ministère public, eut lieu dans une rivière, dans les plaines qui entourent le Jourdain – ceci est peut-être un symbole du fait que la mission assignée au Christ consistait à vivre et à agir au milieu des hommes. La formule maçonnique "rencontre sur le niveau" prend, de ce fait, une signification accrue. A la suite de chaque expérience subie sur une montagne, le Christ redescendit vers le niveau de la vie quotidienne et y démontra les effets de l'évènement sublime auquel il venait de prendre part.

Mithra, entre autres, était né dans une grotte Le Christ naquit dans une grotte et mena, comme tous les autres, une vie de service et de sacrifice, se qualifiant ainsi à jouer le rôle de Sauveur du Monde. Ces Sauveurs apportèrent la lumière et la révélation à l'humanité et furent sacrifiés, dans la plupart des cas, à la haine de ceux qui ne comprirent pas leur message ou s'opposèrent à leurs méthodes. Tous "descendirent aux enfers et ressuscitèrent le troisième jour". Il existe vingt ou trente récits de ce genre, éparpillés à travers les siècles, et ces récits sont aussi semblables que les missions dont ils parlent.

"L'histoire de Jésus, comme nous le verrons, contient un très grand nombre de correspondances avec les histoires des anciens dieux solaires et avec la course du soleil à travers les cieux – un si grand nombre, en effet, qu'elles ne peuvent être attribuées à une simple coïncidence ou aux artifices blasphématoires du diable. Énumérons-en quelques-unes. Nous trouvons :

1) le fait de naître d'une mère vierge, 2) le fait de naître dans une étable (une grotte ou une chambre souterraine) ; 3) le 25 décembre (c'est-à-dire juste après le solstice d'hiver). Il y a : 4) L'Etoile de l'Orient (Sirius) et 5) L'arrivée des Mages (les trois rois) ; Il y a : 6) la menace du massacre des Innocents et la fuite dans un pays lointain pour échapper au péril (on trouve le même épisode dans la vie de Krishna et des autres dieux solaires). Il y a les fêtes ecclésiastiques : 7) de la Chandeleur (2 février), avec les processions de cierges, symbolisant la lumière croissante ; 8) du Carême ou venue du printemps ; 9) de Pâques (normalement le 25 mars), pour célébrer le moment où le soleil traverse l'Équateur 10) L'explosion [61] des lumières dans le Saint-Sépulcre à Jérusalem. Il y a : 11 ; la crucifixion et la mort de l'Agneau divin, le vendredi Saint, trois jours avant Pâques il y a : 12) le fait d'être cloué sur un arbre ; 13) le sépulcre vide ; 14) la joyeuse résurrection (comme dans les cas d'Osiris, d'Attis et d'autres encore) ; il y a : 15) les douze disciples (représentant les douze signes du Zodiaque) et 16) la trahison de l'un d'eux. Plus tard, il y a : 17) le jour de la mi-été, le 24 juin, dédié à la naissance de saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ, faisant pendant à la Noël ; il y a les fêtes : 18) de l'Assomption de la Vierge (15 août) et 19) de la Nativité de la Vierge (8 septembre) qui correspondent aux mouvements du dieu à travers le signe "Virgo" ; Il y a 20) le conflit du Christ et de ses disciples qui correspond aux astérismes automnaux, le serpent et le scorpion ; Et enfin il y a ce fait curieux que l'Église : 21) a dédié le jour même du solstice d'hiver (où il est légitime de douter de la renaissance du soleil) à saint Thomas qui douta de la vérité de la résurrection[9].

Tous ceux qui se livrent à l'étude comparée des religions peuvent rechercher l'exactitude de ces affirmations ; ils seront stupéfaits de voir la persistance de l'amour de Dieu et l'abnégation avec laquelle tous ces Fils de Dieu ont été prêts à se sacrifier pour le bien de leurs semblables.

Il est par conséquent sage et utile de se souvenir que :

"Les mêmes évènements se reproduisent dans les vies des différents dieux solaires, et l'histoire antique fourmille de correspondances de ce genre. L'Isis égyptienne, comme Marie de Bethléem, était invoquée sous le nom de Notre Dame Immaculée, L'Etoile de la Mer, la Reine des Cieux, la Mère de Dieu. Les images la représentent, debout sur le croissant de la lune et couronnée d'étoiles, berçant son enfant Horus, tandis qu'une croix apparaît sur le dossier du siège sur lequel il est assis, trônant sur les genoux de sa mère. La Vierge du Zodiaque est dépeinte dans toutes les anciennes représentations, comme une femme allaitant un enfant – le prototype de toutes les Madones ultérieures, avec leurs enfants divins, nous montrant l'origine de ce symbole. De même Devaki est représentée tenant le divin Krishna dans ses bras, tout comme Mylitta ou Istar de Babylone, qu'on nous montre également couronnée d'étoiles et portant l'enfant Tammuz sur ses genoux. Mercure et Esculape, Bacchus et Hercule, Persée et les Dioscures, Mithra et Zoroastre étaient tous, de par leur naissance, humains et divins à la fois." [10]

Il n'est pas sans intérêt de rappeler que la cathédrale de Notre-Dame [62] de Paris est édifiée sur l'emplacement d'un ancien temple dédié à Isis, et que l'Église primitive se servit souvent d'une fête soi-disant païenne pour déterminer le rite chrétien ou fixer la date d'un jour de fête. Même la fête de la naissance du Christ au 25 décembre, a été établie de cette façon. L'auteur que nous venons de citer nous dira en effet :

"Voici ce que nous apprend Williamson au sujet de la fixation de la naissance de Jésus au 25 décembre : "Tous les chrétiens savent que, de nos jours, le 25 décembre est la fête officielle de la naissance de Jésus, mais beaucoup d'entre eux ignorent qu'il n'en a pas toujours été ainsi. Il y a eu, paraît-il, cent trente six dates différentes, fixées par les diverses sectes chrétiennes. Lightfoot la situe le 15 septembre, d'autres en février, d'autres en août. Épiphane cite deux sectes : L'une célébrait la naissance de Jésus en juin, L'autre en juillet. La question fut définitivement tranchée par le pape Jules en 337, et saint Chrysostome, écrivant en 390, dit : "C'est aussi ce jour (25 décembre) que Rome adopta récemment pour la naissance du Christ, afin que les chrétiens puissent célébrer cette fête sans être dérangés, tandis que les païens étaient occupés par leurs propres cérémonies (les Brumalies ou fêtes de Bacchus)." [11]

Le choix de cette date particulière a été dicté par des raisons cosmiques, et ce n'est pas sans raison que les hommes de cette époque ont pris cette grave décision. Annie Besant nous dit :

"La naissance (du Sauveur) coïncide toujours avec le solstice d'hiver, après le jour le plus court de l'année, le 24 décembre à minuit, quand le signe de la Vierge monte à l'horizon ; né au moment où paraît ce signe, il est toujours né d'une vierge, et celle-ci demeure vierge, même après avoir donné naissance à son enfant solaire, de même que la Vierge céleste demeure inchangée et intacte lorsque le soleil, l'ayant traversée, émerge dans les cieux. Il est alors faible et frêle comme un enfant, et naît au moment où les jours sont les plus courts, et les nuits les plus longues " [12]

Il est aussi intéressant de se souvenir que : [63]

"Le vénérable Bede[13], écrivant au début du VIIIème siècle, dit que "les anciennes gens de la nation anglienne", voulant désigner par-là les Anglais païens avant leur établissement en Grande Bretagne, vers l'an 500, "faisaient commencer l'année le 25 décembre, date à laquelle nous célébrons à présent la naissance de notre Seigneur." Il nous dit aussi que "la nuit du 24 au 25 décembre, qui est aujourd'hui si sacrée, s'appelait dans leur langue Modranecht, c'est-à-dire "nuit de la mère" en raison des cérémonies qui se déroulaient cette nuit-là." Il (Bede) ne nous dit pas en quoi consistaient ces cérémonies, mais il est évident qu'elles avaient trait à la naissance du Dieu-Soleil. Au VIème et au VIIème siècle, quand les Anglais furent convertis au Christianisme, la fête de la nativité du Christ avait depuis longtemps été fixée par Rome, le 25 décembre. Mais en Angleterre, son identification avec le joyeux rite païen du Yule – ce qui signifie, semble-t-il, une sorte de jubilation, – lui conféra un caractère de gaîté qu'elle ne possédait pas dans le Midi. Ce caractère a survécu, et c'est ce qui fait que sa célébration diffère en Angleterre, de la cérémonie de la nativité chez les peuples latins, où l'habitude nordique de festoyer et de donner des cadeaux était encore inconnue il y a quelques années." [14]

À l'époque de la naissance du Christ, Sirius, l'étoile de l'Orient, était sur la ligne méridienne ; Orion, appelé "les Trois Rois" par les astronomes orientaux, se trouvait à proximité ; la constellation de "Virgo" ou de la Vierge, montait donc à l'Est, et les trois lignes de l'écliptique, de l'équateur et de l'horizon, se rencontraient dans cette constellation. Il est également intéressant de noter que l'étoile la plus grande et la plus brillante de la constellation de la Vierge s'appelle "Spica" ; on la retrouve symbolisée dans "l'épi de blé" que la Vierge tient dans sa main et qui est un signe de fertilité. Bethléem signifie "la maison du pain" et il existe une relation évidente entre ces deux mots. Cette constellation se compose aussi de trois étoiles formant une coupe. Ceci est le saint Graal, qui contient le sang de la vie, qui sert de réceptacle à tout ce qui est saint et sacré et recèle la divinité. Ce sont là des faits astronomiques. L'interprétation des symboles attachés à ces constellations, depuis les temps les plus reculés, est aussi vieille que la religion elle-même. L'origine de ces signes et la [64] façon dont se formèrent les symboles qui y sont associés se perdent dans la nuit des temps. Ils ont existé depuis des milliers d'années dans l'esprit et les pensées des hommes, et constituent aujourd'hui notre patrimoine commun. L'ancien Zodiaque de Dendera (antérieur au christianisme de plusieurs millénaires) en est la preuve indiscutable.

Au cours du voyage du soleil autour du Zodiaque, l' "homme céleste" arrive finalement dans les Poissons. Ce signe se trouve exactement à l'opposé de la Vierge ; il est le signe de tous les Sauveurs du monde. Nous avons déjà vu que l'âge du christianisme est l'âge des poissons, et le Christ naquit en Terre Sainte au moment où le soleil entrait dans ce signe. En conséquence, ce qui a commencé à prendre vie dans la Vierge est consommé dans les Poissons. C'est le moment où le Christ enfant, né dans la Vierge, parvient à l'âge mûr, et apparaît dans le monde comme un Sauveur.

Un autre fait astronomique est également intéressant. On distingue, dans le même secteur du ciel, et étroitement associées à la constellation de la Vierge, trois autres constellations, qui dépeignent pour nous, sous un aspect symbolique, L'histoire de l'enfant qui devra naître, souffrir, mourir et enfin revenir. Ce sont le groupe d'étoiles appelé Coma Bérénice, la femme avec l'enfant ; le Centaure et Boötès, dont le nom, en hébreu, signifie "celui qui vient". D'abord, l'enfant né d'une femme, et cette femme est une vierge ; puis le Centaure, qui a toujours été le symbole de l'humanité dans toutes les mythologies antiques, car l'homme est un animal, plus un Dieu, et par conséquent un être humain. Enfin "Celui qui viendra" plane sur eux tous, les couvrant de son ombre, et préfigurant l'accomplissement qui s'effectuera par la naissance et l'incarnation humaine. Le livre d'images du ciel contient l'éternelle vérité pour ceux qui ont des yeux pour voir, ainsi qu'une intuition assez développée pour en interpréter les signes. Les prophéties ne sont pas toutes enfermées dans la Bible ; elles se déploient depuis toujours sous le regard des hommes et sont inscrites dans la voûte des cieux. "Les Cieux racontent la gloire de Dieu et l'étendue fait connaître [65] L'œuvre de ses mains" [15] ; ils annoncent cet évènement mondial qui s'accomplit lorsque le Christ naquit à Bethléem, dans "la maison du pain", lorsque la Vierge brillait au-dessus de l'horizon et que l'Etoile de l'Orient scintillait au firmament.

Le Christ vint alors ; il revêtit Sa propre chair et Son propre sang, attiré par le monde des hommes, et poussé par l'amour de Dieu. Il vint pour donner à la vie un but et un accomplissement, et pour nous montrer la Voie ; Il vint pour nous donner un exemple, pour nous insuffler un espoir "qui ne déçoit point"[16], et pour que nous "courions vers le but, qui est le prix de notre vocation céleste." [17]

Il faut enfin noter que nous trouvons également dans la vie des autres Maîtres envoyés par Dieu l'épisode du voyage qui précède leur naissance. Nous lisons, par exemple que :

"Parmi les trente deux signes qui permettraient de reconnaître la mère du Messie tant attendu (le Bouddha), le cinquième, nous dit-on, était "qu'elle serait en voyage au moment de la naissance de son enfant." C'est pourquoi, "afin que s'accomplisse ce qui avait été annoncé par les prophètes", la vierge Maya, étant parvenue au dixième mois de sa grossesse, se mit en route pour rendre visite à son père, quand, ô miracle ! La naissance du Messie survint sous un arbre. Un autre récit nous dit "qu'elle faisait halte dans une auberge, lorsque naquit le Bouddha".

"La mère de Lao-Tseu, le Sage chinois né d'une vierge, était loin de sa maison quand naquit son enfant. Elle s'était arrêtée au pied d'un arbre pour s'y reposer, et c'est là, comme la vierge Maya, qu'elle accoucha d'un fils" [18].

On nous dit dans l'Évangile, que la Vierge Marie, portant dans son sein l'enfant Jésus, et accompagnée de Joseph, son mari, se rendait de Nazareth en Galilée, à Bethléem. Parfois, L'analyse des noms que nous rencontrons dans la Bible et dans la tradition projette une vive clarté sur les épisodes où on les trouve, et dévoile une partie de leur signification cachée. Dans mon étude de l'histoire biblique, je me suis [66] servi exclusivement de la Bible elle- même, et les Concordances de Cruden. L'interprétation des noms est empruntée à ce dernier ouvrage. Nous y voyons que "Nazareth" signifie" ce qui est consacré" ou "mis à part". "Galilée" signifie "la rotation de la roue" – cette roue de la vie et de la mort tournant éternellement sur elle-même, et qui nous entraîne tous avec elle, nous enchaînant à "la roue de l'existence", comme l'appellent les Bouddhistes, jusqu'à ce que nous ayons appris la leçon de la vie et soyons devenus un vaisseau honorable, sanctifié, propre au service du Seigneur" [19].

Le long voyage de l'existence est déjà derrière le Christ, et Il accomplit avec Sa mère la dernière étape de la route. Consacré depuis des éons à son œuvre de rédemption, il doit d'abord se soumettre au processus de la naissance et de l'enfance. Le Christ vint de Nazareth – le lieu de la consécration – et monta à Bethléem, la Maison du Pain, où il devait devenir Lui-même, d'une façon toute particulière, "Le Pain de la Vie" [20], offert en nourriture à un monde affamé. Il fut "mis à part" ou se mit Lui-même à part (comme le font tous les fils de Dieu conscients de leur mission) en vue de l'œuvre de la rédemption. Il vint pour nourrir ceux qui ont faim, et, à ce titre, deux versets de la Bible projettent une vive lumière sur Son œuvre, et sur la façon dont Il s'y prépara. Isaïe nous dit que "le froment est foulé"[21], et le Christ nous a dit Lui-même que "si le grain de froment ne meurt, après qu'on l'a jeté dans la terre, il demeure seul ; Mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruits"[22]. Telle était la destinée qui l'attendait lorsqu'Il naquit à Bethléem. Il entra alors dans une carrière qui finit par le "fouler" comme le grain de froment, et le conduisit à la mort.

Selon les Concordances de Cruden, le nom de Marie signifie "L'Exaltée du Seigneur". Lorsque l'on prononce ces mots, on voit en pensée la célèbre peinture de Murillo, où la Vierge, debout sur le croissant de la lune, accomplit son ascension parmi les nuées célestes. Telle est l'Assomption de la Vierge dans la gloire. Mentionnons un autre détail intéressant, concernant la constellation de la Vierge. Dans le [67] symbolisme de l'ancienne Sagesse, Marie, la Vierge, signifie la matière vierge, la substance qui alimente, nourrit et cache en elle le Christ Enfant, la conscience du Christ. En dernière analyse, c'est à travers la forme et la substance que Dieu se révèle. C'est là l'histoire de l'incarnation divine. La matière, adombrée par le Saint-Esprit – la troisième personne de la Trinité – engendre le deuxième aspect de la Trinité, en la Personne du Christ cosmique, mythique et individuel.

Outre la constellation de la Vierge, nous trouvons dans le grand livre des cieux trois autres constellations associées à ce mystère. Toutes trois sont symbolisées par des femmes. Il y a Cassiopée ou la Femme intronisée. Cette constellation symbolise ce stade de la vie humaine où la substance et la forme sont prédominantes et triomphantes ; c'est le moment où la vie divine intérieure est si profondément cachée qu'elle ne se manifeste par aucun signe et où seule la nature matérielle gouverne et contrôle toutes choses. Puis vient un stade ultérieur dans L'histoire de la race et de l'individu, où nous voyons émerger symboliquement Coma Bérénice, c'est-à-dire la Femme portant l'enfant Christ. Ici, la matière commence à révéler sa vraie fonction, qui est de contribuer à la naissance du Christ sous toutes ses formes. Quand la rotation de la grande roue a terminé son œuvre, alors Marie peut quitter la Galilée et sortir de Nazareth pour se rendre à Bethléem, afin d'y donner naissance au Sauveur. Enfin il y a Andromède, la Femme enchaînée ou la matière soumise à l'obéissance de l'âme. A présent, c'est le Christ ou l'âme, qui gouverne. D'abord la matière domine, intronisée et triomphante. Puis la matière devient la gardienne et la protectrice de la divinité cachée, de la beauté et de la réalité, et elle s'apprête à les mettre au monde. Enfin la matière devient la servante de ce qu'elle a enfanté, c'est-à- dire du Christ. Cependant, rien de tout ceci ne peut s'accomplir sans qu'ait eu lieu le voyage de Nazareth, le lieu de la consécration, et de Galilée, le lieu de la rotation quotidienne de la vie ; et ceci est vrai, qu'il s'agisse du Christ cosmique, caché sous la forme de système solaire du Christ mythique, caché dans l'humanité à travers les âges ; du Christ historique, caché à l'intérieur du corps de Jésus ; ou du Christ individuel, caché à l'intérieur de chaque [68] être humain. Le processus est toujours le même – le voyage, la nouvelle naissance, l'expérience de la vie, le service envers autrui, la mort à endurer, et enfin la résurrection au sein d'un service plus vaste.

Le nom de Joseph signifie "Celui qui ajoutera" ; Joseph était un constructeur, un charpentier, un travailleur du bâtiment, un "qui ajoute une pierre à une pierre et une poutre à une poutre. Il est un symbole de l'aspect constructeur-créateur de Dieu le Père. En ces trois êtres, Joseph, L'enfant Jésus et Marie, nous avons la divine Triplicité, représentée et symbolisée sous les trois aspects de Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit, c'est-à-dire la substance informée par la Déité et personnifiée pour nous sous les traits de la Vierge Marie.

Aujourd'hui, les masses humaines sont en voyage. Aujourd'hui, L'enseignement du Sentier et de la Voie de Dieu retient l'attention des aspirants du monde. Nous sommes sur le chemin du retour et nous nous rapprochons de la Bethléem raciale et individuelle. Nous sommes sur le point de pénétrer dans la grotte où pourra avoir lieu la nouvelle naissance, et par conséquent nous avons presque accompli une des étapes du long voyage de la vie. Ce symbolisme est peut-être plus vrai que nous ne le pensons. Le problème mondial est, de nos jours, le pain, et nos angoisses, nos détresses, nos guerres et nos luttes naissent de ce problème économique : comment nourrir les peuples ? Aujourd'hui le monde entier est préoccupé par le problème de Bethléem, par le problème du pain. Il y a pour nous une garantie dans cette implication subtile : c'est que, de même que le Christ se rendit jadis à la Maison du Pain, de même Il accomplira de nouveau sa promesse et S'accomplira Lui-même, en revenant parmi nous. La grotte, ce lieu de ténèbres et d'inconfort, était pour Marie un lieu de lassitude et de souffrance. L'histoire de cette grotte ou étable, telle que nous la trouvons dans le Nouveau Testament, est peut-être, de tous les épisodes de la Bible, celui qui est le plus riche en symboles et en enseignements de toutes sortes. Le voyage long et harassant se termine dans une grotte ténébreuse. Le long et fatigant voyage de l'humanité nous a conduits aujourd'hui en un lieu tout aussi obscur et déplaisant. La vie du disciple individuel, avant qu'il ne reçoive l'initiation et ne traverse l'expérience de la nouvelle naissance, est toujours une vie de difficultés et de tribulations. Mais, dans ces difficultés, et à travers ces tribulations, on peut trouver le Christ, la vie du Christ peut fleurir, et nous pouvons [69] nous tenir face à face avec Celui qui est l'Initiateur. Le poète aveugle George Mac Donald l'a fort bien senti, lorsqu'il a écrit ces beaux vers, qui apportèrent à tant d'êtres un réconfort profond :

Défie les ténèbres, quelles qu'elles soient,

Les ténèbres épaisses du deuil ou du mystère étrange, De la prière ou de la Providence.

Persiste dans ton effort,

Et tu trouveras le sacrement voilé de l'amour.

Une révélation secrète, de la douceur et de la lumière

Attendent le lutteur pour l'assaillir dans la nuit

Au cœur même des plus profondes ténèbres

Le Christ, transfiguré, rencontre les âmes qu'Il élit.

Les quatre règnes de la nature se trouvent distinctement symbolisés pour nous dans cette grotte de l'initiation. Le règne minéral apparaît dans la structure rocheuse de la grotte. Le foin et la paille, qu'on s'attend tout naturellement à trouver dans cet endroit, symbolisent le règne végétal. Le bœuf et l'âne représentent la nature animale, mais ils représentent aussi plus que cela. Le bœuf représente les formes d'un culte qui aurait dû disparaître de la terre au moment où parut le Christ. Ceux qui adoraient le Taureau étaient encore nombreux à cette époque ; ce culte qui prévalait au moment où le Soleil traversait le signe du Taureau et était encore célébré dans les mystères de Mithra et de l'Égypte. Le signe qui précéda immédiatement l'ère chrétienne fut Ariès ou le Bélier, et celui-ci se trouve symbolisé dans les troupeaux qui entouraient l'étable de Bethléem.

Il faut aussi se souvenir que des ânes sont étroitement associés à l'histoire de Marie et de son Enfant. L'Évangile mentionne deux ânes, L'un venant du Nord et portant Marie à Bethléem, L'autre la menant en Égypte. Ce sont les symboles des deux constellations appelées respectivement l'âne septentrional et l'âne méridional, qui se trouvent dans le voisinage de la constellation de la Vierge.

Nous trouvons le règne humain représenté par Marie et par Joseph c'est-à- dire l'unité humaine, plus la dualité indispensable à l'existence. [70] Dans l'enfant nouveau-né s'exprime la divinité elle-même. Ainsi, le Cosmos entier est présent dans cette petite grotte.

Lorsque le Christ naquit à Bethléem, une triple parole retentit : "Gloire à Dieu dans le Ciel, paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes"[23]. Une parole triple nous a alors été donnée. Les Anges la chantèrent, cette nuit-là, aux bergers qui gardaient leurs troupeaux dans les champs qui entouraient la grotte- étable où dormait l'Enfant nouveau-né. Un évènement sans précédent venait de s'accomplir dans le Cosmos, et les légions célestes lui faisaient honneur.

La terre possède-t-elle un caractère unique ? Cette question a souvent troublé l'esprit de ceux qui pensent. Un atome aussi infinitésimal de notre espace peut-il présenter un si puissant intérêt pour Dieu, qu'Il ait permis qu'une si grande expérience s'y accomplisse ? Le mystère de l'homme et le dessein qui lui est attribué sont-ils si grands, que l'on ne puisse leur trouver nulle part d'équivalent ?

Peut-il vraiment arriver une chose sur cette "boule de poussière" qui soit d'une importance assez vitale pour que les Anges se mettent à chanter : "Gloire à Dieu dans le Ciel, paix sur la terre, bonne volonté envers les hommes ?" Nous aimons penser qu'il en est ainsi. Nous redoutons de mesurer notre petitesse qui nous étreint lorsque nous regardons les étoiles du firmament et que nous nous rendons compte qu'il existe des milliers de millions d'univers et des dizaines de milliers de millions de constellations. Nous sommes des parcelles si infimes de l'immensité !

Peut-être sommes-nous plus importants que nous ne le soupçonnons. Peut- être que ce qui nous arrive dans le règne de la conscience importe vraiment au Plan cosmique. Nous savons que ce qui arrive au corps importe peu. C'est ce qui arrive dans et par le corps qui compte.

Peut-être que ce qui arrive dans et par le corps, qui est une planète habitée intérieurement par Dieu, est d'une importance vitale pour les Plans de Dieu Lui-même. Ceci donnerait un sens à la vie ; c'est seulement lorsque nous saisissons ce sens et l'apprécions à sa vraie valeur, que nous pouvons comprendre la signification de la parole proférée lors de la naissance du Christ. Paraphrasons le message des Anges. Il [71] vint d'un groupe d'êtres, et fut dit à un groupe d'êtres. C'est donc un message mondial, un message qui attend toujours sa réponse. Lorsque la conscience qui est le Christ aura été éveillée chez tous les hommes, alors nous verrons régner la paix sur la terre et la bonne volonté parmi les hommes. Lorsque ceci sera accompli, alors Dieu sera glorifié dans les cieux. L'expression de notre divinité mettra un terme à la haine qui rampe sur terre et brisera toutes les cloisons qui séparent les hommes, les groupes, les nations et les religions. Là où il y a de la bonne volonté, il doit aussi y avoir de la paix ; il doit y avoir une activité organisée et une reconnaissance du Plan de Dieu, car ce Plan est synthèse ; ce Plan est fusion ; ce Plan est l'unité et l'harmonie. Alors le Christ sera tout entier en tout, et Dieu le Père sera glorifié. Ceci doit s'accomplir au moyen d'une vision vivante avec Dieu, opérée par l'entremise du Christ – c'est-à-dire par l'entremise du Christ historique qui nous révéla Dieu et par l'entremise du Christ individuel, caché dans chaque cœur humain et qui doit être mis au monde. Aucune des Épîtres du Nouveau Testament n'exprime cette vérité aussi clairement que l'Épître aux Éphésiens, car on y trouve une image de cette possibilité, exprimée en termes qui ne laissent place à aucune équivoque :

"( ) Pénétrée tout entière par cette idée d'une union vivante avec le Christ, et résidant à l'intérieur de Lui. Elle s'exprime à l'aide de beaucoup de métaphores. Nous sommes enracinés en Lui comme un arbre dans le sol, qui le rend inébranlable et fécond. Nous sommes construits en Lui comme les fondements du Temple sont cimentés aux rochers vivants. Nous vivons en Lui comme les membres d'un même corps

( ) L'intériorité, dirons-nous, est réciproque Il est en nous et nous sommes en Lui. Il est en nous, en tant que source de notre être ; nous sommes en Lui, en tant que remplis par sa plénitude. Il est en nous tout-communicatif, nous sommes en lui tout-réceptifs. Il est en nous comme la clarté du soleil pénétrant dans une chambre obscure. Nous sommes en Lui comme la bûche froide et verte jetée dans le brasier flamboyant, qui brûle de part en part et émet de la chaleur rayonnante et vermeille. Il est en nous comme la sève dans les veines de l'arbre ; nous sommes en Lui, comme étant les branches de cet arbre"[24].

Il est nécessaire aujourd'hui de comprendre ces choses : Le Christ en Dieu. Dieu en le Christ. Le Christ en vous, et le Christ en moi. Ce [72] sont ces vérités qui engendreront la religion unique de l'avenir qui sera une religion d'amour, de paix sur terre, de bonne volonté universelle, de compréhension divine et de reconnaissance profonde de Dieu. Son empreinte et Sa vie seront alors visibles partout, en toutes choses et en chaque homme. La "Signature divine", comme l'appelle Boehme, sera partout reconnue. La vie de Dieu anime aujourd'hui la pensée des hommes et les incite à se diriger vers la chambre natale. De là, les hommes passeront dans un monde nouveau, où l'humanité servira des idéaux plus élevés, établira des contacts plus profonds et acquerra des connaissances plus riches.

Quand le Christ vint, nous lisons : ceux qui possédaient le don de vision dirent : "Nous avons vu son étoile briller à l'Orient, et nous sommes venus pour l'adorer"[25]. Ce fut le signe donné au petit nombre de ceux qui étaient prêts et qui avaient accompli le voyage nécessaire à Bethléem. Mais un autre signe fut aperçu par les foules et fut donné par les Anges du Seigneur aux bergers qui veillaient, cette nuit-là, dans leurs champs. "Et vous Le reconnaîtrez à ceci : c'est que vous trouverez le nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche"[26]. Il y eut un signe donné à ceux qui veillaient – deux ou trois tout au plus – et qui étaient prêts à se consacrer tout entiers au Christ. Ceux-là virent scintiller l'étoile de l'initiation et se hâtèrent vers la chambre du mystère. Le plus grand nombre de ceux qui veillaient avaient besoin d'un signe plus concret et plus facile à interpréter. Ils allèrent voir l'enfant avec sa Mère. Leur attitude nous est dépeinte par ces mots : "Allons jusqu'à Bethléem et voyons ce qui y est arrivé, et que le Seigneur nous a fait connaître"[27]. Mais les trois hommes qui comprirent, vinrent pour adorer et offrir des présents.

Lorsqu'ils virent briller l'étoile, les trois rois se mirent en route, et vinrent à Bethléem chargés d'offrandes. Ils symbolisent les disciples du monde qui sont prêts aujourd'hui à recevoir la première initiation, à transmuer leur connaissance en sagesse et à offrir tout ce qu'ils possèdent au Christ qui est en eux. [73]

Les cadeaux que les trois rois apportèrent avec eux nous montrent le type spécifique de discipline qui doit être acceptée et subie, afin de pouvoir présenter au Christ, à l'heure de sa nouvelle naissance, des présents qui seront le symbole de notre achèvement. Les présents offerts à l'enfant Jésus par les trois rois furent l'or, L'encens et la myrrhe. Étudions un instant l'importance particulière de ces matières pour le postulant. Les ésotéristes nous disent que l'homme est doué d'une nature triple et cette vérité est confirmée par les investigations et les découvertes des psychologues. L'homme est un corps physique vivant ; il est une somme de réactions émotionnelles, et il est aussi ce je ne sais quoi de mystérieux que nous appelons un mental. Ces trois parties de l'homme – physique, émotionnel et mental – doivent être offertes en sacrifice, comme un signe d'adoration et un présent offert volontairement au "Christ intérieur", afin que le Christ puisse se manifester au disciple, et l'initier comme Il le désire.

L'or est le symbole de la nature matérielle, que l'homme doit consacrer au service de Dieu et de ses semblables. L'encens symbolise la nature émotionnelle, avec ses aspirations et ses désirs, et cette aspiration doit s'élever comme la fumée de l'encens aux pieds de Dieu. L'encens est aussi un symbole de purification ; il représente cette combustion intérieure qui détruit toutes les scories et ne laisse que l'essence, pour la bénédiction de Dieu. La myrrhe ou amertume, est un signe du mental. C'est par le mental que nous souffrons, en tant qu'êtres humains ; plus la race progresse, plus le mental se développe, et plus grandit notre capacité de souffrir. Mais quand la souffrance est considérée dans sa vraie lumière et dédiée à la divinité, on peut s'en servir comme d'un instrument par lequel nous pouvons nous rapprocher de Dieu. Nous pouvons alors offrir à Dieu ce don rare et précieux entre tous qu'est un mental rendu sage par la souffrance, et d'un cœur rendu bon par la détresse et par les difficultés surmontées.

En étudiant la signification des trois présents apportés par les disciples d'autrefois à l'enfant Jésus et en comprenant leur sens par rapport à notre situation individuelle, nous voyons que l'humanité tout entière se tient aujourd'hui devant l'enfant Jésus, dans la Maison du [74] Pain, au terme d'un long voyage, et peut Lui offrir à présent, si elle le désire, les dons de la vie matérielle, de la purification par les feux, de l'adversité et de la souffrance auxquelles elle a été soumise. L'humanité peut quitter la Galilée et entreprendre ce voyage qui passe par Nazareth. L'or, cette substance qui semble aujourd'hui le sang vital des peuples, doit être consacré au Christ. L'encens, ces rêves et ces aspirations de la multitude, qui sont si vrais et si profonds que les nations sont partout en lutte pour assurer leur expression, doit également être consacré au Christ, afin qu'Il soit tout en tous. Et la souffrance, la douleur et la détresse de l'humanité, qui n'ont jamais été aussi aiguës qu'à présent, doivent, elles aussi, être déposées aux pieds du Christ. Nous avons appris beaucoup de choses. Laissons la signification profonde de tout ce que nous avons appris pénétrer dans nos cœurs et dans nos esprits ; laissons la raison de la douleur nous amener à l'offrir, en don suprême, au Christ. Toute naissance est accompagnée de souffrance. On en trouve dans chaque chambre ou l'on naît. La compréhension de ces choses fait naître un optimisme fécond dans les esprits de ceux qui méditent sur les souffrances et sur la détresse du monde. Ne sont- elles pas un symbole de l'angoisse qui précède la révélation du Christ ? Lorsque cette révélation sera accomplie, nous pourrons dire, avec saint Paul :

"Je regarde toutes les autres choses comme une perte, en comparaison de l'excellence de la connaissance de Jésus- Christ, mon Seigneur, pour qui je me suis privé de toutes ces choses, et je ne les regarde que comme des ordures, pourvu que je gagne le Christ.

Et que je sois trouvé en Lui, ayant, non la justice qui me venait de la loi, mais celle qui vient de la foi en Christ, à savoir la justice qui vient de Dieu par la foi

Non que j'aie déjà atteint le but ou que je sois déjà parvenu à la perfection ; mais je fais mes efforts pour y parvenir et c'est pour cela aussi que Jésus-Christ m'a pris à Lui

Mais ce que je fais, c'est qu'oubliant les choses qui sont derrière moi et m'avançant vers celles qui sont devant moi, je cours vers le but, vers le prix de la vocation céleste de Dieu en Jésus-Christ.

Nous tous, donc, qui sommes parfaits, ayons ce même sentiment et si vous pensez autrement, Dieu vous le révèlera aussi. Mais quel que soit le point que nous ayons atteint, persévérons dans la même voie." [28]

[75]

CINQUIEME PARTIE

Le récit que les Évangiles nous donnent de l'enfance du Christ peut se résumer en très peu de mots. Un seul épisode est relaté, et c'est celui où Jésus, ayant atteint l'âge de douze ans, fut mené par sa Mère au Temple du Seigneur ; il y donna, pour la première fois, le signe manifeste de Sa vocation, et prouva qu'Il comprenait qu'une mission spéciale Lui était dévolue. Jusque-là, Ses parents s'étaient conformés à toutes les prescriptions du rituel juif. Ils avaient aussi séjourné en Égypte. On ne nous dit rien sur le temps qu'Il y passa. Tout ce qui nous a été transmis tient dans ces mots :

"Et après qu'ils eurent accompli tout ce qui est ordonné par la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, qui était leur ville.

Cependant, L'enfant croissait et se fortifiait en esprit, étant rempli de Sagesse. Et la grâce de Dieu était sur Lui." [29]

Ceux qui étudient ces questions doivent se souvenir que le nombre douze est considéré par les ésotéristes de toutes les religions comme le nombre de la perfection ; il réapparaît constamment dans les divers écrits religieux du monde. Les commentaires suivants sont intéressants à ce point de vue, car ils nous montrent la signification de ce nombre et ses rapports avec l'initiation :

"L'arrivée à L'âge de douze ans signifie qu'une pleine période d'évolution est accomplie, au cours de laquelle l'âme-Christ a reçu une initiation. Celle-ci a pris place dans l'esprit intérieur (le Temple) et correspond à l'éveil des facultés logiques et intuitives de l'âme. Ces facultés sont symbolisées par le principe père-mère, indiqué par la présence des parents." [30]

Citons encore ce passage :

"Ce nombre (des douze disciples) est symbolisé par bien des choses dans l'Ancien Testament ; par les douze fils de Jacob par les douze princes des enfants d'Israël ; par les douze sources d'Hélim ; par les douze pierres du pectoral [76]d'Aaron ; par les douze miches de pain par les douze espions envoyés par Moïse ; par les douze pierres dont était construit l'autel, par les douze pierres sorties du Jourdain ; par les douze taureaux qui portaient la mer d'airain. Et aussi, dans le Nouveau Testament, par les douze étoiles dans la couronne de l'Épouse, par les douze fondations de Jérusalem, que Jean vit, avec leurs douze portes." [31]

Ce retour perpétuel du nombre douze a probablement son origine dans les douze signes du Zodiaque, cette ceinture imaginaire des cieux, que semble traverser le soleil durant sa course annuelle, et durant son plus grand cycle qui comprend environ 25.000 années.

Ayant achevé Son travail préparatoire, le Christ, âgé de douze ans, subit une nouvelle expérience intuitive en montant de Nazareth (le lieu de la consécration) au Temple, où cette intuition lui apporta une nouvelle compréhension de Son œuvre. Aucun indice ne nous permet de penser qu'Il ait su, d'une façon précise, en quoi consistait Sa mission. Il ne donna aucune explication à Sa mère. Il commença simplement à accomplir l'œuvre qui Lui était dévolue en faisant son devoir le plus immédiat, qui consistait à enseigner la vérité à ceux qu'Il trouva dans le Temple, étonnant tous les assistants par la maturité de Sa connaissance et la profondeur de Ses réponses. Sa mère, étonnée et angoissée, attira Son attention sur elle et sur Son père, mais ne reçut que cette réponse, prononcée avec une sereine certitude, et qui modifia toute sa vie : "Ne savez-vous pas qu'il me faut être occupé aux affaires de mon Père ?" [32]Au fur et à mesure que se développa Sa conscience, sa conception de ces "affaires" devint de plus en plus large et plus vaste, et finit par se fondre dans cet amour dont les églises chrétiennes ne semblent pas prêtes à reconnaître le caractère universel.

 

[1] Saint Luc, II, 6, 7.

[2] Prov, IV, 18.

[3] La Bhagavad Gita, traduction Émile Senart, IV, 7, 8, 9.

[4] Romains, 1, 3.

[5] The Paganism in our Christianity, par Arthur Weigall, p. 42.

[6].Bible Myths par T.W. Doane, p. 332.

[7] Pagan Christ, par JM. Robertson, p. 38.

[8] Saint Jean, X, 10.

[9] Pagan and Christian Creeds, par Edward Carpenter, p. 50.

[10] Esoteric Christianity, par Annie Besant, p. 158.

[11] Esoteric Christianity, par Annie Besant, p. 160

[12] Esoteric Christianity, par Annie Besant, p. 157.

[13] Bede, De Temp. rat. XIII.

[14] The Paganism it or Christianity, par Arthur Weigall, pp. 236, 237.

[15] Psaumes, XIX, 1.

[16] Romains, V, 5.

[17] Phil. III, 14.

[18].Bible Myths, par T.W. Doane.

[19] Tim. II, 21.

[20] Saint Jean VI, 33, 35, 41, 58.

[21] 79 Isaïe, XXVIII, 28.

[22] Saint Jean, XII, 24.

[23] Saint Luc, II, 14.

[24] Sermons, par A. Mac Laren, 3éme série, pp. 71, 72.

[25] Saint Mathieu, II, 2.

[26] Saint Luc, II, 12.

[27] Saint Luc, II, 15.

[28] Phil. III, 8, 9, 12, 16. Texte de Weymouth.

[29] Saint Luc, II, 39, 40.

[30] Dictionary of the Sacred Language of all Scriptures and Myths, par GA. Gaskell, p. 773.

[31] Évêque Rabarus Maurus, A.D. 857.

[32] Saint Luc, II, 49.