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CHAPITRE VI LES ÉTAPES DE LA MÉDITATION (suite)

CHAPITRE VI

LES ÉTAPES DE LA MÉDITATION (suite)

"Milarepa s'étant finalement débarrassé de la Double- Ombre s'éleva dans l'Espace spirituel jusqu'à ce qu'il eût atteint le But  dans lequel toutes les doctrines s'unifient... Toutes ses idées, tous ses concepts s'étant perdus dans la Cause Première, il avait éliminé l'illusion de la Dualité".

RECHUNG (du Tibétain).

Nous avons poursuivi notre pratique de la méditation, selon ce que l'on pourrait appeler un sens laïque, car l'emploi du mental a été impliqué et, quoique le sujet de la méditation ait été présumé religieux, les mêmes résultats peuvent être obtenus avec un thème profane comme « objet » ou comme « pensée-semence ». Le but a été d'apprendre au mental à demeurer fixé sur une idée choisie. Par conséquent, nous nous sommes occupés de ce que l'on pourrait légitimement appeler une partie du processus éducatif.

C'est à ce point que paraît la divergence entre les méthodes orientale et occidentale. Dans une des écoles, avant toute chose, on apprend aux étudiants à contrôler l'instrument de la pensée, à découvrir, au début, l'existence de cet instrument grâce à l’échec initial de son contrôle, puis, grâce à la pratique de la concentration et de la méditation, à acquérir la facilité de contraindre sa focalisation dans n’importe quelle direction. 

L'autre école pose le principe d'un acquis, qui est le mental (sous son appellation d’esprit) et se met en devoir de le combler d'informations ; elle développe l'aspect mémoire afin que les faits retenus soient aisément accessibles à l'étudiant. Peu nombreux [120] sont ceux qui, parvenus à ce stade, font un usage réel de leur mental, en l'appliquant à un domaine scientifique ou un mode de vie d’intérêt profond, mais la majorité  ne parvient jamais au contrôle mental. Les méthodes éducatives, telles que nous les avons aujourd'hui, n'enseignent pas aux étudiants cette technique préliminaire, d'où la confusion profonde en ce qui concerne la nature du mental et la distinction entre le mental et le cerveau.

Si le cerveau et les cellules cérébrales sont tout ce qu'il y a, alors, la position du penseur matérialiste, considérant la pensée comme entièrement dépendante de la qualité des cellules, est logique et correcte. Ludwig Fischer, dans son livre La Structure de la Pensée, nous montre la part que le cerveau joue dans ce processus.

"La perfection des processus de compréhension dépend principalement de la structure et du fonctionnement de certains organes, qui reçoivent et relient les différentes impressions des sens et qui, de plus, retiennent partiellement les traces d'impressions antérieures et leur permettent indirectement d'entrer en action. Cet organe est le cerveau avec ses ramifications et ses organes subsidiaires. La perfection de la structure et du fonctionnement de cet organe détermine la perfection avec laquelle nous pouvons réussir à produire, dans un effort délibéré, une représentation complexe du Tout, usant des formes spécifiques de la perception sensorielle qui sont à nos ordres...

Le cerveau nous permet d'avoir une intuition et une appréhension intellectuelle du monde dans sa complexité. La manière dont ceci est produit dépend de la structure interne extrêmement compliquée de cet organe et de ses relations réciproques avec les autres parties du Tout, relation qui a de nombreuses gradations".[1] [121]

Si la perception et l’acquisition sensorielles, avec leurs conséquentes rationalisation et l'instauration d'un processus mental subséquent, ont leur source dans le cerveau, le Dr Sellars a raison, lorsqu'il écrit dans Evolutionary Naturalism, que le mental doit être regardé comme une "catégorie physique" et "qu’il faut entendre par là, les processus nerveux qui trouvent leur expression dans une conduite intelligente".[2]

Mais cette idée ne satisfait pas la majorité des penseurs et la plupart – appartenant à des écoles autres que l'école purement matérialiste – conçoivent quelque chose de plus que la matière et considèrent le mental comme distinct du cerveau. Ils soutiennent l'hypothèse que le mental est une réalité subjective substantielle, qui peut se servir, in fine, du cerveau comme moyen d'expression et l'impressionner afin d'exprimer ces concepts et ces intuitions que l'homme est susceptible d'utiliser consciemment.

Ce que nous considérons n'est aucunement une faculté supranormale ou la possession d'un instrument spécialisé dont une élite serait douée, le mental devrait être employé par tous les gens éduqués, et, à la fin de l'éducation (poursuivie pendant les années de formation) un homme devrait être en possession d'une faculté qu'il comprenne et emploie à volonté.

Le Dr Mac Dougall fait remarquer, dans Psychology, the Science of Behaviour, que l'activité mentale (qui est généralement inconsciente) peut être subnormale, normale ou supranormale.[3] Dans le premier cas, vous aurez l'idiot ou le faible d'esprit ; dans le second, le citoyen moyen, intelligent, dont [122] le mental est un théâtre ou plutôt un cinéma, enregistrant tout ce qui arrive ; et, finalement, nous découvrirons ces rares âmes dont la conscience est illuminée et dont le mental enregistre ce qui est caché à la majorité. Nous n'avons point encore affaire à cette dernière classe ; ces êtres sont le produit des étapes finales de la méditation : la contemplation et l'illumination. La concentration et la méditation concernent le plus grand nombre et les gens normaux.

En Orient, et pour beaucoup de personnes en Occident, le mental est considéré comme séparé et distinct du cerveau. Le Dr C. Lloyd Morgan, dans Emergent Evolution, cite de Descartes  que: "Il y a en vérité (1) la substance corporelle (res extensa), (2) la substance mentale ou pensante (res cogitans), mais leur existence nécessite le concours de Dieu... À l'exception de cette commune dépendance de Dieu, elles sont indépendantes l'une de l'autre.[4] Lloyd Morgan résume son propre point de vue dans un autre livre, Vie, Mental et Esprit, comme suit :

"L'Esprit ne peut en aucune manière être séparé de la Vie et du mental, et inversement. Ce qui est offert à la contemplation réfléchie, c'est un plan universel d'événements naturels. Je maintiens que ce plan universel est une manifestation des intentions divines... Nous aussi sommes des manifestations de l'Esprit qui est "révélé" en nous. Chacun de nous est une vie, un mental et un Esprit – un exemple de vie, comme expression du plan du monde, de mental, comme d’une expression différente de ce Plan du monde, d'Esprit, dans la mesure où la Substance de ce Plan du monde est révélée en nous... Cette révélation est seulement partielle car chacun de nous n’est qu’un exemple [123] individuel de ce qui, en manifestation complète est universel.[5]"

Dieu révèle Son dessein à travers l'activité de la forme. Il fait de même à travers l'activité du mental qui impacte le cerveau lorsqu’il est réceptif. Plus tard, le mental devient capable de réagir à une illumination émanant de l'aspect Esprit et c'est ce que nous allons examiner brièvement. Ceci est très proche de la position orientale qui suppose "une substance mentale", mise en activité de l'extérieur (le monde des affaires humaines) par le moyen des sens, par les émotions et par le mental d'autres personnes. Cette intense activité de la substance mentale doit être catégoriquement gardée à distance et compensée par la concentration et par la méditation, si l'on veut que le mental soit dans les conditions permettant une nouvelle focalisation, sa réorientation vers un autre champ de perceptions, un autre ordre d'idées. Pour les ésotéristes, l'objectif de la méditation (poussé jusqu'à ses dernières étapes) est donc de faire cesser toute prise compte d'activité au mental, si élevée et structurée que cette activité soit, et de commencer à enregistrer les impressions venant de ce facteur en constante manifestation, que nous appelons, faute d'un meilleur terme, le Mental de Dieu, le Mental Universel.

Ce mental se distingue par un sens de Plénitude et de Synthèse. L'histoire entière de l'humanité poursuivant son évolution peut être considérée sous l'angle de ce Plan conceptuel, et la focalisation de notre intérêt peut être mis sur l’observation de la croissance de la conscience humaine, concernant [124] un Univers qui est la révélation d'une Vie et de la Déité, et dans lequel l'humanité joue son rôle au sein du plus grand Tout. Ludwig Fischer attire notre attention sur le fait que toutes nos facultés "sont fondées sur ce mystérieux et inconscient quelque chose qui domine notre vie intellectuelle" et signale la nécessité de ce qu'il appelle l'élément  irrationnel, dans les réponses que nous donnons aux questions complexes de chaque jour. Ses conclusions, quant à la situation fondamentale que l'homme doit affronter par rapport à la pensée et à nos progrès dans les régions supérieures et irrationnelles, sont vraies et puissantes. Il dit :

"Il n'est qu'un seul chemin possible, pour avancer. Ce chemin est dicté par l'intuition d’un mental d’une sensibilité instinctive supérieure à la normale ; la raison analytique suit, consolidant la position et rendant la route praticable au reste de l'humanité. L'avance dans l'inconnu commence par une hypothèse, et une hypothèse n'est rien de plus qu'une structure plus ou moins irrationnelle, obtenue intuitivement. Une fois établie, elle est comparée à l'expérience dans tout ce qu'elle implique  et, si possible, mise à l'épreuve et rationalisée."[6]

Nous sommes arrivés, dans notre étude du processus du contrôle du mental, au point où nous devons procéder par hypothèse. Cependant, ce ne sera une hypothèse que pour le matérialiste, car les conclusions auxquelles nous sommes parvenus, le royaume de connaissance dans lequel nous avons pénétré, sont enregistrés comme vérité et faits prouvés, par des milliers d'êtres, à travers les âges.

Nous avons donné un aperçu d'une méthode ancienne, expérimentée, par laquelle on prétend que le mental peut être saisi, employé à volonté, et nous avons signalé un moyen [125] grâce auquel les facteurs ayant retenu notre attention jusqu'à maintenant peuvent être ignorés et un nouveau champ de perceptions devenir possible. Avant de poursuivre ces instructions, il serait peut-être utile de définir l'hypothèse sur laquelle nous allons nous appuyer. Elle peut être formulée ainsi :

Il y a un royaume de l'âme, appelé le royaume de Dieu. Il est en réalité un autre règne de la nature, un cinquième règne. L'entrée dans ce règne est un procédé aussi naturel que l'a été, au cours de l'évolution, le passage de la vie  d'un règne de la nature à un autre. Quand les sens et tout ce qu'ils transmettent sont orientés vers le "sens commun" (nom donné au mental par des mystiques tels que Maître Eckhart), ils enrichissent le mental, et de nombreux états de conscience s’ouvrent à lui. Quand ces activités peuvent être ignorées et quand le mental enrichi peut, à son tour, être réorienté, il devient un appareil sensible (un sixième sens, si vous voulez) qui enregistre "les choses du Royaume de Dieu" et procure à l'homme en profonde méditation des états de conscience et des degrés de connaissance qui, jusque-là, ne lui avaient pas été accessibles, mais qui sont une partie du Tout et du contenu de l'Univers, autant que tout autre champ d'investigation. C'est là notre hypothèse et c'est d'elle que nous partons. La conscience instinctive a fait place chez l'homme au savoir intellectuel. Est-il possible que cette connaissance intellectuelle soit à son tour dépassée et remplacée par une connaissance intuitive ? [126]

À ce point de notre argumentation, certaines déclarations semblent nécessaires ; elles aideront à élucider le thème de ce livre. Elles sont au nombre de trois :

Premièrement : Au cours du long processus évolutif qui a conduit l'homme du stade animal à celui d'être humain, nous constatons que nous sommes arrivés maintenant à la phase dans laquelle il est conscient de lui-même et s'en réfère à lui-même. Il se tient au centre de son propre monde et l'univers tourne autour de lui. Tout ce qui advient se rapporte à lui, à ses affaires, et le facteur important est l'effet que la vie et les circonstances produisent sur lui.

Deuxièmement : À mesure que l'homme croît en savoir et en perception intellectuelle, le cerveau et le mental se coordonnent. Le cerveau devient l'outil ou l'instrument des instincts disciplinés et du mental contrôlé. Le mental fait appel au "contenu du subconscient", à la mémoire active et au milieu, pour ce qui est nécessaire au progrès de la vie, dans un monde exigeant. L'homme devient un être capable, utile et prend sa place comme cellule consciente dans le corps de l'humanité. Il commence à comprendre quelque peu ses relations au groupe. Mais il y a davantage.

Troisièmement : Depuis le stade primitif de l'existence humaine, jusqu'au stade élevé de l'homme fonctionnant de manière coordonnée, un quelque chose d'Autre a toujours été présent, un facteur situé au-delà de l'expérience humaine connue, un but, une Déité. Cette perception subtile et indéfinissable émerge inéluctablement [127] et pousse l'homme à progresser, en quête de ce que ni son mental (tel qu'il le connaît), ni les circonstances, ni son entourage ne semblent capables de lui fournir. Ceci peut être appelé la recherche de la certitude, une tentative d’expérience mystique, ou d'impulsion religieuse, mais, quel que soit le nom que nous lui donnions, cela est indéfectiblement présent.

Ces trois propositions traduisent grossièrement le chemin que l'homme a parcouru dans sa conscience. Elles dépeignent la condition dans laquelle, à notre époque, nous trouvons un grand nombre de personnes; des êtres humains efficaces, intellectuels, bien informés, responsables mais qui, toutefois, ne sont pas satisfaits. Ils se tournent, interrogatifs, vers l'avenir, ou font face à l’inéluctabilité de la mort ; ils souhaitent parvenir à une conscience plus vaste, une certitude quant aux choses spirituelles et à l'ultime Réalité. Cette poussée vers une compréhension et un savoir plus grands se manifeste à grande échelle à cette époque, et le déroulement de la croissance évolutive déjà établie persiste apparemment et doit se poursuivre, si un nouveau règne ou état de conscience doit être ajouté à ceux déjà atteints. C'est à ce point que toutes les grandes religions du monde offrent à l'homme un mode de connaissance et un processus de développement qui peut hâter la croissance spirituelle et qui d’ailleurs y parvient.

Le Dr Otto, dans The Idea of the Holy, dit que l'homme "doit être guidé et dirigé par la considération et la discussion de cette question, selon les voies de son propre mental, jusqu'à ce qu'il atteigne le point où le "numineux" en lui [128] s'éveille  par nécessité, vienne à la vie et à la conscience".[7]

On nous dit que le mot "numineux" vient du latin "numen" qui signifie pouvoir divin surnaturel. Il représente "la compréhension religieuse spécifique, non-rationnelle et son objet, à tous les niveaux, depuis les premières vagues impulsions où l'on peut à peine dire que la religion existe, jusqu'aux formes les plus exaltées de l'expérience spirituelle".[8]

Son traducteur, le Dr Harvey, professeur de philosophie au collège Armstrong, ajoute qu'il se développe dans l'homme une connaissance croissante d'un objet, déité (...) une réponse, pour ainsi dire,  à l’impact du "Divin", suscité dans le mental humain,  lorsqu’il se révèle, soit obscurément, soit avec clarté. Le fait principal est la confrontation du mental humain à un Quelque chose, dont la nature est graduellement découverte mais qui, dès le début, est ressentie comme une présence transcendante, l'"au-delà", même quand cela est aussi perçu comme l'"au-dedans" de l'homme.[9]

Par l'attention apportée au but de la vie, par la concentration sur le travail de toute une vie, par l'intérêt intense porté aux sciences qui captivent nos plus grandes intelligences et par la méditation, telle qu'elle est pratiquée par certains, dans le domaine religieux, beaucoup d'individus sont parvenus au point où deux choses se produisent : l'idée du sacré, de l'Être et de la relation à cet Être s’inscrivent dans la vie comme facteurs dominants. Deuxièmement, le mental commence à manifester [129] une nouvelle activité. Au lieu d'enregistrer et d'emmagasiner dans la mémoire les contacts que les sens  ont communiqués et d'absorber les informations fournies par les livres et la parole, il se réoriente vers un nouveau savoir et commence à puiser à d'autres sources d'information. L'instinct et l'intellect ont fait leur travail ; maintenant, l'intuition commence à jouer son rôle.

C'est à ce point que nous a conduits la pratique de la méditation que nous avons étudiée après que l’entraînement de la mémoire et le catalogage du savoir humain nous y eurent préparés. Celles-ci ont eu leur temps. Pour des milliers d'individus, un nouvel effort est donc recevable. Se peut-il qu'à ces âmes nées aujourd'hui à l'expérience du monde, la vieille éducation, avec son entraînement de la mémoire, ses livres, ses conférences et ses appropriations de soi-disant faits, soit devenue insuffisante ? Pour elles, nous devons soit formuler une nouvelle méthode, soit modifier la technique présente, afin de trouver du temps pour la réorientation du mental, réorientation qui permettra à l'homme d'étendre ses contacts à d'autres champs de connaissance. Ainsi, nous démontrerons la vérité des paroles de Mr Chaplin, dans son précieux petit livre The Soul. Il dit que "…c'est par l'âme que les processus corporels prennent tout leur sens".[10]

La conquête du royaume de l'âme se profile de manière imminente devant l'homme. Le jour est proche où le mot Psychologie reprendra son sens premier [130]. L'éducation aura dès lors deux fonctions : elle rendra l'homme capable de mener à bien les affaires de ce monde et d'employer intelligemment cet appareil que le "comportementalisme" a tenté d'expliquer ; elle l'initiera aussi au royaume dont les mystiques se sont toujours portés garants et dont le mental – correctement employé – détient la clé.

Dans le chapitre précédent, il a été traité de la méthode par laquelle un homme peut commencer à maîtriser son instrument, le mental, et apprendre à concentrer sa pensée sur un thème choisi ou une idée, de sorte qu'il soit fermé à tout concept extérieur et que la porte sur le monde phénoménal soit complètement close. Nous allons considérer la manière dont il pourrait élever sa pensée de plus en plus haut (pour emprunter le langage des mystiques) jusqu'à ce que le mental abdique et que lui-même culmine sur une cime de pensée d'où s'offre à lui la vision d'un monde nouveau. Dans la pratique de la méditation jusqu'à ce stade, il y a eu une activité intense, sans condition de quiétude négative ou de réceptivité passive. Le corps physique a été oublié et le cerveau tenu dans un état de réceptivité positive, prêt à être mis en action par le mental, quand celui-ci tourne à nouveau son attention vers le bas. Il faut nous rappeler que nous parlons symboliquement lorsque nous employons des mots et expressions tels que " vers le haut" et "vers le bas", "plus haut" ou "plus bas". Une des premières choses que le mystique doive apprendre, c'est qu'il n'existe pas de dimension dans la conscience et que l'"intérieur", l'"extérieur", "le plus haut" et "le plus bas" sont des  figures de rhétorique, [131] par lesquelles sont transmises certaines idées concernant des états de conscience obtenus.

Nous touchons maintenant au domaine transcendant. Nous poursuivons  sur notre chemin de l'hypothèse. Le tangible et l'objectif sont temporairement oubliés et ne retiennent plus notre attention ; aucune forme de sensation n'est non plus ciblée. Pour l'instant, tout sentiment doit être exclu. Les petits ennuis, les peines comme les joies doivent être oubliés, car nous ne cherchons pas les "consolations de la religion". L'attention est concentrée dans le mental et les seules réactions enregistrées sont mentales. La pensée a dominé la conscience pendant la "méditation avec semence" ou avec un objet, mais cela doit être dépassé à présent.

"Comment puis-je mettre le mental hors du mental ?" a demandé un mystique. Car si l'objectif n'est ni la sensation, ni le sentiment, il n'est pas davantage la pensée. Là se trouve le grand obstacle à l'intuition et à l'illumination. L'effort de maintenir quelque chose dans le mental ne doit pas être prolongé ; il n'y a plus rien à penser. Le raisonnement doit être mis de côté et l'exercice d'une faculté supérieure, jusque-là probablement inemployée, doit lui faire place. La pensée-semence a attiré notre attention, éveillé notre intérêt et s'est maintenue pendant la phase de concentration. Cela se prolonge à nouveau dans la contemplation, et le résultat de cette dernière est l'illumination. Ici, nous avons un bref résumé du processus entier : Attraction, Intérêt, [132] Attention concentrée et Réflexion prolongée sur un seul point, ou Méditation.

Quels ont été, jusqu'ici, les résultats de la méditation ? Ils peuvent se résumer ainsi :

1. La réorganisation et la réorientation du mental ;

2. La concentration de l'attention sur le monde de la pensée et non plus sur celui des émotions ; d'où le retrait du foyer d'attraction des sens ;

3. Le développement d'une faculté de concentration instantanée, préalablement à l'exercice de la méditation et la capacité de fixer l'intellect sur tout objet choisi.

Evelyn Underhill définit cette faculté de la manière suivante : "L'acte de parfaite concentration, la fixation passionnée du soi sur le point unique quand, dans l'unité de l'esprit et les liens de l'amour, il est appliqué aux choses réelles et transcendantes, constitue dans le langage technique du mysticisme, l'état de méditation ou de recueil et (...) est le prélude nécessaire à la contemplation pure."[11]

III. L'Étape de la Contemplation

Nous pénétrons maintenant dans un domaine où deux choses nous gênent : l'emploi des mots qui ne servent qu'à limiter ou à déformer, et les écrits des mystiques mêmes, lesquels, riches de beauté et de vérité, n’en sont pas moins colorés par le symbolisme de la race et de l'époque de leurs auteurs et par [133] la qualité des sentiments et des émotions de ceux-ci. En règle générale, les mystiques vont et viennent entre des moments d'illumination et de vision et des périodes nébuleuses d'émotion et d'aspiration intenses. Tantôt ils éprouvent la joie et l'extase de l’accomplissement qui dure un instant, tantôt l'agonie du désir que l'expérience continue.

Il semble qu'il n'y ait (dans la majorité des cas) nulle sûreté, nulle certitude de répétition, mais qu'il existe seulement une aspiration à ce qu'un tel état de sainteté se perpétue.

Grâce à l'ancienne technique et à la méditation ordonnée que l'Orient nous a récemment transmise, il semble possible de transcender l'expérience mystique par la connaissance de la voie et par la compréhension du processus, et de susciter ainsi à volonté la connaissance des choses divines et l'identification avec la Déité à demeure.

La race possède maintenant l'équipement mental nécessaire et peut ajouter à la voie du mystique celle de l'intellect conscient. Mais entre l'étape de la concentration prolongée, que nous appelons méditation, et celle de la contemplation qui appartient à une tout autre catégorie, se place une période transitoire, nommée par les chercheurs orientaux "méditation sans semence", ou sans objet. Ce n'est pas la contemplation. Ce n'est pas non plus un mode de pensée.  Ceci est terminé alors que le dernier stade n'est pas encore achevé. Il s’agit d’un intervalle de stabilité mentale et d'attente. Frère Nouet a décrit cela peut-être aussi bien que n’importe qui d’autre de la manière suivante : [134]

"Quand l'homme de prières a fait des progrès considérables en méditation, il passe insensiblement à la prière affective qui, se trouvant entre la méditation et la contemplation comme l'aube entre la nuit et le jour, possède quelque chose de l'une et de l'autre. À ses débuts, elle recèle plus de la méditation parce qu'elle fait encore usage du raisonnement (...) parce que, ayant acquis beaucoup de lumière par l'emploi prolongé de considérations et de raisonnements, elle entre immédiatement dans son sujet et en voit tous les développements, sans beaucoup de difficulté… D'où il résulte qu'en se perfectionnant, elle renonce aux raisonnements..."[12]

Nous avons vu que la polyvalence de la substance mentale, très mobile et sensible, pouvait être réduite à un état stable, par une méditation prolongée. Cela induit  un état mental  rendant le penseur insensible aux vibrations et aux contacts provenant du monde phénoménal extérieur et du monde émotionnel.  L'appareil sensoriel, le cerveau et le vaste réseau imbriqué du système nerveux sont ainsi rendus passifs.

Tandis que l'homme est fermé au monde dans lequel il fonctionne habituellement, il conserve cependant une attention mentale intense, une orientation uniquement dirigée vers le monde nouveau, celui dans lequel vit et se meut ce que nous appelons l'âme. Le véritable étudiant de la méditation apprend à être complètement éveillé mentalement, puissamment averti des phénomènes, vibrations et états de l'être. Il est positif, actif, confiant en lui-même. Le cerveau et le mental focalisé sont intimement coordonnés. Il n'est point un rêveur [135] dénué de sens pratique, cependant le monde des affaires pratiques et physiques est  temporairement délaissé. Si l’étudiant n’appartient pas naturellement au type ‘mental positif’, il devra, parallèlement à la pratique de la méditation, se soumettre à une formation intellectuelle continue sérieuse, destinée à créer l'agilité mentale et la polarisation. Autrement, le processus dégénérerait en rêverie, ou en vide mental. Ces deux états comportent leurs propres dangers et, s'ils se prolongeaient, ils rendraient l'homme inapte aux obligations quotidiennes ; il deviendrait de moins en moins utile à lui-même et à autrui et serait en proie aux imaginations désordonnées et aux fluctuations émotionnelles. Dans un tel terreau, les semences de l'égoïsme germent facilement et le psychisme fleurit.

Par conséquent, un mental positif, alerte, bien contrôlé, progresse sur les ailes de la pensée, puis maintenu stable,  atteint son apogée. Il est alors dans un état analogue à celui que le cerveau a déjà atteint. Il se retrouve alors dans une attitude d’attente, alors que la conscience du penseur se transforme en un nouvel état de perception : il s’identifie au véritable homme intérieur et spirituel. Ce qui est appelé techniquement "la conscience perceptive" attend.

Ces deux étapes de la méditation, l'une d'intense activité, l'autre d'intense attente, ont été nommées les états de Marthe et de Marie ; cette métaphore rend l'idée plus claire. Il s’agit d’un moment de silence où ce qui est intérieur se révèle; [136] c'est peut-être la partie de la technique la plus dure à maîtriser. Il est si facile de retomber dans l'activité intellectuelle que la méditation ordinaire comporte, car l'on n'a pas encore appris à contempler. Le Dr Bennett décrit cette étape comme suit, dans son commentaire sur Ruysbroeck :

"Ici, Ruysbroeck distingue deux marques de "vraie" passivité : premièrement, elle est "activement recherchée", c'est-à-dire qu'un certain effort est nécessaire pour la maintenir. Deuxièmement, elle diffère de toute espèce de détente naturelle ou automatique, par la préparation morale qui la précède... Cette attente renforcée, cette réceptivité qu'on s'impose, qui est la marque définissant le stade de la contemplation, n'est pas la fin de la carrière du mystique. C'est la fin de son effort, en ce sens qu'il ne peut rien de plus, mais cela est destiné à ouvrir la voie à l'étape de l'extase, quand les choses sont retirées des mains de l'individu et qu'il devient le véhicule d'un pouvoir plus grand que lui. "Demeure avec persévérance en toi-même jusqu'à ce que tu sois tiré hors de toi-même, sans aucun acte de ta part."[13]

Plus loin, dans le même chapitre, le Dr Bennett parle de l'attention haletante, de l'attente durement gagnée, durement maintenue, de la divine révélation. Le vieux sage de l'Inde, Patanjali, nous dit la même chose : "La substance mentale est absorbée par ce qui est la Réalité (ou l'idée incorporée à la forme) et est ignorante de la séparativité ou du soi personnel". Ceci l'amène au stade de la contemplation et il entre dans la conscience de l'âme. Il découvre que c'est l'âme qui, tout le temps, l'incitait à s'unir à elle. Comment ? Un autre Hindou dit que [137] "l'âme a les moyens. Penser est le moyen. Quand il a rempli sa tâche libératrice, il a fait ce qu’il avait à faire et s’arrête".[14]

Dans la contemplation, un acteur supérieur intervient. C'est l'âme qui contemple. La conscience humaine cesse d'être active et l'homme devient ce qu'il est en réalité – une âme, un fragment de la divinité, conscient de son unité avec la Déité. Le Soi supérieur devient actif, et le soi inférieur ou soi personnel demeure entièrement immobile, tranquille, tandis que la véritable entité spirituelle pénètre dans son propre royaume et enregistre les contacts émanant de ce domaine des phénomènes spirituels.

Le monde de l'âme est vu comme une réalité ; les choses transcendantes sont connues comme étant des faits dans la nature ; l'union avec la Divinité est comprise comme constituant un fait dans le processus naturel tout comme l'union entre la vie du corps physique et ce corps. La conscience de l'homme n'est donc plus concentrée dans le mental qui attend ; elle a dépassé la frontière, et pénétré dans le domaine de l'esprit et l'homme est devenu littéralement l'âme fonctionnant dans sa propre région, percevant les "choses du Royaume de Dieu", capable de vérifier directement la vérité et possédant la pleine conscience de sa nature, de ses prérogatives et de ses lois. Tandis que le véritable homme spirituel est actif de la sorte, dans sa propre nature et dans son milieu particulier, le mental et le cerveau demeurent stables, positifs, orientés vers l'âme et, de la facilité avec laquelle [138] ceci sera accompli, dépendra leur capacité à enregistrer et à  retenir ce que l'âme perçoit.

Avec la méditation, nous nous efforçons à recevoir les impressions du Dieu intérieur, notre Soi supérieur, directement transmises au cerveau physique, par l'intermédiaire du mental. Avec la contemplation, nous entrons dans un stade plus avancé, nous nous efforçons d'ouvrir ce même cerveau physique à ce que l'âme elle-même perçoit en se tournant vers ces nouveaux champs de perception.

Chez l'individu moyen, l'âme - en tant qu'organe qui perçoit - s'intéresse aux trois mondes de l’activité humaine et considère, par conséquent, les états physiques, émotifs et mentaux. Pendant des éternités, l'âme s'est identifiée aux formes à travers lesquelles s’étaient établis les contacts nécessaires à la connaissance des états inférieurs de conscience. Plus tard, lorsque l'homme, capable de contrôler son mental, peut l'offrir à l'âme comme agent transmetteur, une vaste région de perceptions spirituelles peut s'ouvrir à lui. L'âme elle-même peut alors devenir un agent transmetteur et passer au cerveau physique, par l'intermédiaire du mental, certains concepts et notions de l'Esprit. Les étudiants feront bien de se remémorer les paroles de la Doctrine secrète :

"La matière est le véhicule pour la manifestation de l'âme sur ce plan d'existence, et, sur un plan plus élevé, l'âme est le véhicule pour la manifestation de l'Esprit, et ces trois forment une Trinité synthétisée par la Vie qui les pénètre tous."[15]

Dans le langage académique occulte, ceci constitue  "l’accomplissement" du mystique. Le cardinal de Richelieu appelle [139] la contemplation "un état dans lequel l'homme voit et connaît Dieu sans employer l'imagination et sans raisonnement discursif". Et Tauler s'exprime ainsi :

"Dieu désire demeurer dans les facultés supérieures – la mémoire, l'intellect et la volonté – et y opérer de façon divine. Là est Sa véritable demeure, Son champ d'action. C'est là qu'Il trouve Sa ressemblance. C'est là que nous devons Le chercher, si nous voulons Le trouver ; ceci par le chemin le plus court. Alors, l'esprit est transporté bien au-delà de toutes les facultés, dans le vide d'une solitude immense dont aucun mortel ne peut parler avec justesse. Plus tard, quand ces personnes reviennent à elles, elles se trouvent posséder une connaissance spécifique des choses, plus lumineuse et plus parfaite que celle des autres."[16]

La contemplation a été décrite comme étant une porte psychique conduisant d'un état de conscience à un autre. Jeremy Taylor la nomme "une transition entre la méditation intense et cette contemplation qui parvient à la vision des merveilles de Dieu, lorsque l'âme humaine entre dans le domaine de la divine lumière".[17]

François Malaval, qui vécut au XVIIème siècle, la définit magnifiquement :

"Cet acte (la contemplation) est aussi plus parfait que le raisonnement, car, dans celui-ci, l'âme parle tandis que, dans cet acte, elle jouit. Le raisonnement (...) convainc l'âme par ses principes, mais ici, l'âme est plus illuminée que convaincue et voit plus qu'elle n'examine. Le raisonnement s'occupe de considérer un mot, une proposition ou un discours ; mais cette simple vue de Dieu, qui suppose tous les raisonnements comme [140] étant choses passées, connues, contemple son objet en Dieu Lui-même."[18]

Par cette porte de la vision, l'homme passe et découvre qu'il est l'âme ; de ce poste élevé, il comprend qu'il est "Celui qui perçoit" capable d'observer à la fois le monde des réalités spirituelles et celui de l'expérience quotidienne ; il peut regarder à volonté, dans l'une ou l'autre direction. Le problème est d'acquérir, dans la pratique de la perception sur les plans spirituels, une facilité égale à celle que nous avons développée au niveau terrestre, et l'un des points importants dont nous avons à nous souvenir est que, dans les deux cas, la triplicité de l'âme, du mental et du cerveau joue son rôle, mais avec une orientation et une attention différentes. Cela devient simplement une question de focalisation. Le cerveau est actif d'une manière pratiquement subconsciente, par rapport  aux instincts et aux habitudes qui dirigent notre vie physique et nos appétits. Par une éducation appropriée, il apprend à être réceptif aux impressions émanant du mental, et, au lieu d'être seulement un enregistreur sensoriel, il apprend à réagir aux impressions de la pensée. Le mental, à son tour, a une tendance instinctive à enregistrer toutes les informations provenant de l'extérieur, mais il peut être entraîné à devenir réceptif à l'âme et à enregistrer les informations émanant de cette source supérieure.

Avec le temps nous pouvons acquérir de l’habileté dans la pratique d'utiliser tantôt le cerveau, tantôt le mental, activement ou passivement, établissant ensuite une relation parfaite entre les deux et, finalement, entre l'âme, le mental et [141] le cerveau. Tout ce qui est advenu au cours des trois étapes que nous avons considérées peut se résumer par ces paroles de Patanjali :

"La conquête graduelle de la tendance du mental à virevolter d'un objet à un autre (c'est-à-dire la concentration) et la capacité de maintenir l'attention fixée sur un seul point (c'est-à-dire la méditation) constituent la manifestation de la contemplation."[19]

De plus, quand il y a simultanéité dans l'exercice des trois processus, "la triple capacité d'attention, de méditation et de contemplation, est plus intérieure que les moyens de connaissance précédemment décrits". Il est intéressant de noter que Malaval, dans son second traité, Dialogue III, met en avant le même argument, reliant, en un acte synthétique, la foi, la méditation et la contemplation. Les "Connaissants" orientaux et occidentaux pensent de même.

Dans son très utile ouvrage, Mysticisme, Evelyn Underhill définit la contemplation comme : "Une accalmie entre deux activités". Durant cet apaisement, une nouvelle manière de connaître et d'être est instituée. C'est peut-être une des façons les plus simples et les plus pratiques de comprendre la contemplation. C'est l'interlude pendant lequel l'âme est active. Cette activité de l'âme est précédée par ce que nous pourrions appeler une activité ascendante. Le cerveau physique a été tranquillisé et maintenu dans un état de complète stabilité, de même l'appareil du sentiment ou appareil sensoriel, auquel il n'est plus permis d'enregistrer les informations provenant de son champ de perceptions habituel ; le mental s’est focalisé et tenu activement passif dans la lumière qui ruisselle du [142] royaume de l'âme. Nous refusons toute information provenant du monde phénoménal habituel. Ceci résulte d'une concentration et d'une méditation correctes ; il s'ensuit un interlude pendant lequel l'homme sait qu'il est une âme demeurant dans l'éternel, libre des limitations de la forme. Au début, cet interlude est nécessairement bref, mais il se prolonge au fur et à mesure des progrès accomplis dans le contrôle de l'intellect. La clé de tout le processus réside dans le maintien de la concentration du mental, "tandis que l'âme, l'homme spirituel, l'être qui perçoit, contemple".

Dans un livre précédent, j'ai expliqué plus complètement l'emploi du mental comme instrument de l'âme ; j'en reproduirai  un paragraphe :

" Il faut cependant établir clairement que celui-qui-perçoit sur son propre plan a toujours été conscient de ce qui est maintenant reconnu. La différence réside dans le fait que l'instrument – le mental – est maintenant en état de sujétion ; il est donc possible, pour le penseur, d'imprimer sur le cerveau par la voie du mental subjugué, ce qui a été perçu. Simultanément, l'homme sur le plan physique perçoit, lui aussi, la véritable méditation et la véritable contemplation deviennent pour la première fois réalisables. Au début, ce ne sera que pendant une brève seconde. Un éclair de perception intuitive, un instant de vision et d'illumination et tout a disparu. Le mental recommence à se modifier ; il est rejeté à l'activité ; la vision s'évanouit ; l'instant suprême est passé et la porte du royaume de l'âme semble soudain se clore. Mais l'assurance est acquise ; cette échappée sur la réalité a été enregistrée par le cerveau et la garantie de la réalisation future est ainsi reconnue."[20] [143]

La seconde activité concerne un double travail accompli par le mental. Immobilisé dans la lumière, il enregistre maintenant les idées, les impressions et les concepts communiqués par l'âme en contemplation, et les formulant sous forme d’expressions et de phrases,  construisant des formes-pensées et des images mentales précises. C'est ici qu'apparaît la nécessité d'un bon instrument mental. Une mémoire bien pourvue, un intellect soigneusement cultivé, faciliteront le travail de l'âme, dont le savoir sera enregistré avec exactitude. Alors, succédant à l'activité mentale, s'effectuera la transmission des informations obtenues au cerveau tranquille, dans l’expectative.

Lorsque l'âme a appris à manier son instrument par l'intermédiaire du mental et du cerveau, des rapports directs de plus en plus fréquents peuvent s'établir entre eux, de sorte que l'homme puisse, à volonté, concentrer son esprit sur les affaires terrestres, comme membre actif de la société, ou sur les choses célestes et fonctionner dans son être véritable, comme un Fils de Dieu. Lorsque ceci est le cas, l'âme utilise le mental comme agent transmetteur et le cerveau physique est entraîné à répondre à ce qui lui est communiqué. Un véritable Fils de Dieu peut vivre simultanément dans deux mondes : il est citoyen de la terre et du royaume de Dieu. Je ne saurais mieux clore ce chapitre qu'en citant ces mots d'Evelyn Underhill :

"La pleine conscience spirituelle du véritable mystique est développée non pas dans une mais dans deux directions, en [144] apparence opposées mais en réalité complémentaires... D'une part, il est intensément conscient de lui-même et se sait un avec le monde actif du devenir (...) d'où, bien qu'ayant rompu à jamais avec l'esclavage des sens, il découvre à toutes les manifestations de la vie un sens sacramentel, une beauté, une signification exaltée, cachée aux autres hommes... D'autre part, la pleine conscience mystique parvient à ce qui est, je crois, sa qualité réellement caractéristique. Elle développe la capacité d'appréhender l'Absolu, l'Être pur, ce qui est complètement transcendant... Cette expansion de la conscience dans toutes les directions, avec son double pouvoir de connaître par la communion le temporel et l'éternel, l'immanent et le transcendant aspect de la réalité (...) est la marque particulière, ultimo sigillo du grand mystique."[21]

Nous considérerons ensuite, les résultats de cette double activité ainsi que  l’aisance des interactions. L'intuition commence à fonctionner, l'illumination est une expérience ; la vie,  inspirée par l’Esprit, avec ses multiples caractéristiques doit être étudiée ; c'est ce à quoi nous allons nous efforcer, dans notre prochain chapitre.

[146]

[147]

 

[1] Fischer Ludwig, The Structure of Thought, p. 135.

[2] Sellars, Dr Roy Wood, Evolutionary Naturalism, p. 300.

[3] Mc Dougall William, Psychology, the Science of Behaviour.

[4] Morgan C. Lloyd, Emergent Evolution, p. 291.

[5] Morgan C. Lloyd, Life, Mind and Spirit, p. 32.

[6] Fischer Ludwig, The Structure of Thought, p. 361.

[7] Otto Rudolf, The Idea of the Holy, p. 7.

[8] Ibid., p. 17 de la préface du traducteur.

[9] 71 Ibid., p. 15 de la préface du traducteur.

[10] Chaplin F. K., The Soul, p. 63.

[11] Underhill Evelyn, Mysticism, p. 58.

[12] Nouet Frère, Conduite de l'Homme d'Oraison, livre IV, chapitre 1.

[13] Bennett Charles A., A Philosophical Study of Mysticism, p. 62.

[14] The Vishnu Purana, VI, 7, 90.

[15] Blavatsky H. P., La Doctrine secrète, vol. I, p. 28.

[16] Cité par Poulain, Graces of Interior Prayer, p. 272.

[17] Puglisi Mario, Prayer, p. 181.

[18]Malaval F., A Simple method of raising the Soul to Contemplation, p. 102.

[19] Bailey Alice A., The Light of the Soul, III, 11.

[20]Bailey Alice A., The Light of the Soul, III, 9.

[21] Underhill EveLyn, Mysticism, pp. 42-43.