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CHAPITRE V LE PROBLEME DES EGLISES - Partie 1

CHAPITRE VI

LE PROBLEME DES EGLISES

Qu'on remarque bien ce titre. Il ne s'agit pas dans ce chapitre du problème de la religion, mais simplement du problème des personnes et des organisations qui, s'efforçant d'enseigner la religion, prétendent représenter la vie spirituelle, diriger la voie d'approche de l'âme humaine vers Dieu et instituer les règles de la vie spirituelle. Je le mentionne dans la pleine conscience qu'écrire à ce sujet, c'est s'aventurer en terrain dangereux. Je désire donc, dès l'abord, exposer très clairement mon point de vue. Je veux écarter tout malentendu possible sur mon attitude et mes convictions spirituelles.

Je ne cherche point noise à l'esprit religieux. Je crois et sais qu'il existe et qu'il est essentiel à une vie complète et véritable sur la terre. Je reconnais que la foi est immémoriale et que l'Esprit, dès les temps les plus reculés, a témoigné du fait de Dieu. Je sais, par-delà toute controverse et toute crainte de preuve du contraire ou de désillusion, que le Christ vit et guide les peuples du monde, qu'Il ne le fait pas de quelque centre vague et lointain, appelé "à la droite de Dieu" (terme symbolique), mais au voisinage immédiat, tout proche de l'humanité qu'Il aime éternellement. Je crois que, lorsqu'il a dit : "Et maintenant je suis avec vous à jamais, jusqu'à la fin du monde", Il entendait exactement ce qu'Il disait. Je sais que l'approche de l'esprit humain vers sa Source, ce Centre spirituel où règne la divinité, et vers Ceux qui guident et dirigent cette approche, se poursuivra inévitablement. Je sais que la voie demeure éternellement ouverte aux pèlerins et je crois que ces pèlerins, toutes les âmes, trouveront finalement le chemin de la Maison du Père. Je crois en l'œuvre du Christ, telle qu'elle nous est décrite dans les Évangiles et je crois aussi aux épisodes qui y racontent la vie de Jésus. Par-dessus tout, [141] je crois que le Christ est vivant aujourd'hui, et parce qu'Il vit nous vivrons aussi, car "tel qu'Il est, ainsi serons-nous en ce monde". Je sais aussi qu'un jour nous serons pareils à Lui, car nous Le verrons comme Il est. Quand cela aura lieu, "les miracles encore plus grands" qu'Il a prédit que nous ferions alors, nous les accomplirons. Ce sera possible, car Il nous ouvrit la Voie vers le Centre le plus intime, étant le "premier né parmi de nombreux frères" et notre Frère Aîné à tous.

Le fait de Dieu, le fait de Christ, le fait de l'approche spirituelle de l'homme vers la divinité, le fait de l'immortalité de l'Esprit, le fait de l'occasion spirituelle et le fait des rapports de l'homme avec Dieu et ses semblables sont les faits sur lesquels je m'appuie. Je voudrais aussi insister sur le fait que la présentation de la vérité évolue et s'adapte constamment au besoin de l'humanité à travers toute l'histoire.

Je cherche très précisément à prouver que, non seulement les  Églises ont failli à conduire sur une vaste échelle les hommes à Dieu et à éviter la guerre mondiale de 1914-1945, mais qu'à l'exception d'une très petite minorité, elles manifestent l'intention nette de revenir aux mauvaises méthodes anciennes, aux théologies et aux doctrines périmées, aux méthodes matérialistes et autoritaires, causes de l'échec des  Églises.

Je n'ai aucun intérêt à attaquer le christianisme. Le christianisme ne peut être attaqué ; il est, dans son essence, mais non encore en fait, l'expression de l'amour de Dieu, immanent dans l'univers qu'Il a créé. Le cléricalisme prête toutefois un large flanc à l'attaque, et la masse des gens réfléchis le savent. Malheureusement, ceux-ci constituent une infime minorité (bien qu'elle s'accroisse rapidement) et c'est cette minorité intelligente qui, devenue majorité, mènera les  Églises à leur fin fatale et encouragera la diffusion du vrai christianisme.

Considérons ce tableau dans le sens le plus large possible. Puis-je vous prier de patienter et de me laisser développer le sujet ? Voulez-vous vous abstenir de juger avant d'avoir lu ce que j'ai à dire ? Voulez-vous calmer la révolte de vos préjugés et vos réactions de défense, avant d'avoir étudié le sujet avec moi ? C'est tout ce que je demande. Pour plus de clarté et afin de mieux dégager les faits et potentialités dans votre pensée, je diviserai le sujet en sections, et commencerai par la plus épineuse et sujette à controverse, pour terminer sur une note d'espérance indiquant le dessein et la vision.

I. La faillite des  Églises. Peut-on, en toute honnêteté, et à la [142] lumière des événements mondiaux, dire que les  Églises ont réussi ?

II. L'occasion offerte actuellement aux  Églises. S'en rendent-elles compte ?

III. Les vérités essentielles, nécessaires à l'humanité et qu'elle accepte intuitivement. Quelles sont-elles ?

IV. La régénération des  Églises. Est-elle possible ?

V. La nouvelle Religion mondiale.

J'ai traité certains de ces points précédemment, sous le titre de La Nouvelle Religion mondiale ; Je reviendrai sur les mêmes points. Aujourd'hui la guerre mondiale est terminée, la situation a changé, la nécessité immédiate de l'humanité se dégage avec netteté. Les démarches qu'entreprennent les  Églises pour y faire face, s'organisant pour influencer politiquement les nations, comme certain groupe à Genève, pour rebâtir les églises, menant campagne pour recruter des membres et déclarant leur foi dans les mêmes termes anciens, tout cela se clarifie. Il semble donc essentiel de faire face à la situation telle qu'elle est, et de mettre en relief les vérités qui sont indispensables au progrès de l'humanité et de son illumination, tout en éliminant les vérités prêtant à controverse et sans importance. Il est nécessaire aussi de définir la voie du salut que les  Églises devraient suivre. Si les  Églises travaillent et les ecclésiastiques pensent selon des normes christiques, alors le salut de l'humanité est assuré. Il est, par-dessus tout, essentiel de présenter une vue qui offre à l'humanité entière une vision et ne soit pas seulement la belle espérance d'un groupe sectaire ou d'une organisation fanatique et contente de soi. Il est essentiel de revenir au Christ, à son message et au mode de vie dont Il a donné l'exemple.

Les ecclésiastiques doivent se souvenir que l'esprit humain est plus grand que toutes les  Églises et supérieur à leurs enseignements. À la longue, l'esprit humain les vaincra et entrera triomphalement dans le Royaume de Dieu en les laissant loin derrière, à moins qu'ils n'entrent comme membres de l'humble masse des hommes. Les prélats pompeux et les ecclésiastiques autoritaires n'ont point de part à ce royaume. Le Christ n'a nul besoin de prélats et d'autorités. Il a besoin d'humbles maîtres enseignant la vérité et donnant l'exemple de la vie spirituelle. Rien au monde ne peut arrêter le progrès de l'âme humaine dans son long pèlerinage de l'obscurité vers la lumière, de l'irréel vers le réel, de la mort vers l'immortalité et de l'ignorance [143] à la sagesse. Si les vastes groupes organisés des  Églises de tous pays, et composés de toutes les croyances, ne lui offrent pas une direction et une aide spirituelles, l'humanité trouvera une autre voie. Rien ne peut retenir l'élan de l'esprit humain vers Dieu.

I. LA FAILLITE DES EGLISES.

Souvenons-nous bien que le Christ n'a pas échoué. C'est l'élément humain qui a échoué et qui l'a vaincu, a déjoué Ses intentions et prostitué la vérité qu'Il révélait. La théologie, le dogme, la doctrine, le matérialisme, la politique et l'argent ont constitué une vaste nuée sombre entre les  Églises et Dieu. Ils ont caché la vision réelle de l'amour de Dieu et c'est à cette vision d'une réalité aimante et à la prise de conscience essentielle de ses implications que nous devons revenir.

Existe-t-il quelque espoir que les  Églises et les ecclésiastiques prennent mes dires en considération et que la foi, comme elle existait en Christ, se renouvelle et revienne ? Existe-t-il dans les  Églises, assez d'hommes doués de vision pour gagner la bataille, une vision qui leur permette de subvenir aux besoins de l'homme, et non une vision n'envisageant que la croissance et l'agrandissement des  Églises ? Des hommes semblables existent effectivement dans toutes les organisations religieuses, mais leur nombre est par malheur déplorablement restreint. Même en s'unissant, chose encore impossible, du fait de malencontreuses différences de doctrines, ils forment un groupe qui pèse bien peu en face des pouvoirs établis, de la splendeur matérialiste, des intérêts bien assis et de l'entêtement fanatique des ecclésiastiques réactionnaires de toutes les dénominations. C'est néanmoins pour ces quelques-uns que j'écris, car c'est habituellement la minorité qui lutte, en ce cas les rares ecclésiastiques à tendances spirituelles qui conservent la vision véritable, et finissent par la traduire en réalité vivante. Ce sont ceux qui parcourent les rues torrides et misérables avec l'humanité affamée et agonisante et ressentent donc avec acuité le besoin de régénération des  Églises.

Les salles de réunions religieuses, les chaires, les journaux et magazines religieux retentissent tous des appels lancés aux hommes pour revenir à Dieu et pour trouver dans la religion l'issue au présent chaos. Pourtant l'humanité n'a jamais été aussi encline à la spiritualité que maintenant, ni si consciemment et nettement orientée vers les valeurs spirituelles et la [144] nécessité de réviser et de réaliser les valeurs spirituelles. Les appels lancés devraient s'adresser aux chefs religieux et aux ecclésiastiques de toutes les religions, à ceux qui partout travaillent pour les  Églises. Ce sont eux qui doivent revenir à la simplicité de la foi, comme elle existe en Christ. Ce sont eux qui ont besoin de se régénérer. Partout les hommes demandent la lumière. Qui peut la leur donner ? Ceux qui avancent eux-mêmes dans la plus profonde obscurité ? Encore une fois, des aveugles conduiront-ils des aveugles ?

Deux facteurs principaux sont cause de l'échec des  Églises :

1. D'étroites interprétations théologiques des Écritures.

2. Les ambitions matérielles et politiques.

Dans tous les pays, au cours des âges, des hommes ont cherché à imposer leurs interprétations religieuses personnelles de la vérité, des Écritures, et de Dieu à la masse. Ils se sont emparés des Bibles du monde, et se sont efforcés de les expliquer, en passant les idées qu'ils y trouvaient au crible de leurs propres intelligences et cerveaux, et, naturellement, au cours de ce processus, le sens se trouvait dénaturé. Non contents de cela, leurs adhérents ont imposé ces interprétations faites par l'homme à des gens ignorants, qui ne réfléchissaient point. Chaque religion, le bouddhisme, l'hindouisme dans ses divers aspects, l'islam et le christianisme ont produit quantité d'esprits remarquables qui, d'habitude, ont cherché en toute sincérité à comprendre ce que Dieu était supposé avoir dit et qui ont formulé des doctrines et des dogmes sur la base de ce qu'ils croyaient être l'intention de Dieu. Leurs paroles et leurs idées sont ainsi devenues des lois religieuses et des vérités irréfutables pour d'innombrables millions. En dernière analyse, qu'avons-nous ? Les idées d'un esprit humain, exprimées dans les termes de son époque, de sa tradition, de son éducation, sur ce que Dieu a dit dans une Écriture soumise depuis des siècles aux vicissitudes et aux erreurs, inévitables avec de constantes traductions, traductions souvent basées sur un enseignement oral.

La doctrine de l'inspiration verbale des Saintes Écritures du monde, jugée particulièrement applicable à la Bible chrétienne, est aujourd'hui complètement périmée et, avec elle, l'infaillibilité de l'interprétation. Toutes les Écritures du monde sont maintenant considérées comme provenant de mauvaises traductions et aucune d'entre elles, après des milliers d'années de traduction, ne demeure telle qu'elle était à l'origine, si toutefois elle a jamais existé comme manuscrit [145] original et n'était pas les souvenirs des paroles prononcées, notées par un auditeur. En même temps, il faut se souvenir que la tendance générale et l'enseignement de base, tout comme la valeur réelle des symboles, sont habituellement corrects, quoique le symbolisme lui-même doive être soumis à une explication moderne et non aux fausses interprétations de l'ignorance. Ce que j'essaie de montrer, c'est que dogmes et doctrines, la théologie et les affirmations dogmatiques ne sont pas nécessairement marqués au coin de la vérité, telle qu'elle existe dans la pensée de Dieu, avec laquelle la majorité des interprètes dogmatiques se prétendent familiers. La théologie est simplement ce que les hommes s'imaginent être la pensée de Dieu. Ils se font ainsi semblables à Dieu, puisque apparemment, ils peuvent lire Sa pensée à livre ouvert. Plus l'Écriture est ancienne, plus grande est, nécessairement, la déformation. La doctrine d'un Dieu vengeur, celle du châtiment dans un enfer hypothétique, l'enseignement que Dieu aime seulement ceux qui l'interprètent dans les termes d'une école théologique particulière, le symbolisme du sacrifice sanglant, l'appropriation de la Croix comme symbole chrétien, l'enseignement concernant la naissance d'une vierge et l'image d'une Divinité irritée que seule la mort apaise sont des résultats malheureux de la propre pensée de l'homme, de sa nature haïssante, de son isolationnisme sectaire (encouragé par l'Ancien Testament juif, mais généralement absent des fois orientales), de son sentiment de crainte, hérité du côté animal de sa nature, tout cela entretenu et inculqué par la théologie, mais non par le Christ, ni par le Bouddha ni par Shri Krishna.

La sotte mentalité des hommes, au cours de leurs stades d'évolution passés et présents, n'a pas compris, ni aujourd'hui ni jamais, l'intelligence et les desseins de Celui en Qui nous vivons, nous mouvons et avons notre être. Ils interprètent Dieu en termes à leur mesure. Aussi quand les hommes acceptent un dogme sans réfléchir, ils acceptent seulement le point de vue de quelque autre humain faillible, et non une vérité divine. C'est celle-ci que les séminaires de théologiens devraient commencer par enseigner, en formant leurs élèves à penser par eux-mêmes et à se souvenir que la clé de la vérité se trouve dans la puissance unifiante de la religion comparée. Seuls, ces principes et ces vérités qui sont reconnus universellement et qui ont leur place dans toute religion sont vraiment nécessaires au salut. La suite des vérités secondaires et sujettes à controverses est habituellement insignifiante et n'est pas [146] nécessaire, sinon pour appuyer la vérité primordiale et essentielle.

C'est cette présentation d'une vérité déviée qui a conduit l'humanité à formuler un ensemble de doctrines, dont le Christ ne savait apparemment rien et dont, oserai-je dire, Il se souciait sans doute moins encore. Le Christ désirait seulement que les hommes reconnussent que Dieu est amour, que tous les hommes sont enfants d'un même père, et par conséquent frères, que l'esprit de l'homme est éternel et qu'il n'y a point de mort. Il souhaitait ardemment que le Christ en chaque homme (la conscience christique innée qui nous fait tous un et un avec Christ), fleurit dans toute sa gloire. Il enseignait que la note dominante de la vie spirituelle était le service et que la volonté de Dieu serait révélée. Ces points ne sont pas ceux que la masse des commentateurs a relevés. Ils ont discuté ad nauseam de la mesure où le Christ était divin et de celle où Il était humain, de la nature de la naissance d'une Vierge-mère, du rôle de saint Paul dans l'enseignement de la vérité chrétienne, de la nature de l'enfer, du salut par le sang et de l'authenticité et de l'historicité de la Bible.

Les paroles et les épîtres de saint Paul ont reçu au moins autant d'attention que les paroles du Christ, sinon davantage, et la même infaillibilité lui a été imputée, alors que le seul auteur du Nouveau Testament qui ait interprété correctement et compris la pensée du Christ est saint Jean. Dans ses écrits, l'amour du Christ émerge sans disputes doctrinales.

Aujourd'hui, les hommes reconnaissent intellectuellement l'aube de la liberté. Ils comprennent que tout homme devrait être libre d'adorer Dieu à sa manière. Cela, si c'est vrai et si l'on y insiste, sonne le glas de la théologie. Cela ne signifie pas que, dans l'ère nouvelle à venir, chacun choisira l'école théologique à laquelle il lui plaira d'appartenir. Son propre mental éclairé par Dieu cherchera la vérité et il se l'interprétera lui-même. Les jours de la théologie sont comptés et celui de la vérité vivante se lève. C'est ce que les  Églises orthodoxes se refusent à comprendre. La vérité est essentiellement contraire à toute controverse. Là où se manifeste la controverse, le point est habituellement d'une importance secondaire et se rapporte surtout à l'idée humaine de la vérité.

Aujourd'hui, les hommes ont poussé loin le rejet des dogmes et des doctrines, et ce fait est bon et encourageant. Il marque un progrès, mais jusqu'à présent, les églises ne veulent pas voir là l'œuvre divine. La liberté de pensée, le refus d'accepter [147] les enseignements des  Églises dans les termes de la théologie ancienne, la remise en question des vérités présentées et le rejet de l'autorité ecclésiastique sont caractéristiques de la pensée spirituelle du temps présent. Les ecclésiastiques orthodoxes considèrent cela comme le signe de tendances dangereuses et comme un détachement à l'égard de Dieu, par conséquent, comme la perte du sens du divin. C'est exactement le contraire, que cela indique.

Aussi graves peut-être, à cause de l'effet produit sur des milliers innombrables parmi le public ignorant, sont les ambitions matérielles et politiques des  Églises. Dans les religions orientales, tel n'est pas le cas, du moins n'est-il pas aussi flagrant. Dans le monde occidental, pareille tendance amène rapidement l'effondrement des  Églises. Dans les religions orientales, un négativisme désastreux a pris le dessus. Les vérités données n'ont pas suffit à améliorer la vie quotidienne du croyant, ni à ancrer de manière créatrice les vérités sur le plan physique. L'effet des doctrines orientales est surtout subjectif et, dans les affaires de tous les jours, il est négatif. Le négativisme des interprétations théologiques des Écritures bouddhiques et hindoues a maintenu le peuple dans un état léthargique, dont il commence lentement à émerger. La foi mahométane est, comme la chrétienne, une face positive de la vérité, quoique fort matérialiste. Ces deux croyances ont été militantes et politiques dans leurs activités.

La grande religion de l'Occident, le christianisme, a été nettement objective dans sa présentation de la vérité. Le besoin s'en faisait sentir. Elle a été militante, fanatique, grossièrement matérialiste et ambitieuse. Elle a combiné les objectifs politiques à la pompe et aux cérémonies, érigées de grandes structures de pierre et sa puissance et son autorité se sont montrées d'une nature très restrictive.

L’Église chrétienne primitive (relativement pure dans sa présentation de la vérité et dans ses mœurs) finit par se diviser en trois parties : l’Église catholique romaine, qui cherche aujourd'hui à capitaliser le fait qu'elle est l’Église-Mère l’Église, byzantine ou grecque orthodoxe et les  Églises protestantes. Toutes se sont scindées sur des questions de doctrine et toutes étaient à l'origine sincères, propres et relativement bonnes et pures. Toutes sont allées se détériorant depuis le jour de leur institution et se trouvent aujourd'hui dans la triste situation suivante : [148]

1. L'Église catholique romaine se distingue par trois traits, tous contraires à l'esprit du Christ :

a. Une attitude intensément matérialiste. L’Église de Rome est représentée par de vastes édifices de pierre, cathédrales, basiliques, institutions, couvents, monastères. Pour les bâtir, sa politique, au cours des siècles, a consisté à drainer l'argent de la poche de riches et pauvres, sans distinction. Le dieu de l'Église catholique est l'argent. Cette  Église strictement capitaliste est puissante dans les pays fascistes. L'argent accumulé dans ses coffres entretient une puissante hiérarchie ecclésiastique et ses nombreuses institutions ou écoles.

b. Un programme politique à longue échéance et à longues vues, dont le but est le pouvoir temporel, et non le bien-être des petites gens. Le programme actuel de l'Église catholique comporte de nettes implications politiques. Son attitude envers le communisme contient les germes d'une autre guerre mondiale. Les activités politiques de l’Église catholique en ce moment n'édifient point la paix, sous quelque aspect qu'elles se présentent.

c. Une politique qui maintient consciemment la masse du peuple dans l'ignorance intellectuelle, qui la fait naturellement se ranger au côté des forces réactionnaires et conservatrices, si actives dans leur puissante résistance de l'Ère nouvelle, à sa civilisation nouvelle et à sa culture plus éclairée. Une foi aveugle et une entière confiance dans le prêtre et dans le Vatican sont considérées comme des devoirs spirituels.

L’Église catholique romaine se retranche et présente un front unifié contre toute présentation nouvelle et évolutive de la vérité au peuple. Ses racines plongent dans le passé, mais ne poussent pas vers la lumière ; ses ressources financières considérables lui permettent de menacer l'illumination future de l'humanité, sous couvert du paternalisme et d'une apparence colorée, cachant la cristallisation et une stupidité intellectuelle, qui aboutiront inévitablement à sa propre condamnation.

2. L’Église orthodoxe grecque avait atteint un tel degré de corruption, de zizanie, d'avidité et de vices sexuels que, temporairement, elle fut abolie sous la révolution russe. Ce geste était sage, nécessaire et juste. L'accent était entièrement mis [149] sur l'aspect matériel dans cette  Église, mais elle n'avait jamais disposé (ni ne disposera) d'un pouvoir comparable à celui de l’Église catholique romaine. Le refus du parti révolutionnaire en Russie de reconnaître cette  Église corrompue était juste et salutaire. Cela n'a point fait de mal, car le sentiment de Dieu ne peut jamais être chassé du cœur humain. Si toutes les  Églises organisées disparaissaient de la face du monde, le sens de Dieu, du respect et de la connaissance du Christ resurgiraient avec une force et une conviction nouvelles. Vous savez que l’Église a de nouveau été admise en Russie et une nouvelle occasion lui est offerte. Je n'insisterai pas aujourd'hui sur l'Église en Russie, ni sur son attitude actuelle. Elle ne joue encore aucun rôle dans les affaires mondiales, mais il y a lieu d'espérer qu'elle émergera finalement comme force spirituelle régénérée. L'épreuve de son milieu est telle, qu'elle ne peut se monter aussi réactionnaire que les Églises d'autres parties du monde.

3. Les Églises protestantes – L'Église désignée sous le terme générique "protestante" se distingue par la multiplicité de ses divisions. Elle est large, étroite, libérale, radicale et proteste toujours. Elle compte dans son sein de vastes Églises telles que l'Église protestante épiscopale, l'Église méthodiste, l'Église d'Angleterre, l'Église de la congrégation, l'Église presbytérienne et bien d'autres, grandes et petites. Ces Églises sont aussi caractérisées par leurs buts matériels. Elles sont relativement peu sujettes aux aspirations politiques qui conditionnent l'Église catholique romaine, mais elles constituent un corps de croyants querelleurs, fanatiques et intolérants. L'esprit de différenciation y prospère. Il n'existe point parmi elles de cohésion, ni d'unité, mais un esprit partisan, virulent, qui rejette constamment et fait croître les cultes protestants par centaines, présentant toujours une théologie étroite, qui n'enseigne rien de nouveau, mais produit des querelles nouvelles au sujet d'un point de doctrine ou d'une question d'organisation ecclésiastique, ou de procédure. Les Églises protestantes ont créé un précédent de la controverse acrimonieuse dont les Églises plus anciennes demeurent assez indemnes, vu leur méthode hiérarchique de gouvernement et le contrôle de l'autorité centrale.

Comment le besoin de l'humanité d'être guidée spirituellement peut-il être assouvi, si les chefs des Églises se préoccupent de questions temporelles, si l'accent est mis dans les Églises [150] catholique romaine, orthodoxe grecque et chez les protestants sur la pompe et le cérémonial, sur les vastes églises ou les cathédrales en pierre, les vases sacrés d'or et d'argent, les barrettes écarlates, les vêtements enrichis de joyaux et tous ces accessoires que la gent ecclésiastique prise tant. Comment, en particulier, peut-on sauver les enfants affamés d'Europe et du monde, alors que papes et évêques demandent de l'argent pour bâtir des cathédrales et édifier encore des églises, même si les églises déjà existantes demeurent vides ? Comment la lumière peut-elle illuminer à nouveau la pensée des hommes, si le clergé maintient le peuple dans la crainte, sauf s'il accepte les vieilles interprétations théologiques et les vieilles méthodes de s'adresser à Dieu ? Comment les besoins spirituels et intellectuels du peuple peuvent-ils être satisfaits, si les séminaires de théologiens n'enseignent rien de neuf et d'adapté au temps présent, mais envoient des jeunes gens guider l'humanité armés seulement des antiques interprétations ? Ces jeunes gens entrent dans la voie religieuse et la préparation à leur ministère avec de grandes espérances et une vision élevée. Ils en sortent avec peu d'espoir, guère de foi, mais décidés à "réussir" et à s'élever dans les rangs ecclésiastiques.

La question se pose de savoir si le Christ se sentirait chez Lui dans les églises, s'Il revenait parmi les hommes. Les rites et les cérémonies, la pompe et les somptueux vêtements, les cierges, l'or, l'argent, les ordres gradués des papes, des cardinaux, des archevêques, des chanoines et des simples curés, vicaires et clergé mineur présenteraient sans doute peu d'intérêt pour le simple fils de Dieu, Qui, sur terre, n'avait point de lieu ou reposer Sa tête.

En écrivant ce jugement sur les Églises, je suis pleinement conscient qu'il existe de grands et bons hommes, des hommes profondément spirituels que le destin retient prisonniers dans les murs étroits des églises et des confessions. Leur sort est difficile. Ils se rendent compte de la situation et luttent, en s'efforçant de présenter des idées chrétiennes, religieuses et saines à un monde qui souffre et cherche. Ce sont de vrais enfants de Dieu ; leurs pieds sont posés dans des lieux forts désagréables ; ils savent que la "pourriture" a miné la structure ecclésiastique et connaissent la bigoterie, l'égoïsme, l'avidité et l'étroitesse dont ils sont entourés.

Ils savent bien que nul n'a jamais été sauvé par la théologie, mais seulement par le Christ vivant et la prise de conscience du Christ au-dedans de chaque cœur humain ; ils répudient intérieurement [151] le matérialisme de leur milieu et ne voient guère d'espoir pour l'humanité au sein des Églises. Ils savent bien que les réalités spirituelles ont été oubliées dans le développement matériel des Églises ; aimant leurs semblables, ils désireraient détourner l'argent dépensé à entretenir les églises et pour leurs frais généraux vers la création du Temple de Dieu "qui n'est pas fait de main d'homme mais dure éternellement dans les cieux". Ils servent cette Hiérarchie spirituelle qui veille, invisible et sereine, dans les coulisses des affaires humaines et ne se sentent nullement liés intérieurement à une quelconque hiérarchie ecclésiastique. Le facteur principal est pour eux d'amener l'être humain à une relation consciente avec le Christ et cette Hiérarchie spirituelle et ils se soucient peu d'accroître l'assiduité des fidèles et l'autorité d’hommes misérables. Ils croient à ce royaume de Dieu, dont le Christ est le Maître principal, mais n'ont aucune confiance dans le pouvoir temporel que réclament et qu'exercent papes et archevêques.

De tels individus se trouvent dans toutes les grandes organisations religieuses, en Orient comme en Occident et dans tous les groupes ostensiblement consacrés à des buts spirituels. Ce sont des hommes simples et sanctifiés, qui ne demandent rien pour leur personne, qui représentent Dieu en vérité et dans la vie et ne participent pas réellement à l'Église au sein de laquelle ils agissent. L'Église souffre fort du contraste qu'ils offrent et ne leur permet guère d'atteindre à l'éminence et au pouvoir. Temporellement ils ne sont rien, mais leur exemple spirituel apporte l'illumination et la force à beaucoup. Ils sont l'espérance de l'humanité, car ils sont en contact avec le Christ et forment partie intégrante du Royaume de Dieu. Ils représentent la Divinité d'une manière que les ecclésiastiques et les soi-disant princes de l'Église imitent rarement.

II. L'OCCASION OFFERTE AUX EGLISES

Un fait d'une grande importance s'est passé dans le monde. L'esprit de destruction a ravagé la terre, laissant le monde du passé et la civilisation qui régissait notre vie moderne en ruines à nos pieds. Villes et foyers ont été détruits, royaumes et souverains ont disparu ; les idéologies et les croyances auxquelles on était attaché n'ont pas réussi à suffire aux besoins du peuple et se sont effondrées sous l'épreuve des temps ; la famine règne et tout est incertain. Des familles, des groupes sociaux ont été [152] éparpillés ; la mort a pris ses victimes dans toutes les nations et des millions ont péri par suite des mœurs inhumaines de la guerre. En général, tout le monde a connu la terreur, l'anxiété et le désespoir devant l'avenir. Chacun se demande ce que le futur réserve et nulle part n'existe la sécurité. La voix de l'humanité s'élève au ciel, suppliante, implorant paix, lumière et sécurité.

Certains les cherchent dans quelque idéologie nouvelle, d'autres, dans des doctrines politiques et espèrent être secourus et libérés, grâce à l'action d'un gouvernement particulier, par des idées ou un parti politique. D'autres attendent qu'émerge un chef, mais celui-ci n'apparaît actuellement nulle part. Ceux qui mènent proviennent de groupes bien intentionnés, ou ce sont des hommes d'État aussi embarrassés que ceux qu'ils cherchent à secourir. L'immensité de leur tâche de reconstruction les rend à peu près impuissants, car il s'agit de reconstruire, de reconditionner et de rééduquer le monde entier. D'autres encore, plus patients, établissent de nouveaux programmes éducatifs, avec de nouveaux systèmes, destinés à préparer la génération actuelle d'enfants à une vie pleine dans le monde de demain. De celui-ci ils ne savent rien et ne peuvent en prévoir que vaguement la ligne générale. Certains se laissent aller au désespoir et s'évadent dans l'isolationnisme et l'attente, aussi philosophique que possible, de la libération apportée par la mort ; ils ne demandent qu'un peu de nourriture, de chaleur, quelques livres et de quoi se vêtir. Nombreux sont ceux qui refusent net de penser et remplissent plutôt leur vie d'œuvres de secours, se préoccupant des problèmes de la destitution et de la restitution et, selon leurs moyens, aident à la restauration. Tous éprouvent la réaction qui suit les conséquences tragiques de la guerre et sont étrangers au processus de la paix, car la paix ne leur a jamais été réellement familière et demeure évidemment lointaine encore.

Par-dessus tout, les hommes, dans tout le monde et par millions, manifestent une profonde misère spirituelle et sont conscients de l'inquiétude de l'esprit, qu'ils reconnaissent tel qu'il est. Ils peuvent exprimer cette misère sous bien des formes et utiliser des terminologies différentes. Peut-être cherchent-ils dans des directions diverses la satisfaction de leurs aspirations, mais partout existe l'exigence de valeurs plus vraies que celles responsables du passé et le désir de la manifestation de ces vertus, impulsions et élans spirituels que les hommes semblent avoir perdus et qui constituent la somme [153] totale des forces poussant l'humanité vers la vie spirituelle.

Partout les gens sont prêts à accueillir la lumière. Ils attendent une nouvelle révélation et une nouvelle dispensation. L'humanité a avancé si loin dans la voie de l'évolution que ces exigences et cette attente ne s'expriment pas seulement en termes d'amélioration matérielle, mais aussi en termes de vision spirituelle, de valeurs réelles et de justes relations humaines. On veut l'enseignement et l'aide spirituels, en même temps que l'on demande le nécessaire en aliments, vêtements et occasions de travail et de vie libre. Devant la famine qui affecte de vastes surfaces du monde, la famine de l'âme s'exprime avec autant de désarroi.

La grande tragédie, toutefois, est que les gens ne savent de quel côté se tourner, ni quelle voix écouter. L'espoir est en eux, spirituel et immortel. Cet espoir et cette exigence ont atteint l'oreille attentive de Christ et de Ses disciples au lieu où ils vivent, agissent et veillent sur l'humanité. Par quel moyen ces forces de l'esprit travailleront-elles à la restauration du monde ? Par quelles méthodes les Guides spirituels de la race conduiront-ils les hommes vers plus de lumière et vers les perspectives offertes par l'Ère nouvelle ? L'humanité regarde vers la Voie de la Résurrection. Qui la mènera sur cette Voie ?

Les religions organisées et les Églises dans le monde entier reconnaîtront- elles l'occasion et répondront-elles à l'appel du Christ et aux exigences spirituelles d'innombrables millions ? Ou n'œuvreront-elles que pour restaurer et organiser les églises ? Le coté administratif des religions mondiales comptera-t-il davantage dans la conscience des ecclésiastiques que le besoin du peuple d'une présentation simple de la vérité qui donne la vie ? L'intérêt et le pouvoir des Églises s'appliqueront-ils à rebâtir des structures matérielles, à rétablir la sécurité financière, à recouvrer le statut de théologies périmées et à reconquérir puissance et prestige temporels ? Ou les Églises auront-elles la vision et le courage de laisser tomber les mauvais usages anciens et d'adresser au peuple le message que Dieu est Amour, en prouvant l'existence de cet amour dans leurs propres existences et par leur simple et affectueux service ? Diront- ils au peuple que le Christ est vivant à jamais et lui commanderont-ils de détourner ses regards des vieilles doctrines de mort, de sang et d'apaisement de Dieu pour les fixer sur la Source de toute vie et sur le Christ vivant ? Il est prêt à verser sur eux "cette vie plus abondante" qu'ils attendent [154] depuis si longtemps et qu'Il leur a promis. Enseigneront-ils que la destruction des formes anciennes était nécessaire et que leur disparition est la garantie de la possibilité actuelle d'une vie spirituelle neuve et plus pleine ? Rappelleront-ils au peuple que le Christ Lui-même a dit qu'on ne peut mettre du vin nouveau dans de vieilles outres ? Les potentats de l'Église et le fier clergé renonceront-ils publiquement à leurs buts faux et matériels, leur argent et leurs palais et "vendant tout ce qu'ils possèdent", suivront-ils le Christ sur le sentier du service ? Ou, comme le jeune homme riche dont parle l'Évangile, se détourneront-ils tristement ? Dépenseront-ils les sommes dont ils disposent pour soulager la douleur, comme faisait le Christ, enseigneront-ils aux enfants les choses du Royaume de Dieu, comme a fait le Christ, en donnant l'exemple d'un cœur simple, d'une confiance joyeuse et d'une foi assurée en Dieu, comme le Christ ? Les ecclésiastiques de toutes les confessions, dans les deux hémisphères, accéderont-ils à cette lumière intérieure qui leur fera répandre la lumière et évoquera cette lumière supérieure qu'apportera certainement la nouvelle révélation attendue ? Le déplorable matérialisme qu'ont exprimé les Églises et l'échec de leurs représentants dans la tâche d'enseigner correctement les fidèles peuvent-ils être effacés ? Il faut y voir les causes de la guerre mondiale 1914-1945. La guerre n'eût pas été possible si l'avidité, la haine et la séparativité n'avaient prédominé dans le cœur des hommes ; ces désastreux défauts s'y trouvaient parce que les valeurs spirituelles n'avaient point de place dans la vie du peuple, car depuis des siècles, elles n'avaient guère eu de place dans la vie des Églises. La responsabilité en revient nettement aux Églises.

Il s'agit ici d'abord de l'Église de Rome dans les divers pays du monde, et aussi des Églises qui sont depuis longtemps des Églises d'État, mais ont aujourd'hui perdu quelque peu de leur pouvoir. L'Église de Rome, comme une vaste pieuvre, plonge ses tentacules à ventouses dans tous les pays. Les deux principales organisations du monde actuel qui sont fondamentalement des parasites, dont la base est matérielle et la politique dangereuse, car leurs buts et leur influence sont internationaux, sont l'Église catholique romaine et le judaïsme orthodoxe. Ces deux puissants groupes sont réactionnaires, obsolètes dans leurs méthodes et leurs théologies, ainsi que dans leur attitude envers la vie moderne. Toutes deux devraient se convertir à une religion pure et sans tache. Ces deux groupes constituent plus que jamais une menace à l'égard de la paix du monde. [155] Le mouvement politique sioniste et les combinaisons du Vatican n'ont pas de place dans la vie spirituelle de l'homme. Ils compromettent l'avancement de l'humanité vers une zone plus illuminée de vraie vie.

Ceci dit, je voudrais rappeler qu'il existe de remarquables et saints Juifs et de vénérables catholiques romains, semblables au Christ. Le Christ était Juif, saint François d'Assise était catholique romain ; l'un et l'autre étaient des modèles d'amour de Dieu, de service et de simplicité.

Telles sont les questions que doivent résoudre les Églises organisées. Il y a dans les Églises aujourd'hui des hommes qui sont sensibles au nouvel idéalisme spirituel, à l'urgence de la conjoncture et à la nécessité du changement. Mais les circonstances dépendent de gens réactionnaires. Les grands mouvements tendant à la réorganisation des églises qui se développent maintenant dans le monde dévasté, demeurent entre les mains des dignitaires des Églises, des synodes et des conclaves. Les plans formés à présent à l'échelle internationale sembleraient indiquer que l'autorité reste confiée aux gens qui ne devraient pas la détenir. Pour chaque penseur avancé et clairvoyant dans ces groupes, nationaux ou internationaux, il y en a quatre ou cinq rétrogrades. Cette majorité réactionnaire cherche à restaurer les églises pour rétablir l'état préalable à la guerre et préserver les vieilles présentations théologiques. Ils rendent futiles et impuissants les efforts de la minorité du nouveau type d'ecclésiastique, doué d'une vision de l'Ère nouvelle et d'une interprétation neuve et moderne de la vérité. Retenu par le manque de ressources financières, un tel prêtre voit tous ses efforts annulés par le poids mort de la Hiérarchie ecclésiastique et le fondamentalisme réactionnaire des théologiens. La question qui se pose à l'homme vraiment spirituel est celle-ci : Resterai-je dans l'Église, où le sort m'a placé, pour y faire mon possible, ou dois-je quitter l'Église et travailler en dehors d'elle ?

Dans les Églises protestantes, rien n'indique sur une vaste échelle un changement fondamental d'attitude à l'égard des enseignements théologiques pour le gouvernement de l'Église. Tout porte à croire que l'Église de Rome n'a rien appris spirituellement, aucun signe ne manifeste dans les grandes religions orientales qu'elles soient en tête du mouvement pour la production d'un monde nouveau et meilleur. Essentiellement, rien ne prouve que l'esprit de Christ, la simplicité de la vraie connaissance et la clarté de la pensée spirituelle soient en [156] voie de conditionner les organisations religieuses de l'après-guerre. Et l'humanité attend toujours. L'humanité désire par-dessus tout l'assurance que Dieu est et qu'un Plan divin existe, un Plan accordé au système des choses et contenant à la fois de l'espoir et de la force. Les hommes veulent être convaincus que le Christ vit, que Celui qui Vient, Celui que tous attendent, arrivera et qu'Il ne sera ni chrétien, ni hindou, ni bouddhiste, mais qu'Il sera Tout à tous. Les hommes voudraient l'assurance qu'une grande révélation spirituelle est imminente, que rien ne peut l'arrêter et que devant eux s'étend un avenir spirituel, ainsi qu'un avenir matériel. Telle est la demande adressée aux Églises et qui est aussi une opportunité.

La vérité se présente éternellement de façon nouvelle et si les hommes d'Église s'en remettent aux antiques symboles, ils sont condamnés. L'humanité n'en veut rien savoir. Le problème se pose à l'Église de s'assurer ce que c'est que le Christ a prévu pour ce nouveau monde qui émerge et quelles vérités doivent compenser une période de souffrance et de crise.

III. LES VERITES ESSENTIELLES

Certaines notes dominantes, qui incarnent l'avenir de la religion, devraient maintenant guider les réflexions du clergé éclairé de toutes les confessions. Elles conviennent à l'Orient comme à l'Occident. Ce sont : Une Religion mondiale, une Révélation, une Récognition. Le chrétien étroit ne les admettra point, et n'importe quel croyant aux idées étroites pas davantage.

Nous avons vu que le péché de base des Églises est la séparativité, qui place chaque Église à part et l'amène à se considérer, avec sa manière de présenter la vérité, comme unique et seule correcte, en l'incitant à manifester un matérialisme considérable, comme toutes les Églises dont les intérêts sont matériels. C'est une séparativité qui place l'Église à part de la masse humaine, comme une organisation supérieure, chargée de diriger les hommes et absorbant leurs ressources financières. C'est une séparativité qui classe les gens en chrétiens et païens, rangent certains parmi les bons, et d'autres parmi les méchants, les uns parmi les purement séculiers dans leur attitude envers la vie, alors que d'autres appartiennent au clergé.

Le jour se lève, où toutes les religions seront regardées comme émanant d'une seule grande source spirituelle ; toutes [157] seront considérées comme offrant ensemble la racine unique, d'où l'universelle religion mondiale germera inévitablement. Il n'y aura plus alors ni chrétiens, ni païens, ni Juifs, ni Gentils, mais seulement un grand corps de croyants, recrutés parmi toutes les religions courantes. Ils accepteront les mêmes vérités, non point comme concepts théologiques, mais comme essentielles à la vie spirituelle. Ils se serreront ensemble sur la même plate-forme de fraternité et de relations humaines. Ils reconnaîtront la Filiation divine et chercheront en chœur à collaborer au Plan divin, tel qu'il est révélé par les chefs spirituels de la race et comme il leur indiquera de procéder sur la Voie d'Approche vers Dieu. Pareille religion mondiale n'est pas un vain rêve, mais se dessine nettement aujourd'hui.

Un second guide qui émerge et mène à la vie spirituelle, c'est l'espoir de la révélation. Jamais auparavant, le besoin des hommes n'a été si pressant et jamais l'assurance de la révélation n'a été plus certaine. Jamais l'esprit humain n'a invoqué davantage l'aide divine et donc, jamais jusqu'ici ne s'est préparée aussi grande révélation. Ce que sera pareille révélation, nous ne pouvons le savoir. La révélation de la nature de Dieu a été un processus au développement lent, parallèle à la croissance évolutive de la conscience humaine. Ce n'est pas à nous de la définir, ni de la limiter avec notre raisonnement concret, mais bien de nous y préparer, de développer notre perception intuitive et de vivre dans l'expectative d'une lumière révélatrice.

Une religion mondiale, une révélation attendue, et ensuite le développement de l'habitude de reconnaître la lumière spirituelle : telle est la tâche des Églises, d'enseigner aux hommes à développer ce pouvoir latent, de reconnaître la beauté de la divinité dans toutes les formes, de reconnaître ce qui va venir et qu'un ancien voyant hindou a appelé "le nuage des choses connaissables", qui plane sur l'humanité, prêt a se précipiter sous forme de merveilles, que Dieu réserve à ceux qui savent la signification du mot amour. C'est dans ces trois directions que l'activité des Églises devrait à l'avenir s'orienter. L'accomplissement de pareille tâche restaurerait vraiment les Églises et oblitérerait tous leurs échecs passés.

Dans ces trois attitudes :

1. unité de toutes les croyances,

2. expectative de la Révélation,

3. récognition spirituelle, [158] se trouvent certaines vérités fondamentales que les Églises doivent montrer aux hommes partout, des vérités qui sont les mêmes dans toutes les religions du monde. Examinons un moment ces vérités essentielles, fondamentales et universelles.

1. Le fait que Dieu est immanent et transcendant – Les religions orientales ont toujours insisté sur le Dieu immanent, profondément enfoui dans le cœur humain "plus près que les mains ou les pieds", le Soi, l'Un, l'Atma, plus petit que le plus petit, et pourtant qui englobe tout. Les croyances occidentales ont présenté le Dieu transcendant, extérieur à Son univers, Spectateur. Le Dieu transcendant a d'abord déterminé la conception humaine de la divinité, car l'action de ce Dieu transcendant se manifestait dans la nature ; plus tard, dans la dispensation judaïque, Dieu apparaît comme le Jéhovah de la tribu, comme l'âme (plutôt désagréable) de la nation. Ensuite, Dieu est considéré comme un homme plus parfait et l'homme-Dieu se manifeste sur la terre dans la personne du Christ. Actuellement l'accent se porte de plus en plus sur le Dieu immanent en chaque être humain et en chaque forme créée. Aujourd'hui, il incomberait aux Églises d'effectuer la synthèse de ces deux idées, présentées par Shri Krishna, dans ce passage de la Bhagavad-Gita : "Ayant imprégné cet univers entier d'un fragment de Moi-même, Je demeure." Dieu, plus grand que l'ensemble de la création, mais Dieu présent aussi dans la partie. Le Dieu transcendant garantit le plan de notre monde et Il est le Dessein, qui conditionne toutes les existences, depuis le plus minuscule atome, à travers tous les règnes de la nature, jusqu'à l'homme.

2. Le fait de l'immortalité et de la Persistance Éternelle - L'esprit est immortel dans l'homme, il dure éternellement, progressant de point en point, de stade en stade, sur le Sentier de l'Évolution, se développant régulièrement et avec suite jusqu'aux attributs et aux aspects divins. Cette vérité implique naturellement la récognition de deux grandes lois naturelles : La Loi des Renaissances et la Loi de Cause et Effet. Les Églises occidentales ont refusé officiellement de reconnaître la Loi des Renaissances et se sont égarées ainsi dans une impasse théologique, et ce cul-de-sac ne présente aucune issue. Les Églises orientales ont trop insisté sur ces lois, d'où, chez leurs peuples, une attitude négative et passive devant la vie et ses processus, appuyée sur des occasions sans cesse renouvelées. Le christianisme [159] a mis l'accent sur l'immortalité, mais a fait dépendre le bonheur éternel de l'acceptation des dogmes théologiques. Être un vrai chrétien pratiquant et vivre éternellement dans un ciel un peu sot, ou refuser d'être un chrétien consentant, se montrer négatif dans sa pratique chrétienne et aller dans un enfer impossible, conçu selon la théologie de l'Ancien Testament, où Dieu est montré plein de haine et de jalousie, ces deux conceptions sont répudiées aujourd'hui par tous les gens sains d'esprit, sincères et réfléchis. Personne, doué d'un raisonnement juste ou d'une vraie foi en un Dieu d'amour, n'accepte le ciel des ecclésiastiques, ni n'éprouve aucune envie d'y aller. Moins encore accepte-t-il la notion d'un "étang de feu et de soufre", ou des éternels tourments, auxquels un Dieu d'amour est supposé condamner tous ceux qui ne souscrivent pas aux interprétations théologiques du moyen âge, ou des fondamentalistes modernes, ou des ecclésiastiques qui ne réfléchissent point, mais cherchent, par la doctrine, la crainte et la menace, d'obliger les gens à se conformer à l'ancien enseignement obsolète. La vérité essentielle se trouve ailleurs. "L'homme récolte ce qu'il sème", telle est la vérité sur laquelle il convient d'insister à nouveau. Ces mots de saint Paul expriment pour nous l'antique enseignement, toujours vrai, de la Loi de Cause et Effet, appelée en Orient Loi de Karma. Ailleurs, il ajoute l'injonction de "travailler à son propre salut" et – comme cela contredit la doctrine théologique et surtout, que c'est impossible à faire en une seule existence – il confirme donc implicitement la Loi de la Renaissance et fait de l'école de la vie une expérience constamment récurrente, jusqu'à ce que l'homme ait accompli le commandement du Christ (et cela s'applique à chacun) : "Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait." Par la récognition des résultats de l'action, bonne ou mauvaise, et en revivant constamment sur la terre, l'homme atteint finalement "à la mesure de la stature et de la plénitude du Christ".

Alors, plus de ciel, ni d'enfer. Il a atteint à la vie éternelle et au droit de ne plus revenir sur terre aux expériences de la vie. Il est maintenant un membre qualifié et conscient de cette Hiérarchie spirituelle, à laquelle le croyant chrétien a donné le nom de "Christ et Son Église", mais qui est connue de toutes les religions du monde, sous des vocables différents. Cette, immortalité, cette persistance éternelle, cette possibilité d'une ultime perfection sont garanties par la divinité de l'homme, par sa relation inhérente avec le Dieu transcendant, car il est [160] arrivé à la connaissance du Dieu immanent (le Christ en lui, "l'espérance de la gloire") et aussi par le fait que le Christ, comme homme, a atteint la pleine expression de cette divinité. Cette doctrine de la divinité innée de l'homme, et non d'une divinité imposée par la mort du Christ en croix, ni d'une divinité acceptée comme un don, parce que le croyant a embrassé certaine doctrine théologique, est l'espoir des Églises ; si elles l'admettent, elles régénèrent ainsi leur doctrine.

Le fait de cette divinité innée explique l'élan existant au cœur de chaque homme vers une amélioration, vers l'expérience, vers le progrès, vers une réalisation croissante et une avance régulière vers les hauteurs distantes, dont il a la vision. Il n'est point d'autre explication à la capacité humaine d'émerger hors de l'obscurité, hors du mal et de la mort vers la vie et le bien. Cette émergence a été l'histoire constante de l'homme. Quelque chose arrive toujours à l'âme humaine, pour la projeter plus près de la Source de tout le bien et rien sur terre ne saurait arrêter son progrès vers Dieu. La note dominante de la nouvelle religion mondiale, que je chercherai à démontrer, est le texte : "Rapprochez-vous de Dieu, et Il se rapprochera de vous." Cette approche des deux côtés, et dans cette Relation suprême fera sûrement partie de la révélation à venir, car ses implications sont fondamentales et résument tout ce qui est de la plus haute importance pour l'esprit humain.