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SECTION II LA SITUATION GENERALE SUR TERRE - Partie 3

 

Je vous répète encore une fois que la Hiérarchie elle-même, avec tout son savoir, sa vision, sa compréhension et toutes ses ressources, ne peut exercer aucune coercition sur ce que fera l'humanité, ni prévoir ce qu'elle fera. Elle peut la stimuler à agir correctement, et elle ne s'en prive pas ; elle peut indiquer quelles sont les possibilités et les responsabilités, et elle le fait ; elle peut envoyer ses instructeurs et ses disciples pour éduquer et guider l'humanité, ce qu'elle fait aussi, mais elle ne peut en aucun cas ni de quelque façon que ce soit donner des ordres ou prendre en mains la direction. Du mal elle peut tirer du bien, et elle éclaire ainsi certaines situations, et indique la solution d'un problème donné ; mais la Hiérarchie ne peut aller plus loin. Si elle s'arrogeait la conduite autoritaire des affaires, c'est une race d'automates qui se développerait et non une race d'hommes responsables se dirigeant par eux-mêmes et remplis d'aspiration. Ceci doit certainement vous paraître évident et peut servir à répondre à la question qui est aujourd'hui au premier plan de la pensée des étudiants irréfléchis de l'occultisme. Pourquoi la Hiérarchie n'a-t-elle pas pu empêcher cette catastrophe ? Il ne fait aucun doute que les Maîtres de la Sagesse, avec leur savoir et leur maîtrise des forces auraient pu intervenir ; mais en agissant ainsi, ils auraient transgressé une loi occulte et entravé le vrai développement de l'humanité. Et cela, ils ne le feront jamais. L'homme doit apprendre à se tenir debout et à agir seul, quel qu'en soit le prix. Les Maîtres, après avoir fait tout ce qui leur était possible, se tiennent maintenant aux côtés de l'humanité souffrante et désorientée. Avec une profonde compassion et un profond amour, ils aident les hommes à redresser les torts que ces derniers ont instaurés, à apprendre les leçons nécessaires et à sortir enrichis de la crise qu'ils ont eux-mêmes précipitée, et sortir purifiés par les feux de l'adversité. Ce ne sont pas des platitudes que j'énonce, mais des vérités éternelles.

Cette crise mondiale, malgré toute son horreur et ses souffrances, est en dernière analyse le résultat de processus d'évolution qui a fonctionné avec succès. Nous sommes prêts à admettre que lorsque le cycle de la vie d'un homme a été parcouru et qu'il a appris les leçons [114] que l'expérience de n'importe quelle vie en particulier était destinée à lui apprendre, son corps physique et les aspects intérieurs de la forme, représentant la totalité de l'expression de sa personnalité, commencent à se détériorer. Des agents destructeurs au sein même de la forme deviennent actifs, pour parvenir finalement à la mort, ce qui a pour résultat de libérer la vie qui habitait la forme, afin qu'une nouvelle et meilleure forme puisse être construite. Nous acceptons forcement cela, aveuglément ou intelligemment, le considérant comme un processus naturel et inéluctable. Des cycles de civilisation tels que celui que nous appelons notre civilisation moderne sont analogues à une incarnation humaine individuelle et particulière, depuis sa naissance, en passant par ses progrès, sa croissance, sa maturité utile et la détérioration qui s'ensuit, jusqu'à la mort subséquente, ou disparition de la forme.

Les formes sont toujours vulnérables aux attaques. Leurs deux sauvegardes sont une forte vie subjective et le détachement spirituel. Lorsque la forme est plus puissante que la vie, il y a danger imminent ; lorsqu'il existe un attachement à l'aspect ou à l'organisation matérielle, les valeurs spirituelles sont perdues.

Aujourd'hui, nous assistons à la mort d'une civilisation, ou d'un cycle d'incarnation de l'humanité. Dans tous les domaines de l'expression humaine, la cristallisation et la détérioration se sont installées. Les dogmes religieux dépassés, l'emprise de la théologie et des églises traditionnelles ne suffisent plus à garder soumise la puissante vie spirituelle intérieure. L'humanité est profondément spirituelle et le sens religieux est inné en elle, mais il lui faut maintenant une nouvelle forme dont revêtir les anciennes vérités. Les vieilles écoles politiques ont été jugées insuffisantes, et de nouvelles idéologies témoignent de la vigueur de la vie qui cherche une expression plus adéquate. Les systèmes d'éducation, maintenant qu'ils ont rempli leur rôle, sont de plus en plus considérés comme inadaptés pour satisfaire les exigences croissantes de la vie de la race humaine. Partout on réclame les changements et les formes nouvelles qui permettront une expression spirituelle meilleure et plus libre dans la vie religieuse, politique, éducative et économique. De tels changements apparaissent rapidement et sont considérés par certains comme une [115] mort terrible, à éviter si possible. C'est en effet une mort, mais elle est bénéfique et nécessaire. C'est cette prise de conscience de la disparition d'une civilisation qui suscite les avertissements réguliers du genre : "C'est la mort de la civilisation, il faut empêcher cela !" ; "C'est la fin de l'ordre, et l'ordre ancien doit être sauvé." ; "C'est la destruction des valeurs anciennes auxquelles nous sommes attachés, il ne faut pas le permettre."

Il est absolument exact que l'humanité réalise ce changement nécessaire par des moyens qui sont inutilement cruels et douloureux, tout comme il est vrai qu'aujourd'hui les êtres humains, par leurs fausses idées, leurs habitudes physiques insensées et leurs attitudes émotionnelles indésirables, précipitent l'effondrement physique, et finalement la mort. Néanmoins, pour le progrès de l'âme de l'individu et de l'âme de l'humanité, la mort est inévitable, bonne et nécessaire ; c'est également une pratique avec laquelle nous sommes quasiment tous familiarisés de par notre propre expérience et pour l'avoir observée chez d'autres. Mais il nous faut nous souvenir que la pire mort qui soit pour l'humanité serait une forme de civilisation qui deviendrait statique et éternelle ; si l'ordre ancien ne changeait jamais et si les anciennes valeurs n'étaient jamais transmuées en des valeurs plus élevées et meilleures, ce serait véritablement un désastre.

Il est aussi nécessaire de garder à l'esprit le fait que les forces de destruction ou de mort sont doubles :

Premièrement, il y a la vie qui émerge et qui se développe rapidement, exigeant plus de place pour s'exprimer et pour avoir une expérience plus complète, et qui aspire spirituellement au changement et au progrès.

Deuxièmement, il y a les forces réactionnaires et les attitudes conservatrices, qui s'en tiennent à ce qui est connu et familier, et qui détestent ce qui est nouveau, inconnu et non expérimenté.

Ces deux facteurs produisent la grande transition divine du passé à l'avenir, de ce qui est vieux à ce qui est nouveau, de l'expérience à la fructification et de nouveau à l'expérience. Les réalités sont éternelles et ne meurent pas ; les formes sont éphémères et temporaires ; l'âme persiste et est immortelle ; la forme est changeante et destinée à mourir. Les processus de l'évolution ont réussi dans le passé, et réussiront dans l'avenir, à amener les formes à la naissance, à la maturité et à la mort. [116]

Mais, (et c'est là le point intéressant et significatif) pour la première fois, l'humanité est consciente du processus. Pour la première fois, elle a intelligemment décidé d'observer ce qui se passe et de le relier à son expérience et à son environnement. Cela indique déjà en soi un stade de véritable développement hautement désirable. Le raisonnement, l'analyse et la présentation de points de vue différents se poursuivent sur une grande échelle dans tous les pays, avec des résultats variables selon les différents types de tempérament, de tradition, de développement et de formation.

Ce stade de la mort et de la naissance (car toutes deux sont simultanées) peut être facilement compris par l'ésotériste s'il étudie la guerre mondiale dans ses deux périodes distinctes de 1914 à 1918 et de 1939 à 1942. Le premier stade (si vous pouviez voir la situation telle qu'elle est réellement) a été très nettement le stade de la mort ; le second stade, dans lequel nous nous trouvons actuellement, est littéralement le stade de la naissance, des douleurs de l'enfantement, du nouvel ordre et de la nouvelle civilisation par lesquels l'humanité pourra exprimer son sens de la vie. La mère meurt pour que l'enfant vive ; la forme est sacrifiée à la vie. Mais aujourd'hui, l'aspect forme, la mère, ou l'aspect matière, meurt consciemment, et l'enfant (la civilisation dans son enfance) vient à l'existence tout aussi consciemment. C'est cela qui est nouveau et à quoi nous participons tous. C'est la mort de la personnalité de l'humanité et l'apparition de son âme. Une telle mort est toujours un processus douloureux. La douleur a toujours été l'agent de purification employé par les Seigneurs de la Destinée pour engendrer la libération. La douleur accumulée au cours de la guerre actuelle et celle héritée du stade antérieur (commencé en 1914) provoquent un changement salutaire dans la conscience mondiale. Le Seigneur de la Douleur est descendu de son trône et foule aujourd'hui les chemins de la terre, apportant détresse, souffrance et terreur à ceux qui ne peuvent interpréter ses fins, mais apportant aussi une stimulation nouvelle à l'instinct de conservation qui, dans son aspect supérieur, est l'instinct menant à l'immortalité ; ceci tend à centrer l'attention de l'humanité sur l'aspect vie et non sur la forme. Les noms des Seigneurs du Karma signifient symboliquement, et sous l'angle de leur sens intérieur : Relation, Illumination, [117] Douleur et Retour. Réfléchissez-y. Ils sont tous particulièrement actifs, actuellement, et l'espoir de l'humanité repose sur leur action.

Anciens événements karmiques

Je n'ai pas l'intention d'expliquer ou de m'étendre sur la question du karma. Ce thème occulte et néanmoins fondamentalement exotérique, la Loi de cause à effet, évoque quelque chose qui est reconnu par tous lorsqu'on lui donne cette dernière appellation. Quand on l'appelle Loi du karma, elle est immédiatement considérée comme mystérieuse, orientale et nouvelle. Quand on l'appelle Loi de rétribution, un sens entièrement erroné lui est attribué. Aujourd'hui, le karma de l'humanité descend sur elle. Je tiens cependant à vous rappeler que l'accent continuellement mis sur les mauvais aspects du karma en donne une fausse impression et ne permet pas de saisir complètement la vérité. Il y a autant de bon que de mauvais karma ; même dans la situation mondiale actuelle, le bon Karma émanant de l'âme de l'humanité fait contrepoids au mauvais karma provenant de l'aspect matériel sur lequel on insiste toujours trop. C'est le rythme de la matière par opposition au rythme de l'âme ; c'est ce qui constitue les causes initiales du présent conflit, aussi bien dans la vie des individus que dans la situation mondiale dans son ensemble. Quand vous l'aurez correctement compris, la véritable image du monde pourra apparaître avec plus de clarté dans votre cœur et dans votre mental. Dans mon effort pour clarifier ce tableau, je vais devoir négliger beaucoup de détails essentiels ; je serai aussi obligé d'adopter l'attitude toujours discutable qui consiste à affirmer des choses invérifiables et pour lesquelles le seul argument valable (pour le penseur moyen) réside dans une déduction faite à partir des effets produits par des causes qui n'apparaissent pas à celui qui n'a pas de formation occulte. Dans l'avenir, l'homme développera l'attitude mentale qui consiste à considérer les causes comme étant plus importantes que les effets ; il apprendra alors à faire soigneusement attention à ses premiers pas dans n'importe quelle direction en réfléchissant et en déduisant quels en seront les effets probables avant de s'engager dans une action [118] spécifique. C'est seulement par la douleur, l'erreur et le prix à payer en conséquence que ce stade salutaire sera atteint.

Aujourd'hui, tout ce qui arrive est dû avant tout à la dualité essentielle de l'homme ; en second lieu, cela est dû à certaines lignes de clivage majeures, engendrées par cette dualité à un stade antérieur de l'histoire de l'humanité ; et troisièmement à la tendance croissante vers la synthèse que l'afflux de la force de Shamballa suscite à l'heure actuelle. C'est la définition la plus simple que je puisse donner de ce problème complexe. Je vais donc, à l'aide de grandes généralités, couvrir le passé, indiquer quels sont les effets que nous ressentons à présent, et prévoir l'avenir.

C'est la venue en incarnation de l'être humain spirituellement conscient de lui-même qui est la cause déterminante du présent conflit. Si les fils de Dieu n'étaient pas "venus auprès des filles des hommes" (selon les termes bibliques et symboliques qui traduisent la grande relation entre l'esprit et la matière établie alors dans le règne humain), si les entités spirituelles qui sont l'humanité elle-même n'avaient pas pris de formes matérielles, et si l'élément spirituel positif ne s'était pas attaché à l'aspect matériel négatif, le conflit mondial actuel n'aurait pas eu lieu. Mais le plan d'évolution divin était fondé sur la réalisation de cette relation entre l'homme spirituellement conscient et l'aspect forme ; ainsi la grande Loi de dualité entra-t-elle en action, entraînant la "chute des anges", qui descendirent de leur état d'existence libre et sans péché afin de développer sur terre une conscience divine totale par l'intermédiaire de l'incarnation matérielle et de l'emploi du principe du mental. Tel était le plan divin, émanant du mental de Dieu et mis en activité et progressivement développé par un acte de sa Volonté. À ses débuts se produisit l'originelle "guerre dans les cieux", lorsque les fils de Dieu qui répondirent au désir divin d'expérience, de service et de sacrifice se séparèrent des fils de Dieu qui ne répondirent pas à cette inspiration, mais préférèrent rester dans [119] leur état d'existence originel et élevé. Le Christ lui-même témoigna de cette vérité dans l'histoire du fils prodigue et de sa relation avec son frère aîné, qui n'avait pas quitté la maison de son père. D'après cette parabole, la direction dans laquelle allait l'approbation du père est évidente, n'est-ce pas ? Une étude approfondie de cette histoire et une compréhension intuitive de ses implications peuvent évoquer un jour une réponse au "péché de l'expérience", ainsi qu'on l'a appelé, et une compréhension des deux principales lois qui en gouvernent le processus : la Loi d'évolution et la Loi de renaissance. C'est là que gît la cause première qui est à l'origine de ce qui arrive aujourd'hui.

La seconde cause découla lentement de la première. La matière et l'esprit, centrés dans la famille humaine et exprimant leurs qualités fondamentales et leur nature essentielle, étaient perpétuellement en conflit. Dans les premiers stades, et pendant le long cycle lémurien, l'humanité balbutiante évolua régulièrement, mais malgré cela, les ligues de clivage, quoique présentes, ne furent pas reconnues. L'étincelle latente du mental ne servit qu'à éclairer de façon relative les cinq sens et leur application purement physique. La vie physique était forte ; la vie de déduction, ou d'auto-enregistrement, était pratiquement nulle. La vie de l'humanité était alors centrée dans le corps physique, fortifiant et stimulant ainsi la nature animale et développant l'organisme physique et les divers organes internes par le développement des cinq sens. L'homme devint avant tout un animal égoïste et combatif, avec cependant parfois de vagues tendances vers quelque chose qu'il ressentait obscurément comme meilleur, et avec des moments de désir de qualité supérieure, qui n'était pas l'aspiration ou le désir de progrès tels que nous les connaissons, mais leurs formes embryonnaires.

Il n'est pas possible à l'homme moderne de visualiser ou de comprendre un tel état de conscience, car il l'a laissé trop loin derrière lui. Le foyer de la force vitale se trouvait aussi dans la région des glandes surrénales, donnant le courage animal et la résistance aux chocs. Mais le dualisme de la nature essentielle de l'homme était toujours présent et les lignes de clivage apparurent progressivement ; lentement, mais régulièrement, les premières âmes (une très petite minorité) élevèrent peu à peu leur conscience dans le plexus solaire, et alors commencèrent à se développer une reconnaissance du facteur du désir pour ce qui était matériel, ainsi qu'une faculté de réaction [120] émotionnelle. Jusque là, à l'époque lémurienne, le désir et l'instinct étaient identiques. Réfléchissez à cela ; c'est intéressant parce que cela concerne un état de conscience dont l'homme moderne ne connaît pratiquement rien.

Mais à l'époque de l'Atlantide, les lignes de démarcation entre ce qui constituait la vie purement physique et ce qui, bien qu'encore matériel, pouvait représenter le but d'un effort et pouvait donc être acquis, commencèrent à dominer la nature purement animale ; l'homme se mit à acquérir des objets et à s'entourer de ce qu'il désirait. Les lignes de clivage entre l'animal instinctif et l'homme porté à l'acquisition commencèrent à se marquer plus clairement.

Progressivement, l'élément mental se développa parmi ces pionniers, tout comme l'élément intuitif se développe aujourd'hui parmi les hommes de type mental ; les hommes commencèrent à acquérir une certaine forme de perception mentale et à consacrer le peu de mental qu'ils avaient à accroître leurs possessions matérielles. Le stade de la civilisation en soi, qui est à la base une reconnaissance de la relation de groupe, commença. Une ère de vie urbaine remplaça l'existence purement nomade et agricole. Les hommes commencèrent à s'assembler afin de s'assurer plus de protection et de confort matériel, et les processus rythmiques de la concentration, ainsi que leur extension mondiale, s'amorcèrent. Ces cycles sont semblables à l'aspiration et à l'expiration de l'organisme physique de l'homme. Un jour, on étudiera ces facteurs fondamentaux et dominants de l'existence humaine que sont la dispersion, ou décentralisation, et la vie communautaire, ou expression de l'instinct du troupeau, sur une courbe plus basse ou plus élevée de la spirale de l'existence.

Les quelques siècles passés ont vu se poser un problème important dans la tendance actuelle de l'humanité à se rassembler dans de grandes villes et à se réunir en vastes troupeaux, laissant la campagne vidée de sa population et créant de sérieux problèmes de ravitaillement, de santé, et aussi de crime. Aujourd'hui, ce rythme est en train de changer sous nos yeux, et ce grave problème est en voie de résolution ; on évacue les villes, et à mesure que les hommes sont poussés vers la campagne pour une raison ou une autre, les Seigneurs de l'évolution imposent la rupture du rythme de la concentration et y substituent le rythme de la dispersion. Ceci fera beaucoup pour la race [121] humaine et facilitera le développement d'une synthèse subjective qui enrichira grandement l'humanité et donnera de nouvelles valeurs à la vie.

Les lignes de clivage entre la nature instinctive et animale et une certaine forme de désir (aspiration embryonnaire) se développèrent régulièrement à l'époque des Atlantes. Cette ancienne civilisation commença à exprimer sa propre note et à établir de nouvelles valeurs de confort matériel et de domination égoïste sur une échelle de plus en plus grande à mesure que l'existence urbaine se développait. Il nous est peut-être difficile de nous imaginer un monde dont la population était aussi dense que dans le monde moderne, mais tel était bien le cas. La nature animale était dominante, la tendance était d'avoir des relations sexuelles et de créer des familles nombreuses, exactement comme aujourd'hui dans les couches inférieures de nos pays civilisés, car les paysans et les habitants des bidonvilles font plus d'enfants que l'intelligentsia. À cette époque reculée, les seules personnes qui, dans une certaine mesure, possédaient vraiment quelque intelligence étaient les disciples et les initiés ; ils guidaient l'humanité à ses débuts et veillaient sur elle, dans une large mesure comme le font les parents modernes envers leurs enfants, et comme l'État assume la responsabilité d'assurer le bien-être social de la nation. En ce temps-là, la Hiérarchie était présente sur terre sous la forme des prêtres-rois, qui jouaient le rôle de points focaux d'énergie d'attraction, attirant à eux ceux chez qui des valeurs plus intangibles commençaient vaguement et lentement à prédominer, rendant ainsi encore plus claires et précises les lignes de clivage entre le matérialisme et la spiritualité.

Il faut nous rappeler que la spiritualité de cette époque était d'une qualité très différente de ce que recouvre ce mot actuellement. Sa nature était celle d'une aspiration vers un au-delà pressenti, vers une beauté satisfaisante et un accomplissement émotionnel. Il n'y avait pas de pensée telle que nous la connaissons dans cette attitude, mais seulement un effort pour atteindre quelque chose ressenti comme inaccessible et désirable. La Hiérarchie entretint cette attitude dans le peuple en lui faisant don de diverses inventions et en utilisant les masses instinctives pour construire de grandes et magnifiques villes et [122] de prodigieuses constructions, dont les vestiges subsistent encore aujourd'hui. Cela se fit sous la direction experte des initiés et des adeptes, qui faisaient usage de leur connaissance de la nature de la matière et de l'énergie pour réaliser ce que l'homme d'aujourd'hui cherche, en tâtonnant, à découvrir et à rendre possible. Tout ce que les procédés modernes de la civilisation ont permis de réaliser était connu dans l'ancienne Atlantide, ainsi que beaucoup d'autres choses dépassant ce qu'on appelle aujourd'hui les découvertes scientifiques ; rien de tout cela n'était conçu par les hommes eux- mêmes, mais leur était offert en don généreux, tout comme aujourd'hui les gens donnent aux enfants des objets merveilleux dont ils se servent avec joie sans les comprendre du tout. Il existait partout de grandes et belles villes pleines de temples et de grands édifices (dont les ruines chaldéennes et babyloniennes sont les vestiges dégénérés et dont le gratte-ciel moderne est l'enfant). Les prêtres-rois possédaient la plupart de nos connaissances scientifiques modernes qui constituaient, aux yeux des masses, une forme de magie merveilleuse. La salubrité publique, l'hygiène, les moyens de transport et les avions existaient et étaient d'un ordre très élevé ; il ne s'agissait néanmoins pas d'une réalisation humaine, mais de dons de la Hiérarchie, développés sous une sage direction. La maîtrise de l'air et de l'eau existait, car les guides de la race savaient comment dominer et gouverner les forces de la nature et les éléments ; mais cette maîtrise n'était pas le résultat de la compréhension, de la connaissance ou de l'effort humain. Le mental des hommes n'était ni développé ni apte à une telle tâche, pas plus que le mental d'un petit enfant.

Le clivage entre les deux groupes (l'un exprimant les forces du matérialisme, l'autre, l'énergie de la lumière) s'agrandit progressivement de telle manière qu'à la fin de l'ère atlantéenne le fossé était si large, et les lignes de démarcation entre les deux écoles de vie et de pensée si claires, qu'une crise s'ensuivit dans le monde civilisé d'alors, dont le conflit actuel est précisément un effet. Espérons que ce conflit est le point culminant qui ne sera plus jamais atteint. C'est alors qu'eut lieu la grande guerre entre les Seigneurs de la Forme et les Seigneurs de la Vie, ou encore entre les forces de la matière et la Grande Loge Blanche. Une étude sérieuse du deuxième volume de la [123] Doctrine Secrète éclairera les étudiants, s'ils s'attachent avec un soin particulier aux pages 275 à 466 (édition anglaise). Pour notre compréhension, ce récit peut sembler vague et obscur, mais à l'époque les questions en cause étaient très claires. Les Forces de Lumière triomphèrent car la Hiérarchie fut obligée d'intervenir puissamment et, avec l'aide de grandes Vies extérieures à notre vie planétaire, elle mit fin brusquement à la civilisation atlantéenne, après une longue période de chaos et de désastre. Le moyen employé fut une terrible catastrophe, qui fit disparaître des centaines de milliers d'êtres humains de la surface de la terre. Cet événement historique nous a été transmis par la légende universelle du Déluge.

Ceux qui survécurent furent sauvés par l'arche de Noé selon les termes symboliques de la Bible ; les anciennes écritures s'expriment de la façon suivante :

"De même qu'un serpent déroule lentement son corps, de même les fils des hommes, guidés par les Fils de Sagesse, déployèrent leurs replis et s'étendant ainsi qu'une suave eau courante...

Beaucoup des moins courageux parmi eux périrent en route. Mais la plupart furent sauvés."

Une étude serrée de ce récit, tel qu'on le trouve dans la Doctrine Secrète, révélera le manque de maturité de l'humanité d'alors (selon nos normes modernes) et le fait qu'elle était centrée de manière fondamentale sur les aspects émotionnels et physiques. Ce récit indique aussi les aptitudes magiques de l'homme pour subjuguer et maîtriser les règnes subhumains et les forces élémentales de la planète. Voilà deux points de vue qu'on a peu étudiés.

L'accent néanmoins a été mis à juste titre sur l'intervention divine ; celle-ci réussit à sauver une minorité éthiquement saine (le mot "spirituel" ne peut pas encore être employé, sinon relativement) et à détruire ceux qui étaient mal orientés, voués à une vie d'aspiration et de perception matérielles. [124]

Le noyau qui fut sauvé forma la base de notre race-racine actuelle, la race aryenne. Tout le thème de l'Ancien Testament est bâti autour du développement et de la croissance de ce noyau. Les habitants de l'arche, leurs descendants et la race juive sont, en termes symboliques, la partie sauvée de l'humanité, sauvée en dépit d'elle-même et malgré des difficultés considérables, par la Grande Loge Blanche.

Deux points méritent ici l'attention. Le premier et le moins important du point de vue de l'âme est la disparition de la terre de pratiquement tous les signes de la merveilleuse civilisation atlantéenne, à l'exception de quelques trésors archéologiques qui intriguent et intéressent les chercheurs modernes, ainsi que de vagues souvenirs d'anciennes réalisations scientifiques, qui conduisent l'étudiant moderne à des investigations et des recherches et qui l'incitent à découvrir et produire ce que nous appelons le triomphe de la science.

Le deuxième point est que, pour le bien de l'humanité, la Hiérarchie se retira à l'arrière-plan, laissant l'homme trouver lui-même la manière de sortir du mirage et de l'illusion du matérialisme par des voies justes et finalement de mettre fin aux anciens clivages. La guerre doit être menée à sa consommation finale, afin de la rejeter définitivement comme moyen de parvenir aux fins voulues.

L'ère moderne

Je désire ici m'arrêter un instant pour vous rappeler deux points qui doivent être reconnus alors que nous abordons cette ère moderne où se produisent tous ces effets culminants. Permettez-moi de les exposer avec concision et clarté.

Les lignes de clivage entre le matérialisme et la spiritualité (dans le sens actuel de ces mots) sont devenues de plus en plus claires. Deux choses ont contribué à engendrer cet état de choses. Premièrement, la déclaration des Dix Commandements. Ces derniers, bien que de forme négative et d'attitude dogmatique, ont rendu les problèmes et les attitudes souhaitables parfaitement claires. Vu le stade relativement [125] bas de l'intelligence humaine universelle au moment où ils furent prononcés (les dates données par la Bible ne sont pas exactes et la date de leur énonciation est beaucoup plus ancienne qu'on ne le pense), ils s'exprimaient par la formule "Tu ne feras pas" dirigeant ainsi l'attention des hommes vers l'expression matérielle de tendances matérielles. Dans les jours à venir, les Dix Commandements seront exprimés sous une forme inverse, dont le Sermon sur la Montagne et les Béatitudes sont la forme embryonnaire.

Deuxièmement, la Hiérarchie se retira afin que l'humanité, lorsqu'elle atteindrait la maturité et l'âge de raison, ne soit pas handicapée ou entravée par la coercition ou par une protection indue, mais qu'elle exprime ses caractéristiques divines majeures. Le libre arbitre et l'emploi du discernement mental en sont les qualités dominantes. Il n'y avait pas de libre arbitre à l'époque atlantéenne. Il y a aujourd'hui une tendance au libre arbitre (notez ce terme), et nous l'appelons liberté et indépendance, liberté de pensée et droit de l'individu à déterminer les décisions qui gouverneront ou devraient gouverner le groupe dont il fait partie. Tous ces facteurs sont des qualités du libre arbitre, mais non pas le principe divin du libre arbitre en soi. De ce dernier, nous savons encore peu de choses. Seuls les disciples et les initiés connaissent la vraie signification, les implications de la liberté de choix et l'emploi correct de la volonté, car leur motivation est le bien du groupe et les besoins de la majorité.

L'épreuve à laquelle l'humanité devait être soumise et qui est maintenant un facteur dominant, consistait à voir si – ayant acquis connaissance et développement mental – elle consacrerait cette connaissance et ces réalisations scientifiques et mentales au bien du groupe, ou à des fins égoïstes, à des questions matérielles ou à des impulsions spirituelles. Cet ancien conflit a maintenant été porté dans un autre domaine de l'expression humaine, celui du mental et – à mesure que l'humanité a progressé et que les personnalités ont atteint un haut niveau d'intégration et de perfection – le conflit est devenu aigu, les problèmes plus clairs et les adversaires se sont rangés si complètement dans des groupes bien définis que la lutte finale est devenue possible. [126]

L'appréciation intelligente de la situation et la capacité à présenter à l'intellect les conditions sous-jacentes ont maintenant été atteintes par la plupart des hommes intelligents. Bien que son point de vue soit nécessairement coloré par les traditions nationales, les idées héritées, la politique ainsi que par l'influence et les préjugés de l'entourage, l'humanité a fait bien du chemin vers l'émancipation finale. Il existe donc une certaine mesure de libre arbitre, ce qui constitue un facteur entièrement nouveau et un développement très satisfaisant. Je voudrais vous rappeler un point des plus importants, c'est que les masses – les classes moyennes, la bourgeoisie et le prolétariat (j'emploie ces mots dans leur sens général et simplement à cause de leur signification) – sont encore victimes de l'autorité, de la domination ; elles ne pensent pas et sont encore relativement infantiles. Cela signifie que le véritable conflit existe dans une petite minorité pour qui les questions posées sont d'une clarté lumineuse et qui s'est délibérément rangée d'un côté ou de l'autre des forces combattantes. Quelques hommes, les descendants ou plus exactement les réincarnations des chefs de l'ancien conflit atlantéen, sont maintenant sur terre, dirigent les forces de la lumière et les forces de l'ombre et provoquent le rassemblement de millions d'hommes dont la volonté est celle de leur chef.

Les lignes de clivage se sont accentuées régulièrement, de telle manière que maintenant on peut parler d'une humanité orientée vers les valeurs spirituelles et altruistes, dont la note-clé est le sacrifice, le bien du groupe, la compréhension mondiale, et d'une autre humanité dont le foyer d'intérêt est principalement matériel, et les buts égoïstes animés par l'ambition et l'esprit d'acquisition.

C'est le caractère aigu de cette situation et l'étendue considérable du clivage qui ont décidé la Hiérarchie vigilante à permettre que se déverse dans le monde un afflux direct de la force de Shamballa, malgré les risques qui l'accompagnent. L'objectif consistait à stimuler le libre arbitre des masses ; le résultat obtenu sur elles a été relativement bon. Il a conduit à la formulation et à l'expression des [127] grandes idéologies mondiales – le fascisme, la démocratie, le communisme, ainsi qu'à ce mélange particulièrement bizarre de fascisme et de communisme, qui a pour nom hitlérisme ou nazisme. Toutes ces idéologies sont entretenues par le désir des masses d'une amélioration des conditions de vie des gens de tous les pays ; ce désir s'est concentré, exprimé, il est devenu créateur, sous l'influence de la force de Shamballa. Mais un autre résultat de cet afflux de volonté de pouvoir a été de stimuler un certain groupe de personnalités marquantes, dans de nombreux pays, de sorte qu'elles ont pris en main la direction des masses et peuvent ainsi déterminer les méthodes – religieuses, politiques et sociales – des différentes nations. Dans toutes les nations, un groupe relativement peu nombreux prend toutes les décisions importantes et détermine toutes les activités nationales les plus importantes. Elles le font soit par la force, la terreur, la tromperie, soit par la persuasion, les belles paroles et l'application de motifs idéologiques. Les Seigneurs de la Destinée profitent de cette situation mondiale pour mettre fin à un ancien conflit et permettre ainsi à l'humanité d'entrer dans l'ère du Verseau, relativement libre et comprenant plus clairement les buts justes, les relations justes et l'avenir prédestiné de l'homme.

Il ne servirait à rien que je vous indique la relation du conflit mondial actuel et des chefs actuels, avec le conflit et les chefs des temps atlantéens. Il suffit de dire que beaucoup de ces mêmes personnalités, (sur une courbe plus élevée de la spirale) jouent de nouveau leurs divers rôles dans ce grand drame. Cela ne vous servirait à rien et n'aiderait pas votre compréhension mentale de la situation, si je mettais l'accent sur les détails de cette grande guerre et leurs correspondances modernes. Il serait sans valeur que je compare les anciennes méthodes et les usages modernes selon lesquels l'un ou l'autre des camps mène la lutte pour la suprématie. Vous n'êtes pas en mesure de vérifier ce que je dis, ni l'exactitude de mes affirmations. Le point le plus important, cependant, est que vous arriviez à une claire compréhension de ce qui est en jeu, à une juste appréciation des valeurs impliquées et une compréhension juste des idéaux qui animent les deux groupes d'adversaires.

À l'époque atlantéenne on déclara que la bataille se livrait entre [128] les forces de l'Ombre (appelées "Loge noire des Adeptes") et les Forces de la Lumière (appelées "Grande Loge Blanche, la Hiérarchie des Maîtres"). C'était alors approximativement vrai, car le conflit existait entre deux petits groupes ; la masse du peuple était simplement la victime aveugle et misérable de ce conflit et de cette situation.

Aujourd'hui, il n'est pas possible de faire une distinction aussi claire entre les forces engagées et ce n'est pas à proprement dit admissible. Aucune nation ou aucun groupe de nations ne peut être classé comme blanc ou noir. Souvenez-vous-en. Seules les personnes sans vision, à l'esprit intolérant et partial pourraient parler ainsi. Toutes les nations ont dans leur sein ceux qui, et ils sont des milliers, appartiennent à la catégorie des hommes influencés par les Forces de la Lumière et qui répondent donc normalement et facilement au concept de bonne volonté, au désir de relations justes entre tous les hommes et à l'idéal d'une vraie compréhension mondiale et internationale. Dans toutes les nations, il y a ceux qui ne sont nullement attirés par cette attitude, et qui sont encore dans l'obscurité et aveugles aux vrais problèmes. C'est là un fait. Ceux qui souhaitent l'établissement de la bonne volonté et de la compréhension sont en majorité, mais – comme je l'ai indiqué dans d'autres ouvrages – ils ont été jusqu'ici relativement impuissants à maîtriser la situation, ou à obliger les gouvernants à suivre la volonté-de-bien de la masse. Ils sont ou inspirés, ou protégés par la Hiérarchie de Lumière ; c'est à eux qu'incombe la tâche de stimuler et de faire progresser la libre expression de cette bonne volonté lorsque le conflit prendra fin.

Quant à l'autre groupe, il est composé de ceux qui, par inclination ou Karma ancien, sont les descendants des Seigneurs de l'obscurité ; leurs actions et leurs idéaux rendent possible l'activité des forces du matérialisme. Je souhaite que vous notiez cette phrase. Même les plus dangereux d'entre eux sont néanmoins conscients d'une quelconque forme d'idéalisme ; ils sont toutefois égarés et répondent pleinement à la volonté-de-pouvoir, pouvoir sur le plan physique par le moyen de l'activité de la forme. Ceci est stimulé par l'afflux d'énergie de Shamballa. À cause de ces réactions et de ces tendances, ils constituent des points focaux pour les vies et les énergies qui sont [129] inhérentes à la matière même et dont l'influence et le travail sont dédiés à la conservation de la forme et à ce qui est. Ils s'efforcent constamment d'anéantir ce qui est nouveau et retardent l'évolution de la conscience humaine. N'oubliez pas que la véritable décision se situe dans le champ de la conscience, et que la lutte se livre entre la forme et la vie dans la forme, entre le progrès conduisant à la libération de l'esprit humain, et l'activité réactionnaire conduisant à l'emprisonnement de la conscience humaine et à la restriction de sa libre expression.

Je voudrais m'arrêter un instant pour vous adjurer solennellement de ne pas agrandir l'écart des lignes de clivage en vous plaçant, vous et tous ceux qui adoptent votre idéologie, du côté des Forces de la Lumière, et tous les autres et leurs idéologies que vous pouvez ne pas approuver, du côté des Forces de l'obscurité. La question est, en dernière analyse, d'avoir le droit d'exprimer la volonté-de-bien, le droit d'exprimer les relations humaines, sans l'entrave des barrières territoriales et des habitudes nationales de pensée. Cela implique le droit et la nécessité ressentie de manifester l'amour à tous les êtres, éliminant ainsi toute haine et toute séparativité. Cela concerne le droit de toutes les nations de vivre en paix avec leurs voisins et harmonieusement entre elles, d'exprimer la vraie synthèse subjective de l'humanité et de ne pas placer les possessions, les frontières, la culture nationale, le pouvoir et l'ambition avant le bien de tous et le bonheur du monde des hommes. C'est là qu'est le véritable problème sous-jacent. Tous les défis nationaux et les appels patriotiques sont simplement des tentatives, de la part des gouvernants du monde entier, pour maintenir le peuple dans une ligne d'action et de pensée particulière. Assurer la sécurité du monde en vue de la démocratie, acquérir de l'espace vital, défendre les droits des petites nations, maintenir l'équilibre des forces, faire face à la force par la force, restaurer d'anciennes frontières historiques, imposer la culture qui semble désirable, prévenir le marasme économique, sauver les intérêts nationaux, constituent les arguments des gouvernants actuels. Mais le vrai problème est la Direction une et intangible. De quel côté l'humanité va-t- elle pencher ? Ira-t-elle vers l'altruisme, l'expression [130] d'une volonté d'agir toujours dans l'intérêt de tous, favorisant ainsi la compréhension et l'unité mondiales, ou penchera-t-elle vers l'égoïsme et l'agression, exprimés par un nationalisme intense, sacrifiant ainsi les valeurs vraies et plus profondes de liberté, d'indépendance, de liberté de pensée. Cet égoïsme peut se manifester par l'agression ou par la neutralité. Les nations qui ne participent en rien à la lutte y perdront beaucoup et, faisant valoir leur lutte égoïste, voilant la question véritable sous de belles paroles, elles aideront à prolonger la bataille et enlèveront à leur population une occasion qui lui serait utile.

Je voudrais ici faire remarquer que, de même que dans toutes les familles, les affaires et les organisations, il existe ceux qui sont des points focaux d'autorité et qui planifient les activités futures, de même au sein de ce groupe ou corps organisé, appelé humanité, il existe des points focaux semblables, qui planifient, dirigent et produisent les événements extérieurs. Ils sont dans la période d'accomplissement de la personnalité, période où les êtres humains, ayant réussi l'intégration et une expression unifiée des sentiments, de la perception et du mental, travaillent activement et efficacement sur le plan physique. Ces points focaux sont utilisés pour susciter deux changements importants dans le monde ; le premier est la fusion et le mélange des populations et des minorités afin que des états coordonnés et des nations intéressées à la culture apparaissent partout ; le second demande la modification des frontières en vue d'un réajustement complet de la carte du monde en Asie, en Europe et en Afrique.

Il vous apparaîtra qu'on peut noter trois grandes méthodes pour parvenir à ces fusions. La Grande Bretagne, les États-Unis d'Amérique et l'U.R.S.S. emploient le principe de la fédération, de la relation et de la fusion de corps organisés dans des ensembles concentrés ; ils répondent à la même inspiration, mais emploient leurs propres méthodes spécialisées pour aboutir aux fins désirées. Ne soyez pas [131] surpris que je fasse participer la Russie à cette triplicité. À la base, son idéologie est aussi saine que celle des autres groupes, la différence gît dans des facteurs de personnalité et de mode d'application de l'idéologie. La domination de personnalités dangereuses et puissantes, l'emploi des méthodes de force et de cruauté ont été évitées dans les deux premiers groupes de nations ; la raison en est la différente source d'inspiration produisant les effets. Une autre raison se trouve dans la mise du pouvoir entre les mains de personnes historiquement non-préparées à gouverner et dont le développement passé ne les a encore amenées qu'à l'enfance de l'évolution.

Néanmoins, dans ces trois groupes, il y a beaucoup de choses intéressantes à noter. L'un d'entre eux, la Grande-Bretagne, représente une fusion, dont les fondements ont été posés par un long passé historique de préparation au gouvernement. Un autre, les États-Unis, représente une fusion qui se développe dans le présent, qui constitue une expérience nouvelle, bien qu'elle emploie des facteurs issus de toutes les nations d'Europe. L'U.R.S.S. à son tour représente une fusion à venir, une synthèse future. Dans ces trois groupes, vous avez une expression intéressante et immédiate des trois aspects divins, qui inspirent et colorent la civilisation embryonnaire. La Grande-Bretagne exprime la volonté- de-pouvoir mais, du fait de l'âge et de l'expérience chèrement acquise, cette volonté-de-pouvoir est aujourd'hui tempérée par la justice et la compréhension croissante des besoins de l'humanité. Ceci, à son tour, est le résultat de la domination, pendant de nombreux siècles passés, de l'aristocratie, avec son paternalisme, son conservatisme et sa méthode de lents rajustements. Les États- Unis expriment la volonté-d'aimer, qui se manifeste par l'aptitude à absorber des éléments très divergents, et cependant à donner à tous les mêmes chances. Il en est ainsi très largement car la domination, dans cette fédération d'états, est aux mains de la bourgeoisie, avec ses buts financiers, son pouvoir de déterminer les conditions de vie et son contact rapide et bienveillant avec la vie. Sa méthode n'est pas l'adaptation lente, mais celle de l'assimilation rapide. C'est dans ce pays que les gens sont le plus sensible à l'influence de la Hiérarchie. [132] L'U.R.S.S. exprime la volonté-de-créer, de produire de nouvelles conditions et un ordre nouveau planifié, déterminé et prévu. Cela a très souvent été réalisé par la cruauté, par l'acceptation de compromettre, changer ou abaisser l'idéal originel. Ceci, à son tour, est réalisé par l'activité du prolétariat, avec son inaptitude à gouverner, son désir d'exercer des représailles et son ignorance de la tradition et des procédés hérités.

Une expérience des plus intéressantes est donc en cours dans ces trois groupes d'éléments reliés entre eux et d'idéaux nationaux différents. L'U.R.S.S. mettra finalement l'accent sur l'Asie, où elle dirigera son intérêt majeur, apportant de grands changements sur ce continent jusqu'au Pacifique. La Grande-Bretagne, grâce à une démonstration réussie du principe de fédération, peut effectuer de grands changements en Europe, si elle fait preuve de pénétration éveillée, de vraie et compatissante justice, ainsi que de sage patience. Les États-Unis ont une tâche semblable à accomplir dans les Amériques, ce qui demandera des qualités de gouvernement d'un ordre élevé et un esprit de compréhension.

Vous verrez aussi, si vous avez bien compris les suggestions ci-dessus, que la force de Shamballa s'exerce dans cette communauté de nations fédérées qu'on appelle l'Empire britannique, et exprime la volonté-de-synthèse et la volonté de méthodes légales et justes. La force de la Hiérarchie s'exprime de plus en plus par les États-Unis d'Amérique, car une reconnaissance intuitive des réalités subjectives et un véritable sens des valeurs supérieures peuvent gouverner et gouvernent souvent les mouvements spontanés de ce groupe d'états fédérés. La volonté-d'être de l'humanité, avec l'accent presque exorbitant mis sur les valeurs humaines et la volonté-de-gouverner de manière créative, est la contribution de l'U.R.S.S., cette grande fédération de républiques. Ainsi l'influence des trois grands centres mondiaux, dont j'ai déjà parlé dans mes ouvrages précédents, est en voie d'expression dans ces trois groupes de nations.

Par ailleurs, la force de Shamballa est active chez tous, car elle produit la fédération et la synthèse. Sa première grande expression ou manifestation de l'esprit de [133] fusion eut lieu au 18ème et au 19ème siècle et conduisit à la formation de pays tels que l'Italie et l'Allemagne, qui furent créés à partir d'états plus petits, de duchés et de royaumes. Une histoire de cette tendance à la fusion dans le monde moderne constituerait une étude des plus révélatrices. On s'apercevrait que les premières et faibles indications en furent ressenties aux environs de 1575. Ceci résulta de l'autorisation concernant l'afflux de cette force donnée lorsqu'elle fut demandée lors de la Conférence centennale de la Hiérarchie, tenue en 1425. J'ai déjà fait allusion à cette conférence dans mes ouvrages antérieurs[1].

Dans le second groupe d'idéologies changeantes et de réactions aux besoins de masse, vous trouverez la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Portugal ; toutes ces nations ont changé leur ancienne politique, leur forme de gouvernement et ont réagi progressivement et lentement à la force de Shamballa. Elles ont, néanmoins, réagi à cette force par l'intermédiaire de certaines grandes personnalités marquantes, qui étaient particulièrement sensibles à la volonté-de-pouvoir et à la volonté-de-changement. Elles ont (pendant ces 150 dernières années) modifié le caractère de la vie nationale et mis de façon croissante l'accent sur des valeurs humaines plus larges. Les hommes qui inspirèrent et commencèrent la révolution française ; le grand conquérant, Napoléon ; Bismarck, le créateur d'une nation ; Mussolini, qui a régénéré son peuple ; Hitler, qui a porté sur ses épaules un peuple en détresse ; Lénine, l'idéaliste, Staline et Franco sont tous des expressions de la force de Shamballa et de certaines énergies peu comprises. Ils ont opéré des changements significatifs à leur époque et pour leur génération ; ils ont modifié la face de l'Europe et, par contrecoup, affecté l'Asie ainsi que les attitudes conditionnant la vie et la ligne de conduite politique en Amérique.

Ces résultats, même lorsqu'ils sont dangereux et terribles, ont développé deux caractéristiques vitales dans l'humanité. L'une a été le développement sur une grande échelle de la faculté de discernement ; l'autre, la tendance à la dispersion avec toutes ses conséquences, [134] c'est-à-dire la diffusion des valeurs se rapportant à la culture et à la civilisation, ainsi que les divers dons de nombreux peuples à l'âme du monde. Le mouvement de population quittant la Grande-Bretagne pour les colonies. Le mouvement de population partant de toutes les nations d'Europe vers l'Amérique du Nord ou du Sud, la dispersion de la population à l'intérieur des frontières nationales à cause de la guerre et par mesure pratique, telle que l'a entraînée aujourd'hui l'évacuation des villes, le déplacement de personnes qui ont quitté l'Italie et de groupes qui se sont déplacés à l'intérieur de la Russie, l'avance perpétuelle des Juifs errants, tout cela indique une rupture, à l'échelle mondiale, de toutes les frontières extérieures et l'instauration d'un processus de mélange et d'amalgame, tel que le monde n'en avait encore jamais vu. Cela constitue un système d'éducation de valeur incalculable, vu qu'il conduit à la nécessité constante de modifier ses points de vue et ses modes de vie, aux mariages entre groupes différents et aux prétendues relations illicites. Le changement extérieur produit une synthèse intérieure et une dispersion extérieure, les clivages se transforment intérieurement en relations plus étroites et en un esprit de compréhension plus tolérant. La faculté d'examiner, de choisir, de penser et de discerner se développe rapidement dans toutes les classes, en tous lieux, comme conséquence des événements cataclysmiques et du fait que s'offrent de nombreuses modifications des conditions de vie, des points de vue, des théories de gouvernement et de la religion. Tout cela émerge naturellement des contacts nouveaux et de la présentation rapide des événements par la presse et la radio.

C'est ce qui a de l'importance du point de vue de l'évolution de la conscience mondiale. Les événements sur le plan physique sont accessoires et sans pouvoir de durée permanente.

Les événements sur le plan physique surviennent et sont rendus possibles par les points focaux d'énergie que sont les dictateurs, les hommes d'état mondiaux et les êtres humains exceptionnels se trouvant dans tous les pays, ainsi que par des groupes qui travaillent activement, en tous lieux, à leurs propres fins ou – ce qui est plus fréquent – sous l'influence d'un idéal ou sagesse de groupe, accompagné d'ambition [135] personnelle, de volonté- de-pouvoir personnelle, de glorification personnelle. Nous appelons ces hommes, dictateurs, démagogues, guides inspirés ou hommes justes et sages, selon notre idéologie particulière, nos traditions, notre attitude envers nos semblables et notre éducation politique, économique et religieuse. Mais tous ces guides sont simplement des êtres humains comme les autres, idéalistes, dans l'erreur, aimant leur pays, égoïstes, impressionnables, sots, rusés, puissants, les yeux braqués sur quelque but ou ambition, ayant une vision claire et en même temps des réactions de myope, cruels ou sages selon le cas, mais, en dernière analyse, des personnalités hautement développées. Ils sont utilisés pour effectuer de grands changements nécessaires et pour modifier la face de la civilisation. Quant aux mauvaises méthodes employées, aux choses mauvaises accomplies, la responsabilité en incombe à l'humanité tout entière et aux habitudes de pensée qui ont rendu les hommes égoïstes et cruels, et qui provoquent la manifestation si puissante et cruelle de l'important et universel esprit de volonté-de-changement.

Ne blâmez pas les personnalités impliquées et les hommes responsables des événements devant lesquels, aujourd'hui, nous sommes abasourdis et consternés. Ils ne sont que le résultat du passé et les victimes du présent. En même temps, ce sont les agents de la destinée, les créateurs d'un ordre nouveau et d'une nouvelle civilisation ; ce sont les destructeurs de ce qui doit être détruit avant que l'humanité ne puisse avancer sur le Sentier de la Lumière. Ils sont l'incarnation de la personnalité de l'humanité. Blâmez-vous donc vous-même pour ce qui se produit aujourd'hui ; n'essayez pas de rejeter la responsabilité sur les épaules d'hommes aux attitudes spectaculaires, d'hommes d'état, de dictateurs, ou sur n'importe quel groupe. N'accusez pas une personne ou un groupe de personnes d'être responsables de l'état actuel du monde. Ne considérez pas non plus qu'une personne ou un groupe apportera la libération, ou trouvera la solution du problème mondial. C'est à l'humanité elle-même de le faire. L'humanité doit entrer en action, et le fera, quand le moment propice sera venu. Reconnaître la responsabilité commune, les erreurs communes, les anciennes erreurs de jugement, les mauvaises attitudes et habitudes de pensée, le dessein et les intentions égoïstes à l'échelle mondiale, l'esprit universel d'agression qui, au cours [136] des âges, a influencé d'abord telle nation puis telle autre, la tendance, pendant le siècle dernier, à se cristalliser et à devenir statique, les forces réactionnaires existant partout – voilà des caractéristiques universelles, et aucune nation ni aucune race n'échappe à toute responsabilité et n'a les mains entièrement propres. De même, aucun groupe national n'est purement mauvais, ni purement bon et altruiste. Il existe des motifs mélangés partout. Le nationalisme, l'agression, l'égoïsme et la cruauté coexistent dans tous les pays ainsi qu'un désir de compréhension mondiale, de relations pacifiques avec un esprit de bienveillance et d'altruisme. Les Forces de la Lumière trouvent des adhérents dans tous les pays, quoique certains soient plus handicapés dans l'expression que d'autres. Il en va de même des forces du matérialisme. Entre ces deux grands groupes, se trouve la masse qui attend l'apparition de possibilités et de révélations nouvelles.

C'est l'universalité de ces conditions et la clarté bien définie des questions en jeu qui font que cette période offre des possibilités planétaires favorables, permettant l'initiation planétaire. L'initiation consiste essentiellement à se dégager de l'assujettissement de valeurs anciennes, pour entrer sous le règne de valeurs plus spirituelles et toujours plus élevées. Elle est également la reconnaissance d'une perception renouvelée de la nécessité du changement, afin de mettre en œuvre ces changements nécessaires pour qu'un véritable progrès puisse être accompli. La conscience s'étend et devient plus généreusement et plus divinement inclusive. La maîtrise de l'âme se renouvelle et devient plus puissante à mesure qu'elle assume de façon croissante la direction de la vie de l'individu, de la nation et du monde.

En dernière analyse et du point de vue de la Hiérarchie, l'actuel conflit entre la personnalité de l'humanité, (exprimant les valeurs matérielles comme facteur dominant de l'expérience de la vie) et l'âme de l'humanité (exprimant les valeurs spirituelles comme facteur dominant des affaires humaines), est identique au conflit qui se produit dans la conscience de l'être humain lorsqu'il atteint le stade de disciple et se trouve confronté avec le problème des paires d'opposés. Le conflit [137] s'exprime de nombreuses manières, selon le point de vue et l'arrière plan de la pensée. On peut l'appeler le conflit entre le Christ et l'Antéchrist, mais non dans le sens que lui donnent ceux qui généralement emploient cette expression. Aucune nation n'exprime l'esprit de l'Antéchrist, de même qu'aucune nation n'exprime l'esprit du Christ. Le Christ et l'Antéchrist sont la dualité de la spiritualité et du matérialisme, à la fois chez l'individu et dans l'humanité dans son ensemble ; vous pouvez aussi parler de Dieu et du diable, avec les mêmes implications fondamentales. Car, qu'est-ce que l'homme, sinon une expression de la divinité (Dieu) dans une forme matérielle (le diable), et qu'est-ce que la matière sinon le moyen par lequel la divinité doit finalement se manifester dans toute sa gloire ? La matière alors ne sera plus un facteur dominant, mais simplement un moyen d'expression.

La bataille se situe donc entre le côté forme de la vie et l'âme. Le Gardien du Seuil (le seuil de la divinité, mes frères) est l'humanité elle-même avec ses anciennes habitudes de pensée, son égoïsme et sa convoitise. L'humanité aujourd'hui est confrontée avec l'Ange de la Présence, l'âme, dont la nature est amour, lumière et compréhension inclusive. La grande question qui se pose aujourd'hui est de savoir qui sortira vainqueur de ce conflit, et lequel de ces deux grands agents de la vie déterminera l'avenir de l'humanité et indiquera la voie qu'elle décidera de prendre.

Les questions en cause sont claires pour tous les gens qui pensent juste. L'intolérance, l'orgueil national intense et l'autosatisfaction peuvent aveugler certains quant aux faits actuels ; mais il y a assez de gens qui pensent clairement pour rendre un avenir de justes décisions plus probable qu'à aucune période antérieure de l'histoire.

 

[1] Traité sur la Magie Blanche, pages anglaises 401-433, Traité sur les Sept Rayons, Vol. I, pages anglaises 170-189.