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LIVRE III L’UNION REALISEE ET SES RESULTATS - Partie 4

Tout comme la luminosité d'une lampe brûlant entre les quatre murs d'une maison apparaît à travers le trou de la serrure, ainsi la lumière de sattva se montre au sommet de la tête. Cette lumière est familière à tous ceux qui sont au courant, même vaguement, des pratiques de Yoga, et elle peut même être vue au moyen d'une concentration sur l'espace situé entre les sourcils. Par Samyama (la méditation) sur cette lumière, la catégorie d'êtres nommés siddhas – plus couramment connus dans les cercles théosophiques sous le nom de Mahatmas ou grands adeptes – et qui sont capables de parcourir l'espace en étant invisibles, apparaissent instantanément à la vue, malgré les obstacles de l'espace et du temps."

33. Toutes choses peuvent être connues dans la vive lumière de l'intuition.

Trois aspects de la connaissance sont associés à la lumière dans la tête. Premièrement, la connaissance que peut posséder l'homme [316]

ordinaire et que le mot théorique exprime peut-être le mieux. Elle rend l'homme conscient de certaines hypothèses, possibilités et explications.

Elle lui donne la compréhension de certaines voies, moyens et méthodes et le rend apte à faire le premier pas vers les constatations et réalisations correctes. Ceci est vrai de la connaissance dont traite Patanjali. En agissant d'après cette connaissance et en se conformant aux exigences de l'investigation et du développement visés, l'aspirant prend conscience de la lumière dans la tête.

En second lieu, la connaissance sélective est le type de connaissance qu'utilise ensuite l'aspirant. Ayant pris contact avec la lumière, il l'utilise et le résultat en est que les couples de contraires deviennent apparents, la dualité connue, et que la question du choix intervient. La lumière divine est projetée sur les deux côtés du sentier, étroit comme le fil du rasoir, que l'aspirant tente de fouler, et au début, ce "noble sentier médian" n'est pas aussi apparent que ce qui se trouve de l'un et l'autre côtés. Par l'adjonction à la connaissance sélective de l'impassibilité, ou non-attachement, les obstacles s'effritent, le voile qui cache la lumière s'amenuise de plus en plus ; puis, en définitive, la troisième lumière, ou lumière supérieure, est atteinte.

Troisièmement, la "lumière de l'intuition" est l'un des termes qui peuvent s'appliquer à ce type de connaissance qui illumine. Elle résulte de la marche sur le sentier et de la sujétion des couples de contraires ; elle est aussi le signe avant-coureur de la complète illumination et de la pleine lumière du jour. Ganganatha Jha, dans son bref commentaire, touche à ces trois faits. Il dit : [317]

"L'intelligence est l'émancipatrice, l'annonciatrice de la connaissance sélective, comme l'aube précède le lever du soleil. Ayant obtenu la pénétration intuitive, le yogi en arrive à connaître toutes choses."

Ces éclairs d'intuition ne sont au début que de vives lueurs d'illumination qui jaillissent dans la conscience mentale et disparaissent presque instantanément. Mais leur fréquence s'accroît, et quand l'habitude de la méditation est entretenue, ils persistent pendant des laps de temps de plus en plus longs, lorsque la stabilité du mental est acquise. Graduellement, la lumière s'irradie en un flux continuel, jusqu'à ce que l'aspirant chemine dans la pleine lumière du jour. Quand l'intuition commence à fonctionner, l'aspirant doit apprendre à l'utiliser, en projetant la lumière qui est en lui sur tous les sujets "obscurs, subtils et distants", élargissant ainsi son horizon, résolvant ses problèmes et accroissant son efficacité. Ce qu'il voit et touche grâce à l'emploi de cette lumière spirituelle doit alors être consigné, compris et adapté à l'usage qu'en fera l'homme sur le plan physique, par l'entremise de son cerveau. C'est ici que le mental rationnel a son rôle à jouer, rôle consistant à interpréter, formuler et transmettre au cerveau ce que l'homme véritable, l'homme spirituel sur son propre plan, sait, voit et comprend. Ainsi cette connaissance devient, en pleine conscience de veille, disponible pour le fils incarné de Dieu, l'homme sur le plan physique.

Un autre côté de cette question, tout aussi vrai et nécessaire, nous est décrit par Charles Johnston à la page 123 de son édition. Il dit :

"Ce pouvoir divinisant de l'intuition est le pouvoir qui [318] gît au-dessus de ce qu'on nomme le mental rationnel et il lui est sous-jacent ; le mental rationnel formule une question et la soumet à l'intuition, laquelle donne une réponse juste, souvent immédiatement déformée par le mental rationnel, mais cependant contenant toujours un fond de vérité. C'est par ce processus, au moyen duquel le mental rationnel apporte à l'intuition des questions à résoudre, que s'obtiennent les vérités de la science, les éclairs de la découverte et du génie. Mais le travail de ce pouvoir supérieur n'est pas nécessairement subordonné à ce qu'on nomme le mental rationnel ; il peut actionner directement, en tant qu'illumination totale, "la vision et la faculté divines"."

34. L'entendement de la conscience mentale vient par la méditation concentrée sur le centre du cœur.

Les fils des hommes se distinguent du règne animal par possession de l'intelligence, du mental rationnel, doué de raison. C'est pourquoi, dans la Sagesse sans âge – la Doctrine secrète du monde – les êtres humains sont souvent appelés "fils du mental". C'est cela qui leur donne le sens de leur individualité, de leur identité distincte ; c'est ce qui fait d'eux des égos.

Il est dit que la demeure de l'âme, avant-poste de la vie de Dieu, étincelle du pur feu spirituel, se trouve située dans la glande pinéale. Ce point est le plus bas qu'atteint la pure vie spirituelle, venant directement de la Monade, notre Père dans les Cieux. C'est l'extrémité du sutratma, ou fil, qui relie et fait communiquer les diverses enveloppes en passant, de la [319] monade sur son propre plan élevé, et par la voie du corps de l'âme, aux niveaux supérieurs du plan mental, pour descendre jusqu'au corps physique. Cette vie de Dieu est triple et combine les énergies du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; c'est d'elle en conséquence que dépend tout le fonctionnement de la nature humaine en tous ses aspects et sur tous les plans, ainsi que la totalité des états de conscience. Un toron de ce triple fil ou sentier – le premier – est le donneur de vie, d'esprit et d'énergie. Un autre, le second, est à l'origine de l'aspect conscience ou intelligence, du pouvoir qu'a l'esprit de réagir au contact et de fournir une réponse. Le troisième concerne la vie de la matière ou aspect corps.

Le premier aspect atteint la glande pinéale à travers la monade qui est, en l'homme, le point de résidence de l'esprit. Le second, ou aspect conscience, établit un point de contact avec le centre du cœur, par la voie de l'égo ; tandis que le troisième aspect, ou troisième partie du sutratma, se relie au centre situé à la base de l'épine dorsale, lequel constitue la source principale de la personnalité ou de l'activité corporelle.

En conséquence, par la concentration sur la lumière dans la tête, on obtient la connaissance des mondes spirituels et des purs esprits qui y circulent et y œuvrent ; car là brille Atma, ou l'esprit. De même, par la méditation concentrée sur le cœur, on obtient la connaissance du second aspect, du principe conscient et intelligent qui fait de l'homme un fils de Dieu.

Par le développement de la tête et l'utilisation du centre [320] de la tête, la volonté est amenée à fonctionner activement. Elle est la caractéristique de l'esprit et fait preuve d'intention et de maîtrise. Par le développement et l'utilisation du centre du cœur, l'aspect amour-sagesse entre également en fonction et l'amour de Dieu peut être vu à l'œuvre dans la vie et le travail de l'homme. Car le mental de Dieu est amour, l'amour de Dieu est intelligence, et ces deux aspects d'une seule grande qualité entrent en jeu afin d'exécuter Sa volonté et Son dessein. Le Christ en fut, pour l'Occident, comme Krishna pour l'Inde, un éminent exemple qui doit se refléter et se manifester également en chaque homme.

35. L'expérience (des couples de contraires) provient de l'inaptitude de l'âme à distinguer entre le soi personnel et le purusha (ou esprit). Les formes objectives existent en vue de l'utilisation (et expérience) de l'homme spirituel. Par la méditation sur ce fait survient la perception intuitive de la nature spirituelle.

Nous avons de nouveau ici une paraphrase assez approximative du texte original, mais qui en donne néanmoins l'interprétation correcte.

Nous avons vu dans les sutras précédents que le sentier étroit où l'on doit marcher entre les couples de contraires (par la pratique de la discrimination et de l'impassibilité) est le sentier de l'équilibre et de la pondération, le noble sentier médian. Ce sutra a le caractère d'un commentaire sur ce stade d'expérience de l'âme et il s'en dégage les enseignements suivants : [321]

Premièrement : que la raison qui nous porte à affronter les couples de contraires et à opter si souvent pour une ligne d'activité ou d'attitude mentale suscitant en nous le plaisir ou la peine, est le fait de notre incapacité à établir une distinction entre les natures inférieure et supérieure, entre le soi personnel (fonctionnant comme une unité physique, émotive et mentale) et l'esprit divin qui se trouve en chacun de nous. Nous nous identifions avec l'aspect forme et non avec l'esprit. Nous nous sommes, au cours d'âges sans nombre, considérés nous-mêmes comme étant le non-soi et nous avons oublié notre filiation, notre unité avec le père, et le fait que nous sommes en réalité le soi, résidant à l'intérieur.

Secondement : que le but de la forme consiste simplement à rendre le soi apte à prendre contact avec des mondes qui seraient autrement fermés pour lui, d'atteindre à la parfaite connaissance du royaume du Père en toutes ses parties constituantes, et de se manifester ainsi en tant que fils de Dieu pleinement conscient. À travers la forme l'expérience s'acquiert, la conscience s'éveille, les facultés s'épanouissent et les pouvoirs se développent.

Troisièmement : que si ce fait est intellectuellement saisi et intérieurement médité, la conscience de son identité avec la nature spirituelle se développe chez l'homme, en même temps qu'il établit une distinction entre lui et sa forme. Il se sait être, en vérité, non la forme, mais l'habitant intérieur, non le soi matériel, mais le soi spirituel ; non les différents aspects, mais l'Un unique ; et le grand processus de libération va ainsi de l'avant. L'homme devient ce qu'il est et cette réalisation résulte de la méditation sur l'âme intelligente, l'aspect médian, le principe christique qui relie le Père (l'esprit) à la Mère (la matière). [322]

On peut alors voir à nouveau la grande triade :

1. Le Père, ou esprit, celui qui se manifeste, qui crée, qui réside à l'intérieur.

2. Le Fils qui révèle, médite et relie l'aspect supérieur à l'aspect inférieur.

3. Le Saint-Esprit adombrant la Mère ; la substance matérielle intelligente, qui fournit les formes à travers lesquelles s'acquiert l'expérience et se poursuit le développement.

L'entité qui fait l'expérience, qui incarne et réalise l'expression divine au moyen de la forme, c'est l'âme, le soi, l'homme spirituel conscient, le Christ intérieur. Lorsqu'il a, grâce à cette expérience, atteint la maturité, il révèle le Père – ou esprit – et accomplit ainsi les paroles du Christ (lorsqu'il répondit à la question de Philippe "Seigneur, montre-nous le Père") : "Celui qui m'a vu a vu le Père." (Jean, XIV)

36. Résultant de cette expérience et de cette méditation, l'ouïe, le toucher, la vue, le goût et l'odorat supérieurs se développent, produisant la connaissance intuitive.

Par la méditation, l'aspirant devient conscient des contreparties des cinq sens telles qu'elles se trouvent dans les domaines plus subtils, et par leur éveil et leur usage conscient, il devient capable de fonctionner sur les plans intérieurs aussi librement qu'il le fait sur le plan physique. Il peut alors servir intelligemment dans ces domaines et coopérer avec le grand dessein évolutif.

Les sens peuvent être définis comme les organes par lesquels [323] l'homme devient conscient de son entourage. Chez l'animal, ces cinq sens existent, mais la faculté pensante corrélative fait défaut. Ils se manifestent en tant que faculté de groupe, analogue à l'instinct racial dans le règne humain.

Chacun de ces cinq sens est nettement relié à l'un ou l'autre des sept plans de manifestation, et a ainsi sa correspondance sur tous les plans.

Plan

Sens

1. Physique

Ouïe

2. Astral

Toucher ou sensation

3. Mental

Vue

4. Bouddhique

Goût

5. Atmique

Odorat

Une autre classification, extraite du Traité sur le Feu Cosmique, donnera des éclaircissements au sujet des cinq différents aspects des cinq sens sur les cinq plans ; pour de plus amples renseignements, l'étudiant pourra se reporter à ce Traité, pages anglaises 186-202.

EVOLUTION SENSORIELLE DU MICROCOSME

 

Physique

1. Ouïe

5ème

gazeux

 

2. Toucher, Sensation

4ème

premier éthérique

 

3. Vue

3ème

super éthérique

 

4. Goût

2ème

sous-atomique

 

5. Odorat

1er

Atomique

Astral

1. Clairaudience

5ème

 

 

2. Psychométrie

4ème

 

 

3. Clairvoyance

3ème

 

 

4. Imagination

2ème

 

 

5. Idéalisme Emotionnel

1er

 

Mental

1. Clairaudience Supérieure

7ème

 

 

2. Psychométrie Planétaire

6ème

 

 

3. Clairvoyance Supérieure

5ème

FORME

 

4. Discernement

4ème

 

 

5. Discernement Spirituel

3ème

 

 

Réponse à la vibration de groupe

2ème

SANS FORME

 

Télépathie spirituelle

1er

 

Bouddhique

1. Compréhension

7ème

 

 

2. Guérison

6ème

 

 

3. Vision Divine

5ème

 

 

4. Intuition

4ème

 

 

5. Idéalisme

3ème

 

Atmique

1. Béatitude

7ème

 

 

2. Service Actif

6ème

 

 

3. Réalisation

5ème

 

 

4. Perfection

4ème

 

 

5. Omniscience

3ème

 

Dans le tableau suivant, les nombres un, deux, trois, quatre et cinq indiqués sous chaque sens, se réfèrent aux plans de manifestation tels qu'ils sont donnés dans le premier tableau ci-dessus.

a. Le premier Sens l'Ouïe.

1. Ouïe physique.

2. Clairaudience.

3. Clairaudience supérieure.

4. Compréhension (de quatre sons).

5. Béatitude.

b. Le second Sens le Toucher ou la sensation.

1. Toucher physique.

2. Psychométrie.

3. Psychométrie planétaire.

4. Guérison.

5. Service actif. [325]

c. Le troisième Sens la Vue.

1. Vue physique.

2. Clairvoyance.

3. Clairvoyance supérieure.

4. Vision divine.

5. Prise de conscience.

d. Le quatrième Sens le Goût.

1. Goût physique.

2. Imagination.

3. Discrimination.

4. Intuition.

5. Perfection.

e. Le cinquième Sens l'Odorat.

1. Odorat physique.

2. Idéalisme émotif.

3. Discernement spirituel.

4. Idéalisme.

5. Toute connaissance.

37. Ces pouvoirs sont des obstacles à la prise de conscience supérieure, mais s'utilisent en tant que pouvoirs magiques dans les mondes objectifs.

Un fait ressort continuellement de ce manuel de développement spirituel ; c'est que les pouvoirs psychiques, tant inférieurs que supérieurs, constituent des obstacles à l'état spirituel le plus élevé et doivent être laissés de côté par l'homme qui peut exercer son activité en étant entièrement libéré des trois mondes. Pour l'étudiant, cette leçon est difficile à comprendre. Il est enclin à penser qu'une tendance à la clairvoyance ou à la clairaudience indique un progrès et signifie que sa pratique de la méditation commence à porter ses fruits. Or, elle peut prouver juste le contraire, et ce sera inévitablement le [326] cas si l'étudiant est attiré par une forme quelconque de ces facultés psychiques et s'il s'y adonne. Un ancien écrivain hindou dit, au sujet de ces pouvoirs :

"Un mental dont la substance mentale est émergente pense grand bien de ces accomplissements, ainsi qu'un homme né dans la misère considère le plus petit indice de richesse comme étant une fortune. Mais un yogi dont la substance mentale  est  concentrée  doit  se  garder  de  ces

 accomplissements, même quand ils sont à sa portée. Celui qui aspire au but final de la vie, au soulagement parfait de la triple angoisse, comment pourrait-il avoir quelque affection pour ces accomplissements qui vont à l'encontre de ce qui lui fera atteindre ce but."

Dvidedi dit :

"Les pouvoirs occultes décrits ici et qui seront décrits par la suite... sont des obstacles car ils deviennent une cause de trouble pour le mental, par les sentiments divers qu'ils provoquent. Mais ils ne sont pas entièrement inutiles, pour autant qu'ils constituent de grands pouvoirs bénéfiques, dans les moments d'interruption du samadhi."

Il est d'une certaine valeur pour l'aspirant de savoir ce que sont ces pouvoirs, comment les dominer, comment éviter d'être dominé par eux et comment les utiliser pour le service de son frère et de la Hiérarchie. Cependant, ils doivent être considérés comme des instruments et relégués au domaine de la forme. Il faut se rendre compte qu'ils sont les qualités ou capacités des enveloppes, ou aspect forme, sinon ils s'arrogeront une importance imméritée, accapareront une attention injustifiée et se révéleront comme étant des pierres d'achoppement dans la poursuite du développement de l'âme. [327]

38. Par la libération à l'égard des causes de servitude grâce à leur affaiblissement, et par la compréhension du mode de transfert (retrait ou pénétration), la substance mentale (ou chitta) peut entrer dans un autre corps.

Toute la science du Raja Yoga est basée sur la compréhension de la nature, du dessein et de la fonction de l'âme. La loi fondamentale de cette science peut se résumer par l'expression "l'énergie suit la pensée", et l'ordre dans lequel l'action se déroule peut être établi comme suit :

Le penseur sur son propre plan formule une pensée incorporant quelque dessein ou quelque désir. Le mental vibre en réponse à cette idée et produit simultanément une réaction correspondante dans le corps kamique, le corps du désir ou corps émotif. Le corps d'énergie, l'enveloppe éthérique, vibre synchroniquement et provoque une réponse du cerveau, qui transmet de l'énergie au système nerveux à travers tout le corps physique, de sorte que l'impulsion du penseur se résout en activité du plan physique.

Il existe une relation étroite entre le mental et le système nerveux, de sorte que nous avons cette intéressante triade :

1. Le mental.

2. Le cerveau.

3. Le système nerveux.

L'étudiant en Raja Yoga doit prendre soin de garder à l'esprit cette triade, au cours du stade initial de son travail. Plus tard, une seconde triade s'imposera à son attention : [328]

1. Le penseur.

2. Le mental.

3. Le cerveau.

Mais ceci aura lieu lorsqu'il en sera au stade de démonstration de son travail.

C'est grâce à la compréhension de la méthode par laquelle l'énergie se répand dans les nerfs, que le penseur peut galvaniser son instrument pour le mettre en activité pendant l'incarnation et produire indifféremment la transe, le samadhi ou la mort. Une même connaissance de base rend l'adepte capable de ressusciter un corps mort, comme le fit le Christ en Palestine, ou d'occuper le véhicule d'un disciple dans un but de service, comme le Christ occupa le corps du disciple Jésus. Cette connaissance et son usage, nous dit-on, sont soumis à la grande loi du karma, la loi de cause à effets, et le Christ Lui-même ne peut en aucun cas abroger cette loi, sauf s'il y a "affaiblissement" de la cause qui produit cette servitude.

39. La vie montante (l'udana) étant subjuguée, il y a libération à l'égard de l'eau, du sentier épineux et du bourbier ; le pouvoir d'ascension est ainsi acquis.

La totalité de la force nerveuse, appelée prana par l'Hindou, se répand dans tout le corps. Elle est placée sous le contrôle du mental, en passant par le cerveau ; elle constitue la vitalité qui met en activité les organes des sens et produit chez l'homme l'expansion de la vie ; son agent de distribution est le système nerveux, par l'entremise de certains grands centres [329] distributeurs appelés plexi ou lotus. Les ganglions nerveux, connus de la médecine orthodoxe, sont les reflets ou ombres des plexi plus vitaux. L'étudiant ne se trompera guère s'il considère que la somme du prana qu'il y a dans le corps humain constitue le corps vital ou éthérique. Ce corps éthérique est entièrement formé de courants d'énergie, et il est le substratum de la substance vivante sous-jacente à la forme physique dense.

Les "airs vitaux" est une des expressions appliquée à cette énergie. Le prana est quintuple en sa manifestation, et correspond ainsi aux cinq états du mental – le cinquième principe – et aux cinq modifications du principe pensant. Dans le système solaire, le prana devient les cinq grands états d'énergie que nous appelons plans, les moyens d'expression de la conscience ; ce sont :

1. Le plan atmique ou spirituel.

2. Le plan bouddhique ou intuitif.

3. Le plan mental.

4. Le plan émotif, astral ou kamique.

5. Le plan physique.

Les cinq différenciations du prana dans le corps humain sont :

1. Prana, s'étendant du nez au cœur et étant particulièrement en relation avec la bouche et la parole, le cœur et les poumons.

2. Samana, qui s'étend du cœur au plexus solaire ; il concerne la nourriture, et l'alimentation du corps par le truchement de la nourriture et de la boisson ; il est particulièrement relié à l'estomac.

3. Apana est prépondérant depuis le plexus solaire jusqu'à la plante des pieds ; il concerne les organes de l'élimination, de la déjection et de la naissance, étant ainsi en relation [330] particulière avec les organes générateurs et éliminateurs.

4. Udana se trouve entre le nez et le sommet de la tête ; il est surtout en relation avec le cerveau, le nez et les yeux et produit, quand il est correctement dirigé, la coordination des airs vitaux et leur manipulation correcte.

5. Vyana est le terme appliqué à la somme de l'énergie pranique telle qu'elle est répartie également à travers tout le corps. Ses instruments sont les milliers de nadis ou nerfs qui se trouvent dans le corps et il est en relation particulière et bien déterminée avec les canaux sanguins, veines et artères.

Il est dit dans ce sutra que, par la maîtrise du quatrième de ces airs vitaux, certains résultats spéciaux peuvent être obtenus et il sera intéressant de noter ce qu'ils sont. Ce pouvoir ne devient possible que lorsque le système du Raja Yoga est compris et maîtrisé, car il implique l'aptitude à fonctionner dans la tête et à diriger sa nature tout entière à partir du point se trouvant dans le cerveau. Lorsqu'un homme devient centré sur ce point, la force nerveuse, ou énergie se trouvant au sommet de la tête, entre en activité ; par la maîtrise et le contrôle corrects auxquels elle est soumise, la bonne direction des pranas du corps devient possible et l'homme atteint à la libération ; il s'ensuit par là une absence de contact avec les trois mondes. Les formules verbales employées ici sont nécessairement symboliques et il ne faut pas qu'une interprétation matérielle fasse perdre de vue leur sens véritable. La lévitation, qui est le pouvoir de marcher sur les eaux, et l'aptitude à résister à la force de la gravitation terrestre, constitue sa signification inférieure et de moindre importance. [331]

1. La libération hors de l'eau est une manière symbolique d'exprimer le fait que la nature astrale est subjuguée et que les grandes eaux de l'illusion ne peuvent plus retenir l'âme émancipée. Les énergies du plexus solaire ne sont plus prédominantes.

2. La libération hors des sentiers épineux se rapporte au sentier de la vie physique, et nul n'en a parlé avec plus de beauté que le Christ dans sa parabole du Semeur, lorsqu'il dit qu'une partie de la semence est tombée dans les chardons. L'explication qu'on en donne est la suivante : les chardons sont les soucis et les peines de la vie du monde qui, depuis si longtemps parviennent à étouffer la vie spirituelle et à voiler l'homme réel. Le sentier épineux doit mener au sentier du nord et celui-ci, à son tour, doit conduire au Sentier de l'Initiation. Dans l'un des plus anciens livres des Archives de la Loge se trouvent ces mots :

"Que celui qui est en quête de la vérité échappe à la noyade et grimpe sur la berge du fleuve. Qu'il se tourne vers l'étoile du nord et se tienne debout sur la terre ferme, la face tournée vers la lumière. Que l'étoile, alors, le conduise."

3. La libération hors du bourbier se rapporte à la nature mixte de kama- manas – le désir et le mental inférieur – qui est la cause de l'unique problème de l'humanité. C'est, là aussi, une façon symbolique d'évoquer la grande illusion qui, depuis si longtemps, prend au piège le pèlerin. Quand l'aspirant – ayant trouvé la lumière (la Shekinah) en lui-même dans le Saint des Saints – peut marcher dans la lumière, l'illusion alors se dissipe. Il sera avantageux pour l'aspirant d'établir l'analogie existant entre les trois parties du Temple de Salomon et celles du "Temple du Saint-Esprit", la forme humaine. [332]

La cour intérieure correspond aux énergies et à leurs organes correspondants se trouvant au-dessous du diaphragme. Le Lieu saint représente les centres et organes de la partie supérieure du corps, de la gorge au diaphragme. Le Saint des Saints est la tête, où se trouve le trône de Dieu, le Siège de Miséricorde et la gloire adombrante.

Lorsque ces trois aspects de la liberté ont été réalisés et que l'homme n'est plus dominé par l'eau, le bourbier ou la vie du plan physique, le "pouvoir d'ascension" est alors acquis par lui et il peut à son gré monter aux cieux. Le Christ ou l'homme spirituel peut se tenir debout sur la montagne de l'ascension, ayant passé par les quatre crises ou points de maîtrise, de la naissance à la crucifixion. L' "udana" ou vie ascendante devient ainsi le facteur déterminant et la vie descendante ne prédomine plus.

40. Par la sujétion du samana, l'étincelle devient la flamme.

Ce sutra est l'un des plus beaux du livre et la traduction de Charles Johnston doit être citée ici : "Grâce à la maîtrise sur les liens qui enserrent la vie, le rayonnement survient." Une autre interprétation pourrait être "Par la maîtrise sur le samana, le AUM (le Mot de Gloire) se manifeste." C'est du cœur que débouchent les voies d'issue de la vie et l'énergie vitale appelée samana régit le cœur et le souffle vital, par le truchement des poumons. Quand le cœur est purifié, quand ses énergies sont correctement dirigées et quand le rythme est établi, une vie rayonnante peut alors être vue. [333]

Ceci se réalise à la lettre et n'est pas une simple métaphore ; car, lorsque les courants vitaux sont envoyés dans les nerfs et les canaux sanguins par l'âme qui siège sur le trône, c'est alors seulement que les purs atomes se construisent dans le corps, avec pour résultat un jaillissement de lumière à travers l'homme tout entier. Non seulement la tête rayonnera d'une lumière que le clairvoyant verra comme un halo ou cercle de brillantes couleurs, mais encore tout le corps sera irradié par les centres vibrants de force électrique répartis dans le corps.

41. Au moyen de la méditation concentrée sur la relation entre l'akasha et le son, un organe d'ouïe spirituelle se développera.

Pour comprendre ce sutra, il est essentiel de saisir ce que sont certains rapports : ceux qui existent entre la matière, les sens et l'homme qui fait les expériences.

Le Chrétien croit que "toutes choses furent faites par la parole de Dieu". Le croyant oriental estime que le son fut le facteur originel du processus créateur, et tous deux enseignent que cette parole ou ce son désigne la seconde Personne de la Trinité divine.

Ce son ou mot mit en jeu une activité particulière de la matière du système solaire et il fut précédé par le souffle du Père, qui mit en action le mouvement ou vibration originel.

Il y eut donc d'abord le souffle (pneuma ou esprit) qui, heurtant la substance primordiale, provoqua une pulsation, [334] une vibration, un rythme. Puis, le mot ou son, par lequel la substance vibrante et pulsatoire se modela ou prit forme, déterminant ainsi l'incarnation de la Seconde Personne de la Trinité cosmique, le Fils de Dieu, le Macrocosme.

Ce processus aboutit aux sept plans de manifestation, les sphères où sept états de conscience sont possibles. Tous sont caractérisés par certaines qualités et se distinguent les uns des autres par des capacités vibratoires spécifiques que désignent certains termes.

La classification suivante pourra être utile à l'étudiant s'il veut bien se souvenir que les plans de la première triade sont ceux de la manifestation divine, et que la triade inférieure constitue le reflet de ce processus divin et représente les trois plans de nos expériences normales. Ces deux triades, celle de Dieu et celle de l'homme, sont reliées entre elles par le plan médian de l'unification ou union par laquelle Dieu et l'homme deviennent Un. C'est le plan christique de la phraséologie chrétienne, le plan bouddhique de la terminologie orientale.