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II. Comment se fonde une école ésotérique

II. Comment se fonde une école ésotérique

Une école ésotérique ne naît pas parce que tel ou tel Maître ordonne à un disciple d'en former une. Le disciple qui ouvre une école préparatoire d'occultisme le fait entièrement de sa propre initiative. C'est la tâche bien définie qu'il a choisie. Il a servi du mieux de ses capacités dans l'ashram de son Maître ; il connaît les besoins du monde. Il est ardemment désireux de se rendre utile, conscient qu'il est d'apprendre encore par les méthodes qui l'ont instruit et conduit le long du Sentier. Il est donc un travailleur conscient, très averti de son devoir de disciple, en contact avec son âme et de plus en plus sensible à l'impression venant du Maître. Il n'a généralement pas le projet de créer une école ésotérique ; nulle organisation précise ne [271] prend forme dans son esprit. Il est simplement désireux de répondre aux besoins qui se font sentir autour de lui. Étant donné qu'il a établi le contact avec son âme et – s'il s'agit d'un disciple avancé – avec le Maître et son ashram, sa vie journalière devient rayonnante et dynamique, en sorte qu'il attire à lui ceux qu'il peut aider, et les rassemble autour de lui. Il devient le point central d'un organisme vivant, et non pas le chef d'une organisation. En cela réside la différence entre un aspirant bien intentionné et le disciple avancé. Le monde est plein d'organisations ayant à leur tête une personne dont les mobiles sont généralement sains, mais dont les méthodes pour approcher ceux qu'elle veut servir sont celles du monde des affaires ; cette personne peut fonder une organisation utile, mais elle ne créera pas une école ésotérique. Un disciple, lui, devient le centre d'un groupe vital et rayonnant, qui grandit et atteint son but, à cause de la vie en son centre, se développant de l'intérieur à l'extérieur ; c'est la force de sa vie qui le mène au succès, non pas un système de publicité, et il est bien rare qu'il ait du succès au point de vue commercial.

Le public réagit à la note qui résonne et aux vérités enseignées, et l'influence du groupe s'accroît toujours plus, jusqu'à ce que le disciple se trouve responsable d'un groupe d'aspirants. Selon la mesure de son contact avec l'âme, la réponse de sa sensibilité aux suggestions du Maître et l'impression reçue de l'ashram auquel il est affilié, seront la force et l'utilité du groupe avec lequel il travaille. Peu à peu, il réunira autour de lui ceux qui peuvent l'aider dans l'enseignement ; de sa sagesse et du discernement qu'il montrera dans le choix de ses collaborateurs, dépendra largement le succès de son service. Il n'assume aucune autorité sur le groupe de ses collaborateurs, excepté l'autorité que confère plus de sagesse, de connaissance et de lumière. Cela fait de lui un centre de pouvoir stable, contre lequel les méthodes et les interprétations mineures tombent d'elles- mêmes. Le disciple enseigne certains principes occultes immuables, auxquels tout le groupe est appelé à adhérer, ce que ses membres feront facilement et sans discussion car ce sont ces principes mêmes qui les ont attirés dans cette activité. Il observe ses collaborateurs, guettant chez eux des signes de développement spirituel et, quand c'est le cas, il les fait avancer à des postes de responsabilité. Tout le temps il vit avec eux, comme compagnon d'étude, marchant sur le Sentier avec ceux qui doivent être formés. L'humilité est la note dominante du véritable instructeur ésotériste. Or l'humilité implique le don de vision et le sens des proportions. Ces vertus lui enseignent que chaque pas en avant [272] dans la vie spirituelle révèle toujours de nouvelles étapes à maîtriser. La différence entre le disciple exercé et le débutant, c'est que ce dernier, n'étant pas perspicace, penche à croire que le Sentier est plus aisé qu'il ne l'est. Il se surestime alors lui-même. Le disciple, en revanche, a une vue d'ensemble et sait, lui, tout ce qui doit être fait avant que la vision devienne réalité.

Les écoles ésotériques peuvent se subdiviser en plusieurs catégories, selon le degré de développement de leur instructeur. C'est la réalisation subconsciente de ce fait qui a induit les instructeurs médiocres à essayer de mettre en avant leur travail et d'attirer l'attention sur leur effort par des prétentions immodestes, se targuant de leur familiarité avec le Maître, et parfois avec la Hiérarchie, dans le but de se faire apprécier. Tout cela trahit le novice qui a besoin d'apprendre que la vraie école ésotérique est toujours l'œuvre d'un disciple comme moyen de service et non un champ d'activité pour le Maître. Le disciple – et non le Maître – est seul responsable du succès ou de la faillite de l'école. Les Maîtres ne sont pas responsables des écoles actuelles, ou en train de se créer. Ils n'en déterminent ni les règlements, ni les résultats. Ce n'est que dans la mesure où le disciple-instructeur se trouve consciemment et humblement en contact avec le Maître et son ashram que le pouvoir de ce groupe intérieur pénétrera l'école, s'y révélera comme sagesse et lumière spirituelles, mais ne prendra jamais la forme d'une direction concrète, d'ordres ou du passage de la responsabilité de l'instructeur au Maître. Le disciple prend ses propres décisions, forme ses futurs collaborateurs, énonce ses propres règles, interprète la Sagesse Antique suivant la lumière qui est en lui-même, dirige la formation donnée aux étudiants. Plus ce disciple est avancé, moins il parlera du Maître et plus il montrera le chemin de la Hiérarchie. Il insistera avant tout sur la responsabilité individuelle et sur les principes occultes fondamentaux.

Nous pourrions, actuellement, subdiviser les écoles qui existent en trois groupes

1. Un grand nombre des écoles dites ésotériques sont dues à l'initiative d'aspirants qui veulent aider leur prochain et y sont poussés par le goût de l'enseignement, une grande dose d'amour, de l'humanité et un peu d'ambition personnelle. Leurs méthodes sont, en dernière analyse, exotériques. Ils donnent des instructions basées sur ce qui est déjà connu et publié ; ils enseignent peu d'éléments nouveaux, bien qu'ils leur donnent des noms extraordinaires et les enveloppent de mystère. Ils se servent, en occultisme, des livres usuels ou compilent leurs propres manuels à l'aide de ceux qui existent déjà, choisissant souvent [273] des détails spectaculaires, quoique peu importants, omettant ce qui est spirituel et essentiel. D'une façon ou d'une autre, ils cherchent à faire de la publicité pour leur école et s'appuient souvent sur le côté commercial. Ils réclament l'obéissance et voient les autres écoles de manière désavantageuse et avec critique, prêchant l'adhésion exclusive à l'instructeur et l'entière fidélité à son interprétation de la vérité. Ils font un travail utile parmi les masses, les familiarisent avec l'existence des Maîtres et avec celle de la Doctrine Secrète, leur offrant ainsi une occasion de se développer spirituellement. Ils ont une place définie dans le Plan de la Hiérarchie, mais leurs écoles ne sont pas des écoles ésotériques et leurs chefs ne sont pas des disciples : ce sont des aspirants sur le Sentier de Probation, des aspirants pas très avancés.

2. Il existe aussi un certain nombre d'écoles ésotériques fondées par des disciples qui, dans leur désir d'aider leur groupe, apprennent à enseigner et à servir. Ces écoles sont en petit nombre, comparées à celles du premier groupe ; le nombre des étudiants qui les fréquentent est aussi plus petit, parce que le fondateur adhère plus étroitement aux règles occultes et s'efforce de se conformer à leurs exigences spirituelles. Il essaie d'enseigner humblement et sans prétentions ; il est conscient que lui-même ne parvient que très lentement à la connaissance de l'âme et que ses contacts avec le Maître sont encore très rares. Sa présentation de la vérité est généralement théorique et théologique, mais il impose rarement son autorité personnelle. Son influence et son rayonnement ne sont pas très puissants, mais le Maître le suit attentivement, car il présente, en puissance, une certaine valeur et l'on peut se fier à lui pour s'instruire par ses propres erreurs. Il atteint un public plus restreint que le premier des groupes, mais il apporte un enseignement plus valable, et il révèle aux débutants les fondements de la Sagesse Antique. Son travail se place à mi- chemin entre celui des groupes anciens et celui des groupes actuellement en formation.

3. Nous voyons apparaître, aujourd'hui, les nouvelles écoles ésotériques. Elles sont fondées par des disciples plus avancés. C'est naturel car la tâche actuelle, plus ardue, exige qu'une note plus claire résonne, afin que la distinction entre ce qui est ancien et ce qui est nouveau s'affirme nettement, et que certaines vérités et interprétations nouvelles soient apportées. Cette nouvelle présentation plus avancée sera fondée sur les anciennes vérités, mais celles-ci seront interprétées différemment, et éveilleront un certain antagonisme de la part des groupes plus anciens. Ces disciples avancés ont un rayonnement plus puissant et une influence plus étendue, et leur travail a une portée universelle. S'il suscite l'antagonisme et même le rejet de la [274] part des autres groupes plus anciens, il éveillera, en revanche, la réponse de  ceux qui, dans ces groupes, ont dépassé les anciennes conceptions, ont attendu une nouvelle approche de Dieu et se sont préparés à un appel plus spirituel. Ceux-là deviennent, au sein de leurs anciens groupes et dans leur entourage, des foyers de concentration de l'activité spirituelle. Ce qui conduit aux trois résultats suivants :

a. Les anciens groupes renient ceux de leurs membres qui adhèrent à l'enseignement nouveau, et les rejettent de leur sein.

b. Les nouvelles écoles tirent leurs adhérents des membres ainsi rejetés et attirés par l'enseignement que proclament des  disciples plus puissants et plus désintéressés.

c. Le grand public est averti de l'existence du nouveau mouvement ; on voit se développer une tendance vers les sujets ésotériques et vers ceux qui se rapportent à la Hiérarchie.

Les disciples auxquels est confiée la tâche difficile de lancer les nouvelles écoles sont connus, techniquement, sous le nom de "disciples du monde". Leur influence s'affirme, dans toutes les directions, sur tous ceux qui sont ouverts aux nouveaux enseignements, créant des écoles intermédiaires entre les anciennes et les nouvelles Écoles d'Initiation ; elle a une action, partout, sur la conscience des hommes, élargissant les points de vue du grand public, présentant à l'humanité de nouveaux concepts et de nouvelles perspectives. C'est ce qui se produit aujourd'hui. Les chercheurs doivent donc savoir distinguer entre le travail d'un aspirant bien intentionné qui fonde une école d'ésotérisme à l'intention des débutants, le travail d'un disciple qui est en chemin de devenir un chef, et le travail des disciples du monde, qui brisent les anciens moules pour instituer des méthodes nouvelles, mieux adaptées à l'enseignement de la vérité occulte. L'École Arcane fait partie de ce dernier effort d'importance mondiale.

Il existe aussi certaines écoles de réputation douteuse, bien connues, qui attirent les sots et les curieux. Elles n'ont heureusement qu'une influence passagère. Elles font temporairement du mal, en déformant l'enseignement et en donnant de fausses idées sur les Maîtres et sur le Sentier ; mais leur pouvoir est pratiquement nul. Les trois autres types d'écoles font du bon travail et répondent aux besoins de ceux qui sont sensibles à la note qu'elles lancent. Toutefois les anciennes écoles sont en train de péricliter. Celles du second groupe seront encore longtemps actives : elles donnent une instruction élémentaire, forment les disciples à certaines méthodes de travail et leur enseignent à servir. Le dernier et nouveau type d'école va prendre [275] une ampleur toujours grandissante et préparera les disciples de l'âge nouveau aux futures Écoles d'Initiation.