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CHAPITRE VI LA CINQUIEME INITIATION LA RESURRECTION ET L’ASCENSION - Partie 1

CHAPITRE VI

LA CINQUIEME INITIATION

LA RESURRECTION ET L'ASCENSION

PENSEE-CLE :

"Hors du Christ, nous ne savons ce qu'est notre vie, ni ce qu'est notre mort ; nous ne savons, ni ce qu'est Dieu, ni ce que nous sommes"

Pascal : Pensées.

"Il y a une âme au-dessus de l'âme de chacun,

Une âme plus puissante qui, cependant, appartient à tous. Il y a un son fait de toutes les paroles humaines,

Et innombrable comme l'ensemble de toutes les chansons

Chacun vit en cette âme, et cette âme en chacun, Et tous les âges sont sa vie incommensurable ; Chaque âme qui meurt en ce qu'elle a de plus sacré, Reçoit la vie qui dure éternellement."

Richard Watson Dixon.

[231]

Cette initiation se divise en deux parties, et sur aucune des deux nous ne savons grand chose. L'épisode ou crise, de la Résurrection n'est pas racontée en détail dans les Évangiles. Il n'était pas possible, pour leurs auteurs, d'en savoir davantage. Après la Crucifixion, on nous dit peu de choses concernant la vie du Christ, ni sur ce qui L'occupa entre le moment où Il ressuscita et celui où Il quitta les apôtres pour "monter au ciel" – une image symbolique qui ne signifie pas grand chose pour la plupart d'entre nous. L'initiation cruciale pour l'humanité reste, jusqu'ici, la quatrième. C'est seulement lorsque nous aurons compris la signification du service et du sacrifice que le fait de l'immortalité et son sens véritable pourront nous être révélé. Comment le Christ ressuscita-t-Il ? Quels furent les processus qui intervinrent ? En quel corps apparût-Il ? Nous ne pouvons le dire. Les apôtres nous assurent que Son corps ressemblait à celui qu'Il avait utilisé précédemment, mais était-ce le même, miraculeusement ressuscité ? Était-ce Son corps spirituel, qui paraissait être le même aux yeux de ceux qui L'aimaient ? Ou bien, S'était-Il constitué un nouveau corps, semblable à celui qu'Il avait revêtu précédemment ? Toutes ces questions restent sans réponses. Il ne nous est pas non plus possible d'affirmer que la vision des apôtres n'était pas supra normale ou que, par l'intensification de Sa divinité exprimée, le Christ n'ait pas stimulé leur vision intérieure, au point de les rendre clairvoyants, c'est-à-dire capables de voir dans d'autres dimensions. Le fait important, c'est qu'Il ressuscita effectivement, fut aperçu par beaucoup d'hommes, et [232] que Sa résurrection fut considérée comme un fait indiscutable, non seulement par ses amis, mais encore par les croyants qui vécurent pendant les deux ou trois siècles qui suivirent Son départ.

La psychologie des disciples est la meilleure preuve que nous possédions du fait suivant : c'est qu'ils étaient convaincus que la mort ne pouvait garder le Sauveur et qu'après Sa mort Il resta vivant et présent parmi eux. Il nous est difficile d'acquérir le haut degré de conscience dont ils firent preuve. Apparemment, leur monde avait touché à son terme, sur la croix. Apparemment, le Christ leur avait fait défaut et, au lieu d'être le Divin Fils de Dieu, le Roi des Juifs, Il n'était qu'un homme ordinaire, convaincu de trahison et puni comme un malfaiteur. Il nous est facile d'imaginer ce qu'ils ont dû endurer pendant ces trois jours d'absence. Le désespoir, la perte de toute confiance en eux-mêmes et de prestige aux yeux de leurs amis, l'effondrement de la Cause à laquelle ils s'étaient si volontiers consacrés, tandis qu'ils marchaient avec le Christ, de lieu en lieu, à travers la Terre Sainte. Toute cette merveilleuse histoire avait pris fin, et leur Christ était discrédité. Et voici que, soudain, quelque chose survint qui bouleversa, de fond en comble, le courant de leurs pensées. Toute la confiance perdue, et l'espoir, et le but auquel ils avaient cru, furent restaurés, et les premiers siècles de l'histoire chrétienne (avant que la théologie n'eût fourni son interprétation tendancieuse, transformant l'Évangile de l'Amour en un culte de la séparation) nous révèlent

"– Une communauté d'hommes et de femmes pleins de confiance, d'enthousiasme et de courage, prêts à affronter la persécution et la mort, d'ardents missionnaires. Qu'est-ce qui leur a donné ce nouveau caractère ? Peu de temps auparavant, quelques-uns d'entre eux avaient fui en détresse, devant la première menace de danger personnel. Lorsque Jésus fut crucifié, ils avaient perdu la dernière lueur d'espoir de Le voir prouver qu'Il était bien le Christ. Lorsqu'on Le coucha dans la tombe, le christianisme fut mort et enterré. Quelques semaines plus tard, nous retrouvons ces mêmes hommes, ces mêmes femmes, et ils sont métamorphosés. Ce n'est pas simplement que quelques-uns d'entre eux ont repris un peu d'espoir. Tous sont absolument certains que Jésus est, en effet, le Christ. Qu'est-il arrivé pour causer une pareille transformation ? Leur réponse est unanime : le troisième jour, Il est ressuscité d'entre les morts." [1][233]

"Le Christ est ressuscité !" Tel est leur cri et, parce qu'Il est ressuscité, le royaume de Dieu peut progresser sur terre et Son message d'amour peut être largement diffusé. Ils savent, à présent, sans discussion possible, qu'Il a vaincu la mort et que, dans les années à venir, ils verront, eux aussi, la mort vaincue. Il ressort de leurs écrits et de leur enthousiasme que, ce jour-là, ils crurent à la venue immédiate du royaume de Dieu et à la reconnaissance universelle du fait de l'immortalité. Deux mille ans de christianisme nous prouvent qu'ils s'étaient trompés. Nous ne sommes pas encore les citoyens d'un royaume divin manifesté sur terre d'une façon définitive ; la terreur de la mort est aussi forte que jamais et le fait de l'immortalité est encore un objet de spéculation pour des millions d'êtres. Mais ce fut leur sens du temps qui était en défaut et leur méconnaissance de la lenteur des processus de la nature. L'évolution avance lentement, et c'est seulement aujourd'hui que nous sommes à la veille de voir apparaître le royaume de Dieu sur la terre Parce que nous sommes actuellement à la fin d'un âge, nous savons que, d'ici peu, la mort aura desserré son étreinte et que la terreur qu'inspire l'Ange de la mort aura disparu. Elles disparaîtront, par ce que nous considérerons la mort comme un pas vers la lumière et la vie et nous comprendrons que, de même que la vie du Christ s'exprime dans et à travers les êtres humains, ceux-ci démontreront, à eux-mêmes et au monde, la réalité de l'immortalité.

La clé de la victoire sur la mort et du processus qui nous permet de comprendre la signification et la nature de l'éternité et de la Continuité de la vie, ne peut être révélée, sans danger, que lorsque l'amour contrôle et dirige la conscience humaine et que le bien général (et non pas le bien égoïste de l'individu) devient le seul but poursuivi par l'homme C'est seulement par l'amour (et le service, qui n'est que l'expression de l'amour), que le vrai message du Christ peut être compris et c'est seulement lorsqu'ils l'auront compris que les hommes pourront marcher vers une joyeuse résurrection. L'amour nous rend plus humbles et, en même temps, plus sages. Il pénètre jusqu'au cœur [234] de la réalité, et possède la faculté de découvrir la vérité, cachée derrière la forme. Les premiers chrétiens étaient simples, à ce point de vue, parce qu'ils s'aimaient les uns les autres, parce qu'ils aimaient le Christ, et le Christ qui était en chacun d'eux. Le Dr Grensted en fait la remarque dans les mots suivants, où il nous donne un résumé très nuancé de l'attitude des premiers chrétiens et de leur façon enthousiaste d'approcher le Christ et les phénomènes de la vie :

"Ils parlaient de Dieu en termes très simples. Ils ne considéraient pas Jésus de Nazareth comme une expérience cruciale. Ils Le connaissaient comme un Maître et un Ami, et ils se consacraient, avec toute l'ardeur de leur enthousiasme, à Son amitié et à Son service. Leur prédication consistait à répandre la bonne nouvelle de Jésus. Ils considéraient que les hommes voulaient déjà dire quelque chose lorsqu'ils parlaient de Dieu, et, sans renoncer pour cela à l'héritage qu'ils avaient reçu du judaïsme, ils placèrent, à côté de la religion juive, le Jésus qu'ils avaient connu vivant, mort, et enfin ressuscité. Ils avaient traversé beaucoup plus qu'une ère de miracles, de guérisons, de voix, de maîtrise étrange sur la Nature elle- même et, pour finir, de victoire sur la mort. S'ils avaient dit ces seules choses au monde, et à nous, on les aurait crues. Ce genre d'histoire a toujours trouvé des auditeurs. Et les hommes n'en auraient pas su davantage sur la signification de Dieu. Mais leur expérience avait été celle d'une Amitié telle que l'homme n'en avait jamais connu auparavant, et cette Amitié avait été suivie par un échec désastreux, puis par un pardon plus grand que tout ce que l'on pouvait imaginer et, enfin, par une vie neuve et créatrice. Et rien de tout cela, ils ne le devaient à eux-mêmes. Ils savaient qu'ils étaient des hommes recréés, et ils savaient aussi que l'agent de leur re-création était l'Amour. C'était l'opération d'une Providence, c'était une délivrance plus grande et plus chargée de sens que les demandes les plus ambitieuses adressées par les Juifs à leur Dieu Créateur. Cependant, ils ne pouvaient les concevoir que comme Son œuvre puisque Dieu, selon les enseignements de leur doctrine nationale, est Un. Comme nous pourrions le dire, d'une façon plus prudente, Il interprétait en leur faveur la réalité créatrice qu'ils avaient considérée jusque-là, comme tous les hommes, avec incertitude et même avec frayeur. Désormais, cette hypothèse centrale que les hommes appellent Dieu était connue comme étant l'Amour, et Dieu Se manifestait dans la mesure où cet Amour avait été transmis par le Christ à l'ensemble de la communauté chrétienne." [2]

Le Christ était ressuscité ; et par Sa résurrection, Il avait prouvé que l'humanité portait en elle la semence de la vie, et qu'il n'y avait pas de mort pour l'homme capable de suivre les pas de son Maître. [235]

Étant entièrement accaparés, dans le passé, par le dogme de la Crucifixion, nous avons eu tendance à oublier l'importance de la Résurrection. Pourtant, le jour de Pâques, les croyants répandus à travers le monde expriment leur foi dans le Christ ressuscité et dans la vie qui est au-delà de la tombe. Ils ont discuté de mille façons sur la possibilité de Sa Résurrection et sur la question de savoir s'Il était ressuscité, en tant qu'être humain ou en tant que Fils de Dieu. Ils se sont appliqués à prouver que, puisqu'Il était ressuscité, nous ressusciterions aussi, à condition de croire en Lui. Afin de satisfaire le besoin théologique de prouver que Dieu est Amour, nous avons inventé un lieu de discipline, appelé de biens des noms, et entre autres, le Purgatoire, que les différentes confessions ont placé sur la route des esprits qui sont partis au ciel, parce que tant de millions d'hommes meurent ou sont morts, sans jamais avoir entendu parler du Christ. Aussi n'est-il pas possible pour eux de croire qu'Il ait été un personnage historique. Nous avons édifié des doctrines, comme l'immortalité conditionnelle et l'expiation par le sang de Jésus, dans notre effort pour glorifier la personnalité de Jésus, sauvegarder les croyants chrétiens, et réconcilier les interprétations humaines avec les vérités de l'Évangile. Nous avons répandu la doctrine des feux de l'Enfer et du châtiment éternel, et nous avons essayé de faire cadrer ces dogmes avec la croyance que Dieu est Amour.

Pourtant la vérité est la suivante : le Christ mourut et ressuscita parce qu'Il était la Divinité immanente à un corps humain. Il nous démontra, par les processus de l'évolution et de l'initiation, le sens et le but de la vie divine, présente en Lui et en nous tous.

C'est parce que le Christ était humain qu'Il ressuscita. Il ressuscita parce qu'Il était aussi divin, et, en interprétant le drame de sa Résurrection, Il nous révéla le grand concept de la continuité dans le déploiement de la vie, concept dont la révélation a été de tous temps la tâche des Mystères.

Nous avons vu, à plusieurs reprises, que les trois épisodes saillants, racontés dans le récit des Évangiles, ne se rencontrent pas uniquement dans la vie de Jésus de Nazareth, mais qu'ils se sont répétés, constamment, depuis l'origine des temps, dans les sanctuaires secrets des [236] Temples des Mystères. Les Sauveurs du passé ont tous été assujettis au processus de la mort, sous une forme ou sous une autre, mais ils ressuscitèrent tous et furent glorifiés. L'enterrement et la résurrection au bout de trois jours étaient un rite coutumier dans les cérémonies d'initiation. L'histoire est pleine de Fils de Dieu qui moururent, ressuscitèrent et finalement montèrent au ciel. Nous trouvons, par exemple, que les obsèques d'Adonis étaient célébrées à Alexandrie (en Égypte) avec une grande pompe. Son image était portée solennellement à une tombe, ce qui permettait de lui rendre les derniers honneurs. Avant de célébrer son retour à la vie, on accomplissait des rites funèbres pour commémorer sa souffrance et sa mort. On montrait la large blessure qu'il avait reçue, comme on montrait la blessure faite au Christ par le coup de lance du centurion.

La fête de la résurrection d'Adonis était fixée le 25 mars[3]. La même légende est associée aux noms de Tammuz, de Zoroastre et d'Esculape. Ovide adressa à ce dernier les vers suivants :

Salut, grand médecin du monde,

Salut ! Salut, puissant enfant qui, dans les années à venir

Guérira les nations et frustrera les tombes

Que rapide soit la croissance et illimités tes triomphes, Surpeuple les royaumes et accrois le genre humain. Ton art audacieux ranimera les morts

Et attirera la foudre sur ta tête coupable

Alors tu mourras, mais du sombre séjour

Tu surgiras victorieux, et seras deux fois dieu[4].

Ces lignes pourraient s'appliquer, mot pour mot, à Jésus, et elles nous permettent de mesurer l'antiquité de l'enseignement des Mystères, lequel, avec une continuité ininterrompue, a révélé la divinité de l'homme et lui a indiqué le chemin au terme duquel viendrait un [237] Sauveur. Mais, dans l'antiquité, ces mystères se déroulaient en secret, et les rites de l'initiation n'étaient administrés qu'à ceux qui étaient capables de traverser les cinq grandes expériences, depuis la naissance jusqu'à la résurrection. Le caractère unique de l'œuvre du Christ réside dans le fait qu'Il fut le premier à subir tous les rites de l'initiation en public, c'est-à-dire à la face du monde, donnant ainsi à l'humanité une démonstration de la divinité incarnée en une personne, afin que tous puissent voir, savoir, croire et suivre Ses pas.

On nous raconte les mêmes choses en ce qui concerne Hercule, Baldur, Mithra, Bacchus et Osiris, pour ne mentionner que quelques-uns d'entre eux. Un des premiers Pères de l'Église, Firmicus Materna, nous dit que les mystères d'Osiris offrent une ressemblance frappante avec l'enseignement chrétien, et qu'après la résurrection d'Osiris, ses amis se réjouissaient ensemble, disant : "Nous l'avons trouvé." Annie Besant souligne ce fait dans un passage très intéressant :

"Dans les mystères chrétiens – comme dans ceux de l'Égypte et de la Chaldée, entre autres – il existait un symbolisme extérieur qui reflétait les stades que traversait l'homme. Celui- ci était introduit dans la chambre de l'initiation, où on le couchait les bras étendus, parfois sur une croix de bois, parfois sur le sol en pierre, dans la position d'un homme crucifié. Puis on le touchait avec le thyrse, à l'endroit du cœur

– la lance de la Crucifixion – et, quittant son corps, il passait dans les autres mondes, tandis que son corps tombait dans un état de transe profonde, la mort du crucifié. Le corps était placé dans un sarcophage de pierre et laissé dans un caveau sévèrement gardé. Pendant ce temps, l'homme lui-même parcourait d'abord les régions étranges et obscures nommées "le cœur de la terre" et, ensuite, la montagne céleste, où il revêtait son corps de béatitude parfaite, maintenant pleinement organisé pour servir de véhicule à sa conscience. Vêtu de ce corps, il retournait alors à son corps de chair, pour le ranimer. La croix portant le corps, où le corps rigide en état de transe si l'on n'avait pas employé de croix, était sorti du sarcophage et placé sur une surface oblique tournée vers l'est, prêt pour le lever du soleil à l'aube du troisième jour. Au moment où les rayons du soleil touchaient sa figure, le Christ, c'est-à-dire l'initié parfait, où le Maître, réintégrait son corps et le glorifiait à l'aide du corps de béatitude dont Il s'était revêtu, transformant le corps de chair par son contact avec le corps de béatitude, lui donnant de [238] nouvelles propriétés, de nouveaux pouvoirs, de nouvelles facultés, et le transmuant à la ressemblance de Lui-même. C'était là la résurrection du Christ et, à partir de ce moment, le corps de chair était changé, car il avait acquis une nouvelle nature." [5]

Nous voyons donc que l'histoire de la Résurrection date des temps les plus anciens et que Dieu, par l'entremise des Mystères et de Ses fils illuminés, a toujours maintenu devant l'humanité le fait de l'immortalité, de même qu'Il le fit, devant le monde chrétien, par la mort et la résurrection de Son fils bien- aimé Jésus-Christ.

Tout ce problème de la mort et de l'immortalité accapare une grande partie de l'attention publique, à notre époque. La guerre mondiale a placé le fait de la mort au premier plan de la conscience publique, d'une façon nouvelle et saisissante. C'est à peine si une seule famille, dans plus de vingt nations, n'a pas été visitée par la mort, d'une façon ou d'une autre. Le monde a traversé un processus de mort et, à l'époque actuelle, le mystère de la Résurrection devient un thème d'une importance considérable. La pensée de la Résurrection se rapproche de nous et sa signification a préoccupé la Franc-maçonnerie à travers les âges, constituant le foyer du travail accompli par le Sublime Troisième Degré. On peut placer, à côté du principe maçonnique de "l'élévation", un sermon peu connu de Bouddha, où il apprend à ses disciples le sens des "cinq points de l'amitié", qui se trouvent rattachés ainsi aux cinq crises de la vie du Christ et aux cinq points de la Maçonnerie. Toutes ces références servent à montrer la continuité de la révélation, dont la Résurrection (avec l'Ascension qui la suivit) fut l'évènement culminant pour l'Occident.

Aujourd'hui, le besoin fondamental du christianisme consiste à glorifier le Christ vivant, ressuscité. Nous avons discuté trop longtemps sur la mort du Christ et nous avons cherché à imposer au monde un Christ étroit et sectaire. Nous avons alimenté les feux de la séparation [239] avec nos divisions chrétiennes, nos Églises, nos sectes et nos "ismes".

"Leur nom est légion", et la plupart d'entre elles sont fondées sur une présentation sectaire du Christ mort et sur quelques-uns des aspects anciens de Son histoire. Unissons-nous à présent sur la base (du Christ ressuscité – du Christ vivant aujourd'hui, du Christ qui est une somme d'inspiration et le fondateur du royaume de Dieu ; du Christ cosmique, éternellement sur la Croix, et cependant éternellement vivant ; du Christ, le Sauveur historique, le fondateur du christianisme, Qui veille sur Son Église ; du Christ mystique et mythique, traçant, sur le canevas des Évangiles, les épisodes du déploiement humain, afin que tous ceux qui vivent puissent savoir et suivre ; enfin du Christ vivant aujourd'hui dans chaque cœur humain, le garant de la divinité et de la poussée vers le divin, dont l'humanité ne cesse de faire preuve. Par suite de la présence du Christ en l'homme, la certitude de la divinité, et par conséquent de l'immortalité, est devenue inhérente à la conscience humaine. Elle occupera inévitablement la conscience de l'homme, d'une façon toujours plus grande, jusqu'à ce qu'elle soit démontrée et prouvée. En attendant, il a déjà été démontré que quelque chose survit après la mort physique. Le fait de l'immortalité n'a pas encore été prouvé, et cependant il constitue la croyance fondamentale de millions d'êtres humains, et du moment qu'une croyance de ce genre est aussi répandue, elle ne peut être entièrement sans fondement.

La question tout entière de l'immortalité est étroitement liée au problème de la divinité et du monde sensible et subjectif qui semble sous-jacent au monde visible et tangible, dont la présence se fait sentir. En travaillant, par conséquent, sur les prémisses de l'invisible, il est probable que nous finirons par pénétrer dans ce monde subjectif, et nous découvrirons alors qu'il a toujours été en nous, mais que nous avons été aveugles, et incapables de reconnaître sa présence. Quelques-uns d'entre nous l'ont cependant reconnu et leur note retentit, renforçant notre croyance, confirmant notre espérance, et nous garantissant l'expérience finale.

Comment, alors, reconnaîtrons-nous la vérité ou la réalité, lorsque nous la rencontrerons ? Comment saurons-nous si une doctrine vient de Dieu ou non ? Il est si facile de se tromper, de croire ce que nous voulons croire, et de nous duper, dans notre désir de voir nos propres [240] idées adoptées par d'autres esprits. Les mots du Dr Streeter nous apportent, sur ce point, un encouragement décisif, parce qu'ils indiquent les conditions auxquelles nous devons nous conformer pour accéder à la vérité :

"Même l'illusion, le dernier repaire de l'ennemi, perdra son pouvoir, dans la proportion où l'individu se conformera à certaines conditions qui (du point de vue des auteurs bibliques) doivent être remplies, s'il veut être qualifié pour recevoir un message authentique du Divin – soit qu'il se trouve au niveau supérieur du prophète, soit qu'il s'agisse d'une simple personne, convenablement guidée sur le sentier du devoir quotidien.

Ces conditions principales sont au nombre de quatre :

1. "Je serais bien heureux d'être à la Bonté Éternelle ce que sa propre main droite est à l'homme". La dévotion absolue ou la soumission du soi au Divin. "Me voici, envoie-moi", dit Isaïe, et quand le Christ adressa à Ses premiers disciples ces mots : "Suivez-moi", on nous dit qu'ils laissèrent tout pour le suivre.

2. La connaissance de soi-même, et le fait d'admettre qu'on s'est trompé. La promesse "Je te guiderai avec mon œil", qui se trouve dans le psaume précité, est donnée à l'homme qui a confessé son iniquité et a établi ainsi une relation correcte avec Dieu. La première réponse d'Isaïe à l'appel divin fut cet éclair de connaissance de soi-même qui apporte à un homme la conscience de son indignité et du péché. "Je suis un homme aux lèvres impures".

3. "Attendez ( ) jusqu'à ce que vous ayez été revêtu du pouvoir d'en haut (Saint Luc, XXIV, 49)." Mais cette vie de pouvoir, d'un pouvoir saturé d'amour, de joie et de paix, ne peut être vécue que difficilement d'une façon continue, si ce n'est dans une communauté où l'émulation mutuelle et l'encouragement sont plus facilement prodigués, ainsi que la confession mutuelle de l'erreur.

4. L'entrée dans une vie et dans une communauté de ce genre exige de la souffrance, du sacrifice et de l'humilité. "Quiconque refuse de porter sa croix et de me suivre ne peut être mon disciple." (Saint Luc, XIV, 27). Ce n'est pas sans raison que, dans l'Ancien Testament déjà, ces mots : "Ton oreille percevra derrière toi une parole disant : Ceci est le chemin, suis-le", sont précédés par cet avertissement : "même si le Seigneur te donne le pain de l'adversité et l'eau de l'affliction." [6]

Il faut du courage pour affronter la mort et pour formuler, avec précision, ses croyances à ce sujet. Les statistiques nous disent qu'il meurt chaque année environ cinquante millions d'hommes. Cinquante [241] millions, cela fait plus que toute la population de la Grande Bretagne, et cela constitue un vaste groupe d'êtres humains qui partent pour la grande aventure. Si ces chiffres sont exacts, le fait d'établir, d'une façon irréfutable, la vérité de la résurrection du Christ et de l'immortalité de l'âme a une bien plus grande importance que ne le pensent la plupart des individus. Nous sommes trop enclins à étudier ces problèmes, soit sous un angle scientifique, soit sous un angle purement égoïste et individuel. La mort est le seul évènement dont nous puissions prédire la venue avec une certitude absolue, et pourtant c'est l'évènement auquel la majorité des êtres humains refuse catégoriquement de penser, jusqu'au jour où ils se trouvent personnellement face à face avec lui. Les gens affrontent la mort de beaucoup de façons. Les uns mêlent à cette aventure un sentiment de compassion pour eux-mêmes et sont si préoccupés par ce qu'il leur faut laisser derrière eux et par l'abandon de tout ce qu'ils ont récolté dans leur vie, que la vraie signification de l'avenir qui les attend, d'une façon inévitable, échappe totalement à leur attention. Les autres affrontent la mort avec courage, et la saluent avec un geste de bravoure, parce qu'il ne reste rien d'autre à faire. Leur orgueil les aide à surmonter l'évènement. Pourtant, d'autres encore refusent catégoriquement d'envisager cette possibilité ; ils s'hypnotisent eux-mêmes et chassent la pensée de la mort de leur conscience, de sorte que, lorsqu'elle arrive, elle les surprend à l'improviste ; ils sont incapables de faire plus que, simplement, mourir.

L'attitude chrétienne, en général, se traduit plus précisément par une acceptation passive de la volonté de Dieu. La mort est considérée comme la meilleure des choses, même si elle ne paraît pas telle quand on l'envisage sous l'angle de l'entourage et des circonstances. Une foi solidement ancrée en Dieu et en son dessein à l'égard de l'individu, porte les croyants, d'une façon triomphante, à travers les portes de la mort, mais si on leur disait que cette attitude n'est qu'une forme déguisée du fatalisme oriental, et une foi inébranlable en une destinée inébranlable, ils diraient que ce n'est pas vrai. Ils se cachent simplement derrière le nom de Dieu.

La mort, cependant, peut être beaucoup plus que tout cela, et on [242] peut l'accueillir d'une façon différente. On peut lui assigner une place précise dans notre pensée et dans notre vie, et nous pouvons nous y préparer, comme à une chose inévitable, mais qui est simplement l'Agent de la Transformation. Nous faisons ainsi, du processus, de la mort, une partie intégrante du plan de notre vie. Nous pouvons vivre avec la conscience de l'immortalité, et celle-ci donnera un surcroît de couleur et de beauté à la vie ; nous pouvons développer en nous la conscience de notre transition future et vivre dans l'attente de ce prodige. La mort, quand on l'affronte ainsi et qu'on la considère comme le prélude à une nouvelle expérience vivante, prend un sens différent. Elle devient une expérience mystique, une forme d'initiation, qui trouve son point culminant dans la Crucifixion. Tous nos petits renoncements antérieurs nous préparent à ce grand renoncement final ; toutes nos morts antérieures ne sont que le prélude à cet épisode prodigieux de la mort. La mort nous libère de la nature du corps – temporairement peut-être, quoique d'une façon permanente pour finir ; elle nous délivre de l'existence sur le plan physique et de son expérience visible. Elle nous affranchit de la limitation ; et, soit que l'on croie (comme le font des millions d'êtres) que la mort n'est qu'un interlude dans une vie où l'expérience s'accroît d'une façon continue, soit que l'on y voie la fin de toute expérience de ce genre (comme le croient des millions d'autres êtres), il est impossible de nier qu'elle marque une transition, c'est à dire le passage d'un état de conscience à un autre. Si l'on croit à l'âme et à l'immortalité, cette transition peut correspondre à une intensification de la conscience ; tandis que si l'on adopte le point de vue matérialiste, elle peut marquer la fin de l'existence consciente La question cruciale est donc la suivante : cette chose que nous appelons l'âme est- elle immortelle ? Quel est le sens de l'immortalité ?

Il est impérieux, aujourd'hui, que nous recouvrions une forme de foi quelconque en le monde subjectif intérieur et en nos relations avec lui. Le succès de l'œuvre et du message du Christ en dépend. De nos jours tout est remis en question – et, plus que tout peut-être, le fait de l'âme et de l'immortalité. Ceci est un stade nécessaire et qui a sa valeur, à condition que nous continuions à chercher une réponse à ces questions.

Beaucoup de gens considèrent ces "troubles moraux" comme un indice favorable ; ils y voient l'ébauche d'un état nouveau, émergeant [243] des conditions statiques imposées, au début du siècle dernier, à tous les domaines de la pensée humaine ; ils pensent que nous sommes, aujourd'hui, à la veille d'entrer dans une ère nouvelle, caractérisée par une conception plus vraie des valeurs spirituelles. Mais les nouvelles structures de la foi et des mœurs doivent plonger leurs racines dans le meilleur de ce que peut-nous léguer le passé. Les idéaux prêchés par le Christ demeurent les plus élevés de tous ceux qui aient jamais été énoncés dans la continuité de la révélation, et Il nous prépara Lui- même à recevoir ces vérités dont l'apparition progressive marque la défaite du dernier ennemi dont le nom est la mort.

Ce besoin d'interroger notre foi, cette lutte corps à corps avec une espérance inhérente, doivent continuer jusqu'à ce que l'assurance soit reconquise, que la croyance devienne la connaissance, et la foi, la certitude. L'homme sait, sans discussion possible, qu'il existe un but plus grand que ses ambitions mesquines, et qu'il existe une vie qui embrasse infiniment plus que tout ce qu'il peut atteindre par lui-même. Cette vie plus grande lui permet de réaliser son idéal suprême qu'il ne perçoit encore que confusément. Une étude de la Résurrection peut nous fournir une assurance plus grande, à condition que nous gardions présente à l'esprit la continuité de la révélation donnée par Dieu, et que nous comprenions que nous ne savons encore presque rien, en dehors du fait que des Fils de Dieu sont morts et sont ressuscités, et que ce fait procède d'une cause fondamentale.

Les Tibétains parlent du processus de la mort comme étant "l'entrée dans la claire lumière froide." [7]Il est possible que la meilleure conception que l'on puisse se faire de la mort soit de la considérer comme une expérience qui nous libère de l'illusion de la forme ; et ceci nous permet de comprendre clairement que, lorsque nous parlons de la mort, nous nous référons à un processus qui concerne la nature matérielle, le corps, avec ses facultés psychiques et ses processus mentaux. La question peut donc être ramenée à ceci : sommes-nous un corps, et rien qu'un corps ou bien L'Écriture ancienne de l'Inde avait-elle raison, quand elle affirmait :

"Certaine est la mort de ce qui naît, et certaine est la naissance de ce qui meurt ; ne t'apitoie donc pas sur une chose inévitable  Ce Seigneur du corps habite, immortel, dans le corps de chacun." [8][244]

Un poète chrétien moderne a exprimé la même idée dans les vers suivants : La mort est à la vie ce que le marbre est au sculpteur,

Attendant la touche légère qui libèrera l'âme

La mort est ce moment où le nageur ressent L'angoisse brusque du plongeon dans l'étang, Bientôt suivie par un rire, là où les bulles montent De l'eau divisée, et le soleil les transforme

En cristal : car la Vie et la Lumière ne font qu'un[9].

Il peut être opportun de demander ce que nous désirons voir durer. Une analyse de notre propre attitude à l'égard de la mort et de l'immortalité peut souvent servir à débarrasser notre esprit de tous ses éléments vagues et indéfinis, basés sur la crainte, l'inertie mentale et la confusion des idées. Les questions suivantes viennent alors à l'esprit et méritent d'être examinées :

Comment savons-nous que le processus de la mort apporte des changements si radicaux à notre conscience, qu'il nous est fatal, en tant qu'êtres sensibles, et rend futile tout effort antérieur de pensée, de développement et de compréhension ? Le prodige de la résurrection du Christ, en ce qui concerne Sa personnalité, c'est qu'après avoir franchi la mort et être ressuscité, Il soit resté essentiellement la même personne, mais seulement douée de pouvoirs accrus. Ne peut-il en être de même en ce qui nous concerne ? N'est-il pas possible que la mort supprime simplement certaines limitations physiques, nous apportant une sensibilité accrue et un sens des valeurs plus clair ? Cette vie nous a façonnés et pétris ; elle nous a inculqué certaines expressions définies de forme et de qualité, et celles-ci, à tort ou à raison, constituent le "soi", c'est-à-dire ce qui est l'homme véritable, considéré sous l'angle de la vie humaine. Il y a quelque chose en nous qui refuse toute identification finale avec la forme physique, en dépit de ce que peuvent-nous dire la science et l'expérience. Un soi intérieur, intuitif et substantiel, répudie constamment et universellement l'anéantissement, et se cramponne de toutes ses forces à la croyance que la recherche [245] du but et les valeurs pour lesquelles nous luttons doivent, un jour ou l'autre, quelque part et de quelque façon, révéler qu'elles valaient la peine d'être conquises de haute lutte et justifier ainsi nos efforts Tout autre point de vue aboutit à l'absence totale de tout Plan intelligent dans l'existence et même au désespoir, que saint Paul exprimait dans ces mots : "Si nous n'avons d'espérance en Christ que pour cette vie seulement, nous sommes les plus misérables de tous les hommes"[10]. Nous sommes sûrement sur le chemin de quelque chose de précieux et de dynamique, sans quoi la vie ne serait qu'un processus futile d'errements sans buts ; nous dépenserions notre temps à maintenir des corps et à éduquer des esprits qui n'auraient aucune valeur quelconque pour Dieu ou pour les hommes. Ceci, nous le savons, ne peut être le cas.

C'est la prolongation de la valeur – c'est-à-dire de ce qui vaut la peine d'être atteint – et la continuité de l'impulsion intérieure et divine qui nous poussent à progresser, à créer et à être utiles aux autres, qui fournissent la clé du problème de l'immortalité à ceux qui ont atteint le point où la pensée devient consécutivement possible. Toute l'histoire du Christ nous le prouve. Toute Sa vie de service et de dévotion envers le prochain nous prouve qu'Il avait atteint le point de Son évolution où Il devait contribuer au bien de l'ensemble ; Il avait atteint l'échelon le plus élevé de l'échelle évolutionnaire et Son humanité était submergée par la divinité qu'Il exprimait. Il détenait un bien assez précieux pour pouvoir l'offrir à Dieu et à l'homme, et Il le fit sur la Croix. Cela lui coûta la vie de faire cette contribution à la source de tout le corps de l'humanité, mais Il l'offrit quand même Grâce à la valeur de ce qu'Il avait accompli et au caractère vivant de Sa contribution, Il put démontrer l'immortalité. C'est la valeur immortelle qui survit, et là où cette valeur existe, l'âme n'a plus besoin de l'expérience humaine.

Cette pensée suscite aussitôt cette question : Que voulons-nous donc voir survivre ? Quelle est la partie de nous-mêmes dont nous désirons qu'elle soit immortelle ? Qu'est-ce qui exige la persistance en chacun de nous ? Personne d'entre nous, assurément, ne désire voir ressusciter son corps physique, ni ne désire être entravé et paralysé de [246] nouveau par les limitations de son véhicule actuel. Il semble inadéquat à l'expérience de la Résurrection et au don de l'immortalité. Nous ne désirons pas non plus, à coup sûr, nous retrouver soumis à la même nature psychique, avec son agrégat d'humeurs changeantes et de réactions sensibles à l'égard des conditions qui nous entourent. Il est également certain qu'aucun d'entre nous ne ressent de plaisir à l'idée de contempler un ciel en sucre d'orge dans lequel nous passerions notre temps, vêtus de robes blanches, à chanter et à discuter de questions religieuses. Nous avons dépassé ces idées et le Christ Lui-même les a directement réfutées. Il ressuscita d'entre les morts et entra dans une vie active de service accru. Les "autres brebis" qu'Il devait rassembler doivent être cherchées et protégées[11]. Les disciples doivent être entraînés et instruits. Ceux qui Le suivaient devaient être guidés et aidés. Le royaume de Dieu doit être organisé sur terre. Et le Christ ressuscité continue à Se mouvoir parmi nous, bien que nous ne Le reconnaissions pas toujours, occupé à Son œuvre de service et de salut. Le Christ ne connaît aucun répit ni aucun repos tant que nous ne sommes pas tous sauvés ; et il n'y a pas de repos pour nous qui cherchons à suivre Ses pas.

Lorsque la vie d'un homme a acquis de la signification, alors il est prêt à fouler le chemin de la purification et de la probation, et à se préparer aux mystères ; Au fur et à mesure que sa signification et son influence augmentent, il peut franchir, stade après stade, les processus de l'initiation et fouler le sentier de la sainteté. Il peut "naître à Bethléem", parce que le germe de ce qui est dynamique et vivant est éveillé en lui, a grandi en puissance et en signification et doit, par conséquent, faire son apparition. Il peut traverser les eaux de la purification et atteindre le sommet de la montagne de la Transfiguration où ce qui a de la valeur resplendit dans toute sa gloire. Ayant atteint ce point d'expérience exaltée, et la valeur qu'il détient ayant été reconnu par Dieu, il est prêt, mais alors seulement, à offrir sa vie sur l'autel du sacrifice et du service et peut tourner ses pas vers Jérusalem pour y être [247] crucifié. C'est la fin inévitable de tout ce qui a de la valeur. C'est le dessein sous-jacent de tout le processus de la perfectibilité, et l'homme possède à présent quelque chose de précieux à offrir. Mais, bien que la Crucifixion puisse être le terme de l'expression physique de la valeur, elle est essentiellement le moment où la valeur triomphe et démontre son immortalité. Car ce qui a de la valeur, la beauté divine et cachée que l'expérience de la vie et l'initiation ont servie à révéler, ne peut mourir. C'est une chose essentiellement immortelle et qui doit vivre. Ceci est la vraie résurrection du corps.

Lorsque la conscience de la valeur, ainsi que la reconnaissance de la portée de l'homme, sont prises en considération, alors, la vie de service (menant à la mort) et de résurrection (menant à la pleine appartenance au royaume de Dieu) commence à prendre leur sens. Le corps que nous possédons à présent est relativement sans valeur ; la somme totale des humeurs et des réactions mentales auxquelles nous sommes soumis n'a aucune valeur pour personne en dehors de nous-mêmes ; le milieu dans lequel nous vivons et nous mourons n'a assurément rien qui justifie sa pérennité En bref, une continuation du soi personnel, dans un ciel qui serait l'extension de notre propre conscience individuelle et la conception d'une éternité vécue en compagnie de soi-même, n'offrent aucun attrait à la plupart d'entre nous. Pourtant, un certain aspect de nous-mêmes aspire à l'immortalité et au sens de l'infini. La "prolongation infinie, dans le temps, d'une carrière individuelle" a créé une grande confusion dans les esprits. Si l'on nous demandait d'examiner sérieusement ce problème et d'y fournir une réponse mûrement réfléchie, rares seraient ceux d'entre nous qui exigeraient que des arrangements soient pris pour garantir notre persistance éternelle, en tant qu'individus. Un certain sentiment de la vérité et de la justice nous amènerait peut-être à convenir que notre valeur pour l'univers est pratiquement nulle. Et, pourtant, nous savons qu'il existe une valeur et une raison derrière notre expérience personnelle de la vie et que le monde phénoménal, dont nous faisons indubitablement partie, voile ou cache une chose douée d'une valeur infinie, dont nous faisons également partie.

Nous cherchons à nous assurer que ceux que nous aimons et estimons ne sont pas perdus pour nous. Nous aspirons à partager avec eux [248] un état de bonheur qui contiendra des valeurs plus vraies que toutes celles que nous avons connues sur la terre ; nous désirons prolonger, dans le temps et dans l'espace, l'état familier que nous aimons et chérissons. Nous attendons une compensation pour tout ce que nous avons souffert, nous voulons savoir que tout a un sens et a valu la peine d'être enduré. C'est cette aspiration, cette croyance, cette volonté de persister, qui se trouve derrière tous nos actes et qui est l'impulsion première sur laquelle se fondent tous nos efforts.

Socrate, lui aussi, invoqua cet argument fondamental en faveur de l'immortalité lorsqu'il dit que "personne ne sait ce qu'est la mort, ni si elle n'est pas la plus grande de toutes les bonnes choses. Néanmoins elle est redoutée comme le pire des maux  Quand la mort s'approche de l'homme, tout ce qui est mortel en lui se disperse ; tout ce qui est immortel et incorruptible se retire, intact".

Ces trois pensées sont capitales quand on examine, à leur lumière, le problème de la valeur que le Christ démontra avec une évidence extraordinaire, et qui fut la vraie raison de Sa Résurrection. Son immortalité était basée sur Sa divinité. Sa divinité s'exprima à travers la force humaine et, sous cette forme, Il nous apporta l'évidence de la valeur, de la destinée, du service et de la finalité. Toutes ces choses, le Christ les démontra dans la perfection, et c'est pourquoi la mort n'avait pas de prise sur Lui, de même que les chaînes du tombeau ne pouvaient empêcher sa libération.

La première de ces pensées est que l'immortalité est la sauvegarde de tout ce à quoi nous tenons. Le facteur que nous mettons en lumière dans nos vies quotidiennes survit et opère sur un certain niveau de conscience. Il faut que nous atteignions ce que nous demandons, et nous l'atteignons, en effet, pour finir. Lorsque nous nous efforçons de servir les valeurs éternelles, alors la vie éternelle, libérée des limitations de la chair, est à nous. Le Doyen Inge nous dit que "nous sommes sûrs de l'immortalité, dans la mesure où nous nous identifions aux valeurs éternelles". Ce qui importe vraiment pour nous, à nos moments les plus élevés, quand nous nous libérons des illusions de notre nature émotionnelle, détermine notre vie immortelle.

La question qui se pose alors est la suivante : qu'advient-il lorsque [249] notre sens des valeurs est faussé ou momentanément supprimé ? Afin d'y répondre, des millions de gens ont adopté la croyance orientale de la "réincarnation" selon laquelle le monde est "la vallée où se crée l'âme", pour reprendre l'image de Keats. Cette doctrine enseigne que nous revenons sans cesse à la vie physique, jusqu'au moment où nos valeurs sont convenablement ajustées et où nous pouvons passer à travers les cinq initiations, pour marcher vers notre libération.

Une grande partie de l'enseignement donné par les livres occultes et ésotériques est déformée et fautive, mais il est évident, pour celui qui étudie ces questions sans préjugé, qu'il y a beaucoup à dire en faveur de la doctrine de la réincarnation. En dernière analyse, si nous devons vraiment atteindre la perfection, la question est simplement de savoir quand et où nous y parviendrons. Le chrétien peut croire en une perfection subite, obtenue par le processus de la mort elle-même ou par une acceptation mentale de la mort de Jésus, qu'il nomme "conversion" ; il peut considérer la mort comme une porte donnant accès à un lieu de discipline et de développement qu'il appelle le Purgatoire, et où s'effectue un processus de purification. Ou bien il peut croire que les ajustements et les expansions de conscience qui en font un homme différent de ce qu'il était auparavant s'effectuent au ciel. L'Oriental, de son côté, peut croire que la terre fournit toutes les conditions propices à l'éducation et au développement de l'âme, et que nous y revenons sans cesse, jusqu'à ce que nous ayons atteint la perfection. Le but demeure un. L'objectif reste identique. Seule la méthode est différente et la conscience se déploie dans des endroits qui varient. Mais c'est la seule différence. Platon soutenait que :

"Confinée dans le corps comme dans une prison ( ) l'âme cherche la sphère originelle de l'intelligence pure, en menant une vie philosophique, en pensant en termes universels, en aimant et en vivant conformément à la raison. La vie corporelle n'est qu'un épisode dans la carrière éternelle de l'âme, laquelle est antérieure à la naissance et survit à la mort. La vie dans la chair est une épreuve et une probation ; La mort, une libération et le retour de l'âme à sa destinée, c'est-à- dire, soit à un nouveau mode de probation, soit au règne de l'intelligence pure."

À un endroit donné – quel qu'il puisse être – il nous faut donc apprendre à entrer, consciemment et volontairement, dans le monde des valeurs, et à nous rendre dignes d'appartenir au royaume de Dieu. C'est ce que le Christ nous a démontré. [250]

La deuxième pensée qu'il nous faut considérer est que l'effort de l'homme, sa lutte pour s'élever, son sens de Dieu, inné et authentique, sa constante volonté d'améliorer les conditions existantes et de se maîtriser lui-même, ainsi que le monde naturel, doivent avoir un but, sans quoi tout ce que nous voyons autour de nous est vide, futile, et dénué de sens. Ce furent cette domination de Lui-même et des éléments de la Nature, ainsi que la direction constante de son dessein, qui menèrent le Christ de lieu en lieu, et lui permirent d'ouvrir la porte du royaume et de ressusciter d'entre les morts, "Le premier d’une grande moisson de tous ceux qui sont morts"[12].

Un dessein doit être sous-jacent à la douleur. Un objectif doit être senti dans toute l'activité humaine. L'idéalisme des chefs de la race ne peut être une simple hallucination. Notre conception de Dieu doit trouver une base dans les faits. Les êtres humains sont convaincus que l'injustice apparente du monde nous fournit l'assurance légitime d'un au-delà dans lequel le dessein divin nous sera révélé dans son intégrité. Il existe une croyance fondamentale selon laquelle le bien et le mal luttent dans l'homme et c'est le bien qui doit, inévitablement, triompher. L'homme l'a affirmé à travers les âges. L'humanité a forgé beaucoup de théories pour expliquer l'homme et sa destinée, sa préparation à la vie posthume et ses raisons d'être sur terre. Il n'est ni possible, ni utile, de parler en détail de toutes ces théories. Elles sont, en elles-mêmes, la preuve de l'immortalité et de la divinité de l'homme. L'homme a intuitivement besoin de cette possibilité ultime et ne connaîtra plus de repos avant de l'avoir trouvée. Que ce soit une pluralité de vies sur notre planète, menant à l'ultime perfection ou la théorie bouddhique du Nirvana, le but est le même. Cette dernière théorie est admirablement résumée dans un livre consacré aux doctrines secrètes de la philosophie tibétaine.

"… Quand les Seigneurs de Compassion auront spirituellement civilisé la Terre et l'auront transformée en Ciel, le Sentier infini qui mène au cœur de l'univers sera révélé aux pèlerins. L'homme ne sera alors plus l'homme ; il transcendera la nature, et uni à tous les Illuminés, impersonnellement quoique consciemment, il aidera à accomplir la loi de l'évolution supérieure, dont le [251] Nirvana n'est que le commencement." [13]

Nous avons ici l'idée du royaume de Dieu apparaissant sur terre lorsque l'humanité sera spirituellement civilisée. Elle le sera lorsqu'elle aura atteint la perfection enseignée par le Christ.

Il y a aussi la théorie du retour éternel, en qui Nietzsche et Heine croyaient, et qui assure que chaque unité de force traverse une existence terrestre incessamment récurrente, jusqu'à ce qu'elle ait été façonnée en une âme. On a également développé la théorie de la survivance s'effectuant sous la forme d'une influence perpétuée au sein de la race à laquelle nous appartenons ; Cette théorie a provoqué un désintéressement admirable, mais elle aboutit à la négation de l'individu. Les doctrines chrétiennes orthodoxes sont au nombre de trois et sont : la doctrine de la rétribution éternelle, celle de la restauration universelle, et celle de l'immortalité conditionnelle. Il faut ajouter à celles-ci les spéculations des spiritualistes, avec leurs diverses sphères, correspondant en quelque sorte aux sept mondes subtils dont parlent les Théosophes et les Rosicruciens ; et, enfin la théorie extrême de l'annihilation, qui ne trouve guère d'écho chez les esprits sains. La valeur de toutes ces doctrines réside dans le fait qu'elles attirent l'attention sur l'intérêt que l'homme a toujours porté à l'au- delà, et sur la profusion des spéculations qu'a suscité la question de sa destinée et de son immortalité

Le Christ mourut et ressuscita. Il vit. Et un certain nombre de personnes qui vivent actuellement n'ont pas besoin qu'on leur prouve ce fait. Elles savent qu'Il vit et que, parce qu'Il vit, nous vivrons aussi. Le même germe de vie essentielle qui s'épanouit en Lui, de façon parfaite, existe aussi en nous et surmontera la propension à mourir, innée à l'homme naturel. Nous pouvons donc dire avec certitude que l'immortalité se présente à nous sous trois aspects :

1. L'aspect de la force vivante, que nous appelons la poussée évolutive, l'impulsion vers le progrès, le besoin d'aller de l'avant, de vivre et de savoir que nous vivons. Ceci est le ressort qui sous-tend [252] la volonté de l'homme de se connaître en tant qu'individu, avec son cycle de vie personnelle, son dessein inné, et son avenir éternel.

2. L'aspect de la conscience dynamique et spirituelle qui se manifeste dans la réorientation vers l'éternité et vers les valeurs éternelles. Celle-ci constitue le trait distinctif de l'homme prêt à accomplir les Pas nécessaires pour démontrer sa vie spirituelle et agir en tant qu'être immortel. Alors la résurrection qui l'attend, et qu'exprima le Christ, apparaît sous un jour tout différent de jadis. Alors a lieu la vraie résurrection, telle qu'elle commence à poindre aux yeux de l'homme qui s'éveille à la gloire du Seigneur, vivant dans son propre cœur et immanent à toutes les formes Nous pouvons en donner la définition suivante :

"La Résurrection n'est pas le fait, pour les morts, de surgir de leur tombe, mais le passage de la mort, de l'absorption en soi- même, à la vie de l'amour désintéressé, la transition des ténèbres de l'individualisme égoïste à la lumière de l'esprit universel, de l'erreur à la vérité, de l'esclavage temporel à la liberté de l'éternel. La Création "gémit et travaille douloureusement" pour se délivrer des servitudes de la corruption et entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu." [14]

3. La dernière pensée qu'il nous faut souligner est que nous sommes ressuscités à la vie éternelle, et admis dans la compagnie des Immortels, lorsque nous sommes devenus les collaborateurs du Christ, et que nous travaillons, avec Lui, dans le royaume. C'est lorsque nous avons perdu la conscience d'être des individus séparés, et sommes devenus divinement conscients du Tout dont nous faisons partie, que nous avons appris la leçon finale de la vie et n'avons plus besoin de "revenir sur terre". Ce que nous craignons et redoutons, c'est la mort de l'individu et la perte de la conscience personnelle. Nous ne comprenons pas que, lorsque nous avons acquis la vision du royaume de Dieu et que la totalité de la création resplendit devant nos yeux, c'est alors ce Tout qui nous importe, et nous perdons complètement de vue notre soi personnel. [253]

La résurrection pourrait, par conséquent, être définie comme la persistance, dans l'avenir, de ce qui est l'aspect divin, intégré à la vie et à la conscience de cette somme totale que nous appelons Dieu. Cette vie et cette conscience s'épanchent à travers toutes les parties de la manifestation de Dieu, c'est-à-dire à travers toutes les formes du monde naturel. Les divers règnes de la nature ont été façonnés un à un par l'évolution et ont exprimé quelque aspect de Sa vie, telle qu'elle informe et anime Sa création. L'un après l'autre, ces règnes ont constamment progressé, partant de la conscience inerte et du rythme lent et lourd du règne minéral, révélant toujours plus de Sa nature divine et cachée, pour aboutir à l'homme, dont la conscience est d'un ordre infiniment supérieur et dont l'expression divine est celle de la Déité consciente et autodéterminée. En montant des formes automatiques de conscience, la vie de Dieu a guidé les formes de vie à travers la conscience sensible des plantes, vers la conscience instinctive de l'animal ; puis elle a progressé vers le règne humain, dominé par la conscience du soi, jusqu'au moment où les membres les plus élevés de ce règne ont commencé à montrer des dispositions à la divinité On peut percevoir, dès à présent, les signes voilés et fugitifs d'un royaume plus élevé encore, dans lequel la conscience du soi cédera la place à la conscience du groupe, et où l'homme s'identifiera au Tout, au lieu d'être un individu qui se suffit à lui- même. Alors, la vie du corps entier de Dieu pourra s'épancher librement, en lui et à travers lui ; la vie de Dieu deviendra sa vie, et il ressuscitera à la vie éternelle.

 

[1] The Valley and Beyond, par Anthony C. Deane, p. 72.

[2] Psychology and God, par L.W. Grensted, p. 237.

[3] Ovid's Métamorphoses, adaptées par Addison, cité dans Taylor s Diegesis, p. 148.

[4] Origin of Religions Belief, par Dupius, p. 161.

[5] Esoteric Christianity par Annie Besant pp, 247, 249, 245.

[6] The God who Speaks, par B.H. Streeter, pp. 175, 176.

[7] The Tibetain Book of The Dead, par W.Y. Evans-Wentz, p. 29.

[8] La Bhagavad Gitâ, 11, 26, 29.

[9] The Modernists, par Robert Norwood, p. 57. Socrate.

[10] Cor. XV, 19.

[11] Saint Jean, X, 16.

[12] Cor, XV, 20.

[13] Tibetan Yoga and Secret Doctrines, publié par W.Y. Evans-Wentz, p. 12.

[14] The suprême spiritual Ideal, par S. Radhakrishnan, Hibbert Journal, ombre 1936.