Naviguer dans les chapitres de ce livre

CONFERENCE II

DEUXIEME CONFERENCE

L'EVOLUTION DE LA SUBSTANCE

Il est évidemment impossible de traiter d'une façon adéquate ce sujet immense dans une série de conférences comme celle-ci, même si je possédais tout l'équipement requis pour vous entretenir d'une question scientifique aussi fondamentale. Le sujet serait trop vaste, même si les conclusions de la science concernant l'évolution de la matière étaient définitives. Or elles ne le sont pas, d'où la complexité extrême du sujet. C'est pourquoi je tiens à commencer mes observations en soulignant que mon but est de parler surtout pour ceux qui n'ont aucune formation scientifique, afin de leur donner une notion des idées communément acceptées ; j'essaierai ensuite d'émettre quelques hypothèses susceptibles de nous aider à ajuster notre pensée à ce grand problème de la matière. Jusqu'alors, lorsque l'on a étudié l'aspect matériel des manifestations, on l'a fait comme une chose à part et c'est seulement récemment que l'on a proposé à l'esprit du public ce que je pourrais appeler la "psychologie de la matière", en se basant sur les expériences et les conclusions des hommes de science doués des vues les plus larges. [32]

Vous vous souvenez que, la semaine dernière, j'ai tenté de vous montrer, à grands traits, qu'il y a trois lignes d'approche dans l'étude de l'univers. Il y a la ligne qui n'étudie que l'aspect matériel et se limite à ce qui peut être vu, touché et prouvé. La seconde ligne est le surnaturalisme qui reconnaît moins l'aspect matériel que le côté divin. Elle s'occupe de l'esprit, considère la Vie comme un pouvoir extérieur au système solaire et à l'homme, et affirme que ce pouvoir est un grand agent créateur Qui crée et guide l'univers objectif, tout en lui demeurant étranger. Ces deux lignes de pensée sont soutenues par l'homme de science purement matérialiste, le Chrétien orthodoxe et le déiste, à quelque foi qu'il appartienne

J'ai indiqué aussi une troisième ligne d'approche au problème, que j'ai appelée idéaliste. Celle-ci admet la forme matérielle, mais voit aussi la vie qui est en elle, et affirme l'existence d'une Conscience ou Intelligence qui évolue par le moyen de cette forme extérieure. Vous verrez, je pense, que c'est cette ligne que je commenterai et soulignerai au cours de ces conférences. Nul n'est capable, en fin de compte, de se dissocier entièrement de son propre point de vue et, dans ces entretiens, je me suis assigné la tâche de suivre cette troisième ligne parce qu'elle [33] synthétise à mes yeux les deux premières et y ajoute un certain nombre de concepts qui forment un tout cohérent quand on les fond avec les deux premiers. À vous de décider si ce troisième point de vue est logique, raisonnable et clair.

Pour nous tous, le fait le plus commun de la vie est l'existence du monde matériel – ce monde que nous pouvons voir et appréhender par nos cinq sens et qui est appelé, par les métaphysiciens, le "non-soi", c'est-à-dire ce qui est objectif pour chacun d'entre nous. Comme nous le savons, le travail du chimiste consiste à réduire toutes les substances connues à leurs plus simples éléments et, tout récemment encore, on croyait que cette tâche avait été victorieusement accomplie. Selon les conclusions du chimiste, le nombre des éléments connus s'élevait entre 70 et 80. Mais il y a vingt ans environ (1898), on découvrit un élément nouveau, le radium, et cette découverte bouleversa entièrement les conceptions universellement admises de la matière et de la substance. Si vous consultez les manuels du siècle dernier, ou si vous parcourez les vieux dictionnaires, par exemple, pour y chercher une définition de l'atome, vous trouverez généralement citée la formule de Newton. Il définit l'atome comme étant "une particule dure, indivisible et ultime", une chose qu'on ne peut subdiviser à son tour. L'atome fut considéré comme la plus petite unité de matière existante et fut appelé "la pierre fondamentale de tout l'univers" [34] par les savants de l'ère victorienne. Ceux-ci pensaient être allés aussi loin que possible et croyaient avoir découvert ce qui se trouve à la base de tous les phénomènes et du monde objectif lui-même. Mais lorsqu'on découvrit le radium et les autres substances radioactives, la situation se trouva transformée de fond en comble. Il devint manifeste que ce qu'on avait considéré jusqu'ici comme la particule ultime ne l'était nullement. Aujourd'hui nous avons la définition suivante de l'atome (je la cite d'après le Standard Dictionary) :

"Un atome est un centre de force, la phase d'un phénomène électrique un foyer d'énergie ; il est actif, en vertu de sa propre structure, et dégage de l'énergie, ou de la chaleur, ou des radiations."

L'atome est donc – comme le prévoyait déjà Lord Kelvin en 1867 – un "tourbillon circulaire", ou centre de force, et non une particule de ce que nous considérons comme de la substance tangible. Cette particule ultime de la matière, nous savons aujourd'hui qu'elle se compose d'un noyau d'énergie positive entouré – comme le soleil l'est de ses planètes – par un certain nombre d'électrons ou corpuscules négatifs, ce qui divise l'atome de l'ancienne science en un certain nombre de corps plus petits. Ces éléments diffèrent selon le nombre et la disposition des électrons négatifs, tournant autour de leur noyau positif, et ils gravitent autour de cette charge centrale d'électricité, tout comme notre système planétaire gravite autour du soleil. Dans un livre récent, le professeur Soddy [35] a souligné que l'on peut voir dans l'atome un système solaire complet – on peut y reconnaître le soleil central et les planètes décrivant leur orbite autour de lui.

Il devient alors évident, pour chacun de nous, que dès que l'on admet cette définition de l'atome on se trouve en face d'une conception de la matière entièrement nouvelle. Toute affirmation dogmatique serait déplacée, car il est fort possible qu'une découverte prochaine nous apprenne que les électrons eux- mêmes sont des mondes à l'intérieur de mondes. Nous trouvons, dans l'ouvrage d'un de nos penseurs scientifiques, une spéculation intéressante concernant cette question. L'auteur y suggère qu'il serait peut-être possible de diviser et de subdiviser l'électron lui-même en ce qu'il nomme des "psychons", ce qui nous introduirait dans des régions qui ne sont pas considérées actuellement comme appartenant au monde physique. Ceci peut n'être qu'un rêve, mais ce que je cherche à imprimer dans mon esprit, comme dans le vôtre, c'est que nous savons à peine où nous nous trouvons dans la pensée scientifique, de même que dans les mondes religieux et économique. Tout est en pleine transformation ; le vieil ordre change ; l'ancienne façon de considérer les choses est en train de s'avérer fausse ou inadéquate ; les vieilles expressions de la pensée semblent futiles. Tout ce que l'homme sage peut faire aujourd'hui est de réserver sa pensée, de s'efforcer de découvrir par lui-même ce qui lui paraît être la vérité, et de synthétiser [36] enfin cet aspect particulier de la vérité universelle avec celui qui a été adopté par son frère.

L'atome, donc, peut être défini comme se résolvant en électrons, et peut être exprimé en symboles de force ou d'énergie. Quand vous avez un centre d'énergie ou d'activité, vous êtes en présence d'un double phénomène : vous avez, d'une part, le mouvement ou énergie et, d'autre part, ce qui est mû par cette énergie. Ceci nous introduit directement dans le domaine de la psychologie, parce que l'énergie ou la force est toujours considérée comme une qualité, et là où vous êtes en présence de la qualité, vous êtes, en réalité, en train d'examiner ce qui appartient au domaine des phénomènes psychiques.

Quand on considère la substance, on use constamment de certains termes dont la définition varie énormément. En feuilletant la semaine dernière un livre scientifique, je fus découragée de voir signaler par l'auteur que les atomes du chimiste, du physicien, du mathématicien et du métaphysicien étaient quatre choses entièrement différentes. C'est là une raison supplémentaire de ne pas émettre d'affirmations dogmatiques quand on étudie ces questions. Néanmoins, à tort ou à raison, j'ai une hypothèse très précise à vous soumettre. Quand nous parlons de radium, nous nous hasardons très probablement dans le domaine de la substance éthérique, dans la région de l'éther ou du protyle. Le protyle est un mot forgé par Sir William Crookes et voici la définition qu'il en donne : [37]

"Protyle est un mot analogue à protoplasme, destiné à exprimer la matière première originelle, telle qu'elle existe antérieurement à l'évolution de ses éléments chimiques. Le mot dont j'ai tenté de me servir pour cela est composé d'un mot grec qui signifie "antérieur à", et d'un autre mot qui veut dire "la substance dont les choses sont faites".

Nous sommes, par conséquent, en train de replacer la notion de matière là où l'école orientale l'a toujours située ; nous revenons à ce que l'orientaliste appelle : "l'éther primordial", bien qu'il ne faille jamais oublier que l'éther de la science est à une distance considérable de l'éther primordial de l'occultisme oriental. Nous sommes ramenés à ce je ne sais quoi d'intangible qui sert de base aux phénomènes objectifs que vous et moi pouvons voir, toucher et manipuler. Le mot "substance", lui-même, signifie "ce qui se tient au-dessous", ou ce qui gît derrière les choses. Tout ce que nous pouvons affirmer, en ce qui concerne l'éther de l'espace est, par conséquent, qu'il est le moyen par lequel l'énergie, ou force, agit ou se fait sentir. Quand nous parlons dans ces entretiens d'énergie ou de force, de matière et de substance, nous pouvons les classer dans notre esprit de la façon suivante : quand nous parlons de l'énergie et de la substance, nous considérons ce qui est encore intangible, et nous usons du mot force en corrélation avec la matière lorsque nous voulons parler de cet aspect du monde objectif qu'étudient les hommes de science. La substance est l'éther sous l'un de ses multiples degrés ; elle est ce qui se trouve derrière la matière elle-même. [38]

Quand nous parlons de l'énergie, nous devons distinguer l'objet mis en mouvement, la source de l'énergie, et l'origine de cette force qui se manifeste à travers la matière. Je tiens à souligner particulièrement ce dernier point. Qu'est- ce que l'énergie ? D'où vient-elle ?

Les savants affirment, d'une façon toujours plus claire, que l'atome est doué de qualités, et il serait intéressant de relever, dans les divers livres scientifiques traitant de la matière atomique, parmi les termes nombreux et variés appliqués à ces qualités, ceux qui pourraient être également appliqués à l'homme. C'est ce que j'ai tenté de faire, sur une très petite échelle et j'en ai recueilli un certain nombre de constatations qui jettent une vive clarté sur ces questions.

Tout d'abord, comme nous le savons, on parle de l'atome comme d'une chose douée d'énergie et du pouvoir de passer d'un mode d'activité à un autre. Un auteur a remarqué "que l'intelligence absolue tressaille dans chaque atome de l'univers". À ce sujet, je voudrais vous citer l'interview qu'Edison a publiée dans le Harpers Magazine de février 1890, et les commentaires qu'il y a ajoutés dans le Scientific American d'octobre 1920.

Voici les paroles d'Edison, telles qu'elles sont reproduites dans le texte le plus ancien :

"Je ne crois pas que la matière soit inerte, et soit mue par une force extérieure à elle-même. À mes yeux, chaque atome est doué d'une certaine quantité d'intelligence primitive. Regardez les mille manières dont les atomes d'hydrogène se combinent [39] avec ceux des autres éléments, pour former les substances les plus diverses. Croyez-vous vraiment qu'ils agissent ainsi sans intelligence ? Les atomes, groupés suivant des rapports utiles et harmonieux, prennent des formes et des couleurs belles et intéressantes, comme s'ils exprimaient leur satisfaction... Rassemblés selon certaines formes, les atomes constituent des animaux de l'ordre inférieur. Finalement, ils se combinent pour former l'homme, qui représente l'intelligence totale de tous les atomes".

- Mais d'où provient, originairement, cette intelligence ? demanda son interlocuteur.

- De quelque pouvoir plus grand que nous-mêmes, répondit Edison.

- Croyez-vous donc en un Créateur intelligent, en un Dieu personnel ?

- Certainement. À mon avis, l'existence d'un Dieu de ce genre peut être prouvée par la chimie."

Dans la longue interview citée l'année dernière dans le Scientific American, Edison émit un certain nombre d'hypothèses des plus intéressantes, parmi lesquelles je glanerai les suivantes :

1. La vie, comme la matière, est indestructible.

2. Nos corps sont composés de myriades d'entités infinitésimales, dont chacune est, en elle-même, une unité de vie, de même que l'atome est composé de myriades d'électrons.

3. L'être humain agit comme un assemblage, plutôt que comme une unité ; le corps et le mental expriment le vote ou la voix des entités de vie

4. Les entités de vie s'édifient suivant un plan. [40] Si une partie de l'organisme vital est mutilée, elles le reconstruisent tel qu'il était auparavant.

5. La science reconnaît qu'il est difficile de tirer une ligne de démarcation précise entre l'animé et l'inanimé ; peut-être les entités de vie étendent-elles leur activité aux cristaux et aux matières chimiques.

6. Les entités de vie sont immortelles, de sorte que, sur ce point au moins, la vie éternelle que beaucoup d'entre nous espèrent, est une réalité.

Dans un discours prononcé par Sir Clifford Allbut, président de la British Medical Association, et reproduit dans le Literary Digest du 26 février 1921, celui-ci parle de la faculté que possède le microbe de choisir et de repousser, et il remarque incidemment :

"Quand le microbe se trouve dans le corps de l'hôte, il peut être en complet désaccord ou en complet accord avec les cellules dont il s'approche ; dans l'un comme dans l'autre cas, il ne se produira vraisemblablement aucun phénomène morbide. Ces phénomènes morbides se trouveraient entre le microbe et les cellules, à sa portée, mais non en accord avec lui. Nous avons toute raison de croire qu'un microbe, en s'approchant d'une cellule, s'efforcera, d'une façon ou d'une autre, de s'y agripper. S'il y parvient, le microbe, d'abord inoffensif, deviendra nocif. D'autre part, les cellules peuvent apprendre à vibrer à l'unisson d'un microbe autrefois dissonant ; ou bien il peut y avoir un échange mutuel et une co-adaptation." [41]

Mais s'il en est ainsi, nous nous trouvons placés devant une faculté merveilleuse et d'une portée insondable : la faculté de choisir, et celle-ci monte des bas-fonds de la biologie vers les sommets – faculté formative, "autodétermination", ou, si vous préférez, "pensée".

En 1895, Sir William Crookes, l'un de nos plus grands savants, prononça une intéressante conférence devant un corps de chimistes anglais, dans laquelle il parla de la faculté que possède l'atome de choisir sa propre voie, de sélectionner et de rejeter ; il montra ensuite qu'on peut suivre la sélection naturelle à travers toutes les formes de la vie, depuis l'atome considéré comme une particule ultime, jusqu'aux formes les plus élevées de l'être.

Dans un autre article scientifique, l'auteur prétend que l'atome est susceptible d'éprouver, en outre, des sensations.

"La discussion ouverte récemment sur la nature des atomes, que nous devons considérer comme étant, sous une forme ou une autre, les facteurs ultimes de tous les processus physiques ou chimiques, semble pouvoir être aisément résolue si l'on admet que ces masses infiniment petites possèdent – en tant que centres de force – une âme persistante, et que chaque atome est doué de sensation et de mouvement."

Tyndall, de son côté, a également remarqué que même les atomes semblent instinctivement doués "du désir de vivre".

Si vous prenez ces différentes qualités de l'atome – l'énergie, l'intelligence, la faculté de sélectionner et de rejeter, d'attirer et de repousser, la sensation, le mouvement et [42] le désir – vous obtiendrez quelque chose de très semblable à la psychologie de l'être humain, sauf que ces phénomènes opèrent dans un rayon plus étroit et sont d'un degré plus restreint. Ne sommes-nous pas ramenés, de ce fait, à ce que nous pourrions appeler la "psyché de l'atome" ? Nous avons vu que l'atome est une entité vivante, un petit monde vibrant ; que nous pouvons déceler d'autres vies à l'intérieur de sa petite sphère d'influence, et ceci tout à fait dans le sens où nous disons d'un être humain qu'il est une entité, ou un noyau positif de force vitale, tenant à l'intérieur de sa sphère d'influence d'autres vies plus petites, c'est-à-dire les cellules de nos corps. Ce que l'on dit de nous peut se dire, à un degré inférieur, de l'atome.

Étendons encore un peu plus loin notre conception de l'atome et effleurons ce qui, étant peut-être la cause fondamentale des problèmes mondiaux, peut contenir aussi leur solution. La conception de l'atome, considérée comme une démonstration positive d'énergie, tenant dans sa zone d'activité son pôle opposé, peut être étendue, non seulement à tous les types d'atomes, mais aussi à l'être humain. Nous pouvons considérer chaque unité de la famille humaine comme un atome humain, car l'homme est simplement le plus grand atome. Il est le centre d'une force positive, tenant à l'intérieur de sa sphère d'influence les cellules de son corps ; il fait preuve de discrimination, d'intelligence et d'énergie. La différence n'est qu'une différence de degré. Il est doué d'une conscience plus vaste et sa vibration est d'une amplitude plus grande que celle du petit atome du chimiste. [43]

Nous pourrions étendre cette idée plus loin encore et considérer la planète comme un atome. Peut-être y a-t-il dans la planète une vie qui retient la substance de la sphère et toutes les formes de vie qui se trouvent sur elle, pour en faire un tout cohérent, doté d'une zone spécifique d'influence. Ceci peut sembler une spéculation osée. Toutefois, en procédant par analogie, rien ne nous empêche de croire qu'il y ait peut-être, dans la sphère planétaire, une Entité dont la conscience est aussi éloignée de celle de l'homme que celle-ci l'est de la conscience de l'atome chimique.

Cette pensée peut être poussée plus loin encore, jusqu'à inclure l'atome du système solaire. Là, au cœur du système solaire, vous avez le soleil, centre positif d'énergie, tenant les planètes dans sa sphère d'influence. Si vous avez de l'intelligence dans l'atome ; si vous avez de l'intelligence dans l'être humain ; si vous avez, dans la planète, une Intelligence contrôlant toutes ses fonctions, n'est-il pas logique de généraliser cette idée et d'affirmer l'existence d'une Intelligence plus vaste encore, derrière ce plus grand atome qu'est le système solaire ?

Ceci nous mène, en fin de compte, au point de vue qui a toujours été celui du monde religieux : celui de l'existence de Dieu ou Être divin. Là où le chrétien orthodoxe dirait avec respect : Dieu, l'homme de science dit, avec non moins de respect : Énergie. Pourtant, tous deux veulent dire la même chose. Là où le maître idéaliste parle du "Dieu [44] intérieur" à la forme humaine, d'autres, avec une précision identique, parlent de la "faculté énergisante" de l'homme, le poussant à se livrer à une activité d'ordre physique, émotionnel ou mental.

Nous pouvons déceler partout des centres de force, et cette idée peut être étendue d'un centre de force semblable à celui de l'atome chimique, jusqu'à l'homme, en montant à travers les différents degrés et les différents groupes de ces centres intelligents, pour aboutir, enfin, à la Vie qui se manifeste à travers le système entier. Saint Paul a sans doute pensé à quelque chose d'analogue, lorsqu'il a parlé de l'Homme céleste. Par le "Corps du Christ", il veut dire, sûrement, toutes les unités de la famille humaine contenues dans Sa sphère d'influence et qui constituent Son corps, de même que l'agrégat des cellules physiques forme le corps physique de l'homme. Il est nécessaire, à notre époque d'agitation religieuse, de démontrer que les vérités fondamentales du Christianisme sont des vérités scientifiques. Il nous faut rendre la religion scientifique.

Il y a un très intéressant texte sanscrit, vieux de plusieurs milliers d'années, que je vais tenter de vous citer. Il dit :

"Toute forme sur terre, et tout point (atome) de l'espace, s'efforcent vers l'auto formation et cherchent à suivre le modèle qui leur est proposé dans l'Homme céleste. L'involution [45] et l'évolution de l'atome ont un seul et même objet : l'homme".

Remarquez-vous quelle vaste espérance nous ouvre cette conception des choses ? Il n'y a pas un seul atome de matière, doué d'intelligence latente, de discrimination, et de pouvoir sélectif, qui n'atteigne, au cours des éons, le stade de conscience plus avancé que nous appelons l'homme. Sûrement, dans ce cas, nous pouvons supposer aussi que l'atome humain progresse vers quelque chose de plus conscient que lui, et atteindra un jour le stade de développement de ces grandes Entités dont les corps sont les atomes planétaires ; et Ceux-ci, à leur tour, accéderont à ce stade de conscience totale que nous appelons Dieu, ou le Logos solaire. Cet enseignement, assurément, est logique et pratique. Le vieux précepte occulte qui disait à l'homme "connais-toi toi-même, car en toi se trouve tout ce qu'il est possible de connaître" : reste la règle de tous ceux qui cherchent la vérité. Si chacun de nous voulait se considérer scientifiquement comme un centre de force, tenant la matière de nos corps dans le rayon de notre contrôle, et opérant ainsi à travers eux et en eux, nous aurions une hypothèse grâce à laquelle nous pourrions interpréter tout le plan cosmique. Et si, comme le suggère Einstein, notre système solaire tout entier n'est qu'une sphère, une coloration nouvelle est donnée à la déduction suivant laquelle ce système, à son tour, ne serait qu'un atome cosmique ; nous trouverions alors place pour un schéma encore plus vaste : nous aurions un centre, autour duquel graviterait notre système, et au sein duquel il agirait comme l'électron [46] de l'atome. Les astronomes nous disent, en effet, que tout notre système gravite probablement autour d'un point central, situé dans le firmament.

De sorte que l'idée fondamentale que j'ai tenté de mettre en lumière peut être décelée à travers tout, depuis l'atome du chimiste et du physicien, à travers l'homme, à travers la Vie énergisante de la planète, jusqu'au Logos, cette Déité de notre système solaire, jusqu'à l'Intelligence ou Vie qui se trouve derrière toutes les manifestations, ou nature et, enfin, jusqu'à quelque schéma plus grand encore, dans lequel notre Dieu lui-même doit jouer son rôle et trouver Sa place. C'est une image merveilleuse, si elle est vraie.

Je ne puis traiter, ce soir, des différents développements de cette intelligence qui anime tous les atomes, mais je voudrais examiner un instant ce qui est, peut-être, la méthode de leur évolution, et ceci du point de vue humain (lequel nous concerne le plus intimement), en nous rappelant toujours que ce qui est vrai d'un atome quelconque doit aussi être vrai pour tous, à un degré plus ou moins grand.

Quand on considère les atomes du système solaire, en y comprenant ce système lui-même, on remarque d'emblée deux choses : la première est la vie et l'activité intense de l'atome lui-même, et son énergie atomique interne ; la seconde est son action sur les autres atomes – repoussant les uns et attirant les autres. Peut-être pourrons-nous en déduire que, pour chaque atome, la méthode d'évolution vibration est due à deux causes : d'une part à la vie interne de [47] l'atome lui-même ; de l'autre, à son action sur les autres atomes et à ses relations avec eux. Ces deux stades sont visibles dans l'évolution de l'atome humain. Le premier a été souligné par le Christ, lorsqu'il a dit : "Le Royaume de Dieu est en vous", montrant ainsi, à tous les atomes humains, le centre de vie ou Énergie qui se trouve en eux, et leur apprenant que c'est en partant de ce centre qu'ils doivent croître et s'étendre. Chaque individu est conscient du fait qu'il est centré sur lui-même ; il considère toutes choses de son propre point de vue, et les événements extérieurs ne l'intéressent, le plus souvent, que dans la mesure où ils le concernent lui-même. Nous réagissons aux choses dans la mesure où elles nous affectent personnellement, et, à un certain stade de notre évolution, tout ce qui arrive aux autres n'a d'importance pour nous que si cela nous concerne aussi. Nombreux sont ceux qui en sont encore à ce stade ; c'est la période d'individualisme intense, dans laquelle le concept du "Moi" est investi d'une importance capitale. Elle engendre beaucoup d'activité interne.

La deuxième façon dont croît l'atome est par ses relations avec les autres atomes, et ceci est une chose qui commence seulement à poindre dans l'intelligence humaine et à y prendre son importance légitime. Nous commençons seulement à entrevoir la valeur respective de l'émulation et de la coopération et sommes sur le point de comprendre que nous ne pouvons vivre égoïstement notre vie, à l'écart du groupe où nous avons notre place ; nous commençons à savoir que si notre frère est retardé [48] dans ses progrès, et si les autres atomes humains ne vibrent pas comme ils le devraient, chaque atome du corps constitué en souffre. Aucun de nous ne sera complet avant que toutes les autres unités n'aient atteint le terme de leur développement.

Je reviendrai plus longuement sur cette question la semaine prochaine quand je parlerai de la construction des formes. Je me bornerai, ce soir, en guise de conclusion, à vous rendre conscients de la place tenue par chacun d'entre nous dans le plan général, pour vous permettre de comprendre l'importance des relations mutuelles entre atomes. Je m'efforce de vous montrer combien il est nécessaire pour nous de trouver notre place au sein du groupe auquel nous appartenons naturellement (c'est-à-dire dans lequel nous occupons la position des électrons vis-à-vis de la charge positive) afin de procéder ensuite au travail qui nous incombe au sein de ce plus grand atome qu'est le groupe.

Ceci fait de toute notre hypothèse, non point un rêve audacieux, mais une idée pratique et utile. S'il est vrai que toutes les cellules de notre corps, par exemple, sont des électrons que nous maintenons dans un état cohérent, et si nous sommes un facteur énergisant, au sein d'une forme matérielle, il est d'une importance primordiale que nous reconnaissions ce fait et que nous traitions ces formes et leurs atomes d'une façon correcte et scientifique. Ceci a pour corollaire le soin pratique de notre corps physique et l'adaptation de toute notre énergie au travail à accomplir et à la [49] nature de l'objet dont nous poursuivons la réalisation. Pour cela il nous faut utiliser judicieusement cet agrégat de cellules qui est notre instrument, ou notre outil, et notre sphère de manifestation. Ceci est une chose dont nous ignorons encore presque tout. Quand cette pensée se sera développée et que l'être humain sera considéré par tous comme étant un centre de force, l'attitude des gens à l'égard de leur travail et de leur mode de vie subira une transformation radicale. Le point de vue du monde médical, par exemple, sera modifié, et l'on étudiera la façon correcte d'utiliser l'énergie. La maladie causée par l'ignorance n'existera plus et l'on approfondira les lois de la transmission des forces. Nous serons alors des atomes pleinement intelligents – ce que nous ne sommes pas encore.

En outre, nous ne serons pas seulement pratiques dans la façon de traiter nos corps matériels, parce que nous comprendrons leur constitution, mais nous trouverons consciemment notre place dans le groupe et nous utiliserons notre énergie pour le bénéfice du groupe, et non pas, comme à présent, pour nos buts personnels. Beaucoup d'atomes n'ont pas seulement une vie interne qui leur est propre : ils rayonnent aussi, et mieux on comprendra la radioactivité, plus se développera la science de l'homme en tant que centre de radiation active. Nous nous trouvons, de nos jours, à la veille de découvertes prodigieuses : nous nous approchons d'une synthèse merveilleuse de la pensée mondiale ; nous avançons vers cette période où la science et la religion viendront au secours l'une de l'autre et [50] où la philosophie apportera sa contribution à la compréhension de la vérité.

L'usage de l'imagination nous apportera fréquemment des visions merveilleuses, et si cette imagination est basée sur des vérités essentielles, si elle part d'une hypothèse logique, peut-être nous conduira-t-elle vers la solution de quelques-uns des mystères et des problèmes qui angoissent le monde moderne. Si les choses nous paraissent mystérieuses et inexplicables, n'est-ce pas à cause de cette grande Entité Qui se manifeste à travers notre planète, occupée à accomplir un dessein défini et un plan, de même que vous et moi le faisons dans notre vie ? À certains moments, il nous arrive de mettre notre véhicule physique dans des situations à la fois douloureuses et angoissantes et dont découlent un certain nombre de problèmes et de difficultés ; une fois admise l'hypothèse sur laquelle nous travaillons, il peut paraître logique de supposer que la grande Intelligence de notre planète est en train, d'une façon similaire, de mettre parfois Son corps entier de manifestation (qui contient la famille humaine) dans des situations qui sont douloureuses pour les atomes qui le composent. Il est sûrement logique de supposer aussi que la clé du mystère de tout ce que nous voyons autour de nous réside dans la volonté et le dessein intelligent de cette plus grande Vie Qui s'accomplit par l'entremise de Son corps physique, et qui n'est, Elle-même, qu'un atome à l'intérieur d'une sphère plus vaste, habitée par le Logos solaire, l'Intelligence Qui est la somme totale de toutes les vies inférieures. [53]