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CHAPITRE V — LES ENSEIGNEMENTS DE L’ORIENT RELATIFS A L’AME, L’ETHER ET L’ENERGIE

 

CHAPITRE V — LES ENSEIGNEMENTS DE L'ORIENT RELATIFS A L'AME, L'ETHER ET L'ENERGIE

"De même que l'éther, en raison de la finesse de sa nature et de sa faculté de tout pénétrer, ne peut être touché, ainsi, l'âme elle-même ne peut non plus être touchée.

De même que le Soleil illumine ce monde-ci, ainsi Celui qui réside dans le corps illumine tout le champ d'activité.

Ceux qui, grâce à l'œil de la Sagesse, perçoivent la distinction entre le champ et le Connaisseur du champ, et la libération de l'être par rapport à la nature, ceux-là vont au Suprême." [1]

Comme le montrerait une bibliographie très incomplète, la littérature orientale traitant de l'âme et de son expression sur le plan physique – le corps vital ou éthérique – est très vaste. On trouve, disséminés dans les Upanishad et les Purana, des milliers de passages traitant de cet enseignement. Deux des sources d'information les plus importantes sont le Shiv-Samhita et le Satchakra Nirupanam.

John Woodroffe (Arthur Avanlon) a beaucoup contribué par ses livres à faire connaître cet enseignement oriental ainsi que les méthodes du développement de l'âme en Occident. Grâce à la présentation de cet enseignement au public, il a su [93] éviter que cette science extrêmement dangereuse ne soit trop rapidement comprise. Un petit ouvrage rédigé par un médecin hindou (The mysterious kundalini, Vasant G. Rele) très versé dans la médecine et la science occidentales, présente ainsi un grand intérêt.

Le danger de cette science est reconnu par ceux qui connaissent la question. Il réside dans le fait que, par la connaissance d'une certaine technique, il devient possible à l'homme de collaborer activement aux forces de sa propre nature qui fonctionnent au moyen du corps vital. La médecine moderne reconnaît de plus en plus le facteur énergie en ce qui concerne l'homme. Il a bien fallu reconnaître que le corps physique est formé d'atomes, comme le sont toutes les formes de la nature, et de là on est arrivé nécessairement à reconnaître la nature électrique de l'entité humaine.

La science occidentale reconnaît l'existence de l'éther et du mouvement. L'instructeur oriental parle d’akasha et de prana. Tous deux traitent de la vie qui pénètre toutes les formes et qui est la cause de leur cohésion, de leur sensibilité et de leur existence. C'est ce que montre le passage suivant tiré de Kenopanishad :

"Non manifesté, sans forme, l'unique qui donne la vie est le Grand Pouvoir ; de lui vient l'éther qui transporte le son (Akasha) ; de lui naît l'éther qui apporte la sensibilité.

De ce dernier vient l'éther qui apporte la lumière, de celui-ci vient l'éther qui apporte le goût ; et de ce dernier naît l'éther qui apporte l'odorat. Ce sont là les cinq éthers ; ils ont eux-mêmes une quintuple extension. [94]

C'est d'eux que provient l'univers ; c'est par eux qu'il continue ; c'est en eux qu'il disparaît ; et c'est parmi eux qu'il fait une nouvelle apparition." [2]

La ressemblance entre l'éther qui apporte la lumière des anciens textes indiens et les ondes lumineuses de la science moderne est évidente. Dans un ouvrage très intéressant, Nature's finer forces, Rama Prasad énumère quatre états de matière subtile :

1. Prana ou substance vitale

2. Substance psychique

3. Substance mentale

4. Substance spirituelle.

On voit que ces quatre éléments sont des qualités relatives aux énergies qui utilisent l'Akasha comme moyen d'expression. Une étude des ouvrages orientaux nous offre une image d'un monde matériel manifesté et animé par un monde subjectif de forces qui utilisent l'éther (Akasha) comme champ d'activité et qui sont responsables de toutes les formes, les qualités et les différenciations du monde phénoménal.

Les extraits qui suivent, provenant de l'ouvrage The Serpent power (Le Pouvoir du serpent), concernent l'enseignement de l'Orient au sujet de la matière et de l'éther.

"Les récentes découvertes scientifiques ont montré que cette substance originelle ne pouvait pas être "matière" scientifique, c'est-à-dire ayant une masse, un poids et étant douée d'inertie. La matière a été dématérialisée et, suivant les [95] hypothèses actuelles, réduite à quelque chose différant profondément de la "matière" telle que nos sens la connaissent. On pense que cette ultime substance est l'éther en mouvement. L'hypothèse adoptée actuellement par la science semble être la suivante : une chose comme la "Matière" scientifique n'existe pas. S'il semble que cela existe, l'illusion est due à l'activité de Shakti en tant que Maya. Le facteur physique ultime le plus simple d'où provient l'univers, est le mouvement de et dans une substance appelée "éther", qui n'est pas la "matière" scientifique. Les mouvements de cette substance donnent naissance, d'un point de vue réaliste, à la notion de "matière". Malgré la diversité de ses formes, la matière, fondamentalement, est donc une. En dernière analyse, son élément ultime appartient à une seule catégorie, et les différences des diverses sortes de matière dépendent des divers mouvements de l'ultime particule et de ses combinaisons subséquentes. Étant donné cette unité de base, il est possible à une forme de

matière de passer à une autre forme."

Dans un autre ouvrage, Arthur Avalon écrit :[3]

"Il est actuellement admis que même en y ajoutant toutes les forces possibles, la "matière" ne suffit pas à expliquer de nombreux phénomènes tels que ceux de la lumière ; on en est arrivé à considérer comme un article de foi scientifique l'existence d'une substance appelée "Éther". C'est un intermédiaire qui, remplissant l'univers, transporte par ses vibrations les radiations de la lumière, de la chaleur, de l'électricité et peut-être aussi d'action à distance, comme dans le cas de l'attraction exercée entre les corps célestes. On dit cependant que cet éther n'est pas de la "matière", qu'il en diffère profondément et que c'est seulement notre manque de connaissance qui nous oblige à essayer de le décrire en empruntant des comparaisons à la matière prise dans son sens physique ordinaire, qui est la seule que connaissent nos sens. Mais si nous supposons que cet éther existe, nous savons que les corps [96] "matériels" immergés en lui peuvent changer de place. En fait, pour employer une expression indienne, la propriété caractéristique des vibrations de l'Akasha Tattva est de fabriquer l'espace où existent les autres Tattvas et ce qui en dérive. Prenant comme matériels, la "Matière" et l' "Éther", les théories purement "scientifiques" de l'Occident ont cherché à construire le monde."

Bien des gens ont ri et rient encore à l'idée de Maya. La matière n'est-elle donc pas assez solide, permanente et réelle ? Que sommes-nous fondamentalement, en tant qu'êtres physiques, selon la science ? La réponse est : de l'énergie sans forme, infiniment ténue, qui se matérialise en des formes relativement stables et pourtant transitoires (...). Le processus suivant lequel le subtil devient de plus en plus grossier se poursuit jusqu'à ce qu'il devienne ce qu'un de mes amis appelle la "croûte" de matière solide (Parthivabhuta). Tant qu'elle dure, elle est assez tangible. Mais elle ne durera pas toujours et certaines substances radioactives se dissocient sous nos yeux." [4]

Vivekananda qui fit beaucoup pour révéler l'âme de l'Inde à l'Europe, dit :

"D'après les philosophes de l'Inde, tout l'univers est composé de deux éléments dont l'un est appelé Akasha. C'est l'existence omniprésente qui pénètre tout. Tout ce qui a une forme, tout ce qui provient des combinaisons sort de cet Akasha. C'est l'Akasha qui devient air, liquides, solides ; c'est l'Akasha qui devient le soleil, la terre, la lune, les étoiles, les comètes ; c'est l'Akasha qui devient le corps, le corps animal, les planètes, toutes les formes que nous pouvons voir, tout ce qui peut être perçu, tout ce qui existe. Lui-même ne peut être perçu ; il est si subtil qu'il demeure au-delà de [97] toute perception ordinaire ; il ne peut être vu que lorsqu'il est devenu grossier, qu'il a pris une forme. Au début de la création, il n'y a que cet Akasha ; à la fin du cycle, les solides, les liquides et les gaz se dissolvent tous à nouveau dans l'Akasha, et la création suivante sort de l'Akasha de la même façon.

Quel est le pouvoir qui transforme l'Akasha en un univers ? C'est celui du Prana. De même que l'Akasha est le matériel infini omniprésent, ainsi le Prana est le pouvoir infini omniprésent qui se manifeste de cet univers. Au début et à la fin d'un cycle, tout devient Akasha, et toutes les forces se trouvant dans l'univers se résolvent à nouveau dans le Prana ; c'est de ce Prana que, dans le cycle suivant, tout ce que nous appelons énergie et force tire son origine. C'est le Prana qui se manifeste comme mouvement, comme gravitation, comme magnétisme. C'est le Prana qui se manifeste comme activité du corps, courants d'énergie nerveuse et pensée. De la pensée à la force physique la plus basse, tout n'est que manifestation du Prana. On appelle Prana la totalité de toutes les forces de l'univers, mentales ou physiques, lorsqu'elles reviennent à leur état originel (...)" [5]

Ramacharaka, écrivain plus moderne, écrit :

"Afin d'éviter toute erreur provenant des diverses théories relativement à ce grand principe – théories correspondant en général à l'un des noms donnés à ce principe – nous appellerons ici ce principe Prana", terme qui signifie Énergie absolue". De nombreuses autorités en occultisme enseignent que le principe, appelé par les Hindous, Prana, est le principe universel de force ou d'énergie et que toute énergie ou toute force est dérivée de ce principe ou, plutôt, en est une forme [98] particulière de manifestation (...).

Nous pouvons le considérer comme le principe actif de la vie, comme la Force Vitale, si l'on veut. On le trouve dans toutes les formes de vie, de l'amibe à l'homme, dans la forme la plus élémentaire de la vie végétale, jusque dans la forme la plus élevée de la vie animale. Le Prana remplit tout. On le trouve dans tout ce qui est animé. Comme la philosophie occulte enseigne que la vie se trouve en toute chose, dans chaque atome – l'absence apparente de vie n'étant qu'un moindre degré de manifestation en certaines choses – nous pouvons déduire que le Prana est partout, en tout. Il ne faut pas confondre le Prana avec l'Ego, ce fragment d'Esprit divin en chaque âme et autour duquel se rassemblent la matière et l'énergie. Le Prana est simplement une forme d'énergie utilisée par l'Ego au cours de sa manifestation matérielle. Lorsque l'Ego abandonne le corps, le Prana n'étant plus sous son contrôle, n'obéit qu'aux ordres des atomes individuels ou des groupes d'atomes formant le corps ; et alors que le corps se désintègre et retourne à ses composants originaux, chaque atome s'approprie suffisamment de Prana pour qu'il puisse former de nouvelles combinaisons ; le Prana non utilisé retourne à la vaste réserve universelle d'où il provenait. Lorsque l'Ego exerce sa maîtrise, la cohésion règne et les atomes sont maintenus ensemble par la Volonté de l'Ego.

Prana est le terme par lequel nous désignons un principe universel qui est l'essence de tout mouvement, de toute force et de toute énergie, qu'elle se manifeste sous la forme de gravitation, d'électricité, ou de révolution des planètes, et de toutes les formes de vie, de la plus haute à la plus basse. Il peut être appelé l'âme de la Force et de l'Énergie sous toutes leurs formes ; c'est ce principe qui, opérant de certaines manières, produit cette forme d'activité qui accompagne la vie." [6]

Le Prana est donc le principe universel de vie dans toutes les formes et ce qu'on appelle énergies [99] ou vie du corps humain est la portion différenciée de ce principe universel que toute âme humaine particulière s'est appropriée.

Suivant la Sagesse Éternelle, on divise en trois grandes catégories les énergies utilisant l'Akasha (éther).

1. Fohat est analogue à ce que le chrétien appelle esprit ; c'est la volonté d'exister, le principe déterminant de vie de Dieu qui est la totalité de toutes les formes et de tous les états de conscience ; c'est le Dessein divin fonctionnant activement.

2. Prana correspond à l'activité du principe de conscience, l'âme du chrétien. Il est le résultat de l'union de l'esprit ou vie et de la matière ou substance ; il se manifeste comme énergie de la forme, produisant cohésion, stimulation et sensibilité, exécutant le dessein divin.

3. Kundalini, lorsqu'il s'agit de la forme humaine, c'est la force latente dans la matière elle-même ; c'est la vie intégrante de l'atome, abstraction faite de la forme en laquelle cet atome peut prendre part dans son minuscule cycle d'expérience.

Shakti est le pouvoir, l'énergie. Arthur Avalon le définit comme suit : "Qu'est-ce donc que Shakti, et comment se fait-il

qu'existe dans les choses un principe d'inconscience, ce qui ne peut être nié. Le terme Shakti vient de la racine "shak", être capable, avoir le pouvoir de. Le terme peut s'appliquer à [100] n'importe quelle forme d'activité. Le pouvoir de brûler est le Shakti du feu, et ainsi de suite. Ce sont toutes des formes d'activité qui peuvent être finalement réduites au Shakti primordial (Adya Shakti) d'où provient toute autre forme de Pouvoir."

Ces trois catégories d'énergie sont donc des aspects de la vie universelle une qui s'exprime au moyen d'un système solaire, utilisant l'éther comme son moyen ou champ d'activité et produisant à partir de lui toutes les formes objectives. Selon la philosophie hindoue, ce processus se répète en l'homme.

Dans ses parties composantes ou atomes, le corps physique est l'expression du troisième type d'énergie, et la totalité de cette énergie atomique est appelée Kundalini :

"Le centre où s'accumulent toutes les sensations résiduelles est appelé chakra Muladhara, et l'énergie de l'action qui s'y trouve enroulée est Kundalini, "énergie en spirale".

Il représente, dans le corps de l'individu, le grand pouvoir cosmique (Shakti) qui créa et soutient l'univers." [7]

Le corps physique lui-même est souvent considéré comme un atome dans le règne humain ; dans ce cas, l'énergie du Kundalini, localisée dans un centre à la base de l'épine dorsale, serait un noyau positif tandis que les autres atomes du corps seraient de nature électronique.

Le corps vital ou éthérique est le moyen d'expression [101] de la vie de l'âme, dualité sensible et vivifiante que nous appelons Prana. Cette double énergie a deux centres positifs dans le corps vital et, par conséquent, dans le corps physique ; l'un dans le cœur où l'on dit que sont centrés le sentiment et la sensibilité, et l'autre dans la tête où le mental et la conscience spirituelle trouvent leur expression.

G. Rele dit que "le siège du prana est entre le larynx et la base du cœur".

"Les penseurs des Upanishad s'intéressent davantage au cœur qu'à la tête. C'est là que réside le souffle vital. Non seulement les cinq prana ont leur origine dans le cœur, mais aussi l'œil, l'oreille, la parole et manas. C'est le cœur et non la tête qui est le siège de manas, et aussi de la vie consciente. Pendant le sommeil, les organes de l'âme restent dans le cœur et c'est là aussi qu'ils s'assemblent à la mort. C'est "par le cœur que nous reconnaissons les formes" ; c'est par le cœur que nous connaissons la foi, que nous engendrons les enfants, que nous connaissons la vérité. C'est sur lui que la parole est fondée, tandis qu'on refuse avec colère de considérer sur quoi est fondé le cœur. Non seulement les organes, mais tous les êtres sont basés sur le cœur et soutenus par lui. Même si on met de côté la véritable définition du cœur comme étant Brahman, il est pourtant le siège empirique de l'âme et donc de Brahman : "à l'intérieur du cœur, se trouve une cavité où réside le seigneur de l'univers, le régulateur, le chef de l'univers." On appelle le cœur hridayam, car "c'est lui" qui demeure "dans le cœur" (hridi ayam, Chand. 8.3.3.), aussi petit qu'un grain de riz ou d'orge ; ayant un pouce de haut, le purusha demeure au centre du corps, comme le soi des choses créées dans le cœur" [8] [102]

De même, de nombreux passages des dernières Upanishad célèbrent Brahman "implanté dans la cavité du cœur". L'atman en nous et l'atman de l'univers sont identiques ; le tat tvan asi de Chand 6 8 16. et aussi le etad vai tad, "ce qui, en vérité, est", de Brih. 5.4., sans doute une imitation de l'autre, l'expriment tous les deux. On trouve douze fois cette même formule dans Kath 4.3.1., dans un passage en prose annexé à la Poésie

Suivant Kath 5.14., la béatitude suprême consiste en la conscience de cette pensée. Nous ne citerons que Kath 4 12.13 :

D'une hauteur d'un pouce, là, dans le corps

Demeure le purusha

Seigneur du passé et de l'avenir ;

Celui qui le connaît ne s'inquiète plus

En vérité ceci est cela.

Comme une flamme sans fumée, d'une hauteur d'un pouce,

Telle est la taille de purusha,

Seigneur du passé et de l'avenir

C'est lui aujourd'hui et aussi demain

En vérité, ceci est cela. (P. Deussen)

Le purusha est comparé ici à une flamme sans fumée ; de même, dans S'vet. 6.19, on le compare à un feu dont le combustible est consumé Dans S'vet. 5.9, le contraste entre l'atman et nous et l'atman dans l'univers est poussé jusqu'à l'extrême :

Divisez cent fois la pointe d'un cheveu Et prenez le centième de cette partie ; C'est là, je pense, la taille de l'âme,

Et pourtant, elle appartient à l'immortalité. [103]

Le Yogi Upanishad a repris cette description de l'atman qui est compare à une flamme sans fumée dans le cœur et l'a dépeinte comme une langue de flamme dans le cœur ; on la rencontre pour la première fois sans doute, dans Mahan. 11.6.12." (P. Deussen)

Les Écritures se réfèrent très fréquemment au fait qu'Atman, le soi, se trouve dans le cœur, d'où il s'exprime comme le principe de vie au moyen du sang. La nature de l'âme, ou le mental rationnel et l'individu conscient du soi s'expriment dans la tête, d'où ils gouvernent le système nerveux :

"On a maintenant la preuve que les centres supérieurs se trouvent dans le cortex cérébral où se manifeste la connaissance de l'action et de la sensation. Ces deux centres sont à la fois récepteurs, c'est-à-dire sensoriels et directeurs, c'est-à-dire moteurs et ils ont leurs centres subsidiaires dans les deux grosses protubérances de chaque hémisphère du cerveau. On les appelle le thalamus et le corps strié. Le premier est l'auxiliaire du principal centre sensoriel et le second, du principal centre moteur se trouvant dans le cortex cérébral. Normalement, les centres moteurs auxiliaires sont plus ou moins dépendants de la volonté (...). Ce sont les centres nerveux auxiliaires se trouvant dans le thalamus qui intéressent le Yogi. La fonction normale du thalamus est de recevoir les sensations de toutes les parties du corps, qui lui sont retransmises à travers l'épine dorsale avant de parvenir au centre principal.

Comme il est le centre le plus élevé des réflexes du cerveau et comme toutes les impressions remontent vers lui, il est appelé l'Udanaprana. Le dernier relais de l'épine dorsale duquel il reçoit des impulsions se trouve dans cette partie de [104] la moelle épinière appelée le bulbe qui se trouve au niveau de la racine du nez. Il est dit qu'Udanaprana régit la partie de la tête se trouvant au- dessus de ce point.

Par une maîtrise consciente d'Udanaprana, le Yogi supprime toutes les sensations parvenant à lui ou en provenant ; il est en effet nécessaire d'empêcher que le mental, qu'il cherche à maîtriser, ne soit distrait." (V. G. Rele)

Srinivasa Iyengar (Outlines of indian philosophy) établit les postulats suivants affirmant que toutes les écoles de pensée les acceptent, sauf celle professant le nihilisme.

1.L'homme est fait d'un complexe de conscience, de mental et de corps.

2.L'Atma (le soi) est de la nature de la conscience ; il est immuable.

3.Le mental, bien qu'un organe intérieur, est matériel ; il est autre que l'atman.

4.Toute énergie dans l'univers est personnelle, c'est-à-dire liée à la conscience.

5. Cette énergie est prana, intermédiaire entre le mental et la matière.

"La philosophie hindoue considère le prana, et non le mouvement, comme l'énergie fondamentale du cosmos. Le prana est conçu comme un pouvoir venant de Purusha ou instauré par lui (Purusha étant l'aspect esprit, A.A.B.) et agissant sur la matière.

Toute l'énergie des animaux est une énergie nerveuse jusqu'à ce qu'elle abandonne les muscles et agisse sur des objets extérieurs. Cette énergie nerveuse est appelée Prana. Pendant une centaine d'années, mais sans succès, la science occidentale a tenté de démontrer que l'énergie nerveuse était une forme de mouvement mécanique. La philosophie orientale prend la position inverse et fait dériver le mouvement [105] mécanique de Prana ou énergie liée à la conscience.

Prana correspond au pneuma Psychikon, esprit animal de la philosophie grecque, catégorie intermédiaire entre matière et l'esprit, et les met en relation l'une avec l'autre."

Arthur Avalon dit :

"Dans l'antiquité, on a désigné diverses parties du corps comme étant le "siège de l'âme" ou de la vie ; c'est le cas du sang, du cœur, de la respiration. Le cerveau, généralement, n'était pas désigné. Le système védique suppose le cœur comme le centre principal de conscience ; cette idée se retrouve dans les expressions que nous employons encore, "prendre à cœur", "apprendre par cœur". Sadhaka, une des cinq fonctions de Pitta, situé dans le cœur, aide indirectement à l'accomplissement des fonctions cognitives en maintenant les contractions rythmiques du cœur ; et il a été suggéré que c'était peut-être cette interprétation de la fonction du cœur qui amena les physiologistes de l'Inde à le considérer comme le siège de la connaissance. Suivant les Tantra, cependant, les principaux centres de conscience se trouvent dans les Chakra du système cérébro-spinal et dans la partie supérieure du cerveau (Sahasrara), bien que le cœur soit également reconnu comme étant le siège de Jivatma, ou de l'esprit incarné en son aspect pranique."

Le phénomène qu'est l'être humain découle sans doute de ces deux points de vue. Alors que l'évolution se poursuit, on découvrira et on démontrera peut-être que le centre positif ou le noyau de la vie [106] de la forme matérielle est situé à la base de l'épine dorsale, que le centre positif de la vie de l'homme conscient se trouve dans le cœur, tandis que le centre positif du mental et des principes de vie spirituelle est dans la tête.

Tout le système et toutes les techniques des enseignements orientaux relatifs aux centres chez l'homme tendent vers une manifestation plus importante de prana ou énergie de l'âme. En le comprenant, l'homme – par l'automatisme du corps physique – peut démontrer ces pouvoirs de l'âme et ces qualités spirituelles qui sont l'héritage de l'homme spirituel, l'âme. Le but de toutes les méthodes et techniques est donc l'union consciente avec l'âme, subordonnant les deux énergies inférieures (celle de la matière et celle de la nature mentale sensible) à l'énergie la plus élevée, la vie spirituelle. Cela accompli, le principe de vie spirituelle anime une âme qui ne connaît plus ni barrières, ni limitations car elle a porté son mécanisme au plus haut point de perfection. La matière a été élevée jusqu'au ciel, d'où l'enseignement hindou selon lequel le feu Kundalini, l'énergie de la matière (appelée parfois la mère), doit finalement être élevé de la base de l'épine dorsale à la tête. Cela correspond à l'enseignement de l'Église catholique romaine suivant lequel l'Assomption de la Vierge-Mère permet à celle-ci de prendre sa place au ciel, aux côtés de son Fils, le Christ, l'Âme. Ce processus doit être [107] accompli consciemment par l'âme, ou le soi, située dans la conscience mentale et cérébrale d'où elle maîtrise les énergies de l'homme physique. C'est le yoga ou union qui n'est pas seulement une expérience mystique, mais aussi une expérience vitale ou physique. C'est l'union des chrétiens. C'est une intégration de l'homme tout entier, physique, sensible et mental, et l'unification consciente avec l'âme universelle. Le Dr Rele dit :

"Le terme Yoga vient de la racine Yuga, joindre ou souder. Dans une soudure, deux morceaux du même métal ne font plus qu'un seul morceau grâce à un processus utilisant la chaleur et le marteau ; de même, dans le Yoga de la philosophie hindoue, l'esprit incarné, Jivatma, partie de l'esprit universel, Paramatma, est porté à ne devenir plus qu'un avec l'Esprit Universel par certains exercices physiques et mentaux.

Le Yoga est la science qui développe la capacité du mental humain à répondre à des vibrations plus hautes, et à percevoir, saisir et assimiler les mouvements infinis conscients dans l'univers."

René Guénon (L'Homme et son devenir) résume comme suit les résultats de cette union :

"Délivrance ou Union, seule et même chose, implique, comme nous l'avons déjà dit, "en plus et par-dessus" la possession de tous les états, puisque c'est la réalisation parfaite (Sadhana) et la somme de l'être. Il importe du reste assez peu que ces états soient réellement manifestés ou non, puisque ce n'est que comme possibilités permanentes et immuables qu'ils [108] doivent être considérés métaphysiquement. "Seigneur de nombreux états par le simple exercice de sa volonté, le Yogi ne s'intéresse qu'à un seul, laissant les autres sans souffle vital (Prana) comme autant d'instruments qu'il n'utilise pas ; mais il peut animer plus d'une forme à la fois, comme une simple lampe peut avoir plus d'une mèche". "Le Yogi", dit Aniruddha, "est en rapport direct avec le principe primordial de l'Univers et, par conséquent (secondairement) avec l'ensemble de l'espace, du temps et des choses ; c'est-à-dire avec la manifestation et, plus particulièrement, avec l'état humain dans toutes ses modifications." [9]

[109]

 

[1] Bhagavad Gîta, XIII.

[2] Keno Danisbad cité par Rama Prasad dans Nature’s finer forces.

[3] Avalon Arthur, (John Woodroffe), The Serpent Power.

[4] Avalon Arthur, Shakti and Shakta.

[5] S. Swami Vivekananda, Raja Yoga.

[6] Yogi Ramacharaka, The Hindu Yogi science of breath.

[7] Rele Vasant, The mysterious Kundalini.

[8] Deussen Paul, The philosophy of the Upanishads.

[9] Guénon René, L'Homme et son devenir.