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LIVRE II LES DEGRES CONDUISANT A L’UNION - Partie 4

Non que la forme, ou la manifestation en une forme, soit en elle-même un mal. La forme et le processus d'incarnation sont légitimes et conviennent à ce qui leur incombe ; mais, pour l'homme ayant appris les leçons voulues à l'école de la vie et pour qui l'expérience dans les trois mondes n'a donc plus d'utilité, la forme et la renaissance deviennent un mal et doivent être reléguées en une place extérieure à la vie de l'égo. Il est vrai que l'homme ayant atteint la libération peut, de son propre gré, se limiter en endossant une forme dans un dessein de service bien défini ; mais il le fait alors en vertu d'un acte de volonté et d'abnégation ; il n'est pas, en cela, mû par le désir, mais par l'amour pour l'humanité et l'ardente envie de demeurer avec ses frères jusqu'au jour où le dernier des fils de Dieu aura atteint le portail de la libération.

41. La purification suscite aussi un esprit calme, la concentration, la conquête des organes et l'aptitude à discerner le soi.

Il faut se souvenir que les Commandements comme les Règles (Yama et Nyama) ont affaire au soi inférieur quadruple fonctionnant dans les trois mondes, et souvent désignés par le terme de quaternaire inférieur. Nous avons vu dans le sutra précédent que la purification requise est quadruple et concerne quatre véhicules. Le résultat de cette pureté est, lui aussi, quadruple et se rapporte également aux quatre enveloppes. Ces résultats sont, dans l'ordre des véhicules : [205]

1. La conquête des organes

Le corps physique.

2. Un esprit calme

Le véhicule émotif.

3. La concentration

Le mental inférieur ou corps mental.

4. L'aptitude à discerner le soi

Le résultat synthétique.

La "conquête des organes" concerne spécialement les sens et résulte de la pureté magnétique ou affinement du corps éthérique. À ce propos, les étudiants devraient garder à l'esprit le fait que le corps physique n'est pas un principe, mais qu'il est construit en exacte conformité avec le corps éthérique. Ce corps éthérique est le véhicule magnétique sur le plan physique et attire (selon sa propre nature et ses constituants) les atomes et particules de substance dont le corps physique dense est construit. Lorsque les perceptions sensorielles s'affinent et que la condition vibratoire du corps vital s'y met correctement à l'unisson, les organes des sens sont alors entièrement dominés et maîtrisés par l'homme réel et le mettent finalement en contact avec les deux sous-plans les plus hauts du plan physique, et non avec l'astral inférieur comme c'est actuellement le cas. L'ordre correct de cette maîtrise des organes de la perception physique, ou des cinq sens, se présente comme suit :

1. Sur le plan mental, la perception intellectuelle correcte de l'idéal.

2. Sur le plan astral ou émotionnel, le désir pur, libéré de l'amour pour la forme.

3. Utilisation et développement corrects des cinq centres [206] situés le long de l'épine dorsale (base de l'épine dorsale, centre sacré, centre du plexus solaire, centre du cœur et de la gorge), chacun d'eux se trouvant dans le corps éthérique et étant associé à l'un ou l'autre des cinq sens.

4. Réaction consécutive correcte, de la part des organes sensoriels, aux exigences de l'homme réel spirituel.

Par rapport au corps astral, la purification a pour résultat un esprit paisible, ou "douce tranquillité" du véhicule, qui peut ainsi refléter comme il doit l'être le principe christique, ou la nature bouddhique. La relation entre le principe astral ou kamique (utilisant le véhicule médian de l'homme inférieur triple) et le principe bouddhique utilisant le véhicule médian de la triade spirituelle (atma – bouddhi – manas), devrait être soigneusement considérée. La purification des émotions et la maîtrise de la nature de désir précèdent toujours la réorientation de ce qui est inférieur. Avant que l'homme puisse orienter son désir vers les choses de l'esprit, il doit cesser de désirer les choses du monde et de la chair. Il en résulte, dans la vie du néophyte, une période intermédiaire très difficile ; ce processus est symbolisé pour nous dans l'emploi que les milieux orthodoxes chrétiens font du mot "conversion". Ce terme implique un "retournement", avec tous les remous momentanés qui s'ensuivent, mais aussi avec la tranquillité qui en est l'aboutissement.

Dans le corps mental, la purification a pour effet le développement de l'aptitude à se concentrer ou à fixer son attention sur un seul point. Le mental ne voltige plus de-ci de-là, mais se soumet, paisible et réceptif, aux impressions supérieures. [207] Cette question étant intégralement traitée dans le Livre trois, il n'est pas nécessaire de nous y étendre ici.

Lorsque ces trois résultats de la purification se font sentir dans la vie de l'aspirant, il approche d'un certain point culminant, qui n'est autre qu'une perception soudaine de la nature de l'âme. Il obtient une vision de la réalité qui est lui-même et découvre la vérité de la parole du Christ : "Celui qui a le cœur pur verra Dieu." Il contemple l'âme et son désir se tourne désormais et à jamais vers la réalité, loin de l'irréel et du monde de l'illusion.

42. Résultant du contentement, la béatitude est réalisée.

Il y a peu de choses à dire au sujet de ce sutra, sinon de souligner que toute douleur, tout mécontentement et toute affliction se basent sur la révolte, et que, du point de vue de l'occultiste, la révolte ne fait que fomenter de plus grands troubles ; la résistance ne sert qu'à alimenter le mal, quel qu'il puisse être. Quand l'homme apprend à accepter son lot, il ne perd pas de temps en vains regrets et son énergie peut être tout entière consacrée à l'accomplissement parfait de son dharma, ou travail obligatoire. Au lieu de se lamenter et de ternir le cours de la vie par le souci, le doute et le désespoir, il éclaire son sentier par une calme compréhension de la vie telle qu'elle est et l'appréciation formelle de ce qu'il peut en faire. Ni force, ni temps, ni occasion ne sont ainsi perdus et des progrès ininterrompus sont faits en direction du but. [208]

43. D'une aspiration ardente, et de la suppression de toute impureté, résulte le perfectionnement des sens et des pouvoirs corporels.

Bien que les deux causes du processus de perfectionnement soient l'aspiration et la purification, celles-ci ne sont cependant en réalité qu'une seule chose et constituent les deux aspects de la discipline du Sentier de Probation. L'ancien commentaire qui forme la base ésotérique de l'étude interne du Raja Yoga, contient quelques phrases donnant la conception correcte et dont on peut ici apprécier la valeur :

"Quand le souffle de feu afflue vers le haut à travers le système, quand l'élément igné fait sentir sa présence, tout obstacle disparaît à la vue, et ce qui fut obscur devient illuminé.

Le feu monte et les barrières sont consumées ; le souffle se dilate et les limitations disparaissent. Les sept, jusqu'alors assoupis, s'animent et prennent vie. Les dix portails, scellés, fermés ou entrebâillés, s'ouvrent tout grand.

Les cinq grands moyens de contact s'élancent à l'action. Les obstacles sont surmontés, les barrières disparaissent. Le Purifié devient le grand Pourvu et l'Unique est connu."

Dans ce texte, il est question de la purification par le feu et l'air ; c'est par cette purification que passe celui qui marche sur le sentier du yoga. Pendant les derniers stades de sa vie, l'homme hautement évolué a été soumis à la purification par l'eau, avant de fouler le Sentier de l'État de Disciple ; il y est fait allusion dans l'expression "eaux de l'affliction", si souvent employée. Maintenant, l'épreuve du feu a été subie ; la nature inférieure tout entière a passé par le feu. C'est la première signification, et celle qui se rapporte le plus directement [209] à l'aspirant. Elle est évoquée lorsqu'il peut lancer, de son cœur, l'appel au feu contenu dans ces mots :

"Je cherche la voie ; je languis dans le désir de savoir. Des visions s'offrent à ma vue, ainsi que des impressions profondes et fugitives. De l'autre côté, derrière le portail, se trouve ce que je nomme ma demeure car le cercle a été, peu s'en faut parcouru, et la fin se rapproche du commencement.

Je cherche la voie. Mes pieds ont foulé tous les chemins. La Voie du Feu me hèle en un appel ardent. Rien en moi ne cherche la voie de la paix ; rien en moi ne languit de désir pour la terre.

Que le feu fasse rage et que les flammes dévorent ; que toutes scories soient consumées ; que je passe cette Porte et foule la voie du Feu."

Le souffle de Dieu est aussi ressenti comme une brise purifiante, réponse de l'âme à l'aspiration du disciple. L'âme, alors, "inspire" l'homme inférieur.

De toute évidence, la seconde signification se rapporte directement à l'action de kundalini – ou le serpent de feu qui se trouve à la base de l'épine dorsale – lorsqu'il réagit à la vibration de l'âme (ressentie à l'intérieur de la tête, dans la région de la glande pinéale, et nommée "la lumière dans la tête"). Montant vers le haut, il consume tout ce qui obstrue le canal éthérique dorsal et vitalise, ou électrise, les cinq centres se trouvant le long de l'épine dorsale et les deux centres de la tête. Dans les ventricules de la tête, les airs vitaux entrent, eux aussi, en activité et y produisent un nettoyage, ou plutôt une élimination. L'étudiant n'a pas encore à s'en préoccuper, si ce n'est pour s'assurer, dans toute la mesure du possible, que l'aspiration de son cœur présente le caractère "igné" voulu et que la purification régulière de sa nature physique, émotive et mentale se poursuit dans le sens [210] désiré. Quand c'est le cas, la réponse de l'âme produira des effets, et les réactions consécutives à l'intérieur des centres éthériques auront lieu en toute sécurité, normalement et conformément à la loi.

Les trois stances citées ci-dessus traitent :

a. Des sept centres jusqu'alors engourdis.

b. Des dix portails fermés, qui sont les dix orifices du corps physique.

c. Des cinq sens, par lesquels s'établit un contact avec le plan physique. Ces mots englobent la totalité des activités qui, chez l'homme du plan physique, sont dirigées vers l'extérieur ou vers l'intérieur.

Lorsqu'elles ont toutes été soumises à la direction de l'âme ou souverain intérieur, l'unité avec l'âme est alors réalisée et il s'ensuit l'identification avec Celui en qui nous avons la vie, le mouvement et l'être.

44. De la lecture spirituelle résulte un contact avec l'âme (ou "un" divin).

Ceci pourrait peut-être se traduire plus littéralement par : "De la lecture des symboles résulte un contact avec l'âme." Un symbole est une forme d'un certain genre qui voile ou cache une pensée, une idée ou une vérité ; on peut poser en fait que c'est un axiome d'ordre général de dire de toute forme, de quelque genre qu'elle soit, qu'elle est un symbole, ou le voile objectif d'une pensée. Cette notion étant appliquée, on verra qu'elle peut se rapporter également à une forme humaine, dont le rôle consiste à être le symbole de Dieu (ou à être faite à Son image). Elle est une forme objective voilant une pensée, [211] une idée ou une vérité divines ; elle est la manifestation tangible d'un concept divin. Le but de l'évolution est d'amener cette forme symbolique objective jusqu'à la perfection. L'homme qui sait cela cesse de s'identifier au symbole qu'est sa nature inférieure. Il commence à fonctionner consciemment en tant que soi divin, intérieur et subjectif, utilisant l'homme inférieur pour voiler et cacher sa forme et, dans l'usage quotidien de cette forme, la modelant et la pétrissant jusqu'à en faire un instrument d'expression adéquat. Cette idée peut aussi s'appliquer, dans la vie quotidienne, à l'attitude de l'homme à l'égard de toute forme avec laquelle il établit un contact (dans les trois règnes de la nature). Il cherche à voir ce qu'il y a sous la surface et à saisir l'idée divine.

C'est là la quatrième des Règles et elle concerne l'attitude intérieure de l'homme à l'égard de l'univers objectif. On pourrait donc dire que les règles sont applicables à l'attitude de l'homme à l'égard de :

1. Sa propre nature inférieure

Purification interne et externe.

2. Son karma ou son lot dans la vie

Contentement.

3. Son âme ou égo

Aspiration ardente.

4. Son entourage et ses contacts sur le plan physique

Lecture spirituelle.

 

5. L'Existence unique, Dieu

La dévotion à Ishvara.

Ainsi, l' "attitude correcte" à l'égard de toutes choses résume cette série de règles.

45. Par la dévotion à Ishvara le but de la méditation (ou samadhi) est atteint.

Le but de la méditation est l'aptitude à établir un contact avec le soi intérieur divin et, par ce contact, arriver à prendre [212] conscience de l'unité entre ce soi, tous les "soi" et le Soi-de-Tout ; non théoriquement seulement, mais comme un fait de la nature. Cela se produit lorsque est atteint l'état nommé "samadhi", dans lequel la conscience du penseur est transférée, de la conscience du cerveau inférieur à celle de l'homme spirituel, ou âme sur son propre plan. Les stades de ce transfert pourraient se décrire comme suit :

1. Transfert dans la tête de la conscience du corps, la conscience instinctive, et tournée vers l'extérieur de l'homme physique. Cela exige un retrait délibéré de la conscience, jusqu'à un point situé à l'intérieur du cerveau, au voisinage de la glande pinéale ; point sur lequel elle est consciemment et exactement centrée.

2. Le transfert de la conscience, de la tête ou du cerveau, dans le mental ou corps mental. Au cours de ce transfert, le cerveau demeure vif et alerte, le retrait étant consciemment entrepris par la voie du corps éthérique, en employant le brahmarandra, ou ouverture du sommet de la tête. L'homme n'est à aucun moment en état de transe, d'inconscience ou de sommeil. Il entreprend et poursuit activement ce processus d'abstraction ou de retrait.

3. Le transfert de la conscience, du corps mental dans celui de l'égo, ou âme logée dans le corps causal ou lotus égoïque. Il s'ensuit alors une condition dans laquelle le cerveau, le corps mental et le corps égoïque forment une unité paisible et cohérente, vivace, alerte, positive et fermement établie.

4. Le yogi entre alors dans l'état de samadhi ou contemplation [213] spirituelle, où l'âme, regardant au dehors, voit son propre monde, a la vision des choses telles qu'elles sont, prend contact avec la réalité et "connaît Dieu".

Ensuite vient le stade dans lequel l'homme spirituel transmet au cerveau, par le truchement du mental, ce qui a fait l'objet de sa vision, de ce qu'il a vu, connu et du contact qu'il a établi ; de telle sorte que la connaissance en vient à faire partie du contenu du cerveau et devient disponible en vue de son utilisation sur le plan physique.

Tel est le but du processus de méditation. Les résultats qui s'ensuivent, dans leurs nombreuses différenciations, font l'objet du Livre III et sont produits conformément aux huit moyens de Yoga dont il est question dans le Livre II. Seule, la dévotion à Ishvara, ou le véritable amour pour Dieu, avec ses qualités inhérentes de service, d'amour pour l'homme et de patiente endurance dans la volonté de bien faire, conduira l'homme au long de ce sentier ardu de discipline, de purification et de dur labeur.

MOYEN III. POSTURE

46. La posture adoptée doit être stable et aisée.

Ce sutra a provoqué de grandes difficultés parmi nos étudiants occidentaux, car ils l'ont interprété dans un sens entièrement physique. Il a certes un sens physique, mais si on le considère du point de vue de la triple nature inférieure, on peut considérer qu'il a trait à une position stable et immobile du corps physique au cours de la méditation, à une condition ferme, fixe et sans vacillement du corps astral ou émotif dans son passage à travers l'existence terrestre, et à un mental [214] impassible et soumis à une maîtrise absolue. On peut dire que la posture physique est celle des trois qui a le moins d'importance, et que la meilleure position est celle dans laquelle l'aspirant peut le mieux oublier qu'il possède un corps physique. D'une manière générale, on peut poser en principe que la position droite sur un siège confortable – l'épine dorsale étant rigide, les pieds croisés naturellement, les mains jointes au creux des genoux, les yeux fermés et le menton légèrement tombant – constitue la meilleure posture pour l'aspirant occidental. En Orient, il existe une science des postures qui compte environ quatre-vingt-quatre positions différentes, dont quelques-unes sont très compliquées et pénibles. Cette science est une branche du hatha yoga et ne doit pas être suivie par la cinquième race-racine ; elle est un résidu du yoga qui fut nécessaire et suffisant pour l'homme de la race-racine lémurienne, laquelle devait apprendre la maîtrise physique. Le bhakti yoga, ou yoga du dévot, joint à un peu de hatha yoga, a été le yoga de l'Atlante, l'homme de la quatrième race-racine. En cette race-ci, la race aryenne ou cinquième race-racine, le hatha yoga devrait tomber en désuétude complète en ce qui concerne le disciple, car celui-ci devrait se livrer au Raja Yoga, joint au bhakti yoga ; il devrait être un dévot mental.

Le disciple lémurien apprenait à maîtriser le corps physique et à le vouer au service d'Ishvara au moyen du hatha yoga, l'aspiration étant dirigée vers la maîtrise émotive.

Le disciple atlantéen apprenait à dominer le corps émotif et à le vouer au service d'Ishvara au moyen du bhakti yoga, l'aspiration étant dirigée vers la maîtrise mentale. [215]

Le disciple aryen doit apprendre à dominer le corps mental et à le vouer au service d'Ishvara au moyen du Raja Yoga, l'aspiration étant dirigée vers la connaissance de l'habitant intérieur, qui est l'âme. Ainsi, en cette race-racine, l'homme inférieur tout entier – la personnalité – est subjugué, et c'est la "Transfiguration" de l'humanité qui intervient.

47. La stabilité et l'aisance de la posture se réalisent grâce à un effort léger et soutenu, et par la concentration du mental sur l'infini.

Ce sutra embrasse les deux aspects qui suscitent des difficultés au cours de la méditation : le confort du corps et la maîtrise du mental. Il convient de noter que l'effort pour atteindre à l'oubli du corps physique par une posture correcte résulte d'un entraînement soutenu, stable et doux, plutôt que d'une violente contrainte du corps en des postures et attitudes inaccoutumées et inconfortables. Quand cela peut être réalisé et quand le mental peut être assez absorbé par la considération des choses de l'âme, la stabilité et l'aisance deviennent alors une caractéristique de l'homme sur le plan physique. Il oublie le véhicule physique et peut désormais concentrer son mental ; cette concentration mentale est alors si uniquement dirigée sur un seul point que toute pensée se rapportant au corps en devient impossible.

48. Quand cela est atteint, les couples de contraires ne font plus obstruction.

Les couples de contraires concernent le corps de désir, et c'est un fait significatif qu'il ne soit question, dans le précédent [216] sutra, que du mental et du corps physique. Dans ce sutra-ci, la nature émotive, s'exprimant par le désir, ne subit plus l'influence de la sollicitation d'une force d'attraction, quelle qu'elle soit. Le corps astral s'apaise et ne s'affirme plus ; il reste insensible à tout leurre provenant du monde de l'illusion.

Il est un grand mystère se rapportant au corps astral de l'homme et à la lumière astrale, et la nature de ce mystère n'est encore connue que des initiés avancés. L'objectivité de la lumière astrale est provoquée par deux facteurs déterminants et le corps astral de l'homme réagit à deux types d'énergie. Ceux- ci semblent n'avoir eux-mêmes, en leur essence, aucun caractère de forme et ne dépendre, pour leur manifestation, que de "ce qui est en haut et ce qui est en bas". La nature de désir de l'homme, par exemple, semble réagir soit au leurre du grand monde de l'illusion, la maya des sens, soit à la voix de l'égo utilisant le corps mental. Des vibrations, en provenance du plan physique et du monde mental, atteignent le corps astral, et la réponse qui s'ensuivra à l'appel d'en haut ou d'en bas, sera conforme à la nature de l'homme et au point d'évolution qu'il aura atteint.

Le corps astral est, soit attentif à l'impression égoïque, soit ballotté par les millions de voix de la terre. Il n'a apparemment pas de voix propre, ni de caractère personnel. La Gita nous dépeint ce fait, en nous montrant Arjuna se tenant à mi-chemin entre les deux forces opposées du bien et du mal, et cherchant quelle est l'attitude juste à adopter à l'égard de l'une ou de l'autre. Le plan astral est le champ de bataille de l'âme, le lieu de la victoire ou le lieu de la défaite ; c'est le kurukshetra, [217] sur lequel se fait le grand choix.

Ces deux sutras concernant la posture contiennent à l'état latent la même idée. L'accent y est mis sur le plan physique et le plan mental ; il y est indiqué que, lorsque ces plans sont correctement ajustés, lorsque l'aplomb sur le plan physique et la concentration sur le plan mental sont réalisés, les couples de contraires ne constituent plus de limitation. Le point d'équilibre est atteint et l'homme est libéré. Les plateaux de la balance de la vie humaine sont parfaitement de niveau et l'homme se tient debout, libre.

MOYEN IV. PRANAYAMA

49. Quand la posture (asana) correcte a été réalisée, elle est suivie d'une maîtrise correcte du prana et d'un processus approprié d'inspiration et expiration du souffle.

Nous abordons ici un sutra qui a suscité bien des malentendus et causé bien du trouble. L'enseignement concernant la régulation du prana est très répandu ; il a provoqué la mise en jeu d'exercices dont le succès était subordonné à la suspension de la respiration. Il faut, pour une grande partie, en chercher la cause dans le fait que, pour l'esprit occidental, prana et souffle sont des termes synonymes, cela n'est nullement le cas. Dans ses commentaires sur les sutras, Vivekananda y insiste de la façon suivante :

"Lorsqu'on s'est assuré une posture stable, il faut dompter et maîtriser les mouvements du prana. Nous arrivons ainsi au pranayama, qui est la domination des forces vitales du [218] corps. Le prana n'est pas le souffle, bien que ce soit ainsi qu'on le traduise généralement. C'est l'ensemble de toute l'énergie cosmique. C'est l'énergie qui est dans chaque corps, et sa manifestation la plus apparente est le mouvement des poumons. Ce mouvement est causé par le prana, qui aspire l'air, et c'est lui que nous essayons de maîtriser par le pranayama. Nous commençons par maîtriser la respiration, parce que c'est le moyen le plus facile d'acquérir la maîtrise du prana."[1]

Le prana est la somme totale de l'énergie du corps (et cela s'applique également au corps planétaire et au corps solaire). Il concerne donc l'énergie affluant dans le corps éthérique et s'épanchant par le truchement du corps physique ; ce que nous voyons symbolisé, dans ce corps physique, par le jeu inévitable de l'aspiration et de l'expiration du souffle. Dans l'insistance apportée à l'acte physique de la respiration, le véritable sens de ce sutra a été perdu.

En étudiant le pranayama, on doit se rappeler certaines choses. Premièrement, que l'une des principales fonctions du corps éthérique est d'agir en tant que stimulant et élément énergétique du corps physique dense ; c'est un peu comme si ce corps physique dense n'avait pas d'existence indépendante, mais réagissait simplement sous l'influence déterminante du corps éthérique. Le corps éthérique est le corps dynamique ou vital, et il imprègne chaque partie du véhicule dense. Il est l'arrière-plan, la véritable substance du corps physique. Telles seront la nature de la force qui anime le corps éthérique, l'activité de cette force au sein du corps éthérique et la vitalité ou la torpeur des parties les plus importantes du corps éthérique (les centres qui se trouvent le long de l'épine dorsale), [219] telle sera aussi l'activité correspondante du corps physique. Similairement, et symboliquement, tels seront l'état de santé de l'appareil respiratoire et l'aptitude de cet appareil à oxygéner le sang et à le rendre pur, tels seront aussi l'état de santé ou de vigueur du corps physique dense.

Il faut également se souvenir que la clé de la réponse correcte donnée par ce qui est en bas à ce qui est en haut, se trouve dans le rythme et dans l'aptitude du corps physique à réagir ou vibrer rythmiquement à l'unisson du corps éthérique. Les étudiants ont découvert que ce fait est grandement facilité par une respiration égale et régulière ; la majorité des exercices respiratoires pratiqués avec excès et à l'exclusion des trois moyens de yoga préalables (les Commandements, les Règles et les Postures) ont un effet très net sur les centres éthériques et peuvent provoquer des résultats désastreux. Il est absolument nécessaire que les étudiants observent les moyens de yoga dans l'ordre donné par Patanjali et soient certains d'avoir en vue le processus purificateur, la discipline de la vie intérieure et extérieure et la concentration du mental, avant de tenter d'exercer par la respiration une action régulatrice sur le corps éthérique et d'éveiller les centres.

Le travail accompli au moyen du pranayama pourrait être brièvement décrit comme étant :

1. L'oxygénation du sang, et par là, le nettoyage du flux sanguin et la santé physique qui en résulte.

2. L'activité consistant à provoquer dans le corps physique une vibration synchronisée avec celle du corps éthérique. Il [220] en résulte un complet assujettissement du corps physique dense, ainsi que son alignement sur le corps éthérique. Les deux parties du véhicule physique forment une unité.

3. La transmission de l'énergie, par la voie du corps éthérique, à toutes les parties du corps physique dense. Cette énergie peut provenir de sources diverses :

a. De l'aura planétaire. Dans ce cas, il s'agit de prana planétaire, et cela s'applique donc principalement à la rate et à la santé du corps physique.

b. Du monde astral, par la voie du corps astral. Il s'agira alors d'une force purement kamique, ou de désir, qui affectera en premier lieu les centres situés au-dessous du diaphragme.

c. Du mental universel ou force manasique. Il s'agira en majeure partie d'une force de pensée qui sera dirigée sur le centre de la gorge.

d. De l'égo lui-même, stimulant principalement les centres de la tête et du cœur.

La plupart des gens ne reçoivent de la force que des plans physique et astral ; mais les disciples reçoivent de la force également des niveaux mental et égoïque.

50. La maîtrise correcte du prana (ou des courants vitaux) est externe, interne ou immobile ; elle est subordonnée au lieu, au temps et au nombre et elle est aussi prolongée.

Ce sutra est très difficile à comprendre et la signification en a été à dessein rendue obscure, en raison des dangers pouvant résulter de la maîtrise des forces corporelles. Les idées et le sens qu'il transmet se répartissent en deux rubriques :

I. Le contrôle externe, interne ou immobile des courants [221]

vitaux du corps (dense et éthérique). Cela concerne :

1. L'appareil respiratoire et l'utilisation du souffle.

2. Les airs vitaux et leur radiation.

3. Les centres et leur éveil.

4. Le feu de kundalini et sa progression correcte vers le haut de l'épine dorsale.

II. La signification astrologique et la relation entre l'homme et son groupe, planétaire ou autre. Cela se rapporte aux mots "lieu, temps et nombre".

III. Le processus de l'illumination et l'intervention, au sein de l'homme physique et par la voie du cerveau, d'une réaction aux impressions supérieures. Cette aptitude à répondre à la voix de l'égo et à devenir tranquille et réceptif, doit précéder les quatre derniers moyens de yoga, qui ne concernent pas aussi directement le plan physique dense ou les niveaux éthériques de la conscience.

Il est évident qu'une grande partie de l'enseignement contenu dans ce sutra ne peut être donnée en toute sécurité que directement du maître à l'élève, et après une étude adéquate des conditions corporelles de cet élève. Il n'est ni possible ni opportun d'exposer dans un livre destiné au grand public, les règles, pratiques et méthodes qui donnent au disciple entraîné la possibilité de mettre son véhicule physique dense en synchronisme instantané avec son corps éthérique ; de densifier et irradier son aura jusqu'à produire certains résultats magnétiques dans son entourage, et, en éveillant ses centres, de rendre manifestes certains pouvoirs psychiques. La méthode employée pour faire surgir le feu de kundalini et sa fusion avec la [222] force égoïque descendante, doit également être laissée à l'enseignement direct que donne à son élève un maître en cette science, tant que cet élève n'a pas atteint à un équilibre correct entre les couples de contraires. Il y a, dans l'éveil prématuré du feu, un extrême danger : la destruction consécutive, dans le corps éthérique, de certaines structures protectrices et la rupture des barrières qui séparent ce monde du monde astral. Le développement prématuré des pouvoirs psychiques inférieurs, avant l'éveil de la nature supérieure, contient une menace, et l'effet produit sur le cerveau peut se traduire par de la folie, douce ou furieuse. Quelques mots d'explication peuvent néanmoins être donnés, afin de permettre à l'authentique étudiant en occultisme d'obtenir une information qui, correctement appliquée, agit comme une clé permettant d'en obtenir davantage. C'est la méthode occulte constante. Nous allons donc traiter brièvement nos trois points :

I. La maîtrise externe du prana, ou courants vitaux, concerne les exercices respiratoires et les pratiques rythmiques qui mettent les organes physiques, joints aux centres éthériques, dans la condition voulue. Ces organes physiques ne sont jamais en eux-mêmes, l'objet d'une attention particulière de la part du magicien blanc ou de l'occultiste. Il en est question en magie noire et ils sont constitués par le cerveau, les poumons, le cœur, la rate et les organes génitaux.

Le magicien noir utilise sciemment ces parties physiques du corps pour engendrer un type de force qui constitue un mélange de force éthérique et d'énergie physique dense, dont [223] l'emploi lui permet de se livrer à certaines formes de travail magique et de produire également des effets sur les corps physiques des animaux et des hommes. C'est cette connaissance qui est à la base du vaudouisme et de toutes les pratiques dont résultent l'épuisement et la mort des hommes et des femmes qui barrent la route au magicien noir ou sont considérés comme ses ennemis ; toutes choses qui ne concernent en rien l'aspirant aux mystères de la Fraternité de la Grande Loge Blanche qui, lui, réalise la fusion des deux parties du physique dense et la synchronisation du rythme des deux corps, ainsi que l'unification consécutive de l'homme inférieur tout entier, grâce à l'attention apportée au souffle et au rythme éthériques. Ceci aboutit inévitablement à la "maîtrise externe des courants vitaux".

La maîtrise interne des courants vitaux se réalise de trois façons :

1. Par la compréhension intellectuelle de la nature du corps éthérique et des lois qui régissent sa vie.

2. Par la considération des types d'énergie et de leur dispositif, le système des centres, qu'on trouve dans le corps éthérique.

3. Par certaines clartés et connaissances qui viennent à l'aspirant lorsqu'il y est prêt (ayant pratiqué les précédents moyens de yoga) et lui confèrent une aptitude à capter certains types de forces et d'énergies, ou shaktis, en vue de produire, par leur utilisation correcte au moyen de ses propres centres, des effets qui peuvent être décrits par les termes : illuminants, purifiants, magnétiques, dynamiques, psychiques et magiques.

La maîtrise immobile des courants vitaux résulte du développement convenable des deux autres maîtrises, externe et [224] interne, et doit être effective pour que le cinquième moyen de yoga, le retrait ou abstraction, devienne possible. Elle démontre simplement qu'il existe un synchronisme parfaitement équilibré et une complète unification des deux parties du corps physique, de sorte qu'aucun obstacle ne s'oppose à la sortie ou à l'entrée des forces. Quand la maîtrise immobile est réalisée, le yogi peut, à son gré, se retirer de son corps physique, ou peut rentrer dans ce corps et user à volonté de l'une quelconque des sept grandes forces planétaires.

Il ne faut pas oublier qu'il est question ici d'un état idéal et qu'aucun aspirant ne peut réaliser ce moyen de yoga sans travailler simultanément d'après les autres moyens. L'étude du parallélisme dans la nature peut avoir ici sa valeur.

 II. Il est également fait allusion ici à la signification astrologique des trois termes "lieu, temps et nombre". Il faut reconnaître en ces mots les triplicités universelles, et voir, dans la maîtrise correcte des courants vitaux, un rapport avec le karma, les occasions favorables et la forme ; il est certains termes qui, bien compris, donnent la clé de tout l'occultisme pratique et font du yogi un maître de la vie. Ce sont les mots :

Son Nombre Couleur Forme. Mot Vie Lumière Corps.

Ils seront reconnus comme étant subordonnés à l'idée d'espace et à l'élément temps. À ce propos, il ne faut pas oublier que "l'espace est la première entité" (Doctrine Secrète, I. 583 éd. angl.) et que la manifestation cyclique est la loi de la vie. [225] Ce fait étant reconnu, l'entité, en s'exprimant de façon cyclique, fera sentir sa présence par la différenciation, par la couleur ou la qualité de la forme qui voile, et par la forme elle-même. L'ensemble de ces facteurs constitue, dans sa totalité absolue, la manifestation d'une entité qu'elle soit Dieu ou homme ; l'apparence de quelque homme que ce soit en une manifestation exotérique sur le plan physique dépend du rythme, ou énergie cyclique – entrante ou sortante – de la grande Vie en qui cet homme a la vie, le mouvement et l'être. C'est là la base de la science de l'astrologie, ou de la relation existant entre la planète, ou les planètes, et l'être humain, ainsi que leur relation avec les étoiles et les divers signes du zodiaque.

Une certaine connaissance de tout ceci est essentielle à la maîtrise correcte des courants vitaux, et permet au disciple de tirer profit des "saisons et des jours" en lesquels les progrès peuvent être accélérés.

III. Le processus d'illumination de l'homme inférieur est rendu possible par la maîtrise correcte des pranas et ce "processus illuminant" est une science exacte à laquelle ces quatre moyens de yoga ont ouvert la voie. Les feux du corps sont correctement distribués ; la condition d' "immobilité" peut, jusqu'à un certain point, être réalisée ; les airs vitaux dans la tête sont "en paix", et l'homme inférieur tout entier est en attente de l'un des deux processus suivants :

a. Le retrait de l'homme véritable ou spirituel, en vue d'une activité sur quelque plan supérieur,

b. ou la descente, dans la conscience inférieure du cerveau, de la lumière, de l'illumination et de la connaissance, provenant des plans de l'égo. [226]

51. Il y a un quatrième stade qui surpasse ceux dans lesquels il est question des phases interne et externe.

Nous avons vu comment la maîtrise des courants vitaux pouvait être extérieurement active, intérieurement active, ou équilibrée. Ce triple processus met l'homme inférieur tout entier dans une condition, premièrement de réaction rythmique à l'égard du facteur intérieur déterminant (dans ce cas l'égo ou homme spirituel sur son propre plan) ; puis en un état de complète quiétude, ou tranquillité. À ce dernier état d'attente réceptive – si l'on peut s'exprimer ainsi – en succède un autre, sous forme d'une activité supérieure. C'est littéralement une nouvelle fréquence de vibrations qui se superpose à la plus basse ; l'émission d'une note nouvelle, qui émane de l'homme spirituel intérieur et produit certains effets déterminés dans les trois enveloppes constituant le soi inférieur et voilant la divinité qui est l'homme. Il sera question de ces modifications dans les deux prochains sutras.

Le travail de l'aspirant moyen s'applique le plus souvent à la préparation des enveloppes, en vue de rendre possible ce quatrième stade. Son attention se concentre sur les réalisations suivantes :

1. La coordination consciente des trois corps ou enveloppes.

2. Leur alignement conforme.

3. La régulation du rythme des enveloppes, afin qu'elles soient synchronisées entre elles, ainsi qu'avec la cadence de l'empreinte égoïque. [227]

4. Leur unification en un tout cohérent, de sorte que l'homme est littéralement trois en un et un en trois.

5. La quiétude, ou l'attitude de réceptivité positive à l'inspiration supérieure, et à l'influx descendant de la vie égoïque et de l'énergie.

L'aspirant pourrait être aidé s'il se rendait compte que la maîtrise correcte du prana implique la reconnaissance de l'énergie en tant que somme de l'existence et de la manifestation, et que les trois corps inférieurs sont des corps d'énergie, constituant chacun un véhicule pour le type supérieur d'énergie et étant eux-mêmes des transmetteurs d'énergie.

Les énergies de l'homme inférieur sont des énergies du troisième aspect, l'aspect du Saint-Esprit ou Brahma. L'énergie de l'homme spirituel est celle du second aspect, la force christique ou bouddhi. Au sein de la famille humaine, l'objectif de l'évolution consiste à amener cette force christique, ce principe bouddhique, à sa pleine manifestation sur le plan physique, et cela par l'utilisation de la triple enveloppe inférieure. Cette enveloppe triple est le Saint-Graal, la coupe qui reçoit et contient la vie de Dieu. Quand l'observation des quatre moyens de yoga considérés plus haut a suscité chez l'homme inférieur une réaction correcte, deux résultats commencent à se manifester en lui et il est prêt à employer les quatre moyens suivants, qui le réorienteront et le mèneront finalement à la libération.

52. Grâce à cela, ce qui obscurcit la lumière disparaît graduellement.

Le premier résultat est l'effacement graduel, ou l'amenuisement, des formes matérielles qui cachent la réalité. Ce qui [228] ne signifie pas le dépérissement des formes, mais un affinement continu et une transmutation de la matière dont elles sont construites, de sorte qu'elles deviennent si épurées et si limpides que la "Lumière de Dieu", qu'elles avaient jusque là cachée, peut rayonner dans les trois mondes en toute sa beauté. Ceci peut être démontré comme littéralement vrai sur le plan physique, car, par le travail de purification et la maîtrise des courants vitaux, la lumière dans la tête devient si apparente qu'elle peut être vue, par ceux qui possèdent une vision supra-normale, sous forme de rayons irradiant tout autour de la tête, formant ainsi le halo bien connu que l'on voit dans les tableaux représentant des saints. Le halo est un fait de la nature et non un simple symbole. Il est le résultat du travail en Raja yoga et la démonstration physique de la vie et de la lumière de l'homme spirituel. Vivekananda dit, sous une forme technique (il est bon que l'Occidental qui étudie l'occultisme se rende maître de la technique et de la terminologie de cette science de l'âme, dont l'Orient a été depuis si longtemps le dépositaire) :

"De par sa propre nature, la chitta possède toute connaissance. Elle est faite de parcelles de sattva, que viennent recouvrir des particules de rajas et de tamas. Par le pranayama, on fait disparaître ce revêtement."

53. Et le mental est préparé à la méditation concentrée.

L'édition de Johnston donne une magnifique interprétation de ce sutra, par ces mots : "De là provient le pouvoir qu'a le mental à se tenir dans la lumière" ; l'idée étant que, l'état [229] de quiétude une fois atteint et le quatrième stade de l'empreinte supra-normale rendu possible, les moyens suivants de yoga : le transfert, l'attention, la méditation et la contemplation, peuvent être entrepris comme il se doit. Le mental peut être appréhendé et utilisé et le processus de transmission au cerveau, par la voie du mental, de la connaissance, de la lumière et de la sagesse venant de l'égo ou âme, peut être entrepris en toute sécurité.

MOYEN V. LE TRANSFERT

54. Le transfert (ou pratyahara) est l'asservissement des sens par le principe pensant et leur retrait hors de ce qui fut jusqu'ici leur objet.

Ce sutra résume pour nous le travail accompli pour atteindre à la maîtrise de la nature psychique ; il nous donne le résultat obtenu par le penseur lorsque, par l'intermédiaire du mental, le principe pensant domine assez les sens pour qu'ils n'aient plus, de leur propre chef, d'expression indépendante.

Avant que l'attention, la méditation et la contemplation (les trois derniers moyens de yoga) puissent être entrepris de façon satisfaisante, il faut non seulement que la conduite extérieure soit amendée et la pureté intérieure réalisée ; il faut non seulement que l'attitude juste à l'égard de toutes choses ait été cultivée et les courants vitaux ordonnés en conséquence ; mais encore que l'aptitude à subjuguer les tendances qu'ont les cinq sens à se diriger vers l'extérieur, fasse l'objet d'un travail.

Ainsi, le retrait correct, ou transfert, de la conscience qui [230] se porte à l'extérieur vers le monde phénoménal, est enseigné à l'aspirant ; il doit apprendre à centrer sa conscience sur la grande station centrale située dans la tête, d'où l'énergie peut être consciemment distribuée tandis qu'il participe au grand œuvre, d'où il peut établir un contact avec le domaine de l'âme, et dans laquelle il peut recevoir les messages et les impressions qui émanent de ce domaine. Ceci constitue un stade déterminé de réalisation ; ce n'est pas simplement une façon symbolique de désigner un intérêt fixé sur un seul point.

Les diverses voies de la perception sensorielle sont amenées à une condition de quiétude. La conscience de l'homme réel ne reflue plus vers l'extérieur le long de ses cinq voies de contact.

Les cinq sens sont dominés par le sixième sens, le mental ; la conscience et la faculté perceptive de l'aspirant est tout entière synthétisée dans la tête, se tournant vers l'intérieur et vers le haut. La nature psychique est par là subjuguée et le plan mental devient le champ d'activité de l'homme. Ce processus de retrait ou de transfert se déroule en plusieurs stades :

1. Le retrait de la conscience physique, ou perception par l'intermédiaire de l'ouïe, du toucher, de la vue, du goût et de l'odorat. Ces modes de perception s'assoupissent temporairement ; la perception de l'homme devient purement mentale et la conscience cérébrale est seule active sur le plan physique.

2. Le retrait de la conscience dans la région de la glande pinéale, de sorte que le point où se produit la prise de conscience de l'homme est centralisé dans la région qui se trouve entre le milieu du front et la glande pinéale.

3. Le stade suivant est celui qui consiste à transférer la [231] conscience dans le centre (chakra, N.d.l.t.) de la tête – le lotus aux mille pétales ou sahasara – en attirant sciemment la conscience de la tête sur ce point. Ceci peut être fait en pleine conscience de veille lorsque certaines règles ont été apprises et un certain travail accompli. Ceux-ci ne peuvent évidemment être indiqués dans un ouvrage tel que celui-ci. La majorité des gens doivent d'abord acquérir la maîtrise sur les deux premiers stades et apprendre à régir les voies de perception, les cinq sens.

4. Le transfert de la conscience dans le corps astral, le libérant ainsi du plan physique.

5. Encore un retrait de plus, dans le corps mental ou dans le mental lui- même, afin que ni le physique ni l'astral ne limitent ni n'enferment plus l'homme.

Quand cela peut être fait, la méditation et la contemplation véritables deviennent possibles.

Dvidedi, dans son commentaire de ce sutra, dit ceci :

"Le transfert consiste à assimiler entièrement les sens au mental et à les placer sous sa complète domination. Ils doivent être détournés de leurs objectifs, fixés sur le mental, et assimilés à lui ; de sorte que, la transformation du principe pensant étant supprimée, les sens s'y conformeront aussi et seront immédiatement maîtrisés. De plus, ils seront toujours prêts à apporter collectivement leur contribution à toute absorbante méditation sur quoi que ce soit, et à n'importe quel moment."

En conséquence, le résultat du transfert ou retrait correct, est en bref :

1. La synthèse des sens grâce au sixième sens : le mental. [232]

2. L'alignement de l'homme inférieur triple, afin que les trois corps fonctionnent comme une unité coordonnée.

3. L'affranchissement de l'homme à l'égard des limitations des corps.

4. L'aptitude consécutive de l'âme ou égo à mettre son empreinte sur le cerveau, et à obtenir l'illumination par le truchement du mental.

55. Comme résultat de ces moyens, il s'ensuit la complète soumission des organes sensoriels.

Dans le Livre I, il est donné une indication générale au sujet de l'objectif du Raja Yoga et des obstacles mis à sa pratique, en même temps qu'une indication sur les bénéfices en résultant. Dans le Livre II, que nous venons de terminer, il est spécifiquement question des obstacles ; la méthode à suivre pour les supprimer est indiquée, puis les moyens de yoga sont exposés, cinq d'entre eux sur huit étant considérés et expliqués. Ces cinq moyens, s'ils sont dûment observés, amèneront l'homme à un point où sa nature psychique inférieure est domptée, où les sens sont maîtrisés, et où il peut commencer à entreprendre de subjuguer le sixième sens, le mental.

Les méthodes par lesquelles, le mental étant maîtrisé, l'aspirant se rend complètement maître de l'homme inférieur tout entier, sont exposées dans le livre suivant. Les trois moyens de yoga qui restent sont expliqués et les résultats du yoga sont alors donnés en détail. Les étudiants pourront trouver utile de noter la méthode graduée et sûre esquissée dans ce merveilleux traité. Il est bon de noter à la fois sa brièveté et [233] son caractère concis et complet. C'est le manuel d'une science exacte ; dans le peu de pages qu'il contient, sont rassemblées toutes les règles dont la race-racine aryenne a besoin pour atteindre la complète maîtrise du mental ; ce qui devrait être la contribution apportée par cette race au processus évolutif.

[236]

 

[1] Le texte français de cette citation est extrait du livre Les Yogas pratiques (Albin Michel), avec l'aimable autorisation de M. Jean Herbert. (N.d.l.t.)