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INTRODUCTION

Les problèmes dont l'humanité doit s'occuper pourraient être rapidement énumérés comme suit :

1. LE PROBLEME DE LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE

La destruction infligée a dépassé de beaucoup les anticipations les plus pessimistes, sans avoir été plus considérable que [13] ne s'y attendaient les hommes clairvoyants et que n'avaient annoncé les prophéties au cours des âges. Peu des cités importantes de l'Europe sont demeurées intactes et beaucoup d'entre elles étaient en ruines. Une bonne partie des peuples européens se trouvait sans abri. Toute vie privée avait disparu ; les gens se massaient comme du bétail dans les villes et les villages encore debout.

2. LE PROBLEME DE LA REHABILITATION PSYCHOLOGIQUE DES NATIONS

En Europe, y compris la Grande-Bretagne, en Asie et dans le Pacifique, des millions de gens ont souffert presque au-delà des limites de l'endurance et le triomphe de l'esprit est une des plus grandes victoires de cette guerre. Pareilles nécessités d'endurance doivent prendre fin et un terme doit être apporté aux souffrances de l'humanité. La Paix et la Sécurité comptent parmi les droits fondamentaux de l'homme et ce sont elles que doivent organiser les Nations Unies. Le problème se partage en quatre catégories principales :

a. Le problème concernant les nations ravagées, occupées par l'Allemagne ou envahies par le Japon, victimes de la guerre et de la destruction par les armées alliées, allemandes ou japonaises, les nations enfin qui ont agonisé sous les méthodes barbares des Forces du Mal, déchaînées dans les peuples allemand et japonais.

b. Le problème qui se pose aux Nations Unies, demeurées fortes et dont les territoires n'ont pas été violés, ou seulement en partie. Je me réfère ici aux États-Unis d'Amérique, au Commonwealth britannique et à l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques. La Grande-Bretagne a cruellement souffert, mais ses alliés, les Dominions, n'ont guère été touchés. La Russie a aussi terriblement souffert dans ses provinces occidentales, mais la majeure partie de son territoire est demeurée indemne. Les États-Unis ont le moins souffert, sauf dans certains postes avancés du Pacifique et le besoin d'une réhabilitation au sens où elle est nécessaire ailleurs, s'y fait peu sentir. Le problème de ces peuples riches et puissants est d'agir avec sagesse et intelligence, avec une perception [14] compréhensive, appliquées sans égoïsme à œuvrer pour le bien de tous les peuples de la terre entière.

c. Le problème qui se pose aux nations demeurées neutres, en particulier aux pays neutres d’Europe. À l'exception de la Suisse, ces pays ont fait, et continueront à faire, l'objet de vives critiques à cause de leur neutralité et de leur attitude soigneusement affichée de spectatrices devant la détresse de l'humanité. Pour se faire pardonner, elles devront pleinement coopérer au sauvetage. Leur sécurité future et leur chance ont été assurées par les sacrifices sanglants d'autres nations, sans leur propre participation. Elles restent débitrices envers les Forces de la Lumière et leur dette doit se régler en services rendus au reste du monde. La Suisse se trouve dans une autre catégorie et demeure à jamais le symbole du service, grâce à l'activité de sa Croix-Rouge, de la coopération, par ses populations italiennes, allemandes et françaises qui réussissent à vivre ensemble en paix, de la démocratie, par sa forme de gouvernement et de la synthèse spirituelle, par les relations entre catholiques et protestants au-dedans de ses frontières. Le problème des républiques sud-américaines est un peu différent. Leurs rapports avec la guerre des autres nations ont été d'une importance relativement faible, sauf pour le Brésil, intervenu activement dans la guerre, aux côtés des Forces de Lumière, et de l'Argentine, dont le gouvernement opta pour les Forces du Mal et leur a offert un lieu de retraite.

d. Le problème de l'Allemagne et du Japon présente des difficultés toutes spéciales. Du point de vue de la réadaptation psychologique, ces nations offrent une rare opportunité, voire un défi. Beaucoup de compréhension et de sagesse sont requises pour s'y attaquer, une grande liberté à l'égard des mirages – et les nations alliées s'illusionnent – une prompte réfutation des allégations spécieuses des conciliateurs et des pacifistes du monde et, dans bien des cas, l'application d'un traitement rigoureux, si la tranquillité et la sécurité du monde doivent être sauvegardées pour les générations futures. La forme-pensée de l'agression, la pitié pour soi et les doctrines nationales-socialistes sont ancrées si profondément dans la conscience allemande, qu'il faudra des dizaines d'années pour les en arracher.

Je ne cherche pas pour le moment à traiter de ces problèmes, mais seulement à indiquer ce que les nations, partout, doivent regarder en face.

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3. LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE

Comment rendre à ces jeunes êtres le sens de la sécurité, de la stabilité, la foi en un avenir rempli de possibilités et de bonheur ? Comment les éduquer en leur inculquant des idéaux et des objectifs élevés et différents de ceux qui conditionnèrent le passé ? Comment leur donner le sentiment de l'humanité une et indivisible et leur apprendre à coopérer, à manifester à tous de la bonté, d'un cœur plein de bonne volonté ? Comment leur implanter aussi le sentiment de l'intégrité et de l'importance de l'individu, du rôle qu'il peut volontairement jouer dans le groupe ou la vie nationale ? Comment effacer ce qu'ils ont vu et entendu au cours de leurs brèves existences, pour y substituer une vision neuve de la vie humaine ?

Telles sont certaines des possibilités à envisager et les difficultés qui paraissent si considérables, du fait de la guerre, des préjugés invétérés, des nationalismes étroits où ils ont vécu et de l'égoïsme inné de toutes les nations, sans exception, ne sont pas insurmontables. L'avenir dépend des éducateurs du monde ; à eux de prendre en mains la situation présente avec des vues larges et à longue portée, de la sagesse et un solide bon sens. Aux enfants de l'hémisphère occidental, épargnés de façon presque émouvante par la souffrance dont les autres enfants ont été submergés dans le reste du monde, peut-on apprendre à reconnaître qu'ils sont liés à la jeunesse entière, de partout, et qu'ils partagent avec les enfants des autres pays la responsabilité du monde futur ?

4. LE PROBLEME DU TRAVAIL, DU CAPITAL ET DE L'EMPLOI

Interdépendants, ces trois problèmes fort graves touchent de près à la vie économique de chaque nation, au niveau de vie de tout le monde, à l'avenir économique de chacun et aux relations mutuelles fondées sur la bonne volonté entre travail et capital. Les vieilles méthodes doivent être abandonnées ; finies l'exploitation et l'avidité, les immenses fortunes amassées par les chefs, ouvriers ou capitalistes. Ainsi s'établiront de justes relations humaines. Ce problème touche aussi à celui du chômage, jugé si critique et tant redouté, mais qui pourrait, vu l'étendue de la réhabilitation et de la reconstruction [16] à entreprendre, se régler avec un minimum de souffrance et de misère.

Toute la solution dépend de ceci : capitalistes et ouvriers de tous les pays se laisseront-ils convaincre de travailler au bien de l'humanité entière et non à l'avantage de leur parti, de leur groupe, de leur nation ou de leur cause particulière. Voilà la grande difficulté, due aux vieilles haines, à une abondante et mensongère propagande, aux différences nationalistes sincères et à l'avidité de certains groupes importants. Ceux-ci ont concentré entre leurs mains, malgré la guerre, de vastes pouvoirs et ne se laisseront pas persuader, sans lutte, d'y renoncer.

5. LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES

Je me réfère ici à deux des plus urgents et des plus menaçants problèmes : celui des Juifs et celui des Nègres. Faute d'une solution à ces deux problèmes raciaux, l'humanité risque la faillite. Ils doivent se résoudre par une collaboration active des minorités avec les majorités écrasantes.

Le problème juif est d'ordre planétaire et fort ancien. Le problème nègre se fait de plus en plus périlleux, car l'intelligence se développe chez les peuples de couleur. Le problème juif devra se régler grâce à une collaboration intelligente entre Juifs et Gentils, agissant de concert et avec bonne volonté. Le problème nègre exige surtout une juste attitude des races blanches, au sein desquelles se trouvent les Nègres. Les Blancs doivent prendre conscience qu'il n'existe qu'un Père, une famille et une humanité. Ce fait admis, il doit en résulter des changements pratiques dans les relations et un agencement correct de la solution. Un effort de coopération sera nécessaire de part et d'autre, mais dans le cas des Nègres, les Blancs surtout sont coupables, pour avoir refusé d'accorder aux Noirs des chances, une compréhension et une éducation égales.

6. LE PROBLEME DES EGLISES

Quelle solution apporter aux rapports compliqués et difficiles entre les  Églises dans le monde entier ? Une présentation nouvelle de la vérité, car Dieu n'est pas traditionaliste ; une voie nouvelle vers la Divinité, car Dieu demeure toujours accessible et n'exige plus aujourd'hui aucun intermédiaire [17] extérieur ; un mode nouveau d'interpréter les antiques enseignements spirituels, car l'homme a évolué et ce qui convenait à l'enfance de l'humanité ne lui convient plus actuellement, où elle est adulte. Ces changements s'imposent. Rien ne saurait empêcher la nouvelle religion mondiale de se manifester bientôt. Il en a toujours été ainsi à travers les âges et cela continuera toujours. Il n'existe point de finalité dans la présentation de la vérité ; elle se développe et s'amplifie, pour répondre à la croissante exigence de lumière des hommes. La nouvelle religion mondiale sera instaurée et développée par les personnes d'inclination spirituelle de toutes les  Églises, dont l'esprit est ouvert aux inspirations nouvelles de l'Amour et de la Pensée de Dieu, par les personnes d'esprit large et bienveillant, dont l'existence personnelle est pure et consacrée. La nouvelle religion rencontrera les obstacles dressés par les traditionalistes, les gens étroits, les théologiens, par tous ceux qui sont attachés aux anciennes méthodes et interprétations, aux vieilles doctrines, aux idées professées par les hommes, par ceux qui tiennent aux formes, aux rites, aux cérémonies, à la pompe, à l'autorité, aiment à édifier des temples en pierre, en face du désespoir extrême de l'homme d'aujourd'hui, devant sa faim et sa misère.

À l’Église catholique s'offre une chance immense et l'occasion aussi de sa plus grave crise. Le catholicisme, fondé sur l'antique tradition, affirme l'autorité ecclésiastique ; attachée aux formes extérieures, ritualiste, malgré sa vaste et bienfaisante philanthropie, elle se montre tout à fait incapable de laisser la liberté à ses ouailles. Si l’Église catholique peut modifier sa technique, relâcher son autorité sur les âmes humaines (qu'elle n'a jamais réellement possédée) pour suivre vraiment la voie du Sauveur, l'humble charpentier de Nazareth, elle rendra au monde un service signalé et donnera un exemple destiné à éclairer les spectateurs de toutes les croyances et de toutes les confessions chrétiennes. Le problème de la liberté de l'âme humaine et de sa relation individuelle avec Dieu immanent et transcendant est un problème spirituel, qui se pose maintenant à toutes les religions du monde. Les  Églises ne doivent plus interposer leur autorité et leurs interprétations entre Dieu et l'homme. Cette époque est passée. Ce problème a surgi lentement à travers les siècles, s'est développé avec la croissance de l'intellect et de l'auto-conscience de l'être humain, et il exige maintenant à grands cris sa solution. [18]

7. LE PROBLEME DE L'UNITE INTERNATIONALE

Le but à viser doit être le bien de tous, grands et petits, dans la justice et l'équité totales. Le fond du problème est économique et implique une juste distribution. Il faut libérer le monde de la misère et les produits de la planète doivent appartenir à tous, selon un sage système de participation générale. Il faut que tous les hommes mangent et vivent libres de l'angoisse et de la crainte. Il ne s'agit pas d'une utopie gratuite de visionnaire. Une sage administration dans le domaine économique et la distribution des denrées de première nécessité résoudraient le problème. Il exigera de tous les chefs une ferme attitude, afin que les possédants consentent à partager avec ceux qui n'ont rien et pour supprimer l'exploitation du surplus des produits de la terre au bénéfice financier de quelques-uns. Une distribution juste et correctement planifiée du blé, de l'huile, des minerais et des denrées alimentaires nécessaires doit être entreprise par toutes les nations, au profit de tous.

L'alternative est une autre guerre

Il existe forcément bien des problèmes de moindre importance. Mais ceux- ci sont les principaux qui se posent actuellement à l'humanité et auxquels une solution doit être apportée au cours des quinze années à venir. Si nul progrès n'était accompli, si une solution, au moins partielle, n'était pas trouvée, si, en outre, l'humanité retombait dans les conditions existantes avant le conflit, alors rien ne saurait arrêter la prochaine guerre. Si elle éclate, elle portera le coup fatal et définitif à la race humaine. L'humanité, comme nous la connaissons, ne pourrait survivre et il ne serait ni bon ni juste qu'elle survécût. La mort d'une race pourrait alors être décrétée et le long processus du développement d'une race d'hommes exprimant enfin la divinité devrait reprendre du commencement. Et ce ne sont pas là paroles vaines, mais l'expression d'une possibilité facile à se représenter, mais dont la matérialisation n'est pas inévitable, si l'humanité apprend la leçon enseignée par la dernière guerre, reconnaît ses erreurs et entreprend délibérément des démarches pour rendre impossible un événement semblable à la dernière guerre (1914-1945). Elle doit y parvenir par cette simple méthode (simple à décrire, mais [19] difficile à appliquer) : l'établissement de justes relations humaines entre individus et entre nations.

J'ai indiqué sept problèmes, dont l'homme doit s'occuper. Ils se rapportent aux domaines matériel et psychologique de l'activité humaine. Dans ces termes sont inclus les domaines éducatifs et ecclésiastiques. On me permettra d'indiquer encore la question spirituelle immédiate que nous devons tous envisager. Comment dissiper peu à peu la haine, tout en inaugurant la nouvelle technique de la bonne volonté exercée, imaginative, créatrice et pratique ?

La technique de la bonne volonté

La bonne volonté est la première tentative de l'homme pour exprimer l'amour divin. Ses résultats seront la paix sur la terre. D'un moyen si simple et si pratique, les hommes ne réussissent pas à mesurer le pouvoir, ni l'effet scientifique et dynamique. Dans une famille, une seule personne pratiquant la bonne volonté peut transformer complètement les attitudes. La bonne volonté, pratiquée véritablement dans les groupes, au sein de n'importe quelle nation, des partis politiques ou religieux dans n'importe quel pays et dans tout le monde, peut révolutionner la terre entière en quinze ans. Je réitère qu'il ne s'agit pas là d'une déclaration oiseuse, mais d'une technique, qui n'a jamais encore été appliquée sur une vaste échelle.

Réfléchissons à ces problèmes, pour arriver à formuler clairement nos propres idées sur ces questions. Ensuite, nous devrions avoir le courage d'en parler et de proposer leur solution dans notre propre milieu, sans fanatisme, mais avec sagesse et discrétion.

Dans un ouvrage précédent, au sujet de l'humanité, j'ai donné la clé du problème en ces termes :

"La clé des difficultés de l'humanité, convergeant dans les troubles économiques des deux cents dernières années et dans l'impasse théologique des églises orthodoxes, se trouve dans le fait qu'elle a pris sans donner, accepté sans partager, accaparé sans distribuer. Cela implique la transgression d'une loi et a placé l'humanité dans une situation de coupable reconnu. La guerre est l'effroyable châtiment encouru par l'humanité pour son grand péché de séparativité. Les impressions transmises par la Hiérarchie ont été défigurées, appliquées à rebours et mal interprétées ; aussi la tâche du Nouveau Groupe des Serviteurs du Monde est-elle de compenser ce mal." [20]

L'humanité n'a jamais conformé sa vie à l'enseignement reçu. L'inspiration spirituelle venue de Christ, de Krishna ou de Bouddha et répandue dans les masses par leurs disciples, n'a pas encore trouvé l'expression espérée. Les hommes ne vivent pas selon les principes qu'ils connaissent déjà, ils ne pratiquent point ce qu'ils savent, ils court-circuitent la lumière, ils ne se disciplinent point. La convoitise et l'ambition déréglées les gouvernent et non la connaissance supérieure. En termes scientifiques et ésotériques, l'impression spirituelle a été interrompue et une interférence s'est produite dans la circulation du courant divin. Le devoir des disciples en ce monde consiste à rétablir le courant et à faire cesser cette interférence. Tel est le principal problème à envisager en ce moment par ceux qui vivent sur le plan spirituel.

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LA RECONSTRUCTION MATERIELLE DU MONDE

Il est essentiel pour toute personne réfléchie de prendre le temps de méditer sur les sept problèmes mondiaux qui s'imposent à nous. Leur importance est urgente. Certains comportent une solution relativement rapide, à condition d'y mettre du bon sens et de comprendre au mieux son propre intérêt. D'autres exigent des plans à longue échéance et beaucoup de patience, pendant que les mesures nécessaires seront prises l'une après l'autre, pour amener le réajustement des valeurs humaines et l'inauguration de nouvelles attitudes mentales envers les justes relations humaines. D'autres encore s'achemineront pas à pas, très graduellement, vers leurs solutions, que peut seul apporter l'immuable processus de l'évolution. Ce processus a conduit l'humanité du stade de l'instinct primitif au point où le citoyen moyen peut discuter et examiner ces problèmes d'ordre planétaire. La constatation d'un pareil accroissement de la conscience humaine et la différence qui existe manifestement entre les primitifs et notre humanité moderne et intelligente constitue le fondement d'un optimisme inébranlable au sujet de la destinée humaine.

Les horreurs de la guerre, le mal à l'état pur commis par les forces mauvaises et l'écroulement complet d'une civilisation élaborée au cours de l'ère chrétienne et basée sur les époques préchrétiennes, suscitent naturellement de sombres doutes et souvent une profonde inquiétude concernant les bases du développement humain, accompagnés d'un extrême découragement. Cependant, ceci se produit seulement quand les événements immédiats font écran à la longue histoire du développement humain et oblitèrent le souvenir des changements qui, à travers de longues périodes, ont transformé la [22] conscience humaine. Ceux-ci conditionnent, au fond, les objectifs de l'homme, ses contacts et replacent dans leurs justes perspectives les réactions de la race humaine. Aujourd'hui, les hommes raisonnent à l'échelle planétaire ; la nécessité de chasser pour se procurer leur nourriture quotidienne ne les préoccupe plus, comme le sauvage dans ses forêts primitives. Ils apprennent les événements se déroulant dans les pays éloignés et ne connaissent pas uniquement les nouvelles de la grotte de la tribu. Ils ne sont plus à présent les esclaves d'un aveugle instinct, ni jetés dans l'action par des réactions physiques et momentanées, mais se montrent capables de prévoyance, de calculs précis et intelligents, d'une collaboration organisée et d'une pénétration psychologique indispensable à bien mener leurs plans et leurs projets. Tout cela implique des rapports étendus avec autrui, aussi bien dans le propre groupe social, économique ou commercial qu'avec les habitants des antipodes.

Aux déplacements lents et limités des races primitives de l'humanité ont succédé aujourd'hui la vitesse et les déplacements rapides, d'une rapidité presque incroyable, les facilités de transport qu'offre l'avion, volant à huit cents kilomètres à l'heure et davantage. Les sons grossiers et le vocabulaire restreint des races primitives se sont développés pour aboutir aux systèmes compliqués de langage des nations actuelles. Les divers moyens de communication primitifs, feu ou tamtam, ont cédé la place au télégraphe, au téléphone, à la radio ; le canot creusé dans un tronc d'arbre des insulaires sans culture s'est transformé peu à peu jusqu'au grand paquebot élancé, qui cingle d'un port à l'autre en quelques brèves journées. Les antiques modes de locomotion, à pied, à cheval ou en chariot ont disparu devant les trains, filant à travers les continents à plus de cent vingt kilomètres à l'heure. Aux anciennes et frustes civilisations ont succédé les civilisations compliquées, avec leurs organisations modernes sociales, économiques et politiques. La culture du passé, les arts, la littérature, la musique et la philosophie de tous les temps se trouvent aujourd'hui à la disposition du citoyen moyen. Il ne peut éviter d'en savoir quelque chose.

J'ai indiqué tous ces contrastes comme préliminaire à notre examen du problème humain le plus immédiat, afin de le situer en perspective et sur un fond qui inspirera espoir en l'avenir et confiance dans les fins dernières de l'homme. Il faut pénétrer dans le futur par la porte d'une solide foi en [23] l'intégrité et la vitalité de l'humanité et la certitude que l'homme avance vers la gloire et le service de la planète, vers un destin et un avenir auxquels l'a préparé son passé plein de difficultés et de souffrances. En vérité, ce passé ressemble plus au stade prénatal qu'au processus normal de l'existence. Introduction à une vie plus riche et plus éclairée, il ne représente peut-être que la période préliminaire d'une culture et d'une civilisation, qui contribueront à la gloire de Dieu, en constituant un témoignage vivant de la divinité de l'homme. Pareil tableau n'emprunte pas ses brillantes couleurs à un désir imaginaire, c'est une réalité en germe, dont les racines plongent dans le passé et qui s'épanouira dans l'avenir.

Il importe toutefois de se rappeler deux choses. Le processus de la naissance n'est jamais agréable. La naissance de l'ère nouvelle et d'une civilisation neuve et plus appropriée ne font point exception à cette règle. Un germe poussé à travers les âges va pointer dans la lumière. Des ténèbres du passé naîtra un monde nouveau et meilleur. Quand les misères et l'agonie de cet accouchement seront terminées, une humanité neuve exercera son activité sur la terre, une race humaine renouvelée par son orientation différente.

En second lieu, il a fallu détruire ce que l'homme avait édifié, dont il se contentait et se félicitait même, ne connaissant rien de mieux. Cela, il doit le détruire si totalement, que, lors de la recréation, les différences dans l'aspect physique seront vitales et significatives, tout en marquant une amélioration notoire. L'esprit vivant et éveillé de l'homme exige un monde extérieur nouveau. D'où la nécessité des destructions contemporaines, pour forcer sa main tout en répondant à ses besoins. Nous avons assisté à la destruction sans précédent de la majorité des formes anciennes, qui abritaient notre civilisation passée. Une triple reconstruction incombe à l'homme, sur le plan physique, sur le plan psychologique et sur le plan spirituel. Il faut se souvenir que les formes sont le signe extérieur et visible d'une réalité intérieure et spirituelle. On distingue aujourd'hui l'influence de deux grands mouvements, qui se font sentir chez les hommes ; l'un accuse le besoin d'une transformation physique et l'autre indique la réalité de l'éveil spirituel qui se manifeste partout à présent et va permettre un nouvel accès à la divinité.

Un des remarquables bienfaits de la dernière guerre (si l'on voit loin) et l'un de ses drames les plus torturants (en regardant de trop près) a été la destruction de tant de vieilles villes [24] et de centres où se massaient les habitations. Les parties de la planète d'un développement plus récent, telles l'Amérique du Nord, la Nouvelle-Zélande et l'Australie, ont échappé à la destruction de leurs grandes villes. Elles n'avaient, en effet, guère besoin d'être détruites, étant bâties selon les conceptions nouvelles, et ne se dressaient point sur les caves, les cryptes et les égouts du passé, comme les cités d'Europe et d'autres pays plus vieux encore. Elles sont bâties sur un sol pour ainsi dire vierge. Mais les principales villes d'Europe sont d'une extrême vétusté ; il était essentiel de les détruire et leur destruction sur une grande échelle, actuellement trop familière, sera considérée plus tard comme d'une importance primordiale, vitale et bienfaisante aussi.

Le monde futur sera très différent de celui du passé. Le culte de ce qui est ancien, le goût moderne pour les antiquités auront perdu leur séduction pour les générations à venir. C'est déjà évident. Désormais, hommes et femmes regarderont en avant et ne seront point réactionnaires. Créateurs dans un sens nouveau, ils produiront une beauté, une symétrie et une disposition harmonieuse, inimaginable de nos jours. Ils ne se soucieront de rien, sauf de préserver une beauté exceptionnelle, ou ce qui présente de l'importance au point de vue spirituel (je ne parle pas ici de religion). Les modes de vie si recherchés actuellement leur paraîtront étranges et surannés, aussi bizarres que nous sembleraient maintenant les demeures des anciens habitants de la Grande- Bretagne ou des premiers Romains.

Le feu du ciel a été déversé au plus profond des grandes villes d'Europe, déterrant des maux séculaires, amenant à la lumière le fondement des édifices, nécessitant des plans nouveaux, des constructions neuves et obligeant à rebâtir des villes entières, dans de nombreux pays. C'est excellent. Mais cette terrible destruction ne paraît pas si favorable aux hommes et aux femmes qui y assistaient et étaient accoutumés de vivre à l'ancienne mode.

Si considérables seront changements et différences – nécessaires – qui remplaceront le vieux, l'antique, le cher passé, qu'ils donneront aux villes ni détruites ni donc nettoyées par le feu purificateur, des raisons de regretter d'y avoir échappé. La sagesse leur conseillera de détruire les vieux quartiers sales et insalubres pour reconstruire en remplaçant les anciennes agglomérations d'habitations humaines par des bâtiments mieux accordés aux besoins d'existence de l'humanité. [25]

Tout cela est déjà arrivé auparavant, mais non à l'échelle planétaire. D'antiques métropoles aux immenses populations reposent aujourd'hui sous la surface de la terre, oubliées et inconnues jusqu'à ce jour. En leur temps, elles faisaient l'admiration du monde ; maintenant, disparues à nos yeux, elles apparaîtraient étrangement mal adaptées aux besoins de l'homme moderne, si elles resurgissaient. Un processus de destruction plus rapide s'est manifesté au cours des quarante dernières années. Un nouveau réseau planétaire de villes d'une conception moderne, débarrassées des anciennes souillures et des dispositions néfastes, va couvrir la terre durant les trois cents prochaines années. La Grande-Bretagne a eu moins de villes détruites à déplorer que l'Europe continentale. Certaines, telles Coventry, étaient en ruines et de vastes quartiers de Londres ont été dévastés, mais ce pays est relativement petit. Les reconstructions se conformeront plus tard aux idées nouvelles ; reléguant dans le passé leurs mœurs conservatrices et réactionnaires, les Britanniques construiront leurs cités selon les plans d'urbanisme qui émergent dans un monde nouveau. Ils pourraient montrer la voie au monde dans sa tâche de reconstruction.

Des cités comme Paris et Rome ont été épargnées ; peut-être Français et Italiens considéreront-ils cela plus tard comme un immense désastre. Caché dans les entrailles de ces villes, comme dans bien des vieilles cités de diverses parties du monde, se dissimule un domaine du mal, où se perpètrent d'antiques péchés. La purification y serait fort nécessaire. Le mal accumulé dans d'autres villes a été mis à jour et dissipé. L'Allemagne a vu ses plus grandes villes réduites à des décombres. La concentration du mal par la Loge Noire s'est poursuivie pendant longtemps en Allemagne, aussi cet infortuné pays a-t-il subi la plus complète dévastation. L'Allemagne peut et doit reconstruire. Il est intéressant de se souvenir qu'avant la guerre, l'Allemagne, d'instinct, quoique inconsciemment, pourvoyait à ses besoins futurs et menait le mouvement avancé de l'architecture moderne, où la lumière joue un rôle prépondérant, et dont le style est discret, simple, géométrique.

Les plans et les buts planétaires, du point de vue matériel, pénètrent maintenant dans la sphère de conscience du monde pensant. Ces plans et ces buts vont participer à la reconstruction des villes, contribuer à faire abattre et détruire ce qui ne s'harmonise pas avec les styles nouveaux et se manifester par [26] la création de nouveaux centres de population, où s'exprimeront l'art, le style, la culture et la tendance particuliers à chaque nation et à chaque peuple.

La note dominante de la nouvelle architecture sera une simplicité quasi géométrique. L'accent sera mis sur une abondante lumière, sur l'utilité pratique et à la compréhension raisonnée des besoins de l'homme se joindra l'intention de faciliter les loisirs culturels.

L'étude des problèmes de l'humanité ne m'oblige évidemment pas à traiter du mécanisme de la reconstruction des cités futures selon une structure moderne. Un procédé de nettoyage remarquable et efficace est promis à l'humanité. Les cités du passé sont réduites à des décombres, elles se sont écroulées en poussière sous le poids des bombes des Forces de Lumière et sous l'effet des explosifs lâchés non seulement par les avions, mais aussi par l'artillerie lointaine. L'occasion s'offre au monde, en les rebâtissant, d'adopter une note nouvelle et de donner corps à un thème neuf dans la vie quotidienne. C'est le moment d'apporter eau, lumière et hygiène dans les foyers où elles sont demeurées inconnues jusqu'ici. Les taudis, jamais aménagés avec le confort qui rendait la vie agréable pour les personnes occupant une situation sociale plus élevée, vont découvrir le tout, dont ils font partie, et qui va progressant. La maléfique aura qui flotte sur certains quartiers de toutes les vieilles cités se dissipera, les vieilles formes de pensées mauvaises seront chassées et délivreront ainsi le peuple d'impulsions criminelles, latentes dans l'atmosphère psychique. "Les hommes préfèrent les ténèbres à la lumière, parce que leurs actes sont mauvais", déclare la Bible et il faut s'en souvenir en bâtissant de nouvelles cités et des villes pleines de lumière, d'espace et d'air.

La tâche de la reconstruction fournira un travail abondant dans tous les pays intéressés pendant de nombreuses années. Cela signifie que les nouvelles villes seront fondées sur les tendances nouvelles. À tous s'offriront des chances égales et cela est chargé d'un sens symbolique défini.

Pierre par pierre, les cités se relèveront de la poussière. Bien des faits intéressants seront découverts au cours des travaux de déblaiement, là où rien n'avait été touché depuis des siècles ; bien des objets seront réunis pour les musées futurs ; la parole du Christ et Sa prophétie, qu'à la fin des temps (l'ère des Poissons), toutes choses secrètes seront révélées et les mystères éclaircis, s'accompliront. Jusque dans les entrailles de la terre [27] et les vieux coins sombres de nos villes, la lumière entrera à flots. Cette lumière apportera la révélation et la guérison. Certains dangers existeront, causés par la libération du mal, autre fois scellé, mais ils seront compensés par la présence de la lumière et de l'air, qui nettoieront et purifieront. Jusque dans les profondeurs, la lumière pénétrera.

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