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CHAPITRE II LE PROBLEME DES ENFANTS DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI - Partie 2

Enfin, l'éducation devrait certainement faire état de l'hypothèse de l'âme en l'homme, comme facteur intérieur produisant le bien, le vrai et le beau. L'expression créatrice et l'effort humanitaire recevront donc une base logique. Cela se fera non par un endoctrinement théologique, comme actuellement, mais sous l'aspect d'un problème digne d'étude, et d'un effort pour résoudre la question : Qu'est-ce que l'homme ? Quelle est sa raison d'être intrinsèque dans l'ordre des choses ? On étudiera cette influence vivante et le but exprimé par la constante apparition des chefs spirituels, des grandes figures dans le domaine de la culture et de l'art à travers les âges. Ces vies feront l'objet de recherches historiques et psychologiques. Cela ouvrira les yeux de la jeunesse à tout le problème de la direction et des mobiles d'action. L'éducation sera donc donnée sous forme d'intérêt humain, d'accomplissement humain et de possibilités humaines. Elle sera faite de manière non seulement à enrichir l'esprit de l'élève de faits historiques et littéraires, mais aussi en enflammant son imagination et en stimulant ses aspirations et son ambition dans de bonnes et de justes directions. Le monde de l'effort humain passé lui sera présenté dans une perspective plus juste et l'avenir lui sera ouvert aussi, en faisant appel à son effort individuel et à sa contribution personnelle.

Ceci n'implique nullement une condamnation des méthodes anciennes, sauf dans la mesure où le monde d'aujourd'hui les condamne. Cela ne constitue ni une vision irréalisable ni une espérance mystique, conçues en prenant ses vœux pour des réalités. Cela concerne une attitude devant la vie et l'avenir commune aujourd'hui à bien des gens, dont de nombreux éducateurs de tous pays. Les erreurs et les fautes des techniques passées sont évidentes, mais il est inutile de perdre son temps à les souligner, ni à en citer des exemples. Ce qu'il faut, c'est comprendre l'urgence des circonstances et le fait que la nécessité de déplacer les objectifs et de modifier les méthodes exigera bien du temps. Il faudra former les éducateurs autrement et perdre beaucoup de temps en tâtonnant à la recherche de méthodes nouvelles et meilleures, pour élaborer de nouveaux manuels et trouver les hommes et les femmes pénétrés de la vision nouvelle et qui travailleront à la civilisation nouvelle. [80]

J'ai simplement cherché ici à mettre l'accent sur les principes et je sais bien que nombre d'entre eux n'ont rien de neuf, mais qu'il faut les réitérer. La guerre a démontré les déficiences de notre enseignement. Un meilleur système d'éducation doit donc être élaboré, présentant toutes les possibilités pour amener les hommes à vivre de manière à renverser les barrières, à se débarrasser des préjugés. Il faut former l'enfant en voie de développement pour qu'à l'âge adulte, il vive dans l'harmonie et la bonne volonté à l'égard de son prochain. Cela peut se faire, si l'on développe la patience et la compréhension et si les éducateurs sont bien persuadés que "là où manque la vision, le peuple périt".

Un système d'éducation international, élaboré de concert par des membres du corps enseignant aux idées larges, de tous pays, constitue aujourd'hui une nécessité urgente et serait d'une utilité majeure pour préserver la paix mondiale. Des tentatives de ce genre sont en cours et des groupes d'éducateurs se réunissent pour discuter d'un système meilleur, garantissant aux enfants des diverses nations, à commencer par les millions de jeunes qu'il est nécessaire aujourd'hui d'instruire, qu'ils recevront un enseignement vrai, sans idées préconçues, ni préjugés. La démocratie mondiale naîtra lorsque les hommes de partout seront vraiment considérés comme égaux, lorsque garçons et filles apprendront, qu'un homme soit Asiatique, Américain, Européen, Britannique, Juif ou gentil, cela n'a point d'importance. Chacun a un passé historique qui lui permet de contribuer en quelque manière au bien général et la plus importante qualité est une attitude s'efforçant constamment, avec bonté de développer les justes relations humaines. L'Unité mondiale sera un fait quand les enfants auront appris que les différences religieuses ne sont guère qu'une question de naissance : si un homme est né en Italie, il sera probablement catholique romain, s'il est né Juif, il suivra la religion israélite, s'il est né en Asie, il peut être mahométan, bouddhiste ou appartenir à quelque secte hindoue. S'il est né ailleurs, peut-être sera-t-il protestant, etc. Ainsi l'enfant apprendra que les différences entre religions proviennent surtout de querelles d'origine humaine sur l'interprétation humaine de la vérité. Graduellement, nos différends et nos querelles s'apaiseront et l'idée de l'Humanité Une les remplacera.

On devra, dans l'avenir, apporter un soin bien plus grand au choix et à la formation des instituteurs et surtout de ceux qui, dans les pays sinistrés, tâcheront d'apporter au peuple la [81] possibilité de s'instruire. Leur niveau intellectuel et leurs connaissances dans leur branche particulière, seront importants, mais plus importante encore est leur absence de préjugés et le fait de considérer tous les hommes comme une seule famille. L'éducateur de l'avenir aura besoin d'être un psychologue mieux exercé que celui d’aujourd’hui. À part le savoir académique qu'il enseignera, il comprendra que sa tâche principale est de faire naître chez ses élèves le véritable sens des responsabilités. Quoi qu'il enseigne : histoire, géographie, mathématiques, langues, sciences ou philosophie, il établira le rapport entre son sujet et la Science des Justes Relations humaines et tâchera de placer l'Organisation sociale dans une perspective plus juste qu'auparavant.

Quand sous l'effet de l'application de ces principes, la jeunesse de l'avenir sera civilisée, cultivée et prête à se ranger parmi les citoyens du monde, le monde sera peuplé d'hommes éveillés, créateurs, doués d'un vrai sens des valeurs, d'un point de vue sain et constructif sur les affaires mondiales. Cela prendra du temps pour y arriver, mais ce n'est pas impossible, comme l'histoire même le prouve. Un jour, on analysera l'apport des trois grands continents, Europe, Asie, Amérique sur l'évolution générale de l'humanité. La révélation graduelle de la gloire de l'esprit humain attend encore son expression écrite, l'ensemble de sa gloire, et non pas ses seuls aspects nationaux. Elle consiste en ceci : chaque race et chaque nation a toujours produit des êtres manifestant le summum de ce qui était possible à leur génération et à leur époque. En ces hommes s'unissaient les trois éléments de base mentionnés auparavant : l'instinct, l'intellect et l'intuition. Ils ont été relativement peu nombreux au début du développement humain, mais aujourd'hui leur nombre s'accroît rapidement.

Le simple bon sens, toutefois, permet de comprendre que cette intégration n'est pas accessible à chacun des élèves qui passent entre les mains de nos instituteurs. Les élèves doivent être estimés d'après les trois points dont traite le fond de cet article :

1. Ceux qui sont capables de civilisation. Je me réfère à la masse des hommes.

2. Ceux qui sont capables de pénétrer le monde de la culture. Ils sont en grand nombre.

3. Ceux qui ajoutent aux valeurs de la civilisation et de la culture, la capacité de fonctionner en tant qu'âmes, non [82] seulement sur le plan de la vie instinctive et intellectuelle, mais aussi dans le monde des valeurs spirituelles et d'accomplir ainsi une triple intégration.

Quelles que soient leurs facultés innées, tous peuvent être initiés à la Science des Justes Relations humaines et tendre vers l'objectif principal des systèmes d'éducation futurs. Cela se voit partout, mais jusqu'à présent, on n'a pas veillé à la formation des instituteurs, ni à celle des parents. Certes, des groupes éclairés ont agi partout, en étudiant les exigences civiques, ou en se livrant à des recherches sur les relations sociales. Il en va de même pour les nombreuses organisations, qui essaient d'inculquer aux masses le sens de leurs responsabilités envers le bonheur et le bien-être de l'humanité. Pareil travail doit commencer dans la tendre enfance, afin que la conscience de l'enfant, si malléable, puisse adopter, dès l'abord, une attitude dépourvue d'égoïsme à l'égard de ses compagnons.

C'est un travail de liaison qui doit être accompli maintenant, liaison entre ce qui existe aujourd'hui et ce qui pourra venir. Si nous développons cette technique de liaison au cours des prochaines cent cinquante années, assurant la liaison entre éléments séparés dans la famille humaine, apaisant les haines raciales et les attitudes séparatives des nations et des individus, nous aurons réussi à mettre en chantier un monde d'où la guerre sera bannie. L'humanité se considérera comme une seule famille et non un agrégat de nations et de peuples luttant et rivalisant pour se tromper les uns les autres, en attisant haines et préjugés. Cela, nous l'avons vu, c'est de l'histoire ancienne. L'homme a dépassé l'animal isolé, guidé par son instinct de préservation, mangeant et se reproduisant. Il a passé par les stades de la famille, de la tribu, de la nation, jusqu'au point où, aujourd'hui, un idéal plus vaste lui devient accessible : l'unité internationale, où fonctionnera sans heurt l'Humanité Une. Cet idéalisme croissant tâche de gagner la première place dans la conscience humaine, malgré tous ses ennemis séparatistes. C'est en partie la cause du chaos actuel et aussi du groupement effectué par les Nations Unies. Cela a produit les idéologistes qui, entrés en conflit, cherchent à s'exprimer à l'échelle mondiale. Cela a produit l'apparition dramatique des soi-disant sauveurs nationaux, prophètes mondiaux, et de ceux qui travaillent pour le monde, idéalistes, opportunistes, dictateurs, chercheurs ou philanthropes. Le [83] heurt de ces idées est bon signe, que nous soyons ou non d'accord avec elles. Elles sont de nettes réactions, devant l'exigence humaine juste et pressante, de meilleures conditions, de plus de lumière, de compréhension, d'une collaboration accrue, de sécurité, de paix, d'abondance, au lieu de terreur, de crainte et de famine.

CONCLUSION

L'homme moderne trouve difficile à concevoir une époque où il n'existera dans la pensée humaine ni conscience raciale, ni conscience nationale, ni séparativité religieuse. Il était aussi difficile pour l'homme préhistorique de concevoir le temps de l'idée nationale. Il est bon de nous en souvenir. Le moment où l'humanité sera capable de raisonner en termes universels est encore loin, mais le fait que nous puissions en parler, le désirer et le préparer, constitue sans nul doute une garantie que sa venue n'est pas impossible. L'humanité est déjà bien plus éclairée ; elle a progressé de gloire en gloire. Nous nous dirigeons aujourd'hui vers une civilisation bien supérieure à tout ce que le monde a connu et vers les conditions qui assureront un plus grand bonheur à l'humanité. Elle marquera la fin des différends nationaux, des distinctions de classe (à base héréditaire ou financière) et offriront à chacun une vie plus remplie et plus riche.

De toute évidence, des dizaines d'années s'écouleront avant que pareilles circonstances se réalisent effectivement, mais il s'agit seulement de dizaines d'années et non de siècles, si l'humanité consent à tirer la leçon de la dernière guerre et si, dans chaque pays, les réactionnaires et les conservateurs sont empêchés de ramener la civilisation aux vieilles ornières. On peut commencer tout de suite. La simplicité doit être notre règle car c'est la simplicité qui fera disparaître notre ancien mode de vie matérialiste. La bonne volonté dans la collaboration, telle est certainement la première idée à présenter aux masses et à enseigner dans nos écoles, où elle garantira la nouvelle et meilleure civilisation. Une sympathie compréhensive, appliquée avec intelligence devrait être la caractéristique des groupes cultivés et avisés, qui devraient s'efforcer de mettre en relations le monde de la signification et celui des efforts pratiques, au bénéfice des masses. Un civisme mondial, exprimant à la fois la bonne volonté et la compréhension, devrait être le but des gens éclairés partout et le signe distinctif de l'homme [84] vivant selon la spiritualité. Ces trois conditions remplies, de justes relations s'établissent entre l'éducation, la religion et la politique.

La note dominante de l'éducation nouvelle est essentiellement une interprétation correcte de la vie, passée et présente, et de ses rapports avec l'avenir de l'humanité. La note dominante de la religion nouvelle doit être une voie d'approche juste vers Dieu, transcendant par Sa nature et immanent en l'homme. La note dominante enfin de la nouvelle science politique et gouvernementale sera les justes relations humaines. L'enfant doit être préparé à tout cela par l'éducation.

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