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LIVRE II LES DEGRES CONDUISANT A L’UNION - Partie 3

2. Le désir de liberté. Le résultat des expériences et investigations que l'âme continue à faire au cours de ses multiples cycles de vie, se manifeste par une ardente aspiration à une condition différente et un grand désir d'être libérée et affranchie de la roue des renaissances.

3. Le désir de bonheur. C'est là une caractéristique fondamentale de tous les êtres humains, bien qu'elle se manifeste sous de nombreux et différents aspects. Elle se base sur une faculté inhérente de discrimination et sur un penchant, profondément ancré, à opposer la "maison du Père" à la condition actuelle du Fils Prodigue. Cette aptitude innée à la "félicité" ou au bonheur est ce qui provoque l'inquiétude et le besoin impulsif de changement sous-jacent à l'impulsion évolutive elle-même. C'est ce qui cause l'activité et le progrès. Le fait d'être mécontent de la condition présente provient du vague souvenir d'un temps de satisfaction et de félicité ; celles-ci doivent être recouvrées avant qu'il soit possible de connaître la paix.

4. Le désir de faire son devoir. Les trois premières modifications du principe pensant amèneront finalement l'humanité [174] en voie d'évolution à un état où le motif déterminant de la vie sera simplement, pour chacun, l'accomplissement de son dharma. L'ardent désir de connaissance, de liberté et de bonheur a conduit l'homme à un état de mécontentement généralisé. Rien ne lui apporte plus de joie ou de paix véritables. Il s'est épuisé en une recherche de joie personnelle ; maintenant, il commence à élargir son horizon et à chercher (au sein du groupe et dans son entourage) où peut se trouver l'objet de sa quête. Il s'éveille au sens de sa responsabilité envers autrui et commence à chercher le bonheur dans l'accomplissement de ses obligations envers ceux qui dépendent de lui : sa famille, ses amis et tous ceux avec qui il entre en contact. Cette nouvelle tendance est le début d'une vie de service, qui l'amène en définitive à se rendre compte pleinement de ce que signifie la conscience de groupe. H.P.B. a dit que le sens de la responsabilité est la première indication de l'éveil de l'égo ou du principe christique.

5. Le chagrin. Plus le véhicule humain est affiné, plus vive est la réaction du système nerveux aux couples de contraires, la peine et le plaisir. Tandis que l'homme progresse et, qu'au sein de la famille humaine, il s'élève sur l'échelle de l'évolution, il devient évident que sa capacité à ressentir le chagrin ou la joie s'accroît très sensiblement. Ceci se révèle terriblement vrai dans le cas d'un aspirant ou d'un disciple. Le sens des valeurs devient chez lui si aigu et son véhicule physique si sensibilisé, qu'il souffre davantage que l'homme moyen, ce qui aide à stimuler son avancement et à poursuivre plus activement sa recherche. Sa réaction aux contacts extérieurs est de plus en plus rapide et son aptitude à la [175] souffrance physique ou émotive s'accroît dans une grande mesure. La cinquième race, et particulièrement la cinquième sous-race, démontrent ce fait par la fréquence croissante des suicides. La capacité de souffrir qui caractérise la race est due au développement et à l'affinement du véhicule physique et à l'évolution du corps de sensation, le corps astral.

6. La peur. Le corps mental se développant et les modifications du principe pensant devenant plus rapides, la peur, et ce qui en découle, commence à se manifester. Ce n'est plus la peur instinctive des animaux ou des races sauvages, basée sur la réaction du corps physique à certaines conditions du plan physique, mais les peurs affectant le mental et se fondant sur la mémoire, l'imagination, l'anticipation et la capacité de visualisation. Ces peurs sont difficiles à surmonter et ne peuvent être dominées que par l'égo ou l'âme elle- même.

7. Le doute. Il est, parmi les modifications, l'une des plus intéressantes, car il concerne les causes plus que les effets. Peut-être peut-on décrire l'homme qui doute comme doutant de lui-même en tant qu'arbitre de son sort, de ses semblables quant à leur nature et leurs réactions, de Dieu, ou cause première, en raison des témoignages apportés par les controverses qui s'édifient autour de la religion et de ses interprètes, de la nature elle-même, ce qui l'incite à une constante investigation scientifique et finalement, doutant du mental lui-même. Puis, lorsqu'il commence à mettre en question l'aptitude du mental à expliquer, interpréter et comprendre, il a pratiquement épuisé la totalité de ses ressources dans les trois mondes.

Ces sept états mentaux, produits par l'expérience de l'homme attaché à la Roue de la Vie, tendent à l'amener au point où [176] il sent que la vie sur le plan physique, la sensibilité et les processus mentaux, n'ont rien à lui offrir et ne peuvent en aucune façon le satisfaire. Il atteint le stade dont parle Paul lorsqu'il dit : "Je tiens toutes choses pour perdues, afin de gagner le Christ."

Les sept stades de l'illumination ont été décrits comme suit par un instructeur hindou :

1. Le stade où le chéla se rend compte qu'il a parcouru toute la gamme des expériences de la vie dans les trois mondes, et peut dire : "J'ai connu tout ce qu'il y avait à connaître. Il n'y a plus rien à connaître." Il a la révélation de l'échelon sur lequel il se trouve. Il sait ce qu'il doit faire. Ceci se rapporte à la première modification du principe pensant, le désir de connaissance.

2. Le stade où il se libère de toute limitation connue et peut dire : "Je me suis délivré de mes chaînes." Ce stade est long, mais il en résulte l'obtention de la liberté ; il se rapporte à la seconde des modifications dont il est question plus haut.

3. Le stade où la conscience s'évade complètement de la personnalité inférieure et devient la véritable conscience spirituelle, centrée sur l'homme réel, sur l'égo ou âme ; ce qui fait entrer en jeu la conscience de la nature du Christ, laquelle est amour, paix et vérité. Il peut dire alors : "J'ai atteint mon but. Rien, dans les trois mondes, ne m'attire plus." Son désir de bonheur est satisfait. La troisième modification est transcendée.

4. Le stade où il peut dire en toute vérité : "J'ai accompli mon dharma et rempli tout mon devoir." Il s'est acquitté de [177] son karma ; il a observé la loi ; il devient par là un Maître et un soutien de la loi. Ce stade se rapporte à la quatrième modification.

5. Le stade où, la maîtrise complète du mental étant accomplie, le voyant peut dire : "Mon mental est en repos." Alors, et alors seulement, le repos complet étant réalisé, le voyant peut connaître la véritable contemplation et le plus haut samadhi. La gloire de l'illumination obtenue dissipe le chagrin, qui est la cinquième modification. Les paires de contraires ne se combattent plus.

6. Le stade où le chéla se rend compte que la matière ou la forme n'ont plus aucun pouvoir sur lui. Il peut dire alors : "Les gunas, ou qualités de la matière dans les trois mondes, ne me séduisent plus ; elles ne provoquent de ma part aucune réaction." La peur est en conséquence éliminée, car il n'est rien, chez le disciple, qui puisse attirer sur lui le mal, la mort ou la douleur. La sixième modification est ainsi également surmontée ; il s'y substitue une prise de conscience de la véritable nature de la divinité et une félicité parfaite.

7. La pleine et entière conscience de soi constitue le stade suivant et dernier. Maintenant, l'initié peut dire en pleine connaissance consciente : "Je suis ce que Je suis." Il se connaît comme ne faisant qu'un avec le Soi du Tout. Le doute n'a plus de pouvoir. La pleine lumière du jour, l'illumination complète, intervient et inonde l'être entier du voyant.

Tels sont les sept stades du Sentier, les sept stations que les Chrétiens appellent le Chemin de la Croix et qui sont les sept grandes initiations, les sept voies menant à la béatitude. C'est alors que le "Sentier du juste brille de plus en plus, jusqu'au jour de la perfection". [178]

LES HUIT MOYENS

 28. Lorsque les moyens de yoga ont été pratiqués avec constance et que l'impureté a été surmontée, la clarté se fait, menant vers les hauteurs de l'illumination totale.

Nous arrivons maintenant à la partie pratique du livre, donnant des directives quant à la méthode à suivre par celui qui veut réaliser dans toute sa plénitude le yoga de l'union ou unification. Ce travail peut être dépeint comme ayant une double forme :

1. La pratique du moyen correct à employer pour réaliser l'union.

2. La discipline exercée sur l'homme inférieur triple, afin d'extirper l'impureté de l'un ou l'autre des trois corps.

À ce double travail, exercé avec persévérance, correspondent deux résultats, chacun subordonné à sa cause :

1. La discrimination devient possible. La pratique des moyens conduit l'aspirant à la compréhension scientifique de la différence existant entre le soi et le non-soi, entre l'esprit et la matière. Cette connaissance n'est plus théorique et ne fait plus l'objet de l'aspiration de l'homme ; elle est, pour le disciple, un fait d'expérience sur lequel il fonde toutes ses activités ultérieures.

2. Le discernement intervient. Tandis que se poursuit le processus de purification, les enveloppes ou corps qui voilent la réalité, s'amenuisent et ne constituent plus des voiles épais dissimulant l'âme et le monde où l'âme évolue normalement. [179] L'aspirant prend conscience d'une partie de lui-même, jusque-là cachée et inconnue. Il approche du cœur de son propre mystère et s'avance plus près de l' "Ange de la Présence", qui ne peut être réellement vu que lors de l'initiation. Il discerne un facteur nouveau, un monde neuf, et cherche à les faire siens par une expérience consciente sur le plan physique.

Il sied de noter ici que les deux causes de révélation, la pratique des huit moyens de yoga et la purification de la vie dans les trois mondes, concernent l'homme par rapport aux trois mondes et provoquent (dans le cerveau physique de l'homme) un pouvoir de discrimination entre le réel et l'irréel, et de discernement à l'égard des choses de l'esprit. Elles suscitent également certains changements de condition au-dedans de la tête, en réorganisant les airs vitaux et agissant directement sur la glande pinéale et le corps pituitaire.

Lorsque :

1. La pratique.

2. La purification.

3. La discrimination.

4. Le discernement.

font tous quatre partie de la vie de l'homme sur le plan physique, l'homme spirituel, l'égo ou penseur sur son propre plan, peut alors jouer son rôle dans le processus libérateur, et les deux stades finals sont mis en jeu, allant du haut vers le bas. Ce processus sextuple correspond, sur le Sentier du Disciple, au processus d'individualisation par lequel l'homme animal, le quaternaire inférieur (physique, éthérique, astral et mental inférieur) reçut la double expression de l'esprit atma-bouddhi, le vouloir spirituel et l'amour spirituel, qui le parachevèrent et firent de lui un homme véritable. Les deux [180] stades de développement auxquels l'aspirant purifié et sérieux est conduit par l'égo, sont :

1. La clarté. La lumière dans la tête n'est au début qu'une étincelle qui, attisée, devient une flamme illuminant toutes choses et constamment avivée par l'action d'en haut. Cette réalisation est progressive (voir le sutra précédent) et dépend de l'assiduité apportée à l'entraînement, à la méditation et au service sérieusement accompli.

2. L'illumination. Le flux croissant d'énergie ignée qui d'en haut se déverse, amplifie constamment la "lumière dans la tête", ou l'éclat rayonnant qui se trouve dans le cerveau non loin de la glande pinéale. C'est au système réduit de l'homme triple en manifestation, ce qu'est le soleil physique au système solaire. Cette lumière se développe enfin en un flamboiement de gloire et l'homme devient un "fils de lumière" ou un "soleil de justice". Tels furent le Bouddha, le Christ et tous les grands Êtres qui atteignirent la réalisation.

29. Les huit moyens de yoga sont : les commandements ou yama, les règles ou nijama, la posture ou asana, le contrôle correct de la force vitale ou pranayama, le transfert ou pratyahara, l'attention ou dharana, la méditation ou dhyana et la contemplation ou samadhi.

On notera que ces moyens ou pratiques sont simples en apparence ; mais il faut se garder d'oublier qu'ils n'ont trait à rien de ce qui s'accomplit sur un plan quelconque et en un corps particulier, mais se rapportent à l'activité simultanée des trois corps et à leur mise en pratique de ces méthodes par [181] les trois à la fois. De ce fait, l'homme inférieur triple tout entier met en pratique les moyens dans leur application aux véhicules physique, astral et mental. Cela, on l'oublie souvent ; c'est pourquoi nous devons, en étudiant ces divers moyens de yoga ou union, les considérer sous l'angle de leur application à l'homme physique, puis à l'homme émotif, et enfin à l'homme mental. Le yogi, par exemple, doit comprendre ce que signifie, pour l'homme inférieur triplement aligné et coordonné, la respiration profonde et la posture ; il ne doit pas oublier que l'égo ne peut éclairer et illuminer l'homme inférieur que lorsque celui-ci constitue un instrument cohérent et rythmique. La pratique d'exercices respiratoires, par exemple, a fréquemment amené l'aspirant à se concentrer sur l'appareil respiratoire physique, à l'exclusion de la pratique analogue, consistant à maîtriser le rythme de la vie émotive.

Il peut être utile ici, (avant de commencer à examiner un à un les moyens) de les énumérer avec soin, en donnant si possible leurs synonymes.

Moyen I

Les Commandements. Yama. Maîtrise de soi ou endurance. Circonspection. Abstention d'actes mauvais ; ces derniers sont au nombre de cinq et concernent les rapports du disciple (ou chéla) avec autrui et avec le monde extérieur.

Moyen II

Les règles. Nijama. Observances correctes. Celles-ci sont également au nombre de cinq et sont souvent appelées les [182] "observances religieuses", car elles se rapportent à la vie intérieure du disciple et au cordon – le sutratma ou chaîne – qui le rattache à Dieu, ou à son Père dans les Cieux. Ces deux moyens, les cinq Commandements et les cinq Règles, constituent l'équivalent hindou des dix Commandements de la Bible et se rapportent à la vie quotidienne de l'aspirant, pour autant qu'elle affecte son entourage et ses propres réactions intérieures.

Moyen III

Posture. Asana. Juste équilibre. Attitude correcte. Position. Ce troisième moyen concerne l'attitude physique du disciple en méditation, son attitude émotive envers son entourage ou son groupe, et son attitude mentale à l'égard des idées, des courants de pensée et des concepts abstraits. La pratique de ces moyens coordonne et perfectionne finalement l'homme inférieur triple, de telle sorte que les trois enveloppes peuvent offrir un parfait canal à l'expression ou manifestation de la vie de l'esprit.

Moyen IV

Le contrôle correct de la force vitale. Pranayama. Suppression du souffle. Régularisation du souffle. Cela s'applique à la maîtrise, à la régularisation et à la suppression des airs vitaux, souffle et forces ou shaktis du corps. En réalité, ce moyen conduit à l'organisation du corps vital ou corps éthérique ; de sorte que le courant vital – ou forces vitales – émanant de [183] l'égo, ou homme spirituel sur son propre plan, peut être correctement transmis à l'homme physique en manifestation objective.

Moyen V

Le transfert. Pratyahara. Juste retrait. Continence. Retrait hors des sens. Nous revenons maintenant, par delà les corps physique et éthérique, au corps émotif, siège du désir, de la perception sensorielle et du sentiment. On peut noter ici la bonne ordonnance de la méthode suivie dans la poursuite du yoga ou union. La vie interne et externe du plan physique est prise en considération ; l'attitude correcte à l'égard de la vie en sa triple manifestation est cultivée. Le corps éthérique est organisé et placé sous contrôle ; le corps astral est réorienté ; car, la nature de désir étant domptée, l'homme réel se retire graduellement à l'écart de tous les contacts sensoriels. Les deux moyens suivants se rapportent au corps mental et le dernier à l'homme réel, ou penseur.

Moyen VI

L'attention. Dharana. Concentration. Fixation du mental. Ici, l'instrument du Penseur, de l'Homme réel, est placé sous contrôle. Le sixième sens est coordonné, compris, concentré sur un point et utilisé.

Moyen VII

Méditation. Dhyana. Aptitude du penseur à utiliser le mental dans le sens voulu et à transmettre au cerveau des pensées plus élevées, des idées abstraites et des concepts idéalistes. Ce moyen concerne le mental supérieur et inférieur. [184]

Moyen VIII

Contemplation. Samadhi. Ceci se rapporte à l'égo ou homme réel et concerne le domaine de l'âme. L'homme spirituel contemple, étudie ou médite, en ayant pour objet le monde des causes, les "choses de Dieu", utilisant par là l'instrument dont il a la maîtrise, le mental (maîtrisé par la pratique de la concentration et de la méditation). Il transmet alors au cerveau physique – par la voie du sutratma ou fil qui, à travers les trois enveloppes, descend jusqu'au cerveau – ce que l'âme sait, voit et comprend. Il en résulte l'illumination complète.

MOYEN I. LES COMMANDEMENTS

30. L'innocuité, la vérité envers tous les êtres, l'abstention de vol, d'incontinence et d'avarice, constituent yama ou les cinq commandements.

Ces cinq commandements sont simples et clairs ; et pourtant, mis en pratique, ils rendraient l'homme parfait dans ses rapports avec les autres hommes, avec les super-hommes et les règnes sub-humains. Le tout premier commandement, enjoignant d'être inoffensif, forme en réalité un total avec les autres. Ces commandements sont singulièrement complets et s'appliquent à la nature triple ; en étudiant tous ces moyens, nous noterons leur relation avec l'un ou l'autre élément de la triple manifestation inférieure de l'égo.

I. La Nature physique

1. L'innocuité. Elle a trait aux actions physiques de l'homme, en corrélation avec toutes les formes de la manifestation [185] divine, et concerne spécialement l'aspect force de sa nature, ou l'énergie qui s'exprime à travers ses activités sur le plan physique. L'homme n'offense aucun être et ne nuit à personne.

2. La vérité. Ceci concerne tout l'usage que fait l'homme de la parole et des organes du son et se rapporte à "la vérité profondément intérieure", l'extériorisation de la vérité devenant de ce fait possible. C'est là un vaste sujet, qui a trait à l'énoncé, au moyen de la langue et de la voix, de ce qu'est la croyance d'un homme à l'égard de Dieu, des gens, des choses et des formes. Un aphorisme de "La Lumière sur le Sentier" le résume en ces termes : "Avant que la voix puisse parler en la présence du Maître, elle doit avoir perdu le pouvoir de blesser."

3. L'abstention de vol. Le disciple est exact et précis dans toutes ses activités et ne s'approprie rien qui ne soit légitimement sien. C'est là une conception très large, qui implique plus de choses que l'appropriation physique proprement dite du bien d'autrui.

II. La Nature astrale

4. L'abstention d'incontinence. Littéralement, c'est l'absence de désir ; elle régit les tendances à se porter à l'extérieur vers ce qui n'est pas le soi, ce dont les relations entre les sexes représentent la manifestation sur le plan physique. Il faut cependant se souvenir ici que cette expression est considérée par l'étudiant en occultisme comme n'étant qu'une forme prise par l'impulsion vers l'extérieur, forme qui apparente de très près l'homme au règne animal. Toute impulsion concernant [186] les formes et l'homme réel, et tendant à relier celui-ci à une forme et au plan physique, est considérée comme un aspect de l'incontinence. Il est une incontinence du plan physique que le disciple doit avoir laissée derrière lui depuis longtemps. Mais il existe aussi de nombreuses tendances à rechercher le plaisir et la satisfaction qui en résultent pour la nature du désir, ce qui, pour le véritable aspirant, est également considéré comme incontinence.

III. La Nature mentale

5. L'abstention d'avarice. Ceci se rapporte au péché de cupidité qui, sur le plan mental, est littéralement du vol. Le péché d'avarice est très puissant et peut conduire à un nombre indéterminé de péchés sur le plan physique. Il se rattache à la force mentale, et les mots péché d'avarice constituent une expression globale qui embrasse les puissants et ardents désirs dont le siège est non seulement dans le corps émotif ou kamique (du désir), mais aussi dans le corps mental. Saint Paul résume ce commandement enjoignant de s'abstenir d'avarice, lorsqu'il dit : "J'ai appris, en quelque état que je me trouve, à en être satisfait." Avant que cet état soit atteint, le mental ne peut être assez tranquillisé pour que les choses de l'âme y puissent pénétrer.

31. Yama (ou les cinq commandements) constitue le devoir universel, sans considération de race, lieu, temps ou circonstances.

Ce sutra donne une idée très claire de l'universalité de certaines exigences ; en étudiant ces cinq commandements qui représentent le fondement de ce que les bouddhistes appellent [187] "la conduite juste", on verra qu'ils forment la base de toute loi véritable et que leur violation équivaut à l'anarchie. Le mot traduit par devoir ou obligation pourrait avantageusement être remplacé par le terme plus large de dharma à l'égard d'autrui. Dharma signifie littéralement l'accomplissement convenable de nos obligations (ou karma), dans le lieu, l'entourage et le milieu où le sort nous a placés. Certains facteurs déterminants de la conduite doivent être observés et aucune latitude n'est laissée à cet égard, quels que soient la nationalité que l'on a, la localité où l'on se trouve, l'âge que l'on peut avoir, ou les circonstances qui peuvent survenir. Ce sont les cinq lois immuables qui régissent la conduite humaine ; quand elles sont observées par tous les fils des hommes, le sens du terme "paix à tous les êtres" sera pleinement compris.

MOYEN II. LES REGLES

32. La purification interne et externe, le contentement, l'ardente aspiration, la lecture spirituelle et la dévotion à Ishvara constituent nijama (ou les cinq règles).

Ainsi qu'il est dit plus haut, ces cinq règles régissent la vie du soi personnel inférieur et forment la base du caractère. Les pratiques de Yoga intéressent fort le penseur et l'aspirant occidental et le séduisent par l'aisance apparente de leur exécution et l'ampleur de leur rétribution (tel le développement psychique) ; mais elles ne sont pas autorisées par le véritable gourou [188] ou instructeur, avant que yama ou nijama aient été instaurés en tant que facteurs déterminants de la vie quotidienne du disciple. Les commandements et les règles doivent d'abord être observés par lui ; lorsque sa conduite extérieure à l'égard de ses semblables, et la discipline intérieure régissant sa vie, sont alignées sur ces exigences, il peut alors se tourner en toute sécurité vers les formes et rituels du Yoga pratique ; mais pas avant.

C'est la méconnaissance de ce fait qui provoque en Occident tant de trouble parmi les étudiants du yoga. Le travail de l'occultisme oriental n'a pas de base plus favorable que la stricte adhésion aux exigences formulées par le Maître de tous les Maîtres dans le Sermon sur la Montagne. Quant au chrétien qui a réalisé la discipline du soi et s'est consacré à la pureté de la vie et au service désintéressé, il peut s'adonner à la pratique du Yoga plus sûrement que son frère plus attaché aux choses du monde, et plus égoïste bien qu'intellectuel ; il ne courra pas les risques qu'assume ce frère non préparé.

Les mots "pureté interne et externe" se rapportent aux trois enveloppes qui voilent le soi ; ils doivent être interprétés en un double sens. Chaque enveloppe a sa forme plus dense et plus tangible, et celle-ci doit être tenue propre ; car, dans un certain sens, les corps astral et mental peuvent être nettoyés, afin d'éliminer les impuretés provenant de leur entourage, tout comme le corps physique doit l'être pour se débarrasser d'impuretés similaires. Les matériaux plus subtils de ces corps doivent être également purifiés et c'est là la base de l'étude concernant la pureté magnétique, dont découle en Orient l'observation de tant de traditions qui paraissent inexplicables [189] à l'Occidental.

L'ombre d'un étranger, projetée sur de la nourriture, produit des conditions d'impureté. Ceci se base sur la croyance que certains types d'émanations de force produisent des conditions impures ; et, bien que la méthode employée pour neutraliser ces conditions puisse avoir une saveur de ritualisme désuet, l'idée qui gît derrière cette tradition reste néanmoins toujours vraie. On connaît encore si peu de chose au sujet des émanations de force provenant de l'être humain ou agissant sur le mécanisme humain, que ce qu'on pourrait appeler la "purification scientifique" en est encore à son enfance.

Le contentement provoque des conditions dans lesquelles le mental est au repos ; il se base sur la récognition des lois qui régissent la vie et tout d'abord la loi du karma. Il produit un état d'esprit où toutes les conditions sont considérées comme correctes et justes et comme étant les meilleures dans lesquelles puisse se trouver l'aspirant pour résoudre ses problèmes et atteindre le but dans quelque vie que ce soit. Cela n'implique pas une immobilisation et une satisfaction productrice d'inertie ; il s'agit de reconnaître les avantages présents et de se prévaloir des occasions qui s'offrent, en les laissant offrir un arrière-plan et une base en vue de l'ensemble des progrès à venir. Ceci étant correctement accompli, les trois règles qui restent peuvent être observées plus aisément.

L'aspiration ardente sera plus amplement considérée dans le livre suivant ; mais il convient de souligner ici que cette qualité d' "aller au-devant" de l'idéal ou de s'efforcer d'atteindre l'objectif, doit être, chez l'aspirant au yoga, si profondément ancrée qu'aucune difficulté ne puisse l'en détourner. Ce n'est que lorsque cette qualité a été développée et démontrée, [190] et lorsqu'il s'avère qu'aucun problème, aucune trace d'obscurité et aucun élément temporel ne puisse y faire obstacle, que l'homme est autorisé à devenir le disciple de l'un ou l'autre des Maîtres. Un effort ardent, une aspiration persistante et fermement maintenue, ainsi qu'une fidélité sans défaillance à l'idéal contemplé, sont les conditions sine qua non de l'état de disciple. Ces caractéristiques doivent se rencontrer dans chacun des trois corps et conduire à l'exercice constant d'une discipline s'appliquant au véhicule physique, à l'orientation continuelle de la nature émotive, et à une attitude mentale rendant l'homme apte à "tenir toutes choses pour perdues", s'il peut seulement atteindre son but.

La lecture spirituelle. On verra qu'elle concerne le développement du sens des réalités subjectives. Elle est favorisée par l'étude, comprise en sa signification physique, et par l'effort pour saisir les pensées contenues dans les mots. Elle se développe au moyen d'un examen minutieux des causes qui résident derrière tous les désirs, aspirations et sentiments, et se relie par là au plan du désir, ou plan astral. Elle a affaire à la lecture des symboles ou formes géométriques enrobant l'âme d'une idée ou d'une pensée, ce qui concerne le plan mental. Il en sera question plus tard, dans le Livre III.

La dévotion à Ishvara peut être brièvement définie comme constituant l'attitude du soi inférieur triple au service de l'égo, le souverain intime, le Dieu ou Christ intérieur. La manifestation en sera triple et mènera le soi personnel inférieur à une vie d'obéissance au Maître qui siège dans le cœur ; ceci, en définitive, conduira l'aspirant dans le groupe de quelque adepte ou instructeur spirituel, et l'amènera également à se consacrer avec dévotion au service d'Ishvara, ou divin Soi, tel qu'Il se trouve dans le cœur de tous les hommes et derrière toutes les formes de la manifestation divine. [191]

33. Quand des pensées contraires au yoga sont présentes, il faudrait cultiver celles qui leur sont opposées.

La traduction de Johnston rend la même idée en termes très beaux et la méthode y est mise en évidence avec exactitude. Il dit :

"Quand des transgressions font obstacle, le poids de l'imagination devrait être rejeté sur le côté opposé."

Ces deux traductions contiennent la science tout entière de la mise en équilibre des couples de contraires, aucune d'elles n'étant absolument complète sans l'autre. Il est souvent difficile de traduire les anciens termes de sanscrit par un mot ou une phrase ; car, dans cette langue, un seul terme résume une idée complète, exigeant plusieurs phrases pour que le véritable sens en soit rendu dans les langues européennes plus limitées.

Certains concepts fondamentaux sont contenus dans ce sutra et peuvent être énumérés comme suit, en vue d'être éclaircis :

1. Ainsi qu'un homme pense, ainsi est-il. Ce qui se révèle en tant qu'objectivité physique est toujours une pensée ; et, telle sera la pensée ou l'idée, tels seront également la forme et le dessein de la vie.

2. Les pensées sont de deux espèces : celles qui tendent à la construction de formes, à la limitation, à l'expression sur le plan physique, et celles tendant à s'éloigner des trois plans inférieurs et, en conséquence, de l'aspect forme tel que nous le connaissons dans les trois mondes ; ces dernières conduisent à l'union (yoga ou unification) avec l'âme, l'aspect christique. [192]

3. Quand il s'avère que les pensées habituellement entretenues provoquent des réactions et des résultats astraux et physiques, il faut se rendre compte qu'elles sont incompatibles avec le yoga ; elles font obstacle au processus d'unification.

4. Il faut alors cultiver des pensées contraires aux précédentes ; elles peuvent être aisément décelées, car elles sont directement opposées aux pensées paralysantes.

5. Un triple processus préside à l'entretien de pensées de tendance yoguique conduisant l'homme à la connaissance de son soi réel et à l'union consécutive avec ce soi :

a. Une nouvelle conception, nettement formulée et estimée contraire à l'ancien courant de pensée, doit être entretenue et considérée.

b. Il doit s'ensuivre l'emploi de l'imagination, afin que la pensée soit amenée à se manifester. Le domaine du désir entre alors en jeu et le corps astral ou émotif en est, de ce fait, affecté.

c. Il y succède une nette visualisation de l'effet produit par ce qui a été pensé et imaginé, telle qu'en sera la manifestation dans la vie du plan physique.

On constatera que ce processus est générateur d'énergie, ce qui signifie que le corps éthérique devient vitalisé et dynamisé par le nouveau courant de pensée et que certaines transformations et réorganisations s'ensuivent, lesquelles provoquent finalement un changement complet dans les activités de l'homme sur le plan physique. L'exercice constant de ce processus effectue une transformation radicale de l'homme inférieur [193] triple, et enfin, rend intelligible le texte chrétien : "Le Christ seul est vu et entendu." Seul, l'homme réel ou spirituel peut être vu, s'exprimant par un truchement physique, comme le fit le Christ à travers son instrument et disciple Jésus.

34. Les pensées contraires au yoga sont le comportement nuisible, la fausseté, le vol, l'incontinence et l'avarice, commis tant personnellement qu'incités à être commis ou approuvés ; qu'ils surgissent à la suite de l'avarice, de la colère ou de l'erreur (ignorance) ; que la faute soit légère, moyenne ou grande. Il en résulte toujours une douleur et une ignorance extrêmes. Pour cette raison, les pensées contraires doivent être cultivées.

On notera que les cinq Commandements mettent spécifiquement en cause les "pensées contraires au yoga" ou union, et que l'observation des Commandements aura pour résultat :

a. L'innocuité au lieu de la nocivité. b. La vérité, au lieu de la fausseté.

c. L'abstention de vol au lieu du vol.

d. La maîtrise de soi au lieu de l'incontinence.

e. Le contentement au lieu de l'avarice ou de la convoitise.

Il ne reste à l'aspirant aucune excuse ; il s'éveille à la vérité que la transgression des Commandements est inéluctablement génératrice de résultats, que l'infraction soit insignifiante ou considérable. Une "pensée contraire" doit produire son effet et cet effet est double : douleur, et ignorance ou erreur. L'étudiant en occultisme associe toujours aux trois mondes les trois termes suivants : [194]

1. Maya ou illusion, se rapportant au monde des formes dans lequel le soi réel se trouve en état d'incarnation et avec lequel, dans son ignorance, il s'identifie au cours d'âges sans nombre.

2. L'erreur, processus de fausse identification, par lequel le soi se leurre et dit : "Je suis la forme."

3. L'ignorance ou avidya, qui est le résultat de cette identification erronée et en même temps sa cause.

Le soi est revêtu d'une forme ; il erre dans le monde de l'illusion. Cependant, chaque fois que des "pensées contraires au yoga" sont sciemment entretenues, le soi s'immerge encore plus dans le monde illusoire et rend plus épais le voile de l'ignorance. Chaque fois que le "poids de l'imagination" est rejeté sur la véritable nature du soi et détourné du monde du non-soi, l'illusion est amoindrie, l'erreur s'affaiblit et la connaissance se substitue graduellement à l'ignorance.

35. En présence de celui qui a perfectionné l'innocuité toute inimitié cesse.

Ce Sutra nous démontre le jeu d'une grande loi. Dans le Livre IV, Sutra 17, Patanjali nous dit que la perception d'une caractéristique, d'une qualité et d'une forme objective, est subordonnée au fait que des caractéristiques, qualités et aptitudes objectives similaires se trouvent chez celui qui perçoit. [195]

Il est fait allusion à cette même vérité dans la première Épître de saint Jean, où se trouvent ces mots : "Nous serons comme Lui, car nous Le verrons tel qu'Il est." Un contact ne peut être établi qu'avec ce qui est déjà présent, ou partiellement présent, dans la conscience de celui qui perçoit. En conséquence, si celui-ci perçoit de l'inimitié et de la haine, c'est parce que des semences d'inimitié et de haine sont présentes en lui. S'il en est exempt, seules existent l'unité et l'harmonie. C'est là le premier stade de l'amour universel, l'effort que l'aspirant fournit sur le plan pratique en vue d'être à l'unisson de tous les êtres. Il commence par lui-même et prend soin d'extirper de sa propre nature toutes semences nuisibles. Il s'attaque donc à la cause productrice d'inimitié à son propre égard et à celui d'autrui. Il s'ensuit tout naturellement qu'il est en paix avec lui-même et que les autres sont en paix avec lui. Les bêtes sauvages elles- mêmes deviennent impuissantes en sa présence, du fait de cet état d'esprit, qui est celui de l'aspirant, ou yogi.

36. Quand la vérité à l'égard de tous les êtres a atteint son point de perfection, l'efficacité de ses paroles et de ses actes devient manifeste.

Cette question concernant la vérité est l'un des plus grands problèmes qu'ait à résoudre l'aspirant, et celui qui tente de ne rien dire qui ne soit strictement exact se trouvera en face de difficultés nettement définies. Au cours de l'évolution, la vérité est entièrement relative et se manifeste progressivement ; elle peut se définir comme étant la démonstration, sur le plan physique, d'autant de réalité divine qu'en permettent le stade [196] évolutif atteint et le moyen mis en œuvre. La vérité implique en conséquence l'aptitude de celui qui perçoit, ou aspirant, à discerner correctement la mesure de divin que revêt une forme (tangible, objective ou verbale).

Elle comporte donc la capacité de pénétrer le sujet et d'établir un contact avec ce que voile toute forme. Elle implique également de la part de l'aspirant, l'aptitude à construire une forme (tangible, objective ou verbale) qui transmettra la vérité telle qu'elle est. En réalité, il s'agit là des deux stades de début du grand processus créateur :

1. La perception correcte,

2. La construction exacte,

lesquelles conduisent à l'accomplissement dont traite le sutra considéré ici : l'aptitude efficace, de tous les mots et de tous les actes, à communiquer la réalité ou la vérité telle qu'elle est. Ce sutra donne la clé du travail du magicien et constitue la base de la grande science des mantras ou mots de pouvoir, qui sont le bagage de tout adepte.

Par la compréhension :

a. De la loi de vibration,

b. De la science du son,

c. Du but de l'évolution,

d. Du stade cyclique actuel,

e. De la nature de la forme,

f. De la manipulation de la substance atomique, l'adepte non seulement voit la vérité en toutes choses, mais encore comprend comment rendre visible cette vérité, contribuant ainsi au processus évolutif et "projetant des images sur l'écran du temps". Cela, il l'accomplit grâce à certains mots et certains actes. Quant à l'aspirant, le développement [197] de cette aptitude lui vient par l'exercice d'un effort constant en vue de remplir les conditions suivantes :

1. Une stricte attention apportée à chaque parole qu'il formule.

2. Le sage emploi du silence, en tant qu'élément de service.

3. L'étude constante des causes sous-jacentes à chaque acte, en vue de comprendre la raison de l'efficacité ou de l'inefficacité de l'action.

4. Un effort continu pour voir, en toute forme, la réalité ; ce qui, au sens propre, implique l'étude de la loi de cause à effets, ou karma ; la loi karmique ayant pour objectif d'amener la matière, le pôle opposé à l'Esprit, à se conformer strictement aux exigences de l'esprit, afin que la matière et la forme puissent exprimer, dans toute sa perfection, la nature de l'esprit.

37. Quand l'abstention de vol atteint son point de perfection, le yogi peut obtenir tout ce qu'il désire.

On trouve ici l'indication de la grande loi de l'offre et de la demande. Quand l'aspirant a appris à "ne rien désirer pour le soi séparé", les richesses de l'univers peuvent lui être confiées ; quand il ne demande rien pour la nature inférieure et ne revendique rien pour l'homme physique triple, tout ce qu'il désire vient alors à lui sans qu'il l'ait ni demandé ni revendiqué. On trouve dans certaines traductions la phrase suivante : "Tous les joyaux sont siens."

Il faut veiller à ne pas oublier que le vol dont il est question ne se rapporte pas seulement à l'appropriation de choses tangibles et physiques, mais aussi à l'abstention de vol sur les plans émotif et mental. L'aspirant ne s'approprie rien ; il ne revendique aucuns privilèges émotifs, tels qu'amour ou faveurs [198], répulsion ou haine, et ne les endosse pas s'ils sont le fait d'autrui. Il écarte également tous bénéfices intellectuels, ne se prévaut pas d'une réputation injustifiée, n'assume pas le devoir d'autrui, ne revendique ni faveur ni popularité ; il s'en tient strictement à ce qui est sien. "Que chaque homme accomplisse son propre dharma" et joue son propre rôle ; c'est l'injonction de l'Orient. En disant : "Occupez-vous de vos propres affaires", l'Occident tente d'enjoindre à chacun de nous de ne pas dérober à autrui l'occasion d'agir droitement, de faire face à ses responsabilités et à accomplir son propre devoir ; elle l'amènera à s'abstenir de s'approprier quoi que ce soit appartenant à son frère dans les trois mondes de l'activité humaine.

38. Par l'abstention d'incontinence l'énergie est acquise.

L'incontinence est généralement considérée comme le gaspillage de la vitalité ou de la virilité de la nature animale. Le pouvoir de créer sur le plan physique et de perpétuer la race, est l'acte physique le plus élevé dont l'homme soit capable. La dissipation des pouvoirs vitaux, résultant du relâchement du mode de vie et de l'incontinence, constitue le péché majeur à l'égard du corps physique ; il s'accompagne d'une incapacité à reconnaître l'importance de l'acte de procréation, d'une inaptitude [199] à résister aux désirs et aux plaisirs inférieurs, et d'une perte de maîtrise de soi. Actuellement, les résultats de cette carence apparaissent dans toute la famille humaine sous forme d'une santé moyenne déficiente, d'hôpitaux complets et d'un nombre important d'hommes, de femmes et d'enfants affaiblis et anémiés qu'on trouve un peu partout. Il n'y a guère de réserves d'énergie, et les termes mêmes de "dissipation" et "dissipateur" contiennent une leçon.

Le disciple doit en tout premier lieu apprendre quelle est la vraie nature de la création et conserver son énergie. Le célibat n'est pas prescrit ; c'est la maîtrise de soi qui l'est. Toutefois, pendant le cycle relativement court des vies au cours desquelles l'aspirant se rend apte à fouler le sentier, il peut être appelé, pendant une vie ou peut-être plusieurs, à s'abstenir totalement de l'acte de procréation, afin d'acquérir la maîtrise complète et de démontrer le fait qu'il a complètement subjugué la nature sexuelle inférieure. L'usage correct du principe sexuel, joint à la stricte observation de la loi qui régit le pays, est une caractéristique de tout véritable aspirant.

Tout en considérant ce sujet sous l'angle de la conservation de l'énergie, l'aspirant aborde également ce problème sous un autre aspect, celui de la transmutation du principe vital (tel qu'il se manifeste à travers l'organisme physique) en une démonstration dynamique de ce principe, se manifestant au moyen de l'organe du son ; c'est la création par la parole, qui est le travail du véritable magicien. Tous les étudiants en occultisme savent qu'il y a une relation étroite entre [200] les organes de la génération et le troisième centre majeur, le centre de la gorge. Ce fait apparaît physiologiquement dans la mue de la voix qui se produit au cours de l'adolescence. Grâce à la conservation de l'énergie et l'abstention d'incontinence, le yogi devient un créateur sur le plan mental, par l'emploi de la parole et des sons ; l'énergie, qui peut être dissipée par l'activité du centre inférieur, est alors concentrée et convertie en un grand travail créateur, celui du magicien. Cela se réalise par la continence et la pureté de la vie comme de la pensée, et non par quelque travestissement de la vérité occulte, telles la magie sexuelle et les énormités que constituent les perversions sexuelles qui sont le fait de diverses écoles soi- disant occultes. Ces dernières sont sur le sentier noir et ne conduisent pas au portail de l'initiation.

39. Quand l'abstention d'avarice atteint son point de perfection il s'ensuit une compréhension de la loi de renaissance.

Ce sutra donne en termes non équivoques le grand enseignement suivant : c'est le désir pour une forme quelconque qui attire l'esprit vers l'incarnation. Quand il y a absence de désir, les trois mondes ne peuvent alors retenir le yogi. Nous forgeons nous-mêmes nos chaînes dans la fournaise du désir et des diverses ardeurs qui nous portent vers les choses, vers les expériences et vers la vie où règne la forme.

Quand le contentement est cultivé et réalisé, ces chaînes se dénouent graduellement et il ne s'en reforme plus. Au fur et à mesure que nous nous dégageons du monde de l'illusion, notre vision devient plus claire, les lois de l'être et du déroulement [201] de l'existence nous apparaissent et sont peu à peu comprises par nous. Le "comment et pourquoi" de la vie reçoit une réponse. La raison d'être de l'existence du plan physique et la méthode qui le régit ne sont plus des problèmes ; le yogi comprend ce que fut le passé et ses caractéristiques ; il peut, chaque jour, mettre en pratique la loi et sait fort bien ce qu'il a à faire pour l'avenir. Ainsi, il se libère, ne désire rien dans les trois mondes et se réadapte aux conditions qui régissent le monde de l'existence spirituelle.

Ces qualités nous indiquent la mise en pratique des cinq Commandements.

40. La purification interne et externe provoque l'aversion pour la forme ; pour la forme de soi-même comme pour toutes les formes.

En raison des malentendus résultant de l'emploi des mots, cette paraphrase du Sutra 40 n'est pas conforme à la traduction technique des mots sanscrits. La traduction littérale est la suivante : "La purification interne et externe provoque la haine pour notre propre corps et l'absence de rapports avec tous les corps." La tendance qu'ont les étudiants occidentaux à tout interpréter à la lettre rend nécessaire une traduction un peu plus libre. L'étudiant oriental, plus versé dans la présentation symbolique de la vérité, est, en l'occurrence, moins sujet aux méprises. En considérant ce sutra, il faut se souvenir que la pureté est une qualité de l'esprit. [202]

La purification a nécessairement divers aspects et se rapporte aux quatre véhicules (le corps physique, le corps éthérique, le corps émotif et le corps mental), à travers lesquels l'homme établit un contact avec les trois mondes où se déroulent ses activités. Nous pouvons, en conséquence, différencier ces aspects de la façon suivante :

a. La pureté externe le véhicule physique le corps dense.

b. La pureté magnétique le véhicule éthérique la pureté interne.

c. La pureté psychique le véhicule astral la pureté émotive.

d. La pureté mentale le véhicule mental la pureté du mental concret.

Il sied de garder soigneusement à l'esprit que cette pureté concerne la substance dont se composent chacun de ces véhicules. Elle s'obtient de trois façons :

1. Par l'élimination de la substance impure, ou des atomes et molécules qui limitent la libre expression de l'esprit et le confinent à la forme, de telle sorte qu'il ne peut avoir ni libre accès, ni libre issue.

2. Par l'assimilation des atomes et molécules qui tendront à constituer une forme à travers laquelle l'esprit puisse fonctionner de manière adéquate.

3. Par la protection de la forme purifiée contre la contamination et la détérioration.

Le processus éliminatoire débute sur le Sentier de la Purification ou de la Probation ; les règles du processus de construction et d'assimilation sont apprises sur le Sentier de l'État de disciple et, sur le Sentier de l'Initiation (après la seconde initiation), le travail de protection commence.

En Occident, les règles sanitaires et hygiéniques de la purification externe sont bien connues et largement mises en pratique. [203] En Orient, ce sont les règles de la purification magnétique qui sont le mieux connues ; lorsque les deux systèmes seront synthétisés et réciproquement reconnus, l'enveloppe physique, en sa double nature, sera finalement portée à un haut degré de raffinement.

Dans ce cycle cependant, l'intérêt de la Hiérarchie se concentre, dans une large mesure, sur la question de la pureté psychique, et c'est la raison de la tendance qui se dessine actuellement en direction de l'enseignement occulte. Celui-ci est loin de ce qu'on entend communément par le développement psychique ; il ne met aucun accent sur les pouvoirs psychiques inférieurs, mais cherche à donner à l'aspirant un entraînement se rapportant aux lois de la vie spirituelle. Il en résulte une prise de conscience de ce qu'est la nature de la psyché ou âme, et une maîtrise de la nature psychique inférieure. La grande impulsion de l'effort hiérarchique en ce siècle (1926-2026) se portera dans ce sens, en corrélation avec la propagation des lois de la pensée. D'où la nécessité de diffuser l'enseignement donné dans les Yoga Sutras. Ceux-ci donnent les règles s'appliquant à la maîtrise du mental, mais ils traitent aussi largement de la nature des pouvoirs psychiques et du développement de la conscience psychique.

Le troisième Livre en son entier traite de ces pouvoirs, et le thème des sutras dans leur ensemble pourrait se définir sommairement comme étant le développement de la maîtrise du mental en vue d'établir un contact avec l'âme, et la maîtrise consécutive des pouvoirs psychiques inférieurs, leur éclosion s'effectuant parallèlement à celle des pouvoirs supérieurs. Il faut insister sur ce fait. L'aversion pour la forme et l' "absence de désir" – terme définissant spécifiquement cet état du [204] mental – constituent la grande impulsion qui aboutit finalement à la complète libération hors de la forme.