Naviguer dans les chapitres de ce livre

CHAPITRE IV LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES - Partie 1

CHAPITRE V

LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES

Ce problème présente une très grande difficulté, surtout à présent et durant la période de reconstruction. Il est aussi extrêmement difficile de l'aborder de manière à ne susciter aucun antagonisme. Car rares sont ceux qui sont capables d'envisager le sujet sans préjugé, ou avec impartialité complète. De nos jours, on est violemment pour ou contre presque tout et, en particulier, s'il s'agit de problèmes concernant la nationalité ou la race. Je m'en rends compte et, quoi qu'on en dise, je sais que cela suscitera autant d'antagonisme que d'approbation. Je me propose donc, vu ces conséquences inévitables, d'exprimer ce que j'ai à dire dans les termes les plus simples et les plus francs, sans craindre les critiques, ni aspirer au succès. Il faut aujourd'hui dire la vérité, pour éclaircir les idées des gens.

Certains problèmes actuels ont besoin d'être reconsidérés et certaines choses doivent être dites, qu'on a peur de dire. Certaines circonstances doivent être exposées à l'opinion publique, de manière à mettre en pleine lumière la situation existante. Le problème racial est fort obscurci par sa perspective historique et la façon de le poser. Toutes deux sont malsaines et fausses. D'antiques haines, des jalousies nationales contribuent à l'embrouiller. Elles sont inhérentes à la nature humaine, mais sont nourries et entretenues par des politiciens partisans et par ceux qu'animent des intentions secrètes et égoïstes. Des ambitions nouvelles croissent rapidement et fomentent aussi la difficulté. Ambitions justes et saines, surtout dans le cas du Noir, qui fait partie des minorités que je compte examiner. Ces ambitions sont néanmoins exploitées et déformées par des intérêts politiques égoïstes et des fauteurs de troubles. [103] D'autres facteurs encore conditionnent le problème racial, comme la misère économique dont souffrent tant de gens, le contrôle impérialiste exercé par certaines nations, le manque d'instruction, ou une civilisation trop ancienne, qui manifeste des signes de dégénérescence. Ces facteurs et bien d'autres se retrouvent partout, et conditionnent la pensée humaine, leurrant les masses affectées par ce problème et gênant considérablement les efforts de ceux qui cherchent à agir correctement et à développer une attitude mieux équilibrée et plus constructive au sein des minorités. Celles-ci, comme le reste de l'humanité, sont soumises aux forces infaillibles de l'évolution et, consciemment ou non, luttent pour une existence plus élevée et meilleure, pour des conditions de vie plus saines, pour plus de liberté personnelle et raciale, enfin pour un niveau bien supérieur de justes relations humaines.

La sensibilité de ces minorités, le feu de leur ambition immédiate et exprimée, la violence et le parti-pris de ceux qui parlent et combattent en leur nom empêchent la majorité d'entre eux d'aborder leur problème avec le calme et la froide raison nécessaires pour juger des rapports de leur problème avec l'ensemble de l'humanité. L'étroitesse et le nationalisme stupide de la moyenne des citoyens parmi lesquels ces minorités sont forcées de vivre, la répugnance habituelle de la majorité à l'égard du changement, l'attachement aux coutumes établies de longue date et l'égoïsme, l'égocentrisme de la plupart des gens, rendent difficile d'accorder aux minorités, sans parler de la justice, le droit même de parler. Les défauts raciaux sont plus connus que les vertus. Les qualités raciales se trouvent en conflit avec des caractéristiques nationales ou des tendances mondiales et cela ajoute encore aux difficultés. Les efforts des citoyens bien intentionnés, qui sont nombreux, et les projets d'humanitaires convaincus, destinés à aider ces minorités ne reposent trop souvent que sur la bonté, des principes chrétiens et le sens de l'équité. Ces excellentes qualités, toutefois, s'accompagnent souvent, en pratique, d'une ignorance profonde des faits exacts, des valeurs historiques et des différentes relations impliquées. Souvent, en outre, elles s'inspirent d'un fanatisme combatif, touchent à la haine de la majorité qui, aux yeux de qui mène le combat, est responsable des cruelles injustices infligées aux minorités raciales. Il ne peut admettre que la minorité elle-même ne soit pas sans défaut et que, dans une certaine mesure, elle aussi est responsable de quelques difficultés. Ces défauts et ces difficultés [104] raciales sont en général franchement ignorés par la minorité même et par ses partisans. Elles peuvent être entièrement attribuables au degré d'évolution, au milieu défavorable et, comme dans le cas des Noirs des États- Unis, à un genre de tempérament, qui les rend fondamentalement irresponsables de ces difficultés. Par ailleurs, la responsabilité de la minorité en lutte peut être bien plus grande qu'elle ne veut l'admettre, comme pour la minorité juive du monde. Les Juifs sont un peuple d'une antique civilisation, dotés de leur propre culture et de caractéristiques inhérentes, qui expliquent peut-être beaucoup de leurs misères. La difficulté peut aussi être surtout d'ordre historique et basée sur certaines incompatibilités essentielles, comme il peut en exister entre peuples conquérants et conquis, entre un groupe militant et un groupe négatif et pacifique. Tel est le cas aujourd'hui entre Musulmans et Hindous en Inde. À tous ces facteurs contribuant au problème des minorités, il faut ajouter les tendances séparatistes que les différents systèmes religieux ont attisées et continuent aujourd'hui d'attiser délibérément. L'étroitesse des croyances religieuses est une cause qui contribue puissamment aux divergences.

Dès le début de notre discussion, il serait sage de se rappeler que tout le problème examiné remonte, à l'origine, à cette faiblesse humaine si marquée, ou dirons-nous cette faute, le grand péché ou l'hérésie de la séparativité. Sûrement, nul péché n'est pire, car il est responsable de toute la gamme des maux humains. Il excite un individu contre son frère, lui fait considérer son propre intérêt égoïste comme d'une importance suprême, l'amène inévitablement au crime et à la cruauté. La séparativité constitue le plus grand obstacle au bonheur du monde car il oppose l'homme à l'homme, le groupe au groupe, une classe à une autre, nation contre nation. Elle engendre un sentiment néfaste de supériorité et conduit à cette doctrine pernicieuse des nations et des races supérieures ou inférieures ; elle produit l'égoïsme économique et entraîne l'exploitation économique des êtres humains, les barrières douanières, la condition des riches et des déshérités, les ambitions territoriales, les extrêmes de la fortune ou de la misère. Elle met fortement l'accent sur l'avidité matérielle, sur les frontières et sur la dangereuse doctrine de la souveraineté nationale, avec ses diverses implications égoïstes. Elle entretient la méfiance entre les peuples et la haine dans le monde entier et, depuis toujours, à entraîné des guerres cruelles et fatales. Elle a conduit, aujourd'hui, la population de toute la planète à un si [105] terrible état que, partout, des hommes commencent à comprendre qu'à moins d'un changement fondamental, l'humanité est déjà presque condamnée. Mais qui organisera le changement nécessaire et où est l'autorité qui le réalisera ? L'humanité tout entière doit regarder en face cet état de choses, en reconnaissant qu'au fond, il exprime une faute universelle ; ainsi, l'humanité peut effectuer le changement requis et une nouvelle occasion d'agir correctement lui est offerte, menant à de justes relations humaines. Tous les péchés contre son semblable, tous les crimes et les méchancetés, individuels, nationaux et internationaux, doivent leur origine à cette même tendance fondamentale, le péché de séparativité. C'est là, certes, le péché contre le Saint-Esprit.

Au point de vue du problème des minorités qui nous occupe, ce sens de séparativité (avec ses lointaines conséquences) peut se diviser en deux catégories principales ; étroitement liées elles sont presque impossibles à traiter séparément.

D'abord, l'esprit nationaliste, avec son sentiment de souveraineté et ses désirs et ambitions égoïstes. Au pis, il jette une nation contre une autre, attise le sens de la supériorité nationale et conduit les citoyens d'une nation à se regarder, eux et leurs institutions, comme supérieurs aux autres nations. Il cultive l'orgueil de la race, la fierté de son histoire, de ses richesses, des progrès de sa culture et engendre l'arrogance, la vantardise et le mépris à l'égard d'autres civilisations ou cultures, ce qui est mal et dégradant. Cela engendre aussi la disposition à sacrifier les intérêts d'autrui aux siens propres et une impossibilité de principe à admettre que "Dieu a fait tous les hommes égaux". Ce genre de nationalisme est universel et se trouve partout : aucune nation n'en est exempte. Il indique un aveuglement, une cruauté et un manque de sens des proportions, dont l'humanité paie déjà le terrible prix et qui achèvera de la ruiner, si elle persiste.

Il y a, bien sûr, un nationalisme idéal, contraire à tout cela, mais il n'existe que dans l'esprit de quelques personnalités éclairées, dans tous les pays, sans présenter encore un aspect efficace et constructif dans n'importe quelle nation, où que ce soit. Il demeure un rêve, un espoir et, nous voulons le croire, une ferme intention. Ce genre de nationalisme encourage justement sa civilisation individuelle, mais comme un apport national au bien général de la communauté des nations, et non comme moyen de se glorifier soi-même. Il défend sa constitution, ses terres, son peuple par la rectitude et la beauté [106] de son mode de vie, et le désintéressement de son attitude. Il n'enfreint, sous aucun prétexte, les droits d'autres peuples ou nations. Il vise à améliorer et à perfectionner son propre mode de vie, pour en faire bénéficier toute la terre. C'est un organisme vivant, vital et spirituel, et non une organisation égoïste et matérielle.

En second lieu, vient le problème des minorités raciales. Elles offrent un problème, à cause de leurs relations avec les nations au sein desquelles elles se trouvent. C'est, en grande mesure, un rapport de plus faible à plus fort, entre peu et beaucoup d'hommes, entre individus développés et sous-développés, ou entre deux croyances religieuses, dont l'une, plus puissante, exerce le contrôle. Il est étroitement lié au problème du nationalisme, de la couleur, du processus historique, et des plans d'avenir. C'est actuellement un problème majeur et des plus critiques dans toutes les parties du monde.

En étudiant ce problème crucial (dont dépend pour beaucoup la future paix du monde), il faut nous efforcer de garder notre propre attitude mentale et nationale à l'arrière-plan et de regarder le problème qui émerge à la lumière de la déclaration faite dans la Bible : "Il n'y a qu'un seul Dieu, Père de tous, supérieur à tout, en tout et en chacun de nous." Considérons cette déclaration comme une explication scientifique et non comme un pieux espoir religieux. Dieu nous a tous faits d'un seul sang et ce Dieu, sous l'aspect transcendant, comme sous l'aspect immanent, qu'on le considère comme énergie ou comme intelligence, qu'on le nomme Dieu, Brahma, l'Abstrait ou l'Absolu, est universellement reconnu. De même, selon la grande Loi de l'Évolution et le processus de la création, les hommes sont sujets aux mêmes réactions que leur milieu, aux mêmes douleurs, aux mêmes joies, aux mêmes anxiétés, aux mêmes appétits et aux mêmes désirs d'une vie meilleure, aux mêmes aspirations mystiques, aux mêmes tendances à pécher et à convoiter, aux mêmes égoïsmes, et à la même étonnante aptitude à exprimer un divin héroïsme, au même amour et à la même beauté, au même orgueil inné, au même sens du divin et aux mêmes efforts fondamentaux. Sous l'effet du processus évolutif, les hommes et les races se distinguent par leur développement mental, leur résistance physique, leurs possibilités créatrices, leur intelligence, leur perception humaine et leur position sur l'échelle de la civilisation. C'est toutefois temporaire, car les mêmes potentialités existent chez tous, sans exception, et se manifesteront avec le temps. Ces distinctions, [107] qui, dans le passé, ont placé les hommes et les races à de telles distances les uns des autres, s'effacent rapidement, avec la propagation de l'instruction et les découvertes de la science, qui tellement nous unissent et nous rapprochent tous, enfin, avec la faculté de penser, de lire et de tirer des plans. Toute évolution est cyclique de nature. Nations et races traversent les mêmes cycles d'enfance, de croissance, de virilité, de maturité, de déclin et de disparition, comme un être humain. Mais derrière ces cycles, l'esprit humain, triomphant, s'élève de sommet en sommet, d'accomplissement en accomplissement, vers le but ultime que n'aperçoit encore aucun homme, mais qui se résume pour nous dans la possibilité d'être semblable à ce que le Christ fut dans le monde. Telle est l'espérance qui nous est donnée, dans le Nouveau Testament et par tous les Fils de Dieu à travers les âges, en tous pays et dans toutes les religions.

Pour étudier notre sujet, il nous faut maintenant faire deux choses, d'abord voir ce qui fait une minorité d'un peuple, d'une race ou d'une nation et, ensuite, considérer dans quelle direction peut se trouver la solution.

Le monde d'aujourd'hui est rempli de minorités, qui, à tort ou à raison, mais à grands cris, réclament l'attention de la majorité. Certaines de ces majorités sont sincèrement désireuses de faire justice aux minorités, qui luttent et se plaignent. D'autres les utilisent comme arguments à leurs propres fins et se font les champions des nations faibles ou petites, non pour des motifs humanitaires, mais par politique, pour augmenter leur puissance, tout comme la France défend aujourd'hui la cause des petites nations pour rehausser le prestige français et regagner sa position perdue.

LES MINORITES

Il existe des minorités nationales et internationales. Sur le plan international, de puissantes majorités constituent les Trois, les Quatre ou les Cinq Grands et de nombreuses nations plus petites, exigent des droits égaux, des votes égaux, une situation égale. Ces pays plus petits ont peur des plus grands et de leur pouvoir d'imposer leur volonté. Ils ont peur d'être exploités par une nation puissante ou une association de nations, se méfient des faveurs et de l'appui, à cause des dettes qui peuvent leur être réclamées plus tard et se sentent incapables d'imposer leur volonté ou d'exprimer leurs désirs, à cause de leur faiblesse militaire et de leur impuissance politique. [108] Nous avons donc aujourd'hui de grandes nations influentes, comme l'U.R.S.S., le Commonwealth britannique et les E.U.A. ; nous avons aussi des puissances, qui ont été grandes mais ont compromis tout droit à être reconnues, comme les pays de l'Axe[1], enfin, des nations comme la France et l'Espagne, dont l'influence est secondaire, mais qui s'en montrent fort vexées, puis un grand nombre de nations plus petites, chacune avec sa vie individuelle, sa civilisation et sa culture. Toutes, sans exceptions, caractérisent par leur esprit nationaliste, leur détermination de s'accrocher à ce qu'elles possèdent, ou ont possédé, à tout prix, et toutes dotées d'un passé historique et d'une tradition locale, qui conditionnent leurs idées. Toutes ont leur culture, développée ou en voie de développement, et toutes sont liées entre elles par ce que nous appelons la civilisation moderne. Celle-ci, fondée sur le matérialisme, a nettement failli à donner aux hommes le sens des valeurs réelles, qui seules peuvent rapprocher l'humanité et mettre fin à la grande hérésie de la séparativité.

Toutes ces nations, grandes ou petites, ont cruellement souffert durant la guerre (1914-1945). Certaines ont souffert plus que d'autres, l'occasion leur étant ainsi offerte de manifester la purification qui en résulte ; d'autres ont choisi la voie facile et, pendant la guerre, s'abstinrent de prendre parti, ce qui leur a fait perdre une chance spirituelle, partant du principe du partage. Il leur faudra apprendre la leçon de la souffrance d'autre manière et plus lentement. Les nations de l'hémisphère occidental n'ont pas souffert de façon aiguë, car leurs territoires ont été épargnés et leur population civile a vécu dans le confort et l'abondance. Là aussi, elles ont perdu quelque chose et devront apprendre autrement la grande leçon de l'humanité, l'identification et la non-séparativité.

Les grands et les petits se trouvent aujourd'hui devant un monde nouveau, ils ont perdu confiance dans les vieilles coutumes et rares sont, en réalité, ceux qui souhaitent la restauration des anciennes conditions de vie. Les nations, grandes et petites, luttent sur les plans politique, économique et diplomatique pour obtenir le maximum, chacune pour soi. La méfiance et l'esprit critique règnent ; personne ne se sent vraiment en sécurité, et surtout parmi les minorités. Quelques grandes nations, comprenant bien qu'il n'y a point de paix pour le monde, sans justice pour chacun, s'efforcent de créer [109] une organisation, où chacun aura sa place et sa chance, mais leurs efforts partent surtout d'un bon sens égoïste. Elles savent aussi que la sécurité matérielle et des biens en suffisance doivent se produire par un compromis entre le passé et la vision, encore impossible à réaliser, des idéalistes. Leurs objectifs, toutefois, restent matériels, physiques et tangibles et si elles les présentent sous un angle idéaliste, leurs motifs demeurent égoïstes. Cela constitue néanmoins un grand pas en avant. L'idéal est universellement reconnu, même s'il reste encore un rêve.

En considérant l'image du monde, il faut la voir sous son vrai jour, et admettre que, si les mesures les plus favorables, spirituellement et matériellement, étaient prises, à l'égard des minorités les plus petites et les moins importantes, cela créerait une situation qui, en renversant complètement la politique mondiale, inaugurerait une ère entièrement nouvelle, plus éclairée, plus cultivée et civilisée. Néanmoins, cela n'arrivera probablement pas, car les intérêts s'enchevêtrent et la pratique d'un système parfaitement juste et loyal, dans un seul cas, affecterait des intérêts matériels très importants, et porterait atteinte aux soi-disant droits des nations puissantes. Cela dépasserait les limites établies et indignerait des groupes puissants jusqu'aux extrémités de la terre.

Dans chaque pays, le grand péché de la séparativité relève sa tête repoussante ; les minorités abondent et sont bernées ; les clivages existent partout ; les partis réclament l'attention et les adhésions ; les groupes religieux répandent la dissension et cherchent à augmenter leurs fidèles aux dépens d'autres groupes ; les riches s'organisent pour regagner le contrôle des finances mondiales, les pauvres luttent pour obtenir leurs droits et de meilleures conditions de vie ; la tyrannie des politiques égoïstes domine à la fois capital et travail et la dictature de ces deux groupes empoisonne la vie quotidienne du peuple, dans tous les pays. Quoique la guerre, au sens strictement militaire, soit terminée, le combat se poursuit sur un autre théâtre et semble même avoir gagné en envergure. Les nations refusent de mettre de l'ordre chez elles, tout en s'efforçant frénétiquement d'enseigner à leurs voisins ce qu'elles considèrent comme la meilleure méthode. Les minorités de tout pays saisissent cette occasion pour récolter ce qu'elles peuvent et pêcher en eau trouble, comme par exemple ceux qui essayent de susciter des difficultés entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. [110]

Ce tableau tragique est fidèle. Heureusement, il n'est pas le seul. L'étude de l'autre tableau redonne l'optimisme et une foi inébranlable dans le plan divin et la beauté de l'être humain. Dans toutes les nations il se trouve des individus dotés d'une vision supérieure d'un monde meilleur, et qui pensent, parlent, établissent des projets en termes de l'humanité ; ils réalisent que les éléments des divers groupes politiques, religieux, éducatifs et ouvriers, sont des hommes et des femmes, essentiellement et même si c'est inconsciemment, ils sont frères. Regardant le monde comme un tout, ils travaillent à son unification inévitable, ils reconnaissent les problèmes des nations, grandes et petites et la difficile situation où se trouvent aujourd'hui les minorités. Ils savent que l'usage de la force produit des résultats sans grande efficacité, parce que beaucoup trop onéreux et, habituellement, peu durables. Ils comprennent que le seul espoir véritable est d'éclairer l'opinion publique, et ce qui résultera de saines méthodes éducatives ainsi que d'une propagande loyale et exacte.

De toute évidence, je ne puis reprendre ici l'histoire des minorités, dans le domaine international, ni m'occuper, par exemple, du combat mené par les petites nations pour faire reconnaître ce qu'à tort ou à raison, elles considèrent comme leurs justes droits. Écrire l'histoire des petites nations demanderait des années, puis la lire, ensuite, de même. Ce serait une histoire de l'humanité comme toutes les histoires, et je ne puis en traiter. Tout ce qu'on peut faire, c'est de reconnaître que le cas des minorités demande à être examiné, leurs problèmes à être résolus ; mais justice ne peut être faite, un partage des richesses économiques mondiales et des chances égales ne seront possibles que si certains grands principes généraux sont d'abord acceptés par l'ensemble de l'opinion publique. J'espère traiter de ces principes à la fin de ce chapitre, en examinant les solutions possibles au problème des minorités.

Je veux pourtant toucher aux problèmes de trois minorités à cause de l'attention considérable qu'ils retiennent aujourd'hui et du grand pas en avant, vers une bonne intelligence mondiale, que cela représenterait s'ils pouvaient être résolus.

1. Le problème juif

Les Juifs constituent une minorité internationale fort agressive, qui fait beaucoup parler d'elle ; ils constituent [111] aussi une minorité nationale dans presque toutes les nations du monde. Leur cas est donc unique.

2. Le problème des Nègres

Autre problème unique, car les Nègres constituent une majorité dans le vaste continent, encore peu développé, de l'Afrique et, en même temps, une minorité aux États-Unis d'Amérique où ils sont l'objet d'une grande attention. Leur problème est unique en ce sens que le problème se pose surtout aux Blancs qui doivent le résoudre, car ce sont eux qui l'ont suscité et le perpétuent.

3. Le problème de l'Inde [2]

Problème d'un peuple conquis, qui lutte pour reprendre son pays. La majorité hindoue – si l'on peut ainsi parler, quand il s'agit d'un tel mélange de races – est paralysée dans ses efforts par ses premiers conquérants, les Musulmans, qui constituent une minorité puissante et virile. Le problème est compliqué par la présence d'une minorité britannique, ayant pris commercialement possession du pays au XVIIIème siècle et gardé le contrôle depuis lors. Le problème demeure fondamentalement un problème entre Hindous et Musulmans.

Si nous pouvons nous faire quelque idée de la valeur réelle de ces problèmes, matériellement et spirituellement, tout en pénétrant un peu les responsabilités impliquées, cela pourrait être fort utile. Dans le cas des Juifs, le péché de séparativité est aussi profondément inhérent à la race même, que dans les peuples chez qui ils vivent ; mais les Juifs sont les principaux responsables de la continuation de cette séparativité. Pour les Nègres, l'instinct séparatiste provient des Blancs ; le Nègre lutte pour y mettre un terme, aussi les forces spirituelles du monde sont-elles du côté des Nègres. Dans le cas de l'Inde, il existe trois groupes principaux, fort différents, avec des idéaux divers, des tendances raciales fort différentes, et des nombreuses formes de religion, qui essaient de résoudre un problème vieux de plusieurs siècles, qui date de bien avant l'occupation britannique. Mais le même grand mal de la séparativité sévit à travers ces groupes, tout comme il sévit parmi les trois minorités que j'ai choisi d'étudier. [112]

1. Le problème juif

Il est si ancien et si connu, qu'il est difficile d'en dire quelque chose qui ne ressemble pas à un lieu commun, ne trahisse pas un parti pris quelconque (du point de vue du lecteur) et ne suscite chez le lecteur juif aucune réaction pénible. Toutefois, cela ne m'intéresse pas de dire ce qui plaît à chacun, ou qui correspond à tous les points de vue, ou qui répète ce qui a déjà été dit. Il faut dire certaines choses qui ne sont pas si familières, car on les exprime rarement, ou alors dans un esprit critique d'antisémitisme, au lieu de les dire avec bienveillance, comme je le tenterai ici.

Considérons un instant la situation des Juifs, avant la cruelle et impardonnable attaque lancée contre eux par Hitler et avant la guerre de 1939-1945. Les Juifs se trouvaient partout, ils se réclamaient de la nationalité de tous les pays. Au sein de la nation où ils naissaient, ils préservaient intacte leur identité raciale, leurs coutumes particulières, leur religion nationale (ce qui est le droit de chacun) et une adhésion étroite à leurs coreligionnaires. D'autres groupes ont agi ainsi, mais dans une mesure bien moindre, et ils ont été, par la suite, absorbés et assimilés dans le pays dont ils avaient la citoyenneté. Les Juifs ont toujours constitué une nation dans la nation, quoique de façon moins marquée en Grande-Bretagne, France, Italie et Hollande qu'ailleurs. Aussi, dans ces pays-là, l'antisémitisme est-il moins prononcé.

Partout et à travers les âges, les Juifs se sont adonnés au commerce et occupés d'argent. Ce peuple strictement commercial et urbain, manifeste peu d'intérêt pour l'agriculture, sauf récemment, parmi les Sionistes de Palestine. 78% des Juifs palestiniens vivent à Tel-Aviv. À leurs tendances matérialistes, ils ont joint un sens prononcé du beau et une conception artistique qui a beaucoup contribué au monde des arts. Ils ont toujours été amis du beau et comptent également parmi les plus éminents philanthropes, malgré leurs méthodes tortueuses et peu louables en affaires qui les ont fait haïr et rendus suspects au monde commercial. Ils sont et demeurent essentiellement orientaux. L'Occidental a tendance à l'oublier ; s'il s'en souvenait, il comprendrait que l'attitude de l'Oriental à l'égard de la vérité, de l'honnêteté, de l'usage et de la possession de l'argent est fort différente de l'Occidentale et c'est là que réside en partie la difficulté. Ce n'est pas tant une question [113] de bien ou de mal, que de normes différentes et d'attitudes inhérentes aux races, communes à tout l'Orient.

Le Juif moderne est aussi le produit de nombreux siècles de persécutions et de migrations. Il a erré de pays en pays, de ville en ville, et en cours de route, il a forcément acquis certaines habitudes de vivre et de penser, que l'Occidental ne comprend pas non plus et qu'il ne peut tolérer. Les Juifs sont par exemple, le produit de siècles de nomadisme, aussi apportent-ils le désordre dans toute communauté où ils vivent, chose que l'Occidental, mieux organisé (habitant des cavernes) ne peut admettre. Ils sont aussi le produit de la nécessité, où ils se sont vus pendant des siècles, de vivre aux dépens des peuples, chez qui ils campent, de saisir aux cheveux la chance qui se présentait de prendre ce qu'ils désiraient, de veiller à ce que leurs enfants aient le meilleur de tout ce qui s'offrait, quoi qu'il en pût coûter à autrui, de rester liés à leur propre race au milieu des étrangers, parmi lesquels le sort les avait amenés, et de préserver intacte, dans la mesure du possible, leur religion nationale, leurs tabous et leurs antiques coutumes. C'était essentiel à leur survivance au temps des persécutions ; ils étaient forcés de conserver ces facteurs, sous leur forme ancienne si possible, afin de prouver aux autres Hébreux dans les contrées ou les villes nouvelles, qu'ils étaient bien les Juifs qu'ils prétendaient être. C'est ce qui en a fait la race la plus réactionnaire et la plus conservatrice du monde.

Leur histoire, longtemps déjà avant l'ère chrétienne, a été une migration constante et le mot "exode" est et demeure caractéristique de cette race. Ils sont les "Juifs errants", symboliquement et effectivement. C'est ce qui les a fait ce qu'ils sont, dans une large mesure. Leurs caractéristiques raciales se sont accentuées de plus en plus, à cause des mariages entre eux au cours des siècles passés et l'insistance que mettait autrefois le Juif orthodoxe sur la pureté raciale. Le jeune Juif moderne n'y tient plus et ne voit généralement nul inconvénient à se marier parmi les Gentils, mais ce trait récent n'est pas approuvé par les générations plus âgées et il est tard pour changer cela, car maintenant c'est souvent du côté gentil que viennent les objections.

Le Juif est un bon citoyen, obéissant aux lois, modéré et décent dans ses mœurs, désireux de jouer son rôle dans la vie publique et prêt à donner de l'argent si on lui en demande, mais il demeure toujours à part. La tendance au ghetto, pourrait-on dire, se répand partout, surtout dans les grandes [114] villes, en divers pays. À travers les âges, le Juif, par mesure de protection et pour le bien-être de sa communauté, a eu tendance à vivre en troupeau et à s'unir. Les Gentils, parmi lesquels il vivait, ont encouragé cette tendance et ainsi se sont formées les habitudes d'association, encore valables. Au surplus, et à cause de l'action séparative exercée par le monde des Gentils, des lieux délimités et des villes ont été établis dans bien des pays, avec défense aux Juifs d'y résider, d'y devenir propriétaires ou de s'y installer. L'aptitude juive à vivre aux dépens d'autrui et au sein d'une nation, en profitant de ses coutumes, de sa civilisation et de sa culture, tout en gardant son identité propre et sans faire réellement partie de l'existence nationale, l'a exposé de tout temps aux persécutions. En tant que race, le Juif n'est aimé nulle part et les gens se méfient de lui et de ses méthodes.

Il me faut faire ici remarquer que cette généralité est souvent inapplicable aux cas particuliers. Dans tout pays et dans toute localité existent des Juifs qui sont profondément aimés par tous ceux qui les connaissent, Juifs ou Gentils, respectés de tout leur entourage, recherchés et estimés autant, et souvent plus, que n'importe quel Gentil. Ces Juifs appartiennent à la grande aristocratie spirituelle de l'humanité et, s'ils existent dans des corps juifs et portent des noms juifs, ils s'allient aux hommes et aux femmes d'élection parmi toutes les nations et qui appartiennent à l'humanité car ils ont dépassé les caractéristiques nationales et raciales. Ces hommes et ces femmes forment un groupe qui est l'espoir de l'humanité, la garantie d'un nouveau monde meilleur, que nous attendons tous. Leur nombre croît journellement. Dans une large généralisation à propos de toute race ou nation, l'individu souffre nécessairement, mais les choses dites sur la race ou la nation dans son ensemble, demeurent correctes, vraies et vérifiables.

Je voudrais vous prier de vous souvenir de ceci et d'y penser dans les cas individuels, où la généralisation s'avère inexacte. La vanité intellectuelle du Français, l'arrogance satisfaite de soi du Britannique, la puérilité de l'Américain et la passivité sadique de l'Allemand sont toutes des caractéristiques justes de ces races ; pourtant, quand il s'agit des individus, elles cessent d'être vraies. Il existe bien des Français humbles, des Britanniques nantis d'un complexe d'infériorité, des Américains dotés de maturité et de bons Allemands. Il en va de même pour le Juif. [115]

Peut-être le facteur principal qui a rendu le Juif séparatif et qui a cultivé en lui le complexe de supériorité qui le distingue (sous son apparent complexe d'infériorité) est-il sa religion. Cette foi est une des plus anciennes du monde ; elle est plus vieille que le Bouddhisme de plusieurs siècles, plus antique que bien des croyances hindoues, et bien plus ancienne que le christianisme ; certains de ses traits ont nettement fait le Juif comme il est. C'est une religion de tabous, soigneusement établie pour protéger le Juif au cours de son nomadisme, d'une communauté à l'autre. Religion à base distinctement matérielle, elle insiste sur le "pays découlant de lait et de miel" et ce n'était pas un symbole au jour où ce fut écrit, mais le but proposé aux émigrants. La séparativité colore toute la religion. Dieu est le Dieu des Juifs. Les Juifs sont Son peuple élu. Ils doivent conserver leur pureté physique et leur bien-être est d'une importance majeure pour Jéhovah. Ils ont une destinée messianique, Jéhovah est jaloux de leurs contacts avec d'autres peuples ou dieux, ou de l'intérêt qu'ils y portent. Ils ont obéi à ces exigences divines, d'où leurs malheurs dans le monde moderne.

Le mot "amour", par rapport à autrui, est absent de leur conception religieuse, quoique l'amour de Jéhovah soit enseigné avec menaces. L'idée d'une vie future, dépendant de la conduite et de l'attitude envers le prochain et d'une action juste parmi ses semblables fait presque entièrement défaut dans l'Ancien Testament. Jamais l'enseignement de l'immortalité n'est mis en vedette. Le salut dépend apparemment de l'observance des nombreuses lois physiques et des règles se rapportant à la propreté. Ils vont jusqu'à établir des boutiques, où ces règles sont observées, dans un monde moderne, où les méthodes scientifiques sont appliquées à la pureté des aliments. Tous ces facteurs, et d'autres moins importants, mettent le Juif à part et il respecte tout cela, si périmé ou incommode pour autrui que cela soit.

Je fais valoir ici ces facteurs, car ils prouvent la complexité du problème du point de vue juif, et sa nature irritante et cause de frictions pour le Gentil. Cette cause d'irritation est rarement, si jamais, reconnue par le Juif. Le Gentil actuel ne se souvient, ni ne se soucie, du fait que les Juifs ont été l'instrument de la mise à mort du Christ (selon le Nouveau Testament), mais il se rappelle plus volontiers que le Christ était Juif et se demande pourquoi le Juif n'est pas le premier à Le réclamer et à L'aimer. Le Gentil se souvient bien plus nettement [116] des méthodes juives en affaires, du fait que le Juif orthodoxe considère la nourriture du Gentil comme impure et les obligations de citoyen comme secondaires par rapport aux devoirs raciaux. Il considère le Juif comme observant une religion périmée ; il déteste le Jéhovah cruel et jaloux et voit dans l'Ancien Testament l'histoire d'un peuple très cruel et agressif, sauf les Psaumes de David, que tout le monde aime.

Tels sont les points, auxquels le Juif semble ne jamais faire attention et ce sont ceux qui, dans leur ensemble, ont séparé le Juif du monde, où il désire vivre heureux, et où il est victime d'un héritage, qui gagnerait à être modernisé. Nulle part, l'émergence d'une nouvelle religion universelle n'est plus nécessaire que dans le cas du Juif vivant dans le monde actuel.

Pourtant Dieu a fait tous les hommes égaux. Le Juif est un homme et un frère et tous les droits appartenant au Gentil, il les a aussi sans exception. C'est ce que le Gentil a oublié, en encourant de grandes responsabilités par ses actions mauvaises et cruelles. Son frère gentil, depuis des siècles, ne veut pas du Juif. Il le chasse de lieu en lieu. Constamment, sans cesse, le Juif a été obligé de se sauver d'un endroit à l'autre, à travers le désert, de l'Égypte à Canaan, de là, plusieurs siècles plus tard, vers la vallée de Mésopotamie et depuis lors, c'est une série ininterrompue de migrations, avec de grands courants de Juifs errants allant sans cesse vers le nord, le sud et l'ouest, même, en nombre plus restreint, vers l'est. Chassés des villes ou des pays durant le moyen âge, ils vécurent ensuite une période relativement tranquille et voici que les Juifs déplacés se meuvent de nouveau à travers l'Europe, sans foyer, allant ici et là (en compagnie de plusieurs milliers d'êtres appartenant à des nationalités diverses, cette fois), sans recours contre un sort cruel, ou sinon sans défense, du moins enrégimentés par des groupes politiques à des fins internationales égoïstes. Dans des pays où l'antisémitisme était pratiquement éteint depuis des années, l'antagonisme se réveille. Même en Grande-Bretagne, il relève sa vilaine tête et aux États-Unis d'Amérique il devient une menace croissante. Il convient aux Gentils de mettre fin à ce cycle de persécutions une fois pour toutes. Aux Juifs de prendre les mesures nécessaires pour ne pas exciter l'animosité des Gentils chez lesquels ils vivent.

La misère des Juifs à l'heure actuelle est cruelle et terrible, mais la nécessité d'une solution apportée à cet antique problème, qui a troublé la paix des peuples depuis des siècles, est encore plus urgente. La responsabilité des Non-Juifs est vitale [117] du point de vue humanitaire. L'histoire de la persécution des Juifs est une triste et horrible histoire, comparable seulement au traitement infligé par les Juifs à leurs ennemis, tel que le relate l'Ancien Testament. Le sort des Juifs durant la deuxième Guerre mondiale est d'une affreuse cruauté, torture, meurtre en masse, et le traitement des Juifs au cours des âges est un des plus sombres chapitres de l'histoire humaine. Pour ce traitement il n'est point d'excuse ou de pardon et partout, les Gentils de jugement sain s'en rendent compte et demandent avec insistance que cessent ces persécutions. Les forces spirituelles du monde et les chefs spirituels de l'humanité (ceux qui agissent sur le plan matériel, comme ceux qui la guident de l'autre côté du voile) cherchent une solution.

La solution, toutefois, ne se présentera que si les Juifs eux-mêmes essayent de trouver une issue et renoncent à leur présente politique d'exiger que les Gentils et les Chrétiens fassent toute la besogne, toutes les concessions, et trouvent seuls la solution du problème, mettant un terme à cette fâcheuse situation, sans l'aide des Juifs. Les Juifs réclament justice et secours à grands cris et constamment. Ils accusent les nations non juives de leurs malheurs. Ils se refusent toujours à admettre, de leur côté, certains traits qui justifieraient l'inimitié générale qu'ils rencontrent. Ils ne font ; aucune concession aux cultures et aux civilisations parmi lesquelles ils se trouvent mais insistent pour demeurer à part. Ils blâment les Gentils de leur isolement, mais le fait demeure qu'ils ont eu les mêmes chances que tous les citoyens, dans tous les pays aux idées larges. Leur contribution à la solution de ce vieux problème est matérielle et ne manifeste aucune clairvoyance psychologique et aucune compréhension des valeurs spirituelles impliquées. Aujourd'hui, nul problème ne peut se résoudre entièrement sur le plan matériel. La race, dans son ensemble, a dépassé ce stade. La solution immédiate que les Juifs ont présentée au monde est la remise de la Palestine entre leurs mains [3] ce pays qu'ils avaient évacué voici plusieurs siècles, appartenait, depuis des centaines d'années, à une autre race et ne peut faire vivre à la fois la nation juive et ses habitants actuels. Ce peuple répudie violemment ce retour et se battait pour chasser les Juifs, si les grandes nations permettaient qu'ils restent. Ce n'est donc pas une vraie solution, mais une exigence matérielle, basée sur de fausses promesses. Le problème [118] juif reste encore sans solution, car même si la Palestine offre une solution aux Juifs déplacés, les milliers et milliers de Juifs résidant ailleurs, peu aimés des nationaux qui les entourent et demeurant un groupe non assimilé, présentent toujours le même problème. L'antisémitisme a toujours quelque chose pour l'attiser. Il faut se souvenir aussi que les Juifs se sont installés en bien des pays, dont ils réclament la citoyenneté sans aucune intention de renoncer à cette citoyenneté, ni même à émigrer en Palestine, si c'est possible. Une solution matérielle ne résout rien.

Ce problème est profondément ancré dans le domaine des justes relations humaines. Il ne peut être résolu que sur cette base tout entière. Il a trait aux réactions mutuelles entre peuples de races différentes, mais se réclamant de leur fraternité dans la famille humaine. Il évoque tout le problème de l'égoïsme et de son contraire, de la considération et de la justice, et tels sont les facteurs qui doivent conditionner toutes les parties. Il faut que le Juif reconnaisse qu'il a joué son rôle dans le déclenchement de toute la haine qui le poursuit partout. Le Gentil doit reconnaître ses responsabilités dans les persécutions interminables et payer le prix de la restitution. Le Juif a évoqué et évoque encore l'animosité et c'est tout à fait inutile. En résumé, le Juif a maintenu un antique mode de vie au sein d'autres peuples. Citoyen, avec tous les droits civiques, il a dressé un mur de tabous, d'habitudes et d'observances religieuses, qui le séparent de son milieu et le rendent non assimilable. Il lui faut les supprimer et devenir un citoyen, non seulement de nom, mais de fait. Il n'existe aucun problème semblable dans le monde actuel : un peuple entier, de race, de religion, de buts, de caractéristiques et de culture distincts, avec une civilisation réactionnaire d'une singulière antiquité, répandu, en qualité de minorité, parmi toutes les nations, où il pose un problème international, doté de vastes richesses et d'influence, citoyen de tous les pays, mais gardant délibérément son identité raciale, créant des dissensions, entre nations, particulièrement maintenant, n'essayant nullement de faire face à ce problème complexe sur une grande échelle, avec une compréhension psychologique et la considération voulue à l'égard des Gentils environnants, auxquels ils s'adressent sans cesse, avec des exigences presque insolentes, en n'offrant que des solutions matérielles, et afin que les Gentils acceptent tout le fardeau des blâmes et mettent fin aux difficultés. [119]

En regard, se place la longue et triste histoire de la persécution des Juifs par les Gentils, fort répandue au moyen âge (sans remonter plus haut), sporadique aux temps modernes, mais culminant avec la violence faite aux Juifs pendant la guerre. Ce traitement ne leur fut pas d'ailleurs uniquement réservé, mais s'appliqua aussi aux Polonais, aux Grecs et à bien des nations sans recours. C'est là un point que les Juifs inclinent à oublier. Ils n'étaient pas les seuls persécutés. Les Juifs ne constituent en Europe que 20 % des personnes déplacées.

Cette même triste histoire de la cruauté des Gentils comporte aussi la croissance de l'antisémitisme, qui se développe même dans les pays qui en étaient relativement indemnes. La discrimination s'exerce sans cesse contre les Juifs dans le monde des affaires. Les endroits qui leur sont interdits deviennent partout plus nombreux. Les écoliers juifs, par exemple, sont indésirables aux États-Unis d'Amérique et leur situation est misérable, ils sont sifflés et insultés, c'est un spectacle choquant. Ils se trouvent aussi dans cette situation que nul pays, nulle part, ne veut ouvrir ses portes et donner asile aux Juifs indésirables. Personne n'a envie de les admettre par centaines. Des gens au jugement sain cherchent et continueront à chercher dans tous les pays une solution et on la trouvera. Cet enfant difficile, au sein de la famille des nations, est l'enfant du même Père unique et spirituellement s'identifie à tous les hommes. Les gens savent qu'il n'y a plus "ni Juifs ni Gentils" comme disait saint Paul (au sujet du même triste problème, il y a deux mille ans) et des hommes et des femmes appartenant aux deux groupes ont constamment et de mieux en mieux prouvé l'exactitude de cette déclaration.

Tel est le problème de la minorité juive, exposé avec une franchise, qui suscitera bien des critiques, mais avec l'espoir qu'ainsi et puisque c'est l'amour qui l'inspire, cela poussera les Juifs à endosser leurs propres responsabilités, en cessant de supplier à grands cris les Gentils de résoudre seuls le problème en commençant à y coopérer, avec une pleine compréhension spirituelle et en aidant ainsi les milliers de Gentils, sincèrement désireux de les aider. Jamais, à aucun moment, les Gentils n'ont plus ardemment souhaité agir selon la justice envers le Juif et résoudre son problème, en le compensant pour tout ce qu'il a souffert. Des deux côtés, il est nécessaire de changer les attitudes intérieures, mais surtout du côte juif ; des preuves montrent que ces nouvelles attitudes germent, même si bien [120] du temps reste nécessaire pour trouver la juste solution. Certains Juifs parlent aujourd'hui dans les termes mêmes où nous nous exprimons ici.

2. Le problème des nègres

Ce problème est absolument différent de celui des Juifs. Dans le premier cas, il s'agit d'un peuple excessivement ancien, qui joue un rôle depuis des milliers d'années sur la scène de l'histoire du monde, qui a développé sa culture et s'est identifié à une civilisation qui lui a permis de se placer au niveau même de ceux que nous appelons les peuples "civilisés". Dans le cas du Nègre, nous considérons un peuple qui a (au cours des deux cents dernières années) commencé à s'élever dans l'échelle de l'effort humain et a réalisé, durant cette période, d'étonnants progrès, malgré des circonstances adverses et une opposition considérable. Il y a deux cents ans, tous les Nègres vivaient en Afrique et ils s'y trouvent encore par millions. Il y a deux cents ans, ils étaient ce que les Européens et les Américains considéraient comme de "vrais sauvages" divisés en innombrables tribus, vivant à l'état de nature, primitifs, guerriers, sans aucune éducation moderne, gouvernés par des chefs et régis par les dieux de la tribu, soumis à ses tabous et fort différents entre eux. Le Pygmée et le guerrier du Bechuanaland sembleraient n'avoir d'autre point commun que la couleur. Ils se battaient continuellement entre eux et faisaient des razzias sur leurs territoires respectifs.

Pendant des siècles, ils ont été exploités et réduits en esclavage, d'abord par les Arabes, puis, plus tard, par ceux qui les achetaient aux marchands d'esclaves pour les emmener en servitude en Amérique ou aux Antilles. Ils ont aussi été exploités par les Européens, qui ont saisi de vastes territoires en Afrique et se sont enrichis avec les produits de ces pays et le labeur de leurs habitants, les Français au Soudan, les Belges au Congo, les Hollandais et les Britanniques en Afrique du Sud et sur sa côte occidentale, les Allemands en Afrique orientale allemande, les Italiens dans l'est. C'est une dramatique histoire de cruautés, de vol, d'exploitation de la part des Blancs, quoiqu'ils aient aussi apporté beaucoup de bien aux Noirs. Je n'écris pas dans le sens historique, mais j'ai essayé, en quelques mots, de donner une rapide vue rétrospective. L'histoire de ces rapports n'est pas encore terminée et à moins qu'elle ne soit conclue dans l'intégrité et la justice, sans doute [121] continuera-t-elle à être triste et terrible. Il y a néanmoins une amélioration considérable dans l'histoire intérieure de ces territoires, contrôlés par la race blanche, mais peuplés par la noire, et il existe bien des raisons d'être optimiste et d'espérer une liberté encore plus large.

Le problème nègre se divise en deux parties : le problème de l'avenir du Nègre africain et celui de l'avenir du Nègre de l'hémisphère occidental.

L'Afrique est aujourd'hui le "continent noir", non au sens qu'on lui donnait jusqu'en 1900, mais parce que ses buts et son destin, son avenir et sa raison d'être sont encore cachés au sein du temps. L'Afrique est une potentialité et la destinée de ses innombrables millions d'habitants est encore à l'état embryonnaire. Les rapports entre ses vrais habitants et les races étrangères qui cherchent à les dominer demeurent dans le domaine des manœuvres politiques et de l'avidité commerciale. Il faut, toutefois, reconnaître que malgré les nombreux maux inévitablement apportés à la suite de l'exploitant blanc, le choc donné par les races blanches au "continent noir" a apporté un grand développement et une évolution favorable : l'éducation, les secours médicaux, un terme aux incessantes guerres entre tribus, l'hygiène, et un système religieux plus éclairé, remplaçant les cultes barbares et de sauvages pratiques religieuses. Bien des maux accompagnent l'explorateur, le missionnaire et le marchand, mais des bienfaits les suivent aussi, surtout le missionnaire. Le Nègre est naturellement mystique et enclin à la religion et les principes majeurs de la foi chrétienne le touchent nettement. Les aspects affectifs de la doctrine chrétienne, avec son insistance sur l'amour et la bonté, la vie future, sont compris du Nègre dont l'affectivité domine. Derrière les nombreux cultes individualistes du pays noir, émerge un mysticisme fondamental et pur, allant de l'adoration de la nature, d'un animisme primitif, à une connaissance occulte profonde, avec une compréhension ésotérique, qui fera peut-être un jour de l'Afrique le siège de la forme la plus pure de l'enseignement et de la vie ésotériques. Mais cela ne sera pas avant des siècles.

 

[1] Écrit en février 1946.

[2] Écrit en février 1946.

[3] Écrit en février 1946.