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CHAPITRE IV LE PROBLEME DES MINORITES RACIALES - Partie 2

En considérant le problème du Nègre africain, il faut voir loin et prévoir l'arrivée graduelle au pouvoir de millions de gens qui n'ont encore fait que les premiers pas vers la civilisation moderne et la culture, mais qui progressent avec une rapidité terrifiante. Les aspects regrettables de la civilisation sont là, mais les bienfaits apportés les dépassent largement et [122] le Nègre malgré un antagonisme naturel et compréhensible, devrait reconnaître la dette contractée auprès des nations blanches agressives et avides. Leur contact a stimulé sa perception intellectuelle. Le mode de vie des Blancs a élevé les Africains de leur condition primitive à un état plus moderne. La science, les moyens de transport et l'instruction – qui leur ont été apportés par les races blanche – les rattachent de près au plan de développement de l'histoire moderne. Le monde nouveau avec son meilleur mode de vie est aussi promis au Nègre et non seulement au Blanc.

Au-delà de cette reconnaissance nécessaire de sa dette et de l'effort pour profiter des conditions offertes, en écartant ce qui est mauvais ou peu souhaitable, le problème nègre, soit en Afrique, soit dans le monde occidental, se pose surtout (sinon entièrement) à la race blanche et c'est à elle de le résoudre. En Afrique, les Nègres sont bien plus nombreux que la population blanche, cette dernière constitue une si petite minorité qu'elle se trouve dans une situation très précaire, vivant au sein d'une population noire tellement plus nombreuse. Dans l'ouest et en Amérique, la situation est renversée et les Nègres n'y constituent qu'une minorité, largement dépassée par la population blanche. En Afrique, le Nègre est viril et militant, en Amérique et aux Antilles, il a été quelque peu émasculé et découragé psychologiquement par des années de servitude et de travail forcé. L'esclavage existe aussi en Afrique, mais il y est différent et n'y a point produit les mêmes résultats qu'en occident.

Le problème qui se pose actuellement aux races blanches en Afrique est de former les millions de Nègres qu'elles régissent de telle manière qu'ils soient réellement aptes à se gouverner eux-mêmes, le moment venu. Il faut les préparer à façonner eux-mêmes leur propre destin. Il faut leur communiquer le sens des responsabilités. Il faut leur faire comprendre que l'Afrique peut appartenir à son propre peuple et demeurer un partenaire collaborant à l'entreprise mondiale. Ceci ne peut s'effectuer que si l'antagonisme entre Blancs et Noirs est aboli. La bonne volonté doit se manifester entre eux. De justes relations humaines doivent être fermement établies entre le Nègre et son empire naissant d'un côté et le reste du monde de l'autre côté. Les nouveaux idéaux et les nouvelles tendances mondiales doivent être encouragés chez le Noir réceptif, en sachant que la "si sombre Afrique" peut devenir un centre rayonnant de lumière, prêt à se gouverner soi-même (ce qui n'est pas encore le cas à présent) dans l'expression d'une liberté véritable. De [123] plus en plus, les races noires abandonneront leurs réactions affectives aux circonstances et aux événements pour faire face à ce qui se passe avec une perception mentale et intuitive, qui les placera au même rang et peut-être plus avant que ceux qui conditionnent aujourd'hui le milieu et les conditions d'existence du Nègre.

Nous pouvons exprimer les possibilités comme suit : Les Nègres d'Afrique arriveront-ils à disposer de leur continent après avoir chassé par la violence les races blanches qui les régissent, puis après un long cycle de guerres entre les divers groupes de Nègres peuplant ce continent ? Ou la question sera-t-elle réglée, au cours des années, par une politique à longues vues et la compréhension de la part des peuples blancs, en préparant les plans de la coopération future ? Ceci s'accompagnera-t-il d'une action sage et lente de la part des Nègres, évitant le sang versé et la haine, déjouant les manœuvres retorses des agents politiques égoïstes (cherchant à les exploiter) ? Feront-ils montre d'une remarquable capacité de mener leurs propres affaires, en produisant des chefs qui, naturellement et automatiquement, sans conflit, ni violence, prendront les rênes du gouvernement en mains, pour éliminer graduellement la suprématie blanche ? Les nations blanches qui exploitent à présent l'Afrique commercialement, conserveront-elles leurs propriétés foncières, renonceront-elles à leurs soi-disant droits (basés sur le fait que possession vaut titre) et substitueront-elles les méthodes de l'Ère nouvelle, de justes relations humaines et une coopération intelligente, le partage des ressources, si riches et variées dans ce merveilleux continent, et apporteront- elles le concours de leur habileté technique, les bienfaits de leur commerce et de leur connaissance scientifique, en échange de tout ce que l'Afrique peut offrir d'utile et de productif au monde ? Un égoïsme éclairé (si je puis employer cette expression paradoxale) devrait sûrement engager les nations d'Europe et les Britanniques à suivre un programme à long terme, qui mènerait à la libération de l'Afrique remise aux mains de son propre peuple, une fois celui-ci suffisamment éduqué et développé. En même temps, une saine patience devrait pousser les Africains à attendre et à agir dans ce sens, en se concentrant jusque- là sur l'éducation, le développement agricole et économique. Le destin de cette immense terre s'éclairera et l'Afrique prendra sa place en qualité de centre important de culture éclairée, brillant dans un pays civilisé. [124]

À moins que les deux races, la noire et la blanche, n'envisagent le problème de leurs rapports dans un esprit raisonnable, avec prévoyance et patience, sans haine ni crainte, l'Afrique sera un jour le siège d'un des conflits les plus sanglants qu'ait jamais vu le monde et la culture de notre planète s'en trouvera retardée de nombreuses années. L'énergie jusqu'à présent inemployée et non organisée des innombrables millions d'Africains est quelque chose que la race blanche devrait étudier avec soin. Elle peut faire face à cette menace en puissance (si on veut l'appeler menace) par la crainte et la force armée, ne faisant ainsi que retarder le jour néfaste ; ou bien elle peut placer les peuples nègres aussi rapidement que possible sur un pied d'égalité, leur donner les mêmes chances, les même droits constitutionnels et naturels et les aider à passer du stade infantile ou adolescent où ils se trouvent, à une pleine et utile maturité, où ils seront capables d'administrer leurs propres problèmes et territoires. L'Afrique prendra alors sa place (à travers plusieurs groupes nationaux possibles) dans la grande famille des nations et une race pénétrera dans l'arène mondiale, avec un surprenant apport de richesses spirituelles, de valeurs culturelles et de pouvoirs créateurs. Les dons naturels du Nègre sont très riches. Il est créateur, artiste et susceptible du plus haut développement mental, s'il est instruit et formé, aussi capable que le Blanc. La preuve en a été faite fréquemment par les artistes et savants sortis de la race noire, du fait de leurs aspirations et ambitions. Le temps est venu, où le Blanc doit cesser de considérer le Nègre comme un ouvrier agricole, ou industriel, une bête de somme, capable seulement de travaux domestiques et grossiers, pour lui accorder le respect et les chances qui lui sont dus.

Le Nègre d'Afrique ne forme pas une minorité, mais il n'est pas encore prêt à assumer son gouvernement et son administration, à cause du bref laps de temps qui s'est écoulé depuis qu'il a émergé de ses forêts vierges et de la vie primitive, comme des conditions psychologiques causées par les méthodes des Blancs, l'esclavage et le travail forcé. Il s'en dégage rapidement et avec quelques années d'éducation, d'étude et de voyages, le problème de l'Afrique deviendra plus aigu qu'il ne l'est actuellement. Il ne sera pas dangereux si la race blanche manifeste de la sagesse, de la compréhension, des idées généreuses et la volonté d'accorder la liberté complète aux races noires. La paix future du monde dépend aujourd'hui d'une [125] politique éclairée et à longues vues, dictée par le fait que Dieu a créé tous les hommes libres.

La question nègre dans l'hémisphère occidental constitue une fort vilaine histoire où l'homme blanc est sérieusement compromis et c'est une disgrâce permanente. Amené aux États-Unis et aux Antilles voici plus de deux siècles, réduit à l'esclavage, le Nègre n'a jamais été traité avec justice, ni obtenu une chance véritable. D'après la constitution des États-Unis, tous les hommes sont libres et égaux. Le Nègre, toutefois, n'est ni libre, ni égal, surtout dans les États du Sud des États-Unis. La situation aux Antilles ressemble plutôt à celle qui existe dans les États du Nord des États-Unis, où les conditions sont un peu meilleures, mais ne comportent pourtant pas des possibilités égales, car elles sont fort entachées de discrimination raciale. Le traitement des Nègres dans les États du Sud des États-Unis est une honte pour le pays, là on se bat pour maintenir l'infériorité du Nègre, pour lui refuser l'égalité d'instruction et dans la vie, pour lui imposer le niveau de vie le plus bas possible et bien inférieur à celui du Blanc, pour lui refuser l'indépendance politique. Dans un pays démocratique, où tout le monde vote, on l'empêche de participer à ce privilège constitutionnel en lui imposant une taxe d'électeur que peu de Nègres sont en mesure de payer, ou qu'ils se refusent à payer à cause de son injustice fondamentale. Dans les États du Nord des États-Unis, ces conditions ne sont pas aussi exagérées mais la discrimination s'exerce constamment contre le Nègre, on ne lui donne pas les mêmes chances et il lui faut lutter pour chaque privilège. Quelques sénateurs corrompus et ignorants déjouent constamment les bonnes intentions de la masse du peuple américain, en prolongeant ces conditions iniques et en s'opposant à toute mesure destinée à les changer. Ils se servent des craintes de leurs électeurs et bloquent chaque motion tendant à assainir la situation, et être conforme à la constitution. Des politiciens aveugles tâchent de remiser ces réformes et jettent de la poudre aux yeux de leurs électeurs en luttant en faveur de la liberté de lointaines petites nations européennes. En même temps, ils violent régulièrement leur propre constitution en refusant la liberté aux Nègres de leur propre pays. Nulle excuse ne justifie leur attitude et leur conduite. Le mystère demeure entier pour les autres nations éclairées ; comment un peuple aux idées larges, comme les États-Unis, qui vocifèrent pour exiger leur liberté individuelle et insistent pour défendre la constitution, peuvent-ils [126] tolérer ces conditions et maintenir en fonction ces hommes maudits, auteurs de violations constantes des droits constitutionnels de citoyens américains ?

Les prétentions des États du Sud, que le Nègre n'est pas assez instruit pour voter, sont démenties par le fait, que dans le Nord des États-Unis, il le peut et le fait ; son vote est souvent aussi sage que celui de son frère blanc et, s'il peut souvent être acheté par les agents électoraux, il en va de même avec l'électeur blanc. Le cri, que les femmes blanches doivent être protégées contre les instincts brutaux des Nègres, ne signifie rien, car elles ont tout aussi grand besoin d'être protégées contre les instincts brutaux des Blancs, les statistiques sont là pour le démontrer de manière adéquate. L'assurance que les Nègres ont besoin du paternalisme, et que seul l'homme du sud s'y entend, est fausse, le Nègre l'indique clairement, car il n'en veut pas. Le fait qu'il le répudie, montre un juste sens des valeurs et qu'il sait établir la différence entre le paternalisme, qui maintient le Nègre en état d'infériorité, sans instruction et soumis aux Blancs, et la liberté qu'il désire partager avec tous les hommes du monde.

Le Nègre est de nature accommodante, aimable et désireux d'aimer les gens et d'en être aimé. Si aujourd'hui, tant de Nègres sont arrogants, vindicatifs, haineux et insolents, ce sont les Blancs qui les ont rendus tels. Les Blancs encourent une grande responsabilité et c'est à eux de changer l'état des choses. Quand ils l'auront fait, ils trouveront le Nègre tout aussi sensible aux bons et justes traitements, aux chances égales et aux bonnes conditions d'existence qu'il est parfois sensible, dans le mauvais sens, aux déplorables conditions de vie politiques et éducatives, dont il souffre maintenant. Ce que j'ai dit ici s'applique au problème nègre dans tout l'hémisphère occidental.

La guerre a causé une crise dans le problème nègre. Partout, les Nègres ont partagé les dangers de la guerre avec leurs frères blancs. Ils sont morts, ou ont été blessés pour défendre leurs pays respectifs et ils l'ont fait avec courage et en grommelant aussi peu, ou autant, que le soldat blanc. Si leur pays ne reconnaît pas cette égalité et ne leur accorde pas des droits constitutionnels égaux, une situation fort grave sera inévitable. On ne peut discriminer contre le Nègre indéfiniment ; on ne peut exiger qu'il défende son pays, pour lui refuser ensuite les droits communs du citoyen. L'opinion publique est du côté du Nègre et la résolution devient de plus en plus [127] ferme chez les citoyens honnêtes de l'hémisphère occidental de lui reconnaître les droits civiques, et les mêmes possibilités dans le commerce ou les affaires, ainsi que celle de s'instruire et de vivre convenablement. C'est au peuple américain de parler net et de demander que les Nègres reçoivent leurs justes droits. Il faudrait aller, s'il le faut, jusqu'à retirer leurs mandats à ces sénateurs du sud qui s'opposent de manière si persistante à leur propre constitution et aux justes relations humaines, préparant la voie aux troubles et à de sérieuses difficultés ultérieures. Tout Blanc américain devrait assumer ses responsabilités à propos de cette minorité et étudier le problème nègre. Il devrait apprendre à connaître personnellement des Noirs, comme frères et amis et devrait veiller à jouer son propre rôle pour renverser le choquant état de choses actuel.

Au sujet des mariages mixtes, si souvent mis en cause, je ne dirai que peu. Les gens les meilleurs et les plus sages des deux races déplorent actuellement les mariages mixtes. Ils n'entraînent guère de bonheur pour les deux parties. En réfléchissant sur ce sujet, il faut toutefois se souvenir que les mariages mixtes, entre Blancs et Jaunes (Chinois et Japonais) sont également déplorables et, à de très rares exceptions près ne réussissent guère et ne sont pas plus satisfaisants pour les enfants issus de ces unions. Les mariages entre Anglo-Saxons ou Scandinaves et Latins, quoique très fréquents, sont souvent assez malheureux. Le problème se résoudra nécessairement de lui-même. La guerre mondiale (1914-1945) a elle-même produit un grand mélange de races ; les armées amènent forcément la promiscuité et une nouvelle population en résulte. Le monde actuel produit et continuera à produire les fruits de telles unions, dites illicites, entre les soldats de toutes nations et les peuples des pays où ils passent. Ces enfants d'origine mixte, comme les métis et les Eurasiens, offrent peut-être la solution d'une partie du problème. Veuillez remarquer que je ne prône pas les mariages mixtes comme solution, et que je ne conseille point la promiscuité, je tiens seulement compte d'un fait accompli, que nul ne peut ignorer. La population du monde comprendra des centaines de milliers d'enfants de parenté mixte, au cours de la prochaine génération et du cycle immédiat, c'est donc un groupe avec lequel nous devons compter.

Je voudrais dire un mot aux Nègres des États-Unis. Par égard pour vous- mêmes, n'ayez point recours aux armes, à la cruauté, à l'esprit de vengeance, pour obtenir les privilèges [128] auxquels vous avez droit et qui vous appartiendront un jour ! En agissant ainsi, vous ne feriez que retarder l'accomplissement de vos buts. Vous êtes en minorité et n'atteindriez à rien de permanent, sauf un retard indéfini de ce que vous désirez et le massacre de beaucoup d'entre vous. Vous n'avez de cette manière aucune chance de succès définitif, car vous seriez quinze millions contre cent quarante-cinq millions de Blancs. Vous feriez le jeu de vos ennemis, qui allégueraient naturellement vos agissements pour prouver leurs dires. Ce n'est pas la bonne méthode. Montrez- vous compétents, continuez votre agitation d'une manière saine et diplomatique ; obtenez la collaboration et la sympathie des centaines de Blancs qui partagent vos aspirations, montrez-vous bons citoyens, respectez la loi et intéressez-vous aux justes relations humaines. Que les plus intelligents d'entre vous retiennent les plus puérils et les furieux. Soyez patients, car la victoire est assurée. Toute la famille humaine marche vers la liberté. L'ère de l'humanité une est arrivée.

3. Le problème de l'Inde

Nous avons considéré le problème des Juifs, qui constituent une minorité internationale et que toute nation doit aujourd'hui envisager ; nous avons conclu que c'est principalement aux Juifs à le résoudre. Ils ne forment pas une nation, mais jouissent des droits de citoyens dans tous les pays du monde. Nous avons considéré le problème de la minorité nègre dans le monde, minorité à double titre. En Afrique, parce qu'ils manquent d'influence, à cause de leur état retardataire par rapport à la civilisation actuelle, en raison des années relativement peu nombreuses depuis lesquelles ils sont en contact avec cette civilisation. Dans l'hémisphère occidental, les Nègres sont en minorité numérique. Nous avons aussi noté que le problème nègre doit être résolu par la race blanche, qui a suscité le problème.

Nous en arrivons maintenant à considérer un problème tout différent, celui des peuples de l'Inde. Il ne s'agit pas là de minorité, ni de retardataires, au sens où le sont les Nègres africains. Le problème existe, du fait d'une puissante minorité, fonctionnant au sein d'une majorité dénuée de pouvoirs. Le problème en Inde est celui d'une minorité musulmane puissante parmi des millions de soi-disant Hindous. Je dis soi-disant, [129] car la population hindoue ne forme pas un tout homogène, mais se compose de nombreuses races et peuples. Le problème de l'Inde n'est PAS le problème des rapports entre les Britanniques et cette vaste masse, composée d'une grande diversité de peuples, classés sous le nom générique d'Hindous et de Musulmans. S'il en était ainsi, le problème serait facile à régler.

En dépit de la séparation, le problème reste aigu. Sa solution affectera l'Asie entière et déterminera l'histoire asiatique pendant des années à venir. Cela éliminera plusieurs causes de friction dans le monde, comme par exemple l'irritation causée en Grande-Bretagne par les efforts des États-Unis pour défendre la cause des Indiens (sans avoir pleine conscience de l'implication) et pour indiquer aux hommes d'État britanniques la manière de procéder[1]. Le peuple des États-Unis ne connaît presque rien à la question et manifeste toujours une ignorance surprenante des faits. Le sentiment général est aussi que, tant que les États-Unis n'ont pas modifié le statut de leurs Nègres et mis de l'ordre dans leurs propres affaires, ils n'ont pas la moindre voix au chapitre. La paix du monde d'aujourd'hui dépend dans une large mesure des bonnes relations entre États-Unis et Grande-Bretagne et l'intervention constante de l'opinion publique américaine s'exprimant sur les relations entre Inde et Grande-Bretagne (surtout sous l'excitation de piètres politiciens indiens, installés aux États-Unis) cause des malentendus qu'il faudrait éviter et qui le seraient, moyennant une meilleure connaissance des faits, surtout à cette période critique de l'histoire. La voix de la minorité islamique semble ne pouvoir se faire entendre aux États-Unis et c'est chose regrettable, car les désirs de quatre-vingt millions d'individus ne sont pas négligeables. C'est un chiffre égal à plus de la moitié de la population des États-Unis. Il en va de même avec le problème de la Palestine, la position et les réclamations des Arabes, qui sont en majorité, ne sont même pas considérées.

L'Inde est un pays qui a une très longue histoire. Elle possède une antique et très riche civilisation, avec une pléthore de religions, une multitude de langues et plus de cinq cent millions d'habitants, dont beaucoup ne peuvent parler la même langue. Ces habitants ne forment pas un tout homogène, mais un mélange de races, unies géographiquement et par une [130] longue association. Il y a très longtemps, les Musulmans, virils, forts et très intelligents, prirent le pouvoir, conquirent l'Inde dont ils vainquirent les populations plus passives et dégénérées, affaiblies. Ils sont demeurés un facteur influent dans la vie et la politique indiennes. Au XVIIIème siècle, les Britanniques arrivèrent aussi, non comme conquérants, animés d'ambitions belliqueuses, mais dans des buts commerciaux. Ils pénétrèrent d'abord avec la Compagnie des Indes orientales, une organisation commerciale. Plus tard, il fallut protéger ses intérêts par la force armée, non contre une Inde unie (car cela n'existait pas alors, ni aujourd'hui), mais contre certains groupes d'Indiens, qui guerroyaient sous les ordres de leurs chefs ou princes régnants.

Comme je l'ai dit auparavant, je ne fais pas œuvre d'historien, mais cherche simplement à indiquer le plan général des conditions et des faits. Aujourd'hui, il faut considérer aux Indes les facteurs suivants :

D'abord la masse du peuple, de natures diverses, incapable de parler la même langue, mais où les gens cultivés se servent de l'Anglais comme moyen de communiquer entre eux. Les idées religieuses sont extrêmement différentes.

En second lieu, il faut considérer les quatre-vingt millions de Musulmans. Ils se trouvent surtout dans l'Inde du Nord, quoiqu'ils soient dispersés ailleurs dans le pays entier et soudés ensemble par la Ligue musulmane. Ils sentent, à juste titre, que si l'Inde pouvait se gouverner elle-même, ils seraient dépassés par le nombre, sous quelque forme de gouvernement démocratique que ce soit, et n'auraient rien à dire dans les affaires publiques. Ils sont toutefois plus unis, comme groupe, que les Hindous. Ils sont plus militants, plus agressifs et leur potentiel de combat est plus grand que celui des Hindous plus efféminés. Ils ne sont pas divisés systématiquement en groupes, comme le sont les Hindous en quatre grandes castes : Brahmines, caste des guerriers, caste des marchands et caste des balayeurs, la plus humble, auxquels s'ajoutent les millions d'intouchables, qui posent un si poignant problème. Ces castes constituent une faiblesse fondamentale dans les affaires indiennes, comme toutes les tendances séparatives, contraires au plan divin, qui a fait égaux tous les hommes, mais le problème n'a plus l'acuité d'il y a cinquante ans.

Enfin, il y a les Britanniques, simple poignée de gens, dans cet immense pays aux vastes populations. Leur politique précédente de protection et d'intérêts égoïstes, favorisée par [131] l'ignorance du peuple indien au sujet du monde, de l'Inde elle-même et de ses habitants, ont conduit à bien des abus, à saisir agressivement bien des richesses indiennes et ont nourri la haine et l'incompréhension. Une période plus éclairée suivit, une réadaptation, au cours de laquelle l'Inde a encouru une dette considérable envers la politique à longues vues des Britanniques. La famine, qui ravageait l'Inde depuis des siècles, fut mieux contrôlée grâce à une sage irrigation, la conservation des aliments et de bons principes d'agriculture. Les transports furent rendus efficaces, car avant la construction de chemins de fer et de routes par les Britanniques, les voies de communication étaient peu nombreuses entre les diverses parties de l'Inde. Aujourd'hui l'Inde a été rendue praticable et un vaste système de communications y a été établi. Nourrir son peuple s'en trouve simplifié et, surtout, l'éducation et les bienfaits de la civilisation occidentale sont mis à sa disposition, d'où il est résulté d'énormes progrès parmi sa population. Des hôpitaux et des écoles sont construits partout, la menace de la peste bubonique et du choléra, qui ravageaient périodiquement le peuple et causaient des milliers de morts chaque année, ont été réduits au minimum, tandis que la vaccination contre la petite vérole, le typhus, la malaria ont fortement réduit le taux de la souffrance et de la mort. Les enfants reçoivent des soins experts dans le pays entier. Livrés aux seuls soins des naturels, les enfants étaient dans une misère épouvantable, la mortalité infantile était énorme, la malnutrition et les conditions déplorables étaient phénoménales. Tous ces bienfaits, le peuple de l'Inde en est redevable au gouvernement britannique.

Les Musulmans, comme les Hindous, demandaient que le British Raj quitte le pays et le confie au gouvernement de son propre peuple. C'est ce que les Britanniques ont fait de bonne grâce. La difficulté résidait dans le fait que la population musulmane refusait d'admettre une situation qui les mettrait à une position d'infériorité, vu l'énorme supériorité numérique de vote hindou. Les Hindous déclaraient que tel ne serait pas le cas. Ils prétendaient à leurs amis occidentaux que les objections musulmanes n'étaient pas si sérieuses que le disaient les Britanniques. Malgré tous les efforts de mettre d'accord le Congrès indien et la Ligue musulmane – les deux partis politiques principaux – pour arriver à une action unifiée, tous les efforts s'avérèrent inutiles. Les Britanniques annoncèrent à de fréquentes reprises leur volonté d'accorder à l'Inde le statut [132] de membre du Commonwealth, à condition que les Hindous et les Musulmans pussent élaborer une constitution juste et acceptable par les deux parties. Ils n'y arrivèrent point. Les Britanniques dirent aussi que si les peuples indiens demandaient d'un commun accord leur complète indépendance, à condition qu'ils pussent vivre ensemble en paix, sous un gouvernement juste et démocratique, ils pourraient l'avoir.

Le principal problème était de savoir si l’on ne pourrait jamais fondre l'Inde en un tout homogène et harmonieux. Tel n'avait jamais été le cas, sauf sous le gouvernement britannique, pendant quelques années. L'Inde est l'antithèse de l'Occident, dans sa culture et sa civilisation. La civilisation occidentale est scientifique, matérielle, de tendances positives et surtout objectives. La culture de l'Inde est spirituelle et fondamentalement négative. Elle n'insiste pas sur le monde des biens matériels, d'où son misérable état physique, sa pauvreté, son absence d'hygiène, et le triste état physique de ses femmes et de ses enfants, malgré les efforts britanniques, pendant des années, pour améliorer les conditions et enseigner une hygiène meilleure et un mode de vie plus sain. En Inde, la conscience populaire est en grande partie subjective et philosophique ; elle n'a pas de tendance scientifique. Ainsi l'Inde a produit une des plus belles Écritures sacrées du monde, la Bhagavad-Gita et la religion la plus répandue après la religion chrétienne, celle de Bouddha. L'Inde a produit quelques-uns des plus grands chefs spirituels de tous les temps, le Bouddha, Shri Krishna, Patanjali, Sankaracharya et d'autres.

Les différences internes de l'Inde, de race, de langues, de religions, de qualités physiques et de points de vue, compliquent beaucoup le problème que doivent résoudre ses chefs. Le problème est beaucoup plus ardu que ceux qui ne connaissent pas l'Inde peuvent l'imaginer, ou ceux qui basent leurs conclusions sur le genre d'Indiens qui visitent l'Occident et y déversent leur sorte particulière de propagande. Ils ne représentent pas l'Inde, telle qu'elle est en réalité.

La lumière spirituelle a jailli de l'Inde depuis des siècles, mais des principes politiques éclairés et la compréhension du monde semblent lui manquer encore. Le profond et véritable mysticisme des peuples indiens, leur capacité de penser abstraitement et leur conception de l'idéalisme spirituel ne semblent pas les avoir préparés à l'existence pratique et matérielle ni leur avoir apporté la compréhension du monde actuel ni des tendances futures. L'Inde peut-elle, sous l'impulsion de ses [133] propres idées, absorber le meilleur de la civilisation pratique matérialiste, de l'Occident ? Celle-ci est, à sa manière, autant l'expression de l'esprit divin qu'une présentation plus subjective et abstraite. C'est là un facteur que l'Orient doit saisir. La culture et la civilisation occidentales apporteront les conditions physiques en amenant l'Inde à des conditions matérielles, permettront à une Inde plus robuste de vivre mieux et fourniront le milieu favorable à une culture spirituelle supérieure dans l'ère nouvelle. L'Ouest peut-il, à son tour, absorber et utiliser la compréhension spirituelle de l'Est et s'édifier plus solidement sur ce monde subjectif ? Peut-il accepter le sens de la vie tel que le présente l'Orient et s'apercevoir que rien d'aussi vrai n'a été offert par la philosophie occidentale ? Quand cet échange spirituel pourra s'effectuer entre est et ouest, les problèmes et les différends se résoudront et l'esprit éternellement vivant de l'homme fonctionnera par un nouveau mode d'expression. L'humanité nouvelle, l'humanité une arrivera à la manifestation.

LA SOLUTION

Il devient évident que trouver la solution au problème des minorités, consiste essentiellement à trouver la solution de la grande hérésie de la séparativité. C'est d'une immense difficulté, non seulement du fait de la prédisposition naturelle de l'humanité en ce sens, mais aussi parce que l'humaine nature ne peut changer facilement, ni rapidement. En outre, ce changement et l'écrasement de l'esprit de séparativité doit se produire en un monde, plongé aujourd'hui au plus profond de la dépression, usé par la souffrance, rempli de méfiance et de la crainte et qui se doute à peine de ce qui est réellement nécessaire, n'étant guère capable que de crier à l'unisson : Que la paix nous soit donnée en notre temps !

Si un acte législatif donnait immédiatement aux minorités nègres les pleins droits constitutionnels, le problème demeurerait inchangé, car les cœurs et les esprits des hommes n'auraient pas été transformés et la solution demeurerait absolument superficielle. La Palestine a été donnée aux Juifs, et quoiqu'ils aient obtenu satisfaction, le sentiment antisémite, existant presque sans exception dans toutes les nations, reste exactement au même point qu'auparavant, et de plus, le sang coule en Palestine. En Inde, la solution peu élégante du partage a laissé les difficultés de base telles quelles. Le problème [134] va bien plus loin qu'on ne l'estime généralement. Il est inhérent à la nature humaine et c'est le produit de siècles innombrables de croissance stimulée et d'éducation mal dirigée des masses. La guerre n'a pas résolu les nombreux différents : puissance de l'orgueil et des attitudes nationalistes, le péril des antagonismes raciaux, les querelles engendrées par des croyances religieuses opposées et les troubles causés par les blocs, les partis et les idéologies. Quoique les combats aient pris fin, une nation se dresse toujours contre une autre dans l'arène politique, un groupe contre un autre groupe et (au sein des nations) parti contre parti et homme contre homme. Ceux qui sont sages et voient loin, ceux qu'inspire un bon sens saint sans égoïsme, l'idéaliste et les hommes et femmes de bonne volonté, existent partout et luttent en commun pour trouver une solution, pour édifier une nouvelle structure mondiale dans le droit, l'ordre et la paix, qui garantira les justes relations humaines. Mais, à leur tour, ils constituent une petite minorité, en comparaison des vastes multitudes d'êtres humains peuplant la terre. Leur tâche est dure et, du point où ils doivent travailler, leur semble parfois présenter des difficultés presque insurmontables.

Certaines questions se posent inévitablement partout à l'esprit des gens de bonne volonté :

Les Grandes Puissances sont-elles capables d'agir sans égoïsme, dans l'intérêt des petites puissances et de l'humanité entière ?

Une politique ambitieuse et les divers impérialismes nationaux peuvent-ils prendre fin et être oubliés définitivement ?

Une politique mondiale peut-elle être instaurée, qui garantirait la justice pour tous, petits ou grands ?

L'opinion mondiale peut-elle agir assez fortement en faveur des intérêts des justes relations humaines pour lier les mains de ceux qui sont égoïstement agressifs et peut-elle garantir des chances à ceux qui n'en ont guère eu jusqu'à présent ?

L'espoir d'établir une ère de justes relations humaines au sein des nations, aussi bien que sur le plan international, est-il un rêve impossible, le temps passé à l'étudier est-il perdu, ou n'est-ce qu'un désir qu'on prend pour une réalité ?

Le but des justes relations humaines, des droits égaux et des mêmes chances pour tous, partout, représente-t-il un objectif entièrement réalisable pour lequel tous les hommes dotés de bonnes intentions peuvent travailler avec quelque espoir de succès ? [135]

Quelles sont les premières mesures à prendre pour encourager ces justes efforts et pour leur assurer un fondement solide de bonne volonté mondiale ?

Comment l'opinion publique peut-elle être suffisamment intéressée, afin que les nombreuses mesures promouvant les justes relations humaines soient imposées aux législateurs et aux politiciens de tous pays ?

Que devraient faire les minorités, afin que droit soit fait à leurs justes demandes, sans susciter plus de différends et sans alimenter la flamme de la haine ?

Comment peut-on abolir les fortes lignes de démarcation entre races, nations, et groupes et les clivages qui existent partout, en agissant de telle manière, que l' "Humanité Une" émerge de l'arène des affaires mondiales ?

Comment peut-on développer la conscience de ce fait : que ce qui est bon pour une partie est bon pour l'ensemble, et que le bien suprême de l'unité dans le tout garantit le bien du tout ?

Ces questions, et bien d'autres, se posent et exigent une réponse. La réponse vient sous forme d'une platitude généralement acceptée, et malheureusement, elle fait l'effet d'une douche froide : Établissez de justes relations humaines en développant l'esprit de bonne volonté ! Alors, et alors seulement nous aurons un monde en paix et prêt à s'avancer vers une ère nouvelle et meilleure. Quoiqu'une platitude soit, dans la majorité des cas, l'expression d'une vérité première, il est difficile, dans le cas particulier, de faire admettre aux gens qu'elle est réalisable. Néanmoins, et parce que c'est une vérité, elle s'avérera à la longue, non seulement dans l'esprit de quelques-uns ici et là, mais sur une vaste échelle, dans le monde entier. Les gens recherchent avidement ce qui est original et inattendu, dans l'attente d'un miracle et de Dieu (quelle que soit la représentation mentale qu'ils aient de Lui), qui agirait, les délivrerait de la responsabilité et ferait la besogne à leur place.

Ce n'est pas par de telles méthodes qu'avancent les hommes, ils n'apprennent rien et ne progressent pas en se délestant de leurs responsabilités. Le miracle peut arriver, le beau et le surprenant se manifester, mais seulement lorsque les hommes ont créé l'ambiance nécessaire, les conditions voulues, et par leur remarquable accomplissement, ont donné la possibilité à une expression encore plus étonnante de se manifester. Nous ne pouvons avoir d'autre expression de la divinité, avant que [136] l'homme ne se conduise plus conformément au divin qu’à présent. Nous n'aurons point de "retour du Christ", ni d'influence de la conscience christique descendant sur nous, jusqu'à ce qu'en chaque homme, le Christ s'éveille et soit plus agissant que maintenant. Le Prince de la Paix, ou l'esprit de paix, ne feront point sentir la présence de la paix sur la terre jusqu'à ce que les intentions pacifiques des hommes, partout, aient changé l'aspect des affaires du monde. L'unité ne sera pas la caractéristique distinguant l'humanité, jusqu'à ce que les hommes eux-mêmes aient abattu les murs qui les séparent et supprimé les barrières entre races, entre nations, entre religions et entre hommes.

Le miracle, dans la situation actuelle, et la chance extraordinaire ainsi offerte, c'est que pour la première fois les hommes, à une échelle planétaire, s'aperçoivent du mal à éliminer. Partout on discute, on élabore des plans. Il y a des réunions, des cercles de discussions, des conférences et des comités qui s'échelonnent, des vastes délibérations aux Nations Unies jusqu'aux petites réunions tenues dans de lointains villages.

La beauté de la situation présente, c'est que, même dans la plus petite communauté, une expression pratique de ce qui est nécessaire à l'échelle mondiale est offerte aux habitants. Les différends dans les familles, entre églises, dans les municipalités, dans les villes, les nations, entre races, et les conflits internationaux demandent tous le même objectif et le même processus d'ajustement : l'établissement de justes relations humaines. La technique ou méthode de réaliser cela reste partout la même : l'usage de l'esprit de bonne volonté.

La bonne volonté est une expression mineure de l'amour véritable et c'est la plus facile à saisir. L'application de la bonne volonté aux problèmes que doit envisager l'humanité dirige l'intelligence dans des voies constructives. Là où est présente la bonne volonté, les murs de séparation et de malentendus s'écroulent. Il est nécessaire que les gens cessent – au moins pour un temps – de parler de l'amour, d'aimer leurs frères, et de l'usage de l'amour pour résoudre les problèmes, mais discutent plutôt sur un plan moins élevé et plus pratique, celui de la bonne volonté. Se servir du mot amour ne signifie rien, c'est presque devenu un sujet de dérision pour les sceptiques, les incrédules, les endurcis et les désillusionnés. Mais la bonne volonté garde son sens et peut être comprise par tous comme une force d'harmonie.

L'amour et la bonne intelligence suivront en temps utile [137] l'expression pratique de la bonne volonté agissant dans tous les genres de relations humaines et comme mode de contact entre les groupes, les nations et leurs minorités, de nation à nation et aussi dans le domaine de la politique internationale et des religions. L'expression de l'amour véritable, comme facteur dans la vie de notre planète, est peut-être encore fort lointaine, mais la bonne volonté est une possibilité actuelle et organiser la bonne volonté est une nécessité impérieuse.

On parle aujourd'hui beaucoup de bonne volonté et le mot est d'un usage courant. L'intention de l'employer dans tous les domaines de la pensée humaine est réelle, ainsi que de l'appliquer à tous les problèmes humains. Des preuves existent qu'un réel effort se poursuit en ce moment pour faire de la bonne volonté un agent efficace dans les négociations de la paix et de la bonne intelligence mondiales et pour amener de justes relations humaines.

Une campagne menée immédiatement par tous les hommes de bonne volonté est de première nécessité partout, dans le monde entier, pour interpréter le sens de la bonne volonté, pour insister sur la nature pratique de son expression, pour réunir en un groupe efficace et actif tous les hommes et les femmes de bonne volonté du monde et pour le faire, non sous forme d'une super organisation, mais afin de convaincre les malheureux, ceux qui sont dans la détresse ou dans l'erreur, de l'immensité d'une aide intelligente, prête à les aider. Il leur faut aussi démontrer leur capacité de prêter main forte à tous ceux qui œuvrent et luttent pour inaugurer de justes relations humaines et leur prouver la puissance de l'opinion publique, si elle est informée et vivante (formée par des gens de bonne volonté) et sur laquelle ils peuvent s'appuyer. Ainsi s'établira dans chaque nation, dans chaque ville et village, un noyau d'hommes de bonne volonté, avec une intelligence avertie, un bon sens pratique, la connaissance des problèmes mondiaux et la volonté de répandre la bonne volonté et de trouver les hommes d’un même sentiment dans leur milieu.

Le travail des hommes de bonne volonté est un travail d'éducation. Ils ne possèdent et ne recommandent aucun panacée pour remédier aux problèmes mondiaux, mais ils savent qu'un esprit de bonne volonté, surtout s'il est formé et mis en œuvre par la connaissance, peut produire une atmosphère ou une attitude, qui rendra possible la solution de ces problèmes. Quand des hommes de bonne volonté se rencontrent, quel que soit leur parti politique, leur pays ou leur [138] religion, il n'est point de problèmes qu'ils ne puissent résoudre à la longue, et résoudre à la satisfaction des diverses parties impliquées. C'est la production d'une telle atmosphère et l'évocation d'une pareille attitude, qui constitue la tâche principale des hommes de bonne volonté et non de présenter une solution toute faite. Cet esprit de bonne volonté peut être présent, là même où des divergences fondamentales existent entre les parties. Mais c'est rarement le cas aujourd'hui. Il n'y a, par exemple, guère de bonne volonté dans l'atmosphère et l'attitude caractérisant les activités du parti sioniste actuellement. Il attise la haine et constitue une force nettement séparative et destructive, comme le prouve ses publications. Il existe un réel esprit de bonne volonté dans un bon nombre des discussions des Nations Unies, sur des points délicats et difficiles, et cela se manifeste de façon croissante.

Il n'y a point de raison valable de croire que la croissance de la bonne volonté dans le monde sera nécessairement lente et graduelle. Le contraire peut être vrai si les hommes et les femmes d'aujourd'hui sentent en eux-mêmes une véritable bonne volonté et se délivrent d'idées préconçues, en s'approchant les uns des autres et en travaillant de concert à répandre la bonne volonté. Une personne pleine de préjugés, un fanatique religieux ou un nationaliste à tous crins ont de la difficulté à développer la bonne volonté en eux-mêmes. Ils peuvent y arriver, s'ils aiment assez leurs semblables et cherchent à leur laisser la liberté, mais il leur faudra d'abord discerner le coin sombre en eux-mêmes où se dresse un mur de séparativité, et le démanteler. Il leur faudra s'appliquer délibérément à développer la vraie bonne volonté (non la tolérance) envers l'objet de leur préjugé, envers l'homme d'une religion étrangère, ou envers la nation ou la race, à l'égard desquels il éprouve de l'animosité, ou qu'il méprise. Un préjugé est la première pierre du mur de séparativité.

La bonne volonté est bien plus répandue dans le monde qu'on ne se l'imagine. Il faut simplement la découvrir, la cultiver et la mettre en œuvre. Elle ne doit toutefois pas être exploitée par des groupes travaillant à leurs propres fins, si honnêtes, corrects ou sincères soient-ils. En ce cas, elle serait détournée vers des buts partisans. Les hommes de bonne volonté se tiennent à égale distance de groupes opposés, lorsqu'ils existent, afin de créer un climat, où la discussion et le compromis deviennent heureusement possibles. Ils marchent constamment sur la noble voie du milieu, celle du Bouddha, [139] qui se situe entre les couples de contraires, et droit en direction du cœur de Dieu. Ils foulent le "sentier étroit" de l'amour, dont parlait le Christ, et ils montrent qu'ils le foulent en exprimant le seul aspect de l'amour que l'humanité puisse comprendre à présent : la Bonne Volonté.

Quand la bonne volonté sera exprimée et organisée, reconnue et utilisée, les problèmes mondiaux, quels qu'ils puissent être, aboutiront à la longue à une solution. Quand la bonne volonté constituera un facteur véritable et actif dans les affaires humaines, nous passerons à une intelligence plus pleine et plus riche de la nature de l'amour et à une expression de quelque aspect supérieur de l'amour divin. Quand la bonne volonté sera répandue abondamment parmi les hommes, nous assisterons à l'établissement des justes relations humaines et un nouvel esprit de confiance, de bonne foi et de compréhension régnera dans l'humanité.

Les hommes et les femmes de bonne volonté existent dans chaque nation et dans toutes les parties du monde, par milliers. Il faut les trouver, les toucher, les mettre en contact les uns avec les autres. Qu'ils se mettent à l'œuvre pour créer une atmosphère correcte dans les affaires du monde et dans leurs propres communautés, qu'ils sachent, bien qu'associés, ils sont tout puissants et peuvent éduquer et influencer l'opinion publique tant et si bien, que l'attitude du monde à l'égard des problèmes mondiaux deviendra juste et correcte, conforme au plan divin. Qu'ils comprennent que les solutions des problèmes critiques, devant lesquels se trouve l'humanité au seuil de l'Ère nouvelle, ne seront pas procurées par le choix de quelque plan d'action, imposé au public à grand renfort de propagande et de publicité. Elles se présenteront en prêchant et en développant l'esprit de bonne volonté et ses résultats : une bonne atmosphère et une attitude saine, ainsi qu'un cœur plein de compréhension.

L'Ère chrétienne fut annoncée par une simple poignée d'hommes, les douze apôtres, les soixante-dix disciples et les cinq cents qui reçurent le message du Christ. L'Ère nouvelle, durant laquelle le Christ "verra le travail de Son Âme et sera satisfait", est introduite par les centaines et les milliers d'hommes de bonne volonté à l'œuvre actuellement dans le monde, et qui peuvent devenir encore plus actifs, s'ils se reconnaissent, se liguent et s'organisent.

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[1] Ces pages ont été écrites pendant la première moitié de 1946.