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CHAPITRE II LE BUT DE L’EDUCATION

 

CHAPITRE II

LE BUT DE L'EDUCATION

L'impasse de l'enseignement.

L'éducation des masses et le développement individuel. La question de l'éducation.

L'émergence de l'homme réel.

La possession d'un principe intuitif.

"(...) L'éducation subit d'importantes transformations. Le procédé, relativement externe par l'introduction des faits, devient de plus en plus un procédé par lequel sont évoquées les possibilités génératrices plus profondes, enfouies dans l'individu."

H. A. OVERSTREET.

L'un des nombreux facteurs qui ont amené l'humanité à son degré actuel de développement a été la croissance et le perfectionnement de ses méthodes et de ses systèmes d'éducation. L'enseignement fut d'abord entre les mains des religions organisées ; mais aujourd'hui, ces religions n'en possèdent pratiquement plus le contrôle, lequel appartient à l'État. Dans le passé, l'éducation était largement teintée par la théologie et ses méthodes étaient dictées par les hommes d'Église et par les prêtres. Maintenant, le vaste corps enseignant est formé par l'État, toute tendance religieuse est ignorée en raison des nombreuses et différentes Églises ; et la tendance de l'enseignement est presque entièrement matérialiste et scientifique. Autrefois, en Orient et en Occident, nous n'avions que l'éducation des membres les plus  évolués de la famille humaine. Aujourd'hui, nous avons l'éducation des masses. Pour bien comprendre la question de l'éducation future et, croyons-nous, supérieure, ces deux facteurs doivent être présents à l'esprit, car ce sera dans une synthèse des deux méthodes – éducation de l'individu et des masses, éducation religieuse et scientifique – que sera trouvée l'issue.

Comme toute chose en cette période transitoire, nos systèmes éducatifs [22] subissent des fluctuations et changent. Le sentiment qu'il a été beaucoup entrepris pour élever le niveau de l'intellect humain est général, mais il se double d'un profond courant de mécontentement quant aux résultats. La question est de savoir si nos systèmes d'enseignement atteignent leur efficacité maximale. Nous apprécions  la prodigieuse avancée qui a été réalisée au cours des deux cents dernières années, et cependant, nous nous demandons si, après tout, nous tirons de la vie tout ce que pourraient en obtenir des gens bénéficiant d'une méthode d'enseignement adéquate.

Imbus de la croissance de notre savoir, de l'accumulation de nos informations et de notre contrôle des forces de la nature, nous débattons cependant la question de savoir si, oui ou non nous possédons une culture véritable. Nous enseignons à nos enfants à se remémorer un ensemble considérable de données, à assimiler une quantité de détails infiniment divers et pourtant nous nous inquiétons parfois de savoir si nous leur enseignons à vivre d'une manière plus satisfaisante.

Nous dépensons des milliards de dollars à construire et à doter des universités et des collèges des moyens nécessaires pourtant, nos éducateurs les plus clairvoyants sont fortement préoccupés de savoir si cette éducation répond réellement aux besoins du citoyen moyen. Elle semble clairement faillir à sa mission en ce qui concerne l'enfant exceptionnel, l'homme et la femme doués. Notre manière de former la jeunesse est décidément mise en jugement. L'avenir seul décidera si un moyen quelconque ne devra pas être trouvé, par lequel la culture de l'individu pourra se poursuivre en parallèle à la civilisation des masses par l'éducation.

À une époque d'accomplissement scientifique et d’une synthèse de la [23] pensée dans tous les domaines du savoir humain, l'un de nos éducateurs, le Dr Rufus M. Jones, dit :

"Hélas ! Aucune de ces réalisations ne fait de nous de meilleurs hommes. Il n'y a pas de lien entre les comptes en banque et la bonté du cœur. Le savoir n'est aucunement la même chose que la sagesse et la noblesse d'esprit... Le monde n'a jamais vu auparavant une armée aussi immense d'éducateurs agir sur la jeunesse du pays, et jamais, dans l'histoire du monde, il n'y a eu pareille dépense d'argent en faveur de l'éducation primaire et secondaire. Pourtant, le résultat global est décevant, et l'essentiel n'est pas atteint. Nos institutions enseignantes produisent quelques bons élèves, fournissent une masse de faits scientifiques à nombre de gens, mais l'activité essentielle de l'éducation, qui est, ou devrait être, la formation du caractère, la culture de l'esprit et la construction de l'âme connaît un échec pitoyable."[1]

La vieille Asie et l'Europe, jusqu'au XVIIIème siècle, formaient et éduquaient l'individu. Un enseignement renforcé était dispensé aux classes dites supérieures et à l'homme qui témoignait d'aptitudes marquées pour la culture spirituelle. Sous le système brahmanique, en Orient, et dans les monastères, en Occident, un enseignement spécifique était délivré à ceux qui pouvaient en profiter, ce qui produisait de rares individus, qui, jusqu'à aujourd'hui, ont marqué de leur sceau la pensée humaine. À ceci, notre monde occidental moderne a substitué l'éducation des masses. Pour la première fois, des hommes, par milliers, apprennent à se servir de leur mental ; ils commencent à affirmer leurs propres individualités, à formuler leurs [24] propres idées.

La liberté de pensée, l'émancipation par rapport aux théologies (religieuses ou scientifiques) sont les cris de guerre du présent ; et, par-là, beaucoup a été gagné. Les masses commencent à penser par elles-mêmes, mais c'est une pensée de masse et l'opinion publique hasardeuse conditionne à présent la pensée tout autant qu'autrefois les théologies. Le pionnier a toujours tout autant de difficulté que jadis à s'imposer dans le monde de la pensée et de l'entreprise.

La grande roue de la vie tourne, et peut-être devrons-nous revenir à la formation spécialisée, au profit de l'individu spécial, retour qui n'impliquera pas un rejet de l'éducation des masses. De cette façon, peut-être parviendrons-nous, finalement, à unir les méthodes du passé et de l'Orient à celles du présent et de l'Occident.

Avant de considérer ces deux méthodes, essayons de définir ce qu'est l'éducation, et de formuler pour nous-mêmes sa finalité, clarifiant ainsi nos idées quant aux objectifs en tête de tous nos efforts. Ceci n'est pas chose aisée. Vue sous son aspect le moins intéressant, l'éducation peut être définie comme un apport de connaissances à un étudiant, et généralement à un étudiant réticent, qui reçoit une masse d'informations qui ne l'intéressent aucunement. Une telle approche est aride et inféconde ; nous sentons que cette présentation concerne principalement le développement de la mémoire, par la communication de soi-disant faits, et la dispense à l'étudiant d'une petite dose d'information sur un grand [25] nombre de sujets non corrélés. La signification du mot éducation est pourtant : "Conduire hors de..." ou "tirer de..." et ceci est des plus instructifs. La pensée latente dans cette idée est que nous devrions extraire de l'enfant, de ses instincts et ses capacités potentielles, afin de le mener d'un état de conscience à un autre plus vaste. De cette façon, nous conduirions, par exemple, des enfants qui sont simplement conscients d'être vivants, à un état de conscience de soi, ils seraient conscients d'eux-mêmes et de leur relation avec leurs pairs ; ils apprendraient à développer leurs pouvoirs et leurs capacités, spécialement grâce à l'orientation professionnelle, afin qu'ils soient des membres de la société économiquement indépendants et ainsi capables de subvenir à leurs propres besoins. Nous exploitons leur instinct de préservation afin de les conduire sur le sentier du savoir. Peut-on dire que nous commençons par utiliser leur appareil instinctif, pour les conduire jusqu'à celui de l'intellect ? Cela peut être vrai mais je demande si, les ayant amenés à ce point, nous faisons du bon travail et leur enseignons la vraie signification de l'intelligence comme exercice par lequel l'intuition est libérée. Nous leur enseignons à utiliser leurs instincts et leur intellect comme parties de l'appareil de préservation de soi dans le monde extérieur des affaires humaines, mais l'emploi de la raison pure, et le contrôle final de l'intellect par l'intuition dans le travail de la préservation de soi, et de la continuité de la conscience dans les mondes subjectifs et réels, demeurent le savoir privilégié d'un petit nombre de pionniers. Si la [26] définition de l'intuition donnée par le professeur Wildon Carr est correcte, alors, nos méthodes éducatives ne tendent pas à son développement. Il la décrit comme étant "l'appréhension directe, par l'intellect, de la réalité telle qu'elle est, et non sous la forme d'une perception ou d'une conception, ni comme une idée ou un objet de la raison, toutes choses qui sont, par contraste, une appréhension intellectuelle."[2]

Nous estimons la science de l'intellect, ou les modifications du principe pensant (ainsi que l'appellent les Hindous), comme étant strictement humaines, considérant les réactions instinctives de l'homme comme des qualités qu'il possède en commun avec les animaux. N'est-il pas possible que la science de l'intuition, l'art de la claire vision synthétique, puisse un jour se trouver, vis-à-vis de l'intellect, dans la position que celui-ci occupe à son tour vis-à-vis de la faculté instinctive ?

Le Dr Dibblee, d'Oxford, fait sur l'instinct et l'intuition les intéressants commentaires suivants, qui ont leur place ici en raison de notre plaidoyer en faveur de la reconnaissance d'une technique de l'éducation conduisant au développement d'une faculté de conscience supérieure. Il dit :

"(…) l'instinct et l'intuition commencent dans les parties extra-conscientes de nous-mêmes, pour employer une métaphore locale, et émergent tout autant à l'improviste, à la lumière de la conscience quotidienne... Les impulsions de l'instinct et les incitations de l'intuition sont engendrées dans le secret total. Quand elles apparaissent, elles sont nécessairement presque complètes et leur avènement dans notre conscience est soudain."[3][27]

Dans un autre passage, le Dr Dibblee ajoute que l'intuition est située de l'autre côté de la raison, à l'opposé de l'instinct. Nous avons par conséquent, cette intéressante triplicité : l'instinct, l'intellect et l'intuition, avec l'instinct au-dessous du seuil de la conscience, pour ainsi dire, l'intellect tenant la première place dans la reconnaissance de l'homme en tant qu'être humain, et l'intuition située au-delà des deux, faisant occasionnellement sentir sa présence par de soudaines illuminations et des perceptions de la réalité qui sont le don de nos plus grands penseurs.

L'éducation doit sûrement comprendre quelque chose de plus que la préparation de l'homme, en vue de sa lutte pour la vie et de son adaptation à un milieu quelconque. L'humanité doit être tirée de sa condition actuelle et conduite vers un avenir plus vaste, un accomplissement plus profond. Elle doit être équipée de manière à faire face à toutes les éventualités et à obtenir les résultats les meilleurs et les plus élevés. Les pouvoirs constructifs des hommes devraient être amenés à leur pleine expression constructive. L'accomplissement ne doit pas avoir de seuil standardisé, qui, une fois atteint, les laisse complaisants, satisfaits d'eux-mêmes et, par conséquent, statiques. Ils doivent toujours être conduits des conditions inférieures aux conditions supérieures de réalisation, et la prise de conscience doit être sans cesse accrue. L'expansion et la croissance sont la loi de la vie, et tandis que la masse des hommes doit être élevée par un système d'éducation susceptible de procurer le plus grand bien au plus grand nombre, l'individu doit recevoir son plein héritage et le patrimoine culturel doit nourrir et fortifier les plus accomplis et les meilleurs d'entre nous, car dans leur perfectionnement se trouve la promesse de l'âge nouveau. [28] L'inférieur, l’infirme doivent aussi  suivre une formation spéciale afin d'atteindre le niveau élevé que les éducateurs ont fixé. Mais il est encore plus important qu'aucun homme ayant des aptitudes particulières et un bagage intellectuel ne soit maintenu au point mort de la norme proposée pour la classe éduquée.

C'est justement ici que la difficulté de définir l'éducation apparaît et que la question se pose quant à son but réel et à son véritable objectif. Le Dr Randall l'a bien compris ; dans un article, il écrit :

"Je voudrais recommander une définition de l'éducation comme étant un exercice possible de méditation privée. Que chacun se demande ce qu'il entend par "éducation" et, si l'on réfléchit profondément à la question, l'on découvre que pour y répondre il faut sonder jusqu'au tréfonds même du sens de la vie. Penser sincèrement à la signification de l'éducation, nous contraint à affronter les questions fondamentales de la vie, comme jamais auparavant... Le but de l'éducation est-il la connaissance ? Oui, assurément, mais la connaissance dans quel but ? Son but est-il le pouvoir ? Encore une fois oui, certainement, mais le pouvoir à quelle fin ? Son but est-il l'ajustement social ? L'âge moderne répond oui de manière emphatique, mais quel genre d'intégration sera-ce ? Et défini selon quels idéaux ? Que l'éducation ne tende pas à la seule connaissance ni au seul pouvoir de tout genre, mais à la connaissance et au pouvoir justement employés, cela est clairement reconnu par la pensée éducatrice la plus progressiste, mais non par l'opinion populaire actuel...

Par conséquent, le grand objectif de l'éducation nouvelle est le développement de l'individu à des fins sociales, c'est-à-dire pour le plus grand service de l'homme...

Nous classifions communément l'éducation en trois catégories : primaire, secondaire et supérieure. À ces trois catégories [29] je voudrais en ajouter une quatrième, la plus haute. La plus haute éducation est la religion, mais c'est aussi de l'éducation."[4]

Il est intéressant de constater que Bhagavân Dâs exprime les mêmes idées à la première conférence sur l'éducation en Asie-Pacifique. Il déclare que :

"Les règles de la Religion, c'est-à-dire de la plus vaste science, nous rendent capables (...) de nous décharger de ces plus grandes dettes et de ces devoirs. La Religion a été décrite comme étant le commandement ou la révélation de Dieu. En d'autres termes, cela signifie seulement les lois de la Nature de Dieu telles qu'elles nous sont révélées par les travaux intellectuels, intuitifs et inspirés des voyants et des savants de toutes les religions et de toutes les nations... Nous avons entendu parler assez longtemps des trois R (lecture, écriture, arithmétique). Le quatrième, celui de la véritable Religion, est plus important que tous les autres ; (…) mais il doit être soigneusement découvert et      rendu intelligible. Il incombe à tous les éducateurs sincères qu'ils contribuent à ce travail par l'application de la méthode scientifique qui consiste à déterminer les accords parmi les différences."[5]

L'Orient et l'Occident semblent sentir également qu'un système d'éducation qui ne conduit pas finalement l'homme hors du monde des affaires, jusqu'à la conscience des choses spirituelles a failli à sa mission et ne sera pas à la hauteur de l'aspiration de l'âme humaine. Un enseignement qui s'arrête à l'intellect et ignore la faculté démontrée par les meilleurs esprits de ressentir intuitivement la vérité est très limité. S'il laisse ceux qui l'abordent avec un mental fermé et statique, il les laisse sans le bagage qui permet d'atteindre ce subtil et intangible "quatre cinquième de vie" dont le Dr Wiggam nous dit qu'il se trouve à l'extérieur du domaine [30] de la formation scientifique. La porte doit être ouverte à ceux qui peuvent aller au-delà du développement académique du mental en relation avec l'existence sur le plan physique. La réussite de l'avenir de la race est liée à celle de ces individus qui ont la capacité d'accomplir des choses plus grandes parce que plus spirituelles. Ces unités de la famille humaine doivent être découvertes, encouragées à aller de l'avant et à pénétrer dans ce royaume de l'intangible. Elles doivent être cultivées, développées et une éducation doit leur être donnée, qui sera adaptée à ce qu'il y a en eux de plus élevé et de meilleur. Une telle éducation requiert une perception exacte de la croissance et de la condition individuelles et une compréhension exacte de la prochaine étape à parcourir, dans chaque cas donné. Cela nécessite de la clairvoyance, de la sympathie et de la compréhension de la part de l'enseignant.

Il y a, parmi les éducateurs, une  prise de conscience croissante de ce besoin d'améliorer les méthodes éducatives les plus avancés, et ainsi d'élever ceux qui sont soumis à leur influence, hors du domaine de l'intellect purement analytique et critique jusqu'au domaine de la raison pure et de l'intuition. Bertrand Russel signale que "l'éducation ne devrait pas tendre à une connaissance passive de faits morts, mais à une activité dirigée vers le monde que nos efforts doivent créer". Mais nous devons nous rappeler que la création suppose un créateur en fonction, agissant avec intention et utilisant l'imagination créatrice. Peut-on dire que nos systèmes d'éducation modernes aient cet effet ? L'intellect n'est-il pas standardisé, maintenu [31] à un niveau inférieur par la méthode qui consiste à encombrer la mémoire de faits mal assimilés ?

Le Dr Herbart a raison lorsqu'il dit que "le principal travail de l'éducation est la révélation éthique de l'univers". Dans ce cas, le Dr Moran a sans doute aussi raison quand il souligne que "l'une des causes sous- jacentes – peut-être la plus grande – de notre âge matérialiste, est le manque d'élément spirituel dans notre éducation conventionnelle".

Quelques-uns d'entre nous sentent aussi qu'il existe un but encore plus vaste que la révélation éthique, et qu'il se peut que l'humanité soit la gardienne d'une illumination et d'une gloire qui seront réalisées dans leur plénitude, quand les masses auront atteint, dans une certaine mesure, la magnificence qui a caractérisé  quelques-uns des personnages mondiaux du passé. N'est-il pas conforme au développement évolutif que le but réel de l'éducation soit de conduire l'humanité hors du quatrième règne, le règne humain, dans le règne spirituel où les pionniers que nous appelons Mystiques et les Figures de la race qui déterminèrent son niveau spirituel, vivent, se meuvent et ont leur devenir ? Ainsi, l'humanité sera tirée hors du monde objectif et haussée jusque dans le royaume de l'Esprit où se trouvent les vraies valeurs, et où s'établit le contact avec le Soi Supérieur, que l'existence des "sois" individuels a pour unique objet de révéler. Keiserling y fait allusion dans le passage suivant :

"Nous connaissons les limites de la raison humaine, nous comprenons la signification de nos efforts, nous sommes les maîtres de la nature. Nous pouvons  prendre en considération simultanément le monde extérieur et le monde intérieur. Puisque nous pouvons déterminer objectivement quelles sont nos réelles intentions nous n'avons plus besoin de devenir la proie de nos propres [32] tromperies... Dorénavant, cette possibilité doit devenir le motif conscient de la vie. Jusqu'ici il n'en a pas été ainsi. Cependant, cela est de toute importance car le centre de la conscience détermine le point de départ de l'homme. Il est en fait là où l'homme met en lui-même l'accent, et tout son Être est réorganisé en conséquence... Une éducation tendant à la synthèse de la compréhension et de l'action est donc nécessaire pour une vie basée sur la connaissance.

Toute éducation, en Orient, est simplement dirigée vers la Compréhension sensorielle, qui (...) est le seul chemin pouvant être désigné comme menant à une élévation du niveau de l'Existence essentielle... La chose essentielle n'est pas l'information mais la compréhension ; et la compréhension ne peut être atteinte que par l'application créatrice personnelle... La perception sensorielle signifie toujours donner une signification à une chose ; la dimension de la Signification se trouve dans la direction allant de l'interne vers l'externe. Par conséquent, le savoir (au sens d'information) et la compréhension en réalité sont dans la même relation  l'un par rapport à l'autre que la nature et l'Esprit. L'information est apportée de l'extérieur à l'intérieur ; la compréhension est un procédé créateur dans la direction opposée. Dans ces conditions, il n'y a pas de chemin direct conduisant, d'un but à l'autre. On peut tout connaître et en même temps ne rien comprendre. C'est précisément l'impasse où notre éducation, qui tend à un cumul des informations, a conduit la majorité."[6]

Ce livre cherche à traiter de la méthode par laquelle la capacité de fonctionner dans une conscience plus large peut être développée. Il concerne la technique grâce à laquelle l'homme peut réorganiser son Être aux fins les plus vastes. Tout individu capable de désirer ces fins se saisira promptement [33] de cette technique, si son désir prend dans son mental une forme claire et rationnelle et s'il le reconnaît comme un objectif parfaitement légitime et susceptible d'être atteint victorieusement. Si la société peut fournir les moyens et l'occasion d'une telle avancée, beaucoup suivront la voie. La méthode proposée est une technique individuelle qui rend l'étudiant ayant bénéficié des avantages de l'éducation académique habituelle et des expériences de la vie, capable de développer sa conscience, jusqu'à ce qu'il  transcende graduellement ses limites actuelles et réoriente son mental vers de plus vastes horizons. Il découvre l'âme comme la grande Réalité,  obtenant ainsi une expérience directe des choses spirituelles.

Everett Dean Martin définit l'éducation comme "une réévaluation spirituelle de la vie humaine. Sa tâche est de réorienter l'individu, de le rendre capable d'avoir de ses expériences une opinion plus profonde, plus significative, et de le placer au-dessus et non à l'intérieur de ses croyances et de ses idéaux".[7]

Cette définition ouvre nécessairement la  voie à la controverse, car nous vivons chacun dans un entourage différent ; nous avons nos problèmes  spécifiques et nos caractéristiques basés sur l'hérédité, notre condition physique et beaucoup d'autres facteurs.  Les normes des valeurs devront être modifiées en conséquence, pour chaque personne, pour chaque génération, pour chaque pays et chaque race. Il est possible que l'éducation ait pour objet de nous préparer à "une existence complète" comme dit Herbert Spencer, mais l'envergure et [34] la capacité de chaque homme diffèrent. Le point le plus bas et le point le plus élevé que l'homme puisse atteindre varient infiniment et, d'ailleurs, un homme équipé pour fonctionner dans une sphère particulière peut se révéler ridiculement inadéquat dans une autre. Par conséquent,  une norme "d'existence complète" doit être établi, si la définition doit avoir  quelque utilité. Pour cela, nous aurons à déterminer le type pur de l'homme perfectionné et quelle est la somme de ses divers contacts. Il semble inconcevable que nous ayons épuisé les possibilités de l'appareil de réponse humain et celles aussi de l'entourage avec lequel il peut nous mettre en rapport. Quelles sont les limites dans lesquelles un homme peut fonctionner ? S'il y a des états de conscience s'étendant du Hottentot à notre élite intellectuelle et jusqu'aux génies, aux maîtres de l'expression humaine dans tous les domaines, qu'est-ce qui constitue la différence entre eux ? Pourquoi les champs de perception diffèrent-ils si largement ? Développement racial, répondra l'un, stabilité ou instabilité glandulaire, dira l'autre ; question d'éducation, différence de milieu, déclareront d'autres groupes de penseurs.

Mais, hors du bouillonnement de l'opinion, un fait fondamental surgit : l'étendue de la multiplicité des états de conscience, et l'émerveillement devant le constat que l'humanité a pu produire de telles merveilles de compréhension parfaite, de pureté d'expression, et de rayonnement mondial parfait [35] comme en ont témoigné le Christ, le Bouddha, Platon et tant d'autres, dont la pensée, les paroles ont marqué de leur sceau  l'esprit des hommes, depuis des milliers d'années. Qu'est-ce qui les a fait tels ? Sont-ils des miracles sortis du cœur de l'Infini et à jamais sans égaux ? Sont-ils les produits du procédé évolutif et sont-ils devenus puissants grâce à une vaste expérience et au développement ? Ou bien sont-ils la fleur de la race humaine, ayant ajouté à leur acquis et à leur développement une culture spéciale, qui les rendit capables de pénétrer dans un monde spirituel fermé à la majorité, et de fonctionner dans une dimension dont les  penseurs les plus éclairés ne connaissent rien ? Les systèmes d'éducation actuels ont-ils amené l'humanité, dans sa totalité, à une condition telle que des milliers d'individus soient prêts à bénéficier de cette  éducation spécialisée et, par suite, affrontons-nous une crise de l'éducation qui a ses racines dans ce succès qui, s'il est poursuivi dans le même sens, sera préjudiciable, parce que l'homme est prêt à quelque chose de nouveau. Quelques-uns d'entre nous pensent que cela est possible et qu'il est temps que les éducateurs commencent à préparer les hommes en vue de cette nouvelle, divine et merveilleuse expérience qui les mettra partout en possession d'eux-mêmes, chose qui a été jusqu'à maintenant la prérogative choisie des mystiques, de ceux d'entre la race qui possèdent la connaissance. Ceux-ci ont témoigné d'un monde plus vaste que celui révélé par le mécanisme des nerfs et qui fait l'objet des recherches des chimistes, des physiciens, des biologistes et des anthropologues. Ils ont parlé en termes précis d'un domaine de contacts [36] et de perceptions dans lequel les sens ordinaires sont inutiles. Ils prétendent avoir vécu dans ces régions plus subtiles, et la persévérance déployée dans la recherche mystique de la réalité, la similitude de leurs témoignages à travers les âges, nous conduisent à croire en la possibilité de ce monde intangible et à l'existence d'un appareil de réponse au moyen duquel il peut être pressenti. Ces mystiques "bercés d'illusions" et ces penseurs intuitifs se comptent par dizaines de milliers, parmi les meilleurs intellects de la race. Ils nous disent comme Walt Whitman : "Moi et ceux de mon espèce ne convainquons pas par des raisonnements, nous convainquons par notre présence".[8]

L'éducation a été aussi exprimée comme "une quête aventureuse du sens de la vie, impliquant une capacité de bien réfléchir". Je ne sais qui a dit cela, mais il me semble que c'est une excellente description de l'approche de la technique de la méditation par laquelle le mystique devient le connaissant pleinement conscient. On a beau chercher à expliquer ceci, un fait demeure : à travers les âges l'homme poursuit sa quête et cette recherche le conduit bien plus profond que les apparences  du monde dans lequel il vit. Le Dr Overstreet attire notre attention sur ce point par des paroles qui renferment le vrai message mystique. Il dit :

" Dans l'ensemble, nous sommes des créatures qui voyons des "choses". Nous voyons ce que nous voyons et généralement pas au-delà de ce que nous voyons. Faire l'expérience du monde seulement comme monde des choses, c'est manquer, sans aucun doute, quelque chose d'important. L'expérience [37] des choses est assurément bonne dans la mesure de ce qu’elle a à offrir. Cela nous rend capables de circuler dans le monde et de manipuler avec un certain succès les facteurs de notre vie... Cependant, il est possible de parvenir à une "perception" différente de son propre monde, si l'on peut prendre une habitude mentale nouvelle. C'est, en bref, l'habitude de voir l'invisible dans la réalité visible, l'habitude  d'aller au-delà du voile, de voir à travers les choses jusqu'à leurs sources originelles."[9]

Peut-être les hommes sont-ils prêts, maintenant, à pénétrer sous la surface et à poursuivre leurs recherches à l'intérieur des formes extérieures de la nature, jusqu'à ce qui est leur cause. Nous sommes peut-être trop disposés à confondre l'esprit religieux avec la recherche mystique. Toute réflexion claire concernant la vie et les grandes lois de la nature, poursuivie avec persévérance et à un rythme soutenu, conduit finalement dans le monde mystique, ce que les scientifiques les plus éclairés de notre époque commencent à comprendre. La religion débute avec l’hypothèse acceptée de l'invisible et du mystique. Mais la science arrive au même point en procédant du visible à l'invisible, et de l'objectif au subjectif. Ainsi, comme il a été dit, par le procédé de l'investigation et du passage intérieur de forme en forme,  le mystique parvient finalement à la gloire du Soi dévoilé. Il semble invariablement vrai que tous les chemins mènent à Dieu, Dieu considéré comme l'ultime but, le symbole de la recherche humaine du Réel. Ce n'est plus un signe de superstition que de croire à une dimension supérieure, à un autre plan d'Existence. Même le mot "surnaturel" est devenu profondément respectable et il semble possible qu’un [38] jour, notre système éducatif considère [38]  la préparation de l'individu au dépassement de ses limites naturelles, comme faisant légitimement partie de ses attributions. Il est intéressant de noter ce que dit le Dr C. Lloyd Morgan, dans les conférences de Gifford, données en 1923, au sujet du mot "surnaturel".

"Il y a, j'y consens, un sens intelligible dans lequel il peut être dit que dans la hiérarchie ascendante des états de progrès, considérés comme manifestation du Dessein Divin, chaque degré supérieur est à son tour surnaturel par rapport à celui qui le précède. En ce sens, la vie est surnaturelle par rapport à l'inorganique ; dans le domaine de la pensée, la compréhension réfléchie est surnaturelle par rapport à la pensée naïve, irréfléchie ; l'attitude religieuse impliquant la reconnaissance du But Divin est surnaturelle par rapport à l'attitude éthique dans les affaires sociales. Pour ceux qui estiment avoir atteint le plus haut degré, l'attitude religieuse est le suprême exemple de surnaturel. C'est la caractéristique de l'homme spirituel."

Et, à ce propos, le Dr Morgan ajoute en des termes magnifiques :

"L'important, pour nous, réside dans une nouvelle attitude, car c'est cela, je crois, qui émerge. Dès lors, nous pouvons parler d'une nouvelle "vision" et d'un "cœur" nouveau capable d'une forme de joie supérieure et plus riche."[10]

Dans son remarquable livre, Human Nature and its Remaking, le Dr Hocking observe que l'éducation a deux fonctions ; elle doit d'abord imposer  la norme et puis fournir alors ce qui est nécessaire à la croissance au-delà de cette norme. L'éducation a pour but de rendre l'homme véritablement humain. Elle doit parfaire sa nature et ainsi révéler [39] ces potentialités [39]  à laquelle tend l'humanité entière. L'évocation de la "volonté-de-connaître" et plus tard celle de "volonté-d'être" doivent suivre un processus de développement normal. C'est sous ce rapport que la méthode de la méditation se révélera être une partie de la technique de l'éducation supérieure que l'Âge nouveau verra fleurir. L'on découvrira que la méditation est le moyen par lequel l'être humain, déjà perfectionné, peut l'être davantage encore et peut être introduit dans un nouveau règne de la nature. La méditation est en premier lieu un procédé d'éducation auto-amorcé, faisant appel aux pouvoirs de la volonté, se basant sur l'acquis actuel mais produisant à la fin un type nouveau, le type de l'âme, avec son propre appareil interne particulier et contenant en lui-même les germes d'un développement encore plus grand.

Au lieu d'être imposé de l'extérieur, le nouveau procédé éducatif jaillit de l'intérieur et devient cette discipline mentale imposée à soi-même et à laquelle nous donnons les appellations si peu comprises de : concentration, méditation et contemplation. Ce n'est plus un monde d'entraînement de la mémoire et le développement d'un maniement rapide de l'appareil de réponse qui nous met en contact avec le monde extérieur ; la technique éducative devient un système de contrôle de l'intellect, conduisant finalement à la connaissance intérieure d'une nouvelle manière d'être. Cela produit à la longue une capacité de réagir promptement à un monde intangible, invisible et à une nouvelle série de cognitions instinctives qui ont leur siège dans un appareil de réponse plus subtil. Le type de l'âme s'impose au type humain, comme [40] celui-ci s'est imposé au type animal ; et de même que le type humain est le produit de l'entraînement de la masse et de l'instinct, type qui a été prodigieusement développé par nos systèmes d'éducation modernes, de même, le type de l'âme est le produit d'une nouvelle méthode d'entraînement mental imposée à l'individu par l'âme ; cette méthode a été suscitée par l'urgence de la recherche et par un acte de sa volonté. Cette âme est toujours latente dans la forme humaine, mais la manifestation de son activité résulte de la pratique de la méditation.

La différence principale entre les méthodes d'éducation orientale et occidentale réside dans ces deux  approches de perfectionnement de l'homme, l’une l'élevant jusqu'à une norme collective ; l'autre amenant l’émergence d'un type nouveau : l'âme.

Le contraste entre les deux modes de développement est des plus instructifs. En Orient, nous avons la culture attentive de l'individu, les masses étant laissées pratiquement sans éducation.

En Occident, nous avons l'éducation collective, mais, généralement parlant, l'individu demeure sans culture spécifique. Ces deux grands systèmes divergents ont produit chacun une civilisation traduisant son génie particulier mais aussi ses défauts marqués. Les prémisses sur lesquelles ces systèmes sont basés diffèrent grandement et valent d'être considérées car c'est dans leur compréhension et leur union finale que sera peut-être trouvée l'issue pour la race, au cours de l'Age Nouveau.

Premièrement : Dans le système oriental, il est admis qu'en toute [41] forme humaine demeure une entité, un être appelé le Soi ou l'Âme.

Deuxièmement : Ce Soi utilise la forme de l'être humain comme son instrument, ou son moyen d'expression, lequel, par la somme de ses états mentaux et émotifs, se manifestera finalement, utilisant le corps physique comme son mécanisme de fonctionnement sur le plan physique. Finalement, le contrôle de ces moyens d'expression est  provoqué par la loi de Renaissance ou de la Réincarnation. Par le procédé évolutif (poursuivi pendant de nombreuses vies dans un corps physique) le Soi construit graduellement un instrument approprié, à travers lequel il peut se manifester, et qu’il apprend à maîtriser. Ainsi, le Soi ou âme devient réellement créatif, auto-conscient au plus haut sens du terme et actif dans son entourage, manifestant parfaitement sa vraie nature. Finalement, il parvient à la complète libération de la forme, de la servitude du désir et de la domination de l'intellect. Cette émancipation finale et le transfert du centre de la conscience du royaume humain au royaume spirituel, qui en est la conséquence, sont hâtés par une éducation spécialisée faisant usage du procédé de la méditation, qui est surimposé à un intellect largement et sagement cultivé.

Le résultat de cet entraînement individuel intense a été spectaculaire à l'extrême. La méthode orientale est la seule qui ait produit les Fondateurs de toutes les religions, car toutes sont d'origine asiatique. Elle est responsable de ces Saintes Écritures du Monde, qui ont conditionné les pensées des [42] hommes, et de la venue des Sauveurs de la Race : Bouddha, Zoroastre, Shri Krishna, le Christ et d'autres. Ainsi, comme résultat de cette technique particulière, l'Orient a produit toutes les Grandes Individualités qui ont donné le ton propre à leur époque, qui ont donné l'enseignement nécessaire au développement de l'Idée-de-Dieu dans le mental des hommes, et ainsi ont fait avancer l'humanité dans la voie de la perception spirituelle. Le résultat exotérique de leur vie  peut se voir dans les grandes religions organisées.

Dans l'entraînement des individus hautement développés, les masses ont été négligées en Asie, et, par conséquent, le système sous l'angle du développement de la race, laisse beaucoup à désirer. Le défaut du système est le développement de tendances visionnaires et peu pratiques. Le mystique est souvent incapable de faire face aux circonstances, et quand on insiste uniquement sur le côté subjectif de la vie, le bien-être physique de l'individu et de la race est négligé, méconnu. Les masses sont abandonnées à la lutte dans l'ignorance, la maladie, la malpropreté, d'où ces conditions déplorables que l'on trouve dans tout l'Orient, parallèlement à la plus haute illumination spirituelle d'une élite favorisée.

En Occident, c'est l'inverse qui a lieu. Le subjectif est ignoré et regardé comme hypothétique, et les prémisses sur lesquelles notre culture est basée sont les suivantes : Premièrement : il y a une entité appelée l'être humain, qui possède un intellect, une série d'émotions, et un appareil de réponse par lequel il [43] est mis en contact avec son entourage. Deuxièmement : de la qualité de son bagage et de son état d’esprit, ainsi que des caractéristiques des circonstances de son environnement, dépendront sa force de caractère et son tempérament. Le but de la méthode d'éducation appliquée en bloc et sans discrimination est de le rendre physiquement apte, mentalement alerte, de lui fournir une mémoire bien entraînée, des réactions contrôlées, un caractère affirmé, de manière à ce qu'il soit un membre utile de la société, un facteur contributif au sein des instances économiques. Son intellect est  considéré comme un entrepôt où sont emmagasinés les faits communiqués et la préparation donnée à chaque enfant a pour but de faire de lui un membre utile de la société, autonome et décent. Le résultat de ces prémisses est à l'opposé de l'Oriental. Nous n'avons aucune culture spécifique, susceptible de produire des Figures mondiales, telles que celles produites par l'Asie ; mais nous avons élaboré un système d'éducation collective et développé des groupes de penseurs. D'où nos universités, nos écoles, publiques ou privées. Celles-ci impriment leur marque sur des millions d'hommes, les standardisent, les préparent de telle sorte qu'un produit humain en résulte, possédant un savoir uniforme, un certain fonds de faits stéréotypés et quelques notions. Cela signifie que nous n'avons plus la déplorable ignorance que nous trouvons en Asie, mais un niveau assez élevé de connaissance généralisée. Cela a produit ce que nous appelons la civilisation avec ses richesses en livres, ses nombreuses sciences. Ce qui a conduit à l'investigation scientifique de l'homme et (à la crête de la vague de l'évolution humaine) aux grands Groupes en opposition aux grandes Individualités. Ces contrastes [44] peuvent être résumés grosso modo de la manière suivante :

 

OCCIDENT

ORIENT

Groupes

Individus

Livres

Bibles

Connaissance

Sagesse

Civilisation objective

Culture subjective

Développement mécanique

 Développement mystique

Standardisation

Particularisme

Éducation collective

Entraînement spécialisé

Science

Religion

Développement de la mémoire

Méditation.

Investigation

Réflexion.

 

Cependant, la cause est la même : une méthode d'éducation. Les deux procédés sont fondamentalement corrects ; pourtant, ils ont besoin de se compléter l'un l'autre. L'éducation des masses en Orient conduira à la rectification de leurs problèmes matériels dont la solution est urgente. En Asie, un vaste système général d'éducation, atteignant les masses populaires illettrées, est d'une nécessité pressante. En Occident, la culture de l'individu, complétée par une culture de l'âme suivant la technique venue d'Orient, sauvera notre civilisation en train de se détruire rapidement. L'Orient a besoin du Savoir et de l'Instruction ; L'Occident a besoin de la Sagesse et de la technique de la méditation.

Quand ce système scientifique et culturel sera appliqué  à nos individus hautement éduqués, il produira ce groupe [45] d'hommes qui réuniront les réalisations des deux hémisphères et relieront les domaines subjectif et objectif. Ils agiront comme les pionniers du Nouvel Âge, alors que les hommes seront des personnes d’activités et de praticité, les pieds solidement ancrés à la terre et, en même temps, des mystiques et des voyants, vivant aussi dans le monde de l'Esprit et faisant preuve, dans la vie de tous les jours, d'inspiration et d'illumination. Pour susciter ces conditions et produire ce groupe de mystiques qui sauvera finalement le monde, deux choses sont nécessaires : des intellects préparés  s’appuyant sur une vaste culture générale (ce que notre système occidental procure), à quoi s’ajoute une connaissance spirituelle de la divinité inhérente, l'âme, connaissance obtenue par le système oriental de la méditation. Notre plus grand besoin, en Occident, provient de ce que nous ne reconnaissons pas l'âme et la faculté de l'intuition qui, a son tour, conduit à l'illumination. Dans la préface de son  très précieux et savant ouvrage « Dieu et la Liberté », feu le professeur Luzzatti, premier ministre italien écrivait : "L'on remarque partout que la croissance de  l’emprise de l'homme sur lui-même ne tient pas le rythme de l’emprise de l'homme sur la nature."[11] Il est essentiel que le monde occidental perfectionne ses systèmes d'éducation de telle sorte qu'ils aboutissent à la conquête de cette emprise sur nous-mêmes.

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[1] Jones Rufus M., The need for a spiritual element in education. World Unity Magazine, octobre 1928.

[2] Carr H. Wildon, Philosophy of Change, p. 21.

[3] Dibblee Binney George, Instinct and Intuition, p.128.

[4] Randall John Hermann, Education et Religion, World Unity Magazine, octobre 1928.

[5] Dâs Bhagavân, The Unity of Asiatic Thought, i.e. Of all Religions p.12.

[6] Keyserling count Hermann, Creative Understanding, pp. 257, 216-217.

[7] Martin Everett Dean, The Meaning of a liberal Education, p. VIII. Préface.

[8] Whitman Walt, Leaves of Grass.

[9] Overstreet H. A., The Enduring Quest, p. 114.

[10] Morgan C. Lloyd, Life, Mind and Spirit, p. X. Préface.

[11] Luzzatti Luigi, God and Freedom.