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LIVRE III L’UNION REALISEE ET SES RESULTATS - Partie 6

48. Résultant de cette perfection survient une rapidité d'action semblable à celle du mental, la perception indépendante des organes et la maîtrise sur la substance racine.

Nous avons considéré les nombreux résultats du processus [353] de la méditation lorsqu'il est porté à sa perfection, et nous atteignons maintenant un autre point culminant. Le voyant a achevé la réalisation du processus d'alignement. Son triple soi personnel a été purifié, ajusté et placé sous contrôle. Chacun de ses trois corps vibre à l'unisson de la note de l'égo ou soi supérieur qui, à son tour, est en voie de synchronisation avec la Monade ou soi divin, l'esprit sur son propre plan. Le grand "Fils du Mental", le penseur sur les niveaux supérieurs du plan mental, est maintenant le facteur dominant et le résultat de cette domination est triple, chaque effet se manifestant sur tous les plans, bien que principalement sur l'un ou l'autre d'entre eux. Les résultats sont les suivants :

1. La rapidité d'action semblable à celle du mental. L'expression "rapide comme la pensée" est souvent employée lorsqu'on veut caractériser une rapidité intense. En ce qui concerne le yogi, ses actes sur le plan physique sont tellement synchronisés avec ses processus de pensée, ses décisions sont si instantanées et ses buts si rapidement atteints, que sa vie sur le plan physique se caractérise par une activité saisissante et des résultats des plus surprenants. On peut dire de lui, dans le même ordre, ce qu'il est dit du Créateur : "Dieu médita, visualisa, parla, et les mondes furent faits."

2. La perception indépendante des organes. L'adepte n'est pas dépendant des organes des sens pour l'acquisition de la connaissance, pas plus qu'il ne dépend du sixième sens, le mental.

 Chez lui, l'intuition a été développée jusqu'à devenir un instrument utilisable et il jouit du privilège et du droit de se [354] saisir directement de toute connaissance, indépendamment de la faculté raisonnante ou du mental rationnel. Il ne lui est plus nécessaire d'employer le mental pour saisir la réalité, ni les sens comme moyens de contact. Il les utilisera tous les six, mais d'une manière différente. Le mental sera employé en tant que transmetteur au cerveau ; des souhaits, plans et desseins du Maître unique, le Christ intérieur. Les cinq sens transmettront les différents types d'énergie aux objectifs choisis, et ouvriront par là un vaste champ d'étude à l'investigateur qui s'y intéressera. L'œil est l'un des plus puissants transmetteurs d'énergie, et c'est la connaissance de ce fait qui, dans le temps passé, suscita la croyance au mauvais œil. Il y a bien des choses à découvrir au sujet de la vue, car cette étude embrassera non seulement la vision physique, mais encore le développement du troisième œil, de la clairvoyance, de la parfaite vision spirituelle, et jusqu'à ce mystère inconcevable que désignent les expressions l' "Œil-qui-voit-tout" et l' "Œil-de-Shiva".

Les mains sont un facteur puissant dans tout le travail magique de la guérison, et l'utilisation du sens du toucher est une science ésotérique. La sublimation du sens de l'ouïe et son emploi dans l'audition de la Voix du Silence ou la musique des sphères, est un compartiment de l'enseignement occulte de la plus profonde portée, et les adeptes qui se sont spécialisés dans la science de la vue et la science du son comptent parmi les plus érudits et avancés de la hiérarchie.

Les autres sens sont aussi capables de développements profonds, [355] mais ils sont singulièrement cachés dans les mystères de l'initiation, et il n'est pas possible d'en dire ici plus long à leur sujet. Les trois sens de l'ouïe, du toucher et de la vue sont les trois caractéristiques des trois races humaines et des trois plans dans nos trois mondes.

1. L'ouïe

Lémurienne

Plan physique

Oreille

Réaction au son.

2. Le toucher

Atlantéenne

Plan astral

Peau

Réaction au toucher ou à la vibration.

3. La vue

Aryenne

Corps mental

Œil

Réaction à la vision.

Ce troisième sens intéresse essentiellement notre race ; d'où le mot du prophète : "Où il n'y a pas de vision, le peuple périt." Le développement de la vue et la réalisation de la vision intérieure spirituelle constituent le grand objectif de notre race et l'objectif de tout le travail de Raja Yoga. Le mystique peut l'appeler "illumination" et l'occultiste "pure vision", mais c'est une seule et même chose.

Les deux autres sens sont encore voilés ; leur véritable signification se dévoilera au cours des sixième ou septième races, qui doivent succéder à la nôtre, et c'est aux plans bouddhique ou intuitif, et atmique ou spirituel, qu'ils sont véritablement reliés.

3. La Maîtrise sur la substance racine. Cette substance racine est la pradhana ; elle est parfois nommée la racine de tout, la substance primordiale et la matière racine. Dans sa traduction et son commentaire, Rama Prasad s'exprime en ces termes : "La maîtrise sur le Pradhana signifie le pouvoir [356] de placer sous contrôle toutes les modifications de la Prakriti. Ces trois réalisations... s'obtiennent par la conquête sur l'apparence que revêt la substance des cinq instruments de sensation."

Il est intéressant de noter que ces trois réalisations constituent la démonstration :

a. De l'impossibilité qu'ont la matière et la forme à garder captif le yogi.

b. De l'impuissance de la substance à empêcher le yogi de connaître, s'il le désire, quelque aspect que ce soit de la manifestation.

c. De l'incapacité qu'a la matière à faire échec à la volonté du yogi.

Ces trois facteurs expliquent comment il se fait que l'adepte puisse créer au gré de sa volonté et pourquoi sa liberté, exempte des limitations de la matière, constitue la base de toute la magie blanche.

On pourrait noter pour conclure que cette capacité est en elle-même relative, car c'est dans les trois mondes de l'entreprise humaine que l'adepte est libéré de la limitation. Le Maître a une parfaite liberté d'action dans les trois mondes et, de plus, dans le domaine bouddhique ; alors que le Christ et ceux qui ont passé par une initiation similaire, possèdent cette liberté dans les cinq mondes de l'évolution humaine.

49. L'homme qui peut faire une discrimination entre l'âme et l'esprit atteint la suprématie sur toutes conditions et devient omniscient.

L'état de l'homme qui réalise ceci a été bien décrit dans le commentaire de

Charles Johnston sur ce sutra, et la beauté [357] de sa pensée apparaîtra si l'on étudie le texte suivant :

"L'homme spirituel s'est empêtré dans le réseau des émotions : désir, peur, ambition, passion, et il est paralysé par les formes mentales de la séparation et du matérialisme. Quand ces mailles sont rompues et ces obstacles entièrement surmontés, l'homme spirituel se tient alors debout – fort, puissant et sage – dans son propre monde élargi. Il use des pouvoirs divins avec une compétence et une énergie divines et travaille côte à côte avec des Compagnons divins. À un tel homme il est dit : "Maintenant, tu es un disciple, capable de te tenir debout, capable d'entendre, capable de voir, capable de parler ; tu as vaincu le désir et atteint à la connaissance du soi ; tu as vu ton âme en son épanouissement, tu l'as reconnue et tu as entendu la voix du silence."

La merveilleuse synthèse de l'enseignement n'est nulle part plus apparente que dans ce sutra, car le point atteint ici est d'un ordre encore supérieur à celui dont il est question dans le Livre II, Sutra 45 ; et tient le milieu entre la condition indiquée ici et celle dont traite le Livre IV, Sutras 30 à 34.

Dans le Livre I, Sutra 4, nous trouvons l'homme réel pris dans les mailles de la nature psychique, sa lumière intérieure étant voilée et cachée. En apprenant à distinguer entre le vrai soi et le soi personnel intérieur, il s'en dépêtre, la lumière qui est en lui apparaît et il est libéré. Ayant réalisé la libération, développé les pouvoirs de l'âme et atteint la maîtrise, il voit s'ouvrir devant lui un champ d'expérience et de réalisation plus large et vaste encore. Il peut commencer à élargir sa [358] conscience, du planétaire au solaire, et la conscience de groupe peut s'épanouir en conscience divine.

Le premier pas qui y mène est indiqué dans le sutra que nous considérons ici, qui est traité plus à fond et auquel il est fait de plus amples allusions dans le dernier livre. Les règles concernant cette expansion ne sont pas données, car elles concernent le développement du Maître et l'épanouissement du Christ en l'état d'être plus haut, qui pour lui est possible ; mais le Livre IV touche aux stades préparatoires et fait allusion à des possibilités ultérieures.

Il est question ici de l'exigence fondamentale : la discrimination entre l'âme, le Christ intérieur, et l'aspect esprit ou Père. L'activité intelligente, basée sur un épanouissement de la nature d'amour, a été mise en œuvre. L'aspect esprit ou volonté peut maintenant se développer en toute sécurité, et le pouvoir peut être remis entre les mains du Christ.

Trois termes servent à faire la lumière sur ce processus d'épanouissement.

 La première grande chose que doive accomplir l'aspirant consiste à prendre conscience de l'omniprésence ; il doit se rendre compte de son unité avec tout, et du fait que son âme est une avec toutes les autres âmes. Il doit trouver Dieu dans son propre cœur et dans chaque forme de vie. Puis, en tant qu'initié, il arrive à l'omniscience ou toute-connaissance, et les Salles de l'Enseignement et de la Sagesse lui dévoilent leurs secrets. Il devient un Christ, connaissant toutes choses, averti de ce qui se trouve dans le cœur du Père et dans le cœur des hommes. Finalement, il peut en dernier lieu réaliser l'omnipotence ou tout- pouvoir, lorsque les clés du Ciel seront remises au Fils de l'Homme et que tout pouvoir sera sien. [359]

50. Par l'attitude impassible à l'égard de cette réalisation et à l'égard de tous les pouvoirs de l'âme, celui qui s'est délivré des semences de la servitude atteint l'état d'unité isolée.

L'unité isolée dont il est question ici est constituée par la séparation complète de tous les aspects de la forme et la réalisation de l'Unification spirituelle. C'est le retrait de la conscience matérielle, un état où la vie se situe dans la conscience spirituelle. C'est l'harmonie avec l'esprit et l'absence d'harmonie avec la matière. Cela implique l'identification avec le Père dans les Cieux et une compréhension véritable de la parole du Maître de tous les Maîtres : "Moi et Mon Père sommes un."

Un sens correct des valeurs a été établi et les pouvoirs développés, ainsi que les perceptions obtenues, sont considérés comme ayant en eux les "semences de servitude", et le véritable yogi ne s'en préoccupe pas. Dans le service, il percevra à volonté ce qui lui est nécessaire ; dans le service, il emploiera à volonté les pouvoirs occultes ; mais il restera lui-même détaché et libéré de toutes limitations karmiques.

51. Il devrait y avoir refus total de toutes les séductions de toutes les formes de l'être, même des formes célestes, car une récidive des mauvais contacts reste possible.

La traduction de Rama Prasad est clairement explicite et il sied de la citer ici. La voici :

"Quand les déités qui président font signe, il ne devrait [360] pas y avoir d'attachement et pas de sourire de satisfaction, le contact avec l'être indésirable étant de nouveau possible."

L'interprétation de Dvidedi donne encore un autre point de vue :

"Il devrait y avoir expulsion totale de plaisir ou orgueil, lors des invites faites par les pouvoirs de divers lieux, car il y a une possibilité de récidive du mal."

Le yogi ou disciple a réalisé son objectif. Il s'est libéré (par l'impassibilité et la discrimination) des entraves de la forme et se tient debout, libre et affranchi. Mais il doit être sur ses gardes, car : "Que celui qui pense être debout prenne garde qu'il ne tombe." La vie de la forme toujours lui fait signe et les séductions de la grande illusion sont toujours présentes. L'âme émancipée doit détourner les yeux de l'invite que font les "déités qui président" (ces vies qui, dans les trois mondes, forment la somme de la vie des plans) et les fixer sur les aspects plus spirituels qui constituent la vie de Dieu Lui-même.

Jusque dans le domaine de l'âme elle-même, et dans ce qu'on nomme la "Voix des Dieux", on découvre, à l'état latent, les semences de l'attachement ; en conséquence, le Fils de Dieu, le Christ en manifestation, se détournant de tous ses gains et laissant derrière lui toute pensée concernant les perfections acquises et les pouvoirs développés, se hâte à nouveau vers un but plus haut. À chaque étape sur le sentier, l'injonction retentit : "Oubliant ce qui est en arrière, et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but." (Phil. III, 13) [1]et [361] chaque nouvelle initiation ne fait que marquer le début d'un nouveau cycle d'efforts.

Les commentateurs de ce sutra soulignent qu'il y a quatre classes de chelas ou disciples, qui sont :

1. Ceux dont la lumière commence tout juste à briller. Ils sont appelés les "observants de la pratique" ; ce sont ceux qui viennent d'entrer sur le Sentier. Ils sont les novices, les aspirants.

2. Ceux dont l'intuition s'éveille et qui font preuve d'un développement correspondant du pouvoir psychique. C'est un stade qui présente un grand danger, car de tels disciples sont susceptibles de se laisser séduire par les possibilités de pouvoir que confère la possession des facultés psychiques. Ils sont enclins à se leurrer et à considérer le pouvoir psychique comme un indice de croissance et de développement spirituels. Ce n'est pas le cas.

3. Les disciples qui ont surmonté toutes les séductions des sens et ne se laissent pas abuser par l'aspect forme dans les trois mondes. Ils ont conquis les sens et vaincu la nature de la forme.

4. Ceux qui ont passé au-delà de tout ce qui précède et se tiennent fermes dans la véritable conscience spirituelle. Ce sont les illuminés, qui ont progressé à travers les sept stades de l'illumination. Voir Livre II, Sutra 27.

Si l'étudiant veut bien étudier maintenant dans le Livre III, le sutra 26 et le commentaire qui en est fait, il aura quelque idée de la nature de ces mondes de la forme et de leurs déités qui président, dont les voix cherchent, par leur séduction, à détourner l'aspirant du sentier pour l'entraîner dans le monde de l'illusion. Il trouvera intéressant, également, d'opposer et de comparer les quatre premières classes d'esprits qui [362] y sont énumérées, avec ces quatre types de disciples. Toute chose, dans les trois mondes, est un reflet de ce qui se trouve dans les domaines célestes et on tirera un grand profit de la compréhension du grand aphorisme hermétique : "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas." Ce reflet est ce qui constitue le mal ; l'aspect opposé de la réalité forme la grande illusion, et les fils de Dieu n'ont pas à s'en préoccuper. Cela les concerne, du fait que cela représente le mal par rapport à eux, mais en aucun autre sens. Les formes de la vie dans ces mondes, et les vies qui animent ces formes, sont en elles-mêmes bonnes et justes et suivent leur propre sentier évolutif, mais leur objectif immédiat et leur état de conscience ne sont pas synchronisés avec ceux du disciple en évolution, qui ne doit donc pas avoir de commerce avec elles.

52. La connaissance intuitive se développe par l'usage de la faculté de discrimination lorsqu'il y a concentration totale sur les moments et leur succession continue.

Il a été dit qu'une parfaite compréhension de la loi des Cycles porterait l'homme à un haut degré d'initiation. Cette Loi de Périodicité est sous-jacente à tous les processus naturels et son étude conduirait l'homme, hors du monde des effets objectifs, dans celui des causes subjectives. Il a aussi été dit que le temps lui-même n'est qu'une simple succession d'états de conscience et c'est aussi vrai d'un atome que d'un homme ou d'un Dieu. C'est cette vérité qui est à la base des grands mouvements de la Science mentale et de la Science chrétienne [363] en Occident, ainsi que de plusieurs philosophies orientales. Ce sutra donne la clé des relations existant entre la matière et le mental, ou entre la substance et l'âme informatrice ; on peut s'en rendre compte en lisant le texte suivant d'un commentateur hindou. Il dit :

"De même qu'un atome est une substance en laquelle l'exiguïté atteint sa limite extrême, ainsi un moment est une division du temps en laquelle l'exiguïté atteint sa limite extrême. Ou : un moment est le laps de temps qu'il faut à un atome pour quitter la situation qu'il occupe dans l'espace et atteindre le point suivant. La succession des moments est la continuité de leur apparence."

Quand nous pouvons nous rendre compte qu'un atome et un moment sont une seule et même chose et qu'à leur arrière-plan réside le Réalisateur ou Connaisseur de l'un et l'autre, nous aurons trouvé la clé de tous les états par lesquels passe la conscience elle-même, ainsi que de la nature de l'énergie. Nous aurons atteint également à la véritable compréhension de l’Éternel Maintenant et à la juste appréciation de la signification du passé, du présent et du futur. Il nous est dit ici qu'on peut l'acquérir par la méditation concentrée sur le temps et ses unités.

Il pourrait être opportun ici de souligner que les diverses sortes de concentration traitées dans ce troisième livre, ne sont ni applicables ni appropriées à tous les types d'aspirants. Il se trouve que les hommes existent selon sept types principaux ayant des caractéristiques distinctes et des qualités déterminées qui les prédisposent à certains aspects particuliers du Sentier du Retour. Certains types ayant un penchant pour les mathématiques, ainsi qu'une disposition à la géométrie divine et à des conceptions s'appliquant à l'espace et au temps, agiront [364] sagement s'ils suivent la méthode de développement de la connaissance intuitive dont il est question dans ce sutra ; d'autres y éprouveront de grandes difficultés et se tourneront judicieusement vers d'autres formes de méditation concentrée.

53. De cette connaissance intuitive est née la capacité de distinguer (entre tous les êtres) et de s'instruire de leurs genres, de leurs qualités et de leur situation dans l'espace.

On pourra obvier à la difficulté de ce sutra en donnant ici une paraphrase assez libre :

"Le développement de l'intuition fera surgir la connaissance exacte des sources de la vie manifestée, de ses caractéristiques ou qualités, et de la situation qu'elle occupe dans le tout."

À travers tous les Yoga Sutras, il apparaît que les triades divines se trouvent partout et que chaque forme enrobant l'âme d'une vie (et rien d'autre n'existe en manifestation) doit être reconnue comme :

1. Vie. La vie de Dieu émane de sa source en sept courants, émanations ou "souffles", et chaque forme, dans le monde objectif, est l'expression d'une vie, s'exhalant sur l'un ou l'autre de ces courants. Le développement de l'intuition permet au voyant de connaître la nature de la vie qu'est l'atome. C'est à cela que se rapporte le mot "genres". L'occultiste moderne pourrait préférer le mot "rayon" et le Chrétien celui de "pneuma" ou esprit ; mais l'idée est la même.

2. Conscience ou âme. Toutes ces formes vivantes de la vie divine sont conscientes, même si tous les états de conscience ne sont pas semblables, mais vont de la vie de l'atome [365] ou substance, quelque limitée et circonscrite qu'elle puisse être, jusqu'à celle d'un Logos solaire. L'état de réaction consciente de toutes formes à leur entourage exotérique et invisible, produit leurs caractéristiques diverses, plus la différence provenant :

a. du rayon.

b. du plan de manifestation.

c. du taux de vibration.

d. du point de développement.

et ces caractéristiques forment la qualité dont il est question dans ce sutra. C'est là l'aspect subjectif, contrastant avec l'aspect objectif, et ayant trait à l'essence.

3. La forme ou le corps. C'est l'aspect exotérique, qui émerge du subjectif en tant que résultat d'une impulsion spirituelle. La situation dans l'espace est la partie du corps de l'Homme céleste en laquelle tout atome ou forme est localisée. Il faut se rappeler ici que, pour l'étudiant en occultisme, "l'espace est une entité" (La Doctrine secrète, I. 583) et que cette entité est une seule et même chose que le Christ cosmique, le "corps du Christ", auquel se réfère saint Paul dans I Cor. XII.

Dans ce sutra, il est en conséquence apparent que le yogi libéré ayant développé l'intuition, peut savoir toutes choses sur toutes les formes de vie, ce qui implique la connaissance de ce qui suit :

1. Genres

2. Qualité

3. Situation dans l'espace

Rayon.

Caractère.

Endroit dans le corps de l'Homme céleste.

Esprit.

Âme.

Corps.

Aspect vie

Conscience.

Forme

Essence.

Nature subjective

Forme objective

[366]

À cet homme – celui-qui-connaît – nous pouvons appliquer les paroles de l'instructeur dont les ouvrages se trouvent dans les archives de la Loge :

"Pour lui qui se tient devant l'Étincelle, la flamme et la fumée sont également visibles. Pour lui, l'ombre voile le reflet et la lumière est cependant visible.

Pour lui, le tangible ne fait que démontrer l'intangible et tous deux révèlent l'esprit ; tandis que la forme, la couleur et le nombre prononcent tout haut le mot de Dieu."

54. Cette connaissance intuitive, qui est la grande libératrice, est omniprésente et omnisciente et inclut le passé, le présent et le futur dans l'éternel maintenant.

La seule chose qui, dans ce sutra ne soit pas claire, même pour le lecteur superficiel, est le sens des mots Éternel Maintenant, qu'il n'est pas possible de saisir, à moins que la conscience de l'âme n'ait été développée. Dire que le temps est une succession d'états de conscience, que le présent est instantanément perdu dans le passé et enfoui dans le futur sitôt expérimenté, n'apportera pas grand-chose à l'étudiant moyen. Dire qu'il est un temps où la vie se perd dans la vision et où il est pris conscience de la somme des prévisions de la vie en un seul instant de réalisation qui persiste à jamais ; désigner un état de conscience dans lequel il n'y a ni déroulement d'événements ni succession dans les perceptions de la conscience, tout cela semble dit en un mystérieux langage. Cependant, cela est et cela sera. Quand l'aspirant a atteint son but, il sait quel est le véritable sens de son immortalité et la vraie [367] nature de sa libération. L'espace et le temps deviennent pour lui des termes vides de sens. La seule véritable Réalité est vue comme étant la grande force vitale centrale, restant inchangée et stable au centre des formes temporelles évanescentes.

"Je suis", dit l'unité humaine ; se considérant comme étant elle-même le soi, elle s'identifie avec la forme changeante. Le temps et l'espace sont pour elle les véritables réalités. "Je suis cela", dit l'aspirant, et il cherche à se connaître tel qu'il est réellement ; un mot vivant, partie constituante d'une phrase cosmique. L'espace n'existe plus pour lui ; il se sait omniprésent. "Je suis ce que Je suis" dit l'âme affranchie, l'homme libéré, le Christ. Le temps ni l'espace n'existent plus pour lui ; l'omniscience comme l'omniprésence sont ses qualités distinctives.

Dans son commentaire de ce sutra, Charles Johnston cite saint Columba et écrit :

"Il en est quelques-uns, bien que fort peu, à qui la grâce divine a accordé ceci : ils peuvent voir clairement, très distinctement et dans le même moment, comme sous un seul rayon de soleil jusqu'au circuit total du monde tout entier avec sa ceinture d'océans et de ciel – la partie la plus profonde de leur mental étant merveilleusement amplifiée."

Il pourrait être utile également de citer ici le bref commentaire de Dvidedi ; il y est bien à sa place, car la réalisation de cet état de conscience y est résumée avec concision :

"Dans l'aphorisme 23 de cette section, nous avons déjà décrit la nature de taroka-jnana, la connaissance qui délivre [368] des attaches du monde. La connaissance sélective décrite ici a pour résultat taraka, la connaissance qui constitue la fin et le but du yoga. Elle se rapporte à tous les objets, depuis le pradhana (esprit-matière, A.A.B.) jusqu'aux bhutas (éléments, formes, A.A.B.), ainsi qu'à tous les états de ces objets. De plus, elle produit la connaissance simultanée de toutes choses et elle est totalement indépendante des règles ordinaires de la cognition. Elle est donc la plus haute connaissance que puisse désirer le yogi et l'indice certain de Kaivalya (état d'unification absolue, A.A.B.) qui sera décrit dans l'aphorisme suivant comme étant son résultat."

55. Quand les formes objectives et l'âme ont atteint une condition d'égale pureté, l'unification est alors réalisée et la libération en résulte.

Ce qui voile la lumière de l'âme a été purifié ; ainsi, la lumière de Dieu afflue. Ce qui constituait une entrave et un obstacle à la pleine expression de la divinité en manifestation a été ordonné en vue d'être maintenant employé comme moyen d'expression et de service. L'âme peut à présent fonctionner librement et intelligemment dans les trois mondes, car l'unité parfaite a été atteinte entre l'homme inférieur et l'homme supérieur.

L'âme et ses véhicules forment une unité et sont à l'unisson ; l'alignement complet des corps a été réalisé et le Fils de Dieu peut fonctionner librement sur terre. Le grand objectif a ainsi [369] été atteint et, par l'observation des huit moyens de yoga, l'âme peut se manifester à travers l'homme inférieur triple et constituer à son tour un moyen d'expression pour l'esprit. La matière a été portée à un état où sa vibration peut être synchronisée avec celle de l'âme et il en résulte que l'esprit peut pour la première fois faire sentir sa présence, car la matière est le véhicule destiné à la manifestation de l'âme sur ce plan d'existence et l'âme est le véhicule destiné à la manifestation de l'esprit sur une spire supérieure de la spirale. Ils forment à eux trois une trinité synthétisée par la vie qui les imprègne tous. Pour l'homme qui a atteint le but, il n'est plus de renaissance. Il est libre et affranchi et peut dire, en pleine conscience, ce que signifient ces mots :

"Ma vie (la vie physique inférieure) est cachée en Dieu (l'esprit) avec le Christ (la vie de l'âme)." (Col. III, 3)

[372]

 

[1] Texte de la Bible de Jérusalem. (N.d.l.t.)